EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à se prononcer sur la proposition de loi portant réforme de la garde à vue présentée par Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Lors de l'examen de la proposition de loi présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs membres du groupe RDSE, tendant à assurer l'assistance immédiate d'un avocat aux personnes placées en garde à vue 1 ( * ) , le 24 mars 2009, le Sénat, suivant la proposition de votre commission, avait adopté une motion de renvoi en commission de ce texte.

En effet, votre commission avait estimé, d'une part, que le texte proposé soulevait des questions délicates sur lesquelles la réflexion devait encore mûrir et, d'autre part, qu'une réforme de la garde à vue pouvait difficilement être appréhendée indépendamment de la réforme de procédure pénale annoncée par le Gouvernement.

La présente proposition de loi appelle des considérations comparables. Elle emporte une modification plus radicale encore du régime de la garde à vue que la proposition de loi n° 208 et suscite à ce titre un grand nombre d'interrogations ; par ailleurs, l'avant-projet de réforme de la procédure pénale est désormais rendu public et un premier projet de loi relatif à la garde à vue pourrait être très prochainement déposé au Parlement, répondant ainsi à l'exigence d'une réforme rapide mais réfléchie du régime de cette mesure.

I. UNE PROPOSITION DE RÉFORME RADICALE

- L' article premier tend à modifier l'article 63 du code de procédure pénale afin de subordonner le placement en garde à vue à une autorisation du procureur de la République pour les infractions passibles d'une peine inférieure à cinq ans d'emprisonnement. En l'état du droit, le placement en garde à vue est décidé par l'officier de police judiciaire qui en informe le procureur de la République. Seule la prolongation de la garde à vue est soumise à une autorisation écrite du procureur de la République. Le régime actuel ne serait ainsi conservé que pour les crimes ou délits punis d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement.

- L' article 2 tend à compléter l'article 63-1 du code de procédure pénale afin de prévoir que la personne est « immédiatement informée de son droit de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées ». La notification à la personne gardée à vue de son droit au silence avait été reconnue par la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence et aux droits des victimes avant d'être atténuée par la loi du 4 mars 2002 2 ( * ) et supprimée par la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure.

- L' article 3 tend à modifier l'article 63-4 du code de procédure pénale afin de renforcer de manière très significative les modalités d'intervention de l'avocat. Il reconnait en premier lieu à la personne gardée à vue le droit d'être assistée par un avocat. Sur ce point, cependant, le texte ne précise pas, contrairement à la proposition de loi présentée par M. Jacques Mézard, que l'audition de la personne est différée jusqu'à l'arrivée de l'avocat. Toutefois, l'avocat serait « avisé par tout moyen de la possibilité d'assister aux interrogatoires de son client, au moins deux heures avant ceux-ci ».

En deuxième lieu, la durée maximale de l'entretien préalable avec l'avocat serait portée de trente minutes à deux heures. Ensuite, l'avocat pourrait accéder au dossier pénal de l'intéressé, la proposition de loi n'apportant que deux tempéraments à cette faculté : la première, de caractère matériel, prévoit la consultation de la procédure sur place ; la seconde donne au procureur de la République la possibilité d'écarter l'application de cette disposition « lorsqu'il ressort des circonstances particulières de l'espèce qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre le droit de l'avocat de consulter le dossier pénal ».

L'intérêt de cette disposition apparait contestable à deux titres : au début de la garde à vue, le dossier comporte a priori peu d'éléments intéressant la défense ; ensuite, l'avocat pouvant assister aux interrogatoires, la consultation de la procédure ne paraît pas répondre à une vraie nécessité.

Enfin, la proposition de loi propose la suppression des régimes dérogatoires retardant l'entretien avec l'avocat pour les infractions liées à la criminalité organisée et au terrorisme.

- Les articles 5 et 6 prévoient des dispositions spécifiques pour les mineurs : dès le début de la garde à vue, d'une part, le mineur serait examiné par un médecin désigné par le procureur de la République ou le juge chargé de l'information afin de se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde à vue -en l'état du droit, cette garantie est réservée aux mineurs de seize ans-, d'autre part, il serait -comme le texte le propose pour les majeurs- assisté d'un avocat.

* 1 Rapport n° 327 (2009-2010) au nom de la commission des lois par M. François Zocchetto sur la proposition de loi tendant à assurer l'assistance immédiate d'un avocat aux personnes placées en garde à vue (voir les débats en séance publique du 24 mars 2010 ) .

* 2 Loi n° 2002-307 modifiant la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

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