2. Un champ d'application circonscrit
De ses échanges avec les représentants du corps médical, votre rapporteur retient au moins quatre points d'accord :
- le traitement anti-hormonal n'est en aucun cas une sanction mais un véritable soin. Comme l'a indiqué le docteur Bernard Cordier, il apporte un soulagement effectif et rapide à des patients confrontés à des conflits intérieurs très violents. L'utilisation de l'expression « castration chimique » est non seulement totalement inadéquate -puisque les effets du traitement hormonal sont temporaires et réversibles- mais aussi particulièrement inopportune dans la mesure où elle peut dissuader les personnes susceptibles de justifier d'un tel traitement d'y recourir ;
- en tout état de cause, ces médicaments ne s'adressent qu'à un nombre limité de délinquants sexuels . Selon le professeur Jean-Louis Senon, ils ne seraient indiqués que pour les pédophiles extrafamiliaux à tendance homosexuelle et réitérants -soit à 3 à 5 % du nombre d'auteurs d'infractions sexuelles. Le docteur Cordier estime pour sa part que cette indication n'est pertinente que pendant certaines périodes « sensibles » par exemple la libération de la personne détenue ;
- le traitement anti-androgène n'est vraiment adapté qu' après la sortie de détention : d'une part ses avantages -une efficacité immédiate mais limitée dans le temps pour la maîtrise des pulsions- seraient d'un intérêt modeste tant, du moins, que l'intéressé ne bénéficie pas d'un aménagement de peine ; d'autre part, il produit aussi des effets secondaires qui, s'il était administré trop tôt, peuvent rendre plus délicate sa mise en oeuvre à plus long terme ;
- la prescription de tels traitements doit relever exclusivement du médecin traitant . Elle ne saurait relever de l'expert -en particulier au stade présentenciel alors que le traitement n'est réellement pertinent qu'à l'issue de la détention- et encore moins du magistrat. En revanche, pour le docteur Bernard Cordier, le médecin traitant s'il ne prescrit pas ce traitement pour un patient pour lequel il est indiqué, manque à l'obligation de moyens à laquelle il est tenu en vertu de la déontologie médicale et engage sa responsabilité.
Ces traitements apparaissent ainsi utiles mais ils ne pourront sans doute jamais constituer qu'un des éléments possibles de la prise en charge des auteurs d'infractions sexuelles. Pour le professeur Jean-Louis Senon, la récidive résulte le plus souvent d'une rupture du suivi social et éducatif qui lui apparaît encore plus fondamentale peut-être que le traitement médicamenteux ou la psychothérapie. M. Alain Boulay, président de l'association d'aide aux parents d'enfants victimes, a plaidé dans le même sens en soulignant que le suivi socio-judiciaire ne devait pas se résumer à l'injonction de soins. Il a ainsi souhaité que le tissu social destiné à encadrer la personne puisse être étoffé. Selon votre rapporteur, le recours au traitement antihormonal ne permettra pas de faire l'économie d'un renforcement des moyens humains pour assurer ce suivi, en particulier au moment clef de la libération et des mois qui la suivent.