EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 27 janvier 2009

La commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, à l' examen de la proposition de résolution européenne 159 (2009-2010), en application de l'article 73 quinquies du Règlement, présentée par M. Louis Mermaz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, portant sur la protection temporaire

Constatant que la proposition avait pour finalité la mise en oeuvre du mécanisme de la protection temporaire, institué par une directive de 2001, au bénéfice des réfugiés afghans, M. Pierre Fauchon , rapporteur, a estimé que les règles dans le domaine de l'asile restaient minimales, même si elles s'appuient sur une compétence communautaire. Il a relevé que la présidence française de l'Union européenne avait toutefois permis d'avancer sur le sujet, avec notamment la présentation du premier « paquet asile » fin 2008. Un second « paquet asile » a été présenté fin 2009.

Il a rappelé que la directive relative à la protection temporaire a été conçue à la lumière de l'expérience européenne dans les Balkans dans les années 1990, et notamment du problème des réfugiés du Kosovo.

Il a évoqué les travaux de la commission des affaires européennes, sur le rapport de M. Hubert Haenel, président de la commission, qui concluaient que les critères permettant l'attribution de la protection temporaire n'étaient pas remplis.

M. Pierre Fauchon , rapporteur, a fait état de deux objections à l'encontre de la proposition de résolution.

D'une part, ayant donné lecture de l'article 88-4 de la Constitution, il a constaté que la proposition de résolution ne se situait pas dans ce cadre et qu'elle présentait, par conséquent, un problème sérieux de recevabilité. En effet, la proposition ne se fonde ni sur un projet d'acte européen ni sur un document émanant d'une institution de l'Union européenne. Elle n'a pas pour objet de prendre position sur un projet de texte européen, mais elle invite à la mise en oeuvre d'une procédure prévue par une directive.

Il a estimé que cette initiative aurait dû se fonder sur le droit général de résolution de l'article 34-1 de la Constitution, tel qu'il résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

D'autre part, après avoir rappelé la procédure d'attribution de la protection temporaire, M. Pierre Fauchon , rapporteur, a rappelé les trois critères sur lesquels devait se fonder le Conseil pour décider, sur proposition de la Commission, d'attribuer la protection temporaire : les Etats membres de l'Union européenne doivent être confrontés à un afflux massif, actuel ou imminent, de personnes déplacées ; les systèmes d'asile des Etats membres doivent se trouver dans l'incapacité de faire face dans des conditions normales à cet afflux massif ; les personnes déplacées doivent se trouver dans l'impossibilité de retourner dans leur pays d'origine dans des conditions sûres et durables.

Il a rappelé que la protection temporaire ne pouvait s'appliquer que pour une durée limitée de trois ans au plus.

M. Pierre Fauchon , rapporteur, a considéré que l'arrivée sur le territoire de l'Union européenne de ressortissants afghans ne présentait pas le caractère d'un afflux massif, les chiffres n'étant pas du même ordre que ceux concernant les Balkans. Ayant rappelé les statistiques des demandes d'asile présentées en France par des ressortissants afghans, il a estimé que le système d'asile n'était pas dans l'incapacité d'y répondre. Par ailleurs, aucun Etat membre n'a signalé se trouver dans une telle incapacité.

A l'appui de ses propos, il a cité une contribution écrite transmise par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, selon laquelle les critères d'attribution de la protection temporaire ne sont effectivement pas remplis dans le cas des ressortissants afghans. Selon cette contribution, le traitement individuel des demandes de protection, qu'il s'agisse de l'asile ou de la protection subsidiaire prévue par une directive de 2004, reste le moyen le plus adapté d'accueillir les réfugiés afghans en Europe et leur assure au demeurant une meilleure protection.

Concernant le troisième critère, celui de l'impossibilité du retour dans le pays d'origine, M. Pierre Fauchon , rapporteur, a constaté également qu'il n'était pas rempli, quelle que soit l'appréciation que l'on puisse avoir sur les mesures d'éloignement de ressortissants afghans de l'automne 2009.

Pour ces motifs, M. Pierre Fauchon , rapporteur, a proposé à la commission de ne pas adopter la proposition de résolution.

Souhaitant néanmoins élargir le débat, il a proposé à la commission d'émettre le voeu selon lequel le processus d'harmonisation européenne en matière d'accueil et de protection des réfugiés puisse aboutir rapidement, dans l'intérêt des personnes déplacées et des réfugiés.

Si cette harmonisation n'était pas envisageable à brève échéance, il a rappelé l'utilité des coopérations spécialisées qui permettent, sur l'exemple du casier judiciaire européen, d'avancer à plusieurs Etats membres seulement lorsqu'il n'est pas possible d'avancer ensemble pour tous les Etats membres. A cet égard, il a cité les propos tenus par Robert Schuman, lors de sa déclaration du 9 mai 1950 : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait ». A titre d'exemple de coopération spécialisée en matière d'asile, il a cité la possibilité de la mise en place par les Etats volontaires du bureau européen d'appui en matière d'asile, qui est une proposition du « paquet asile » mais qui suscite d'importantes réticences de la part de certains Etats.

M. Jean-Jacques Hyest , président, est revenu sur la question de la recevabilité de la proposition de résolution européenne, estimant à son tour qu'elle n'entrait pas dans le cadre fixé par l'article 88-4 de la Constitution. Il s'est donc interrogé sur la possibilité d'opposer une exception d'irrecevabilité.

Après avoir reconnu la réalité du problème de recevabilité soulevé par le rapporteur, Mme Alima Boumediene-Thiery a estimé que l'attribution de la protection temporaire aux ressortissants afghans était possible, car les critères fixés par la directive de 2001 ne lui apparaissaient pas cumulatifs. Elle a considéré qu'il existait un afflux massif de réfugiés afghans, en raison de la situation de guerre de l'Afghanistan.

De plus, dans le cadre général de la politique d'asile, elle a jugé nécessaire de revoir la liste des pays dits d'origine sûrs et de poser la question des réfugiés climatiques. Elle a insisté sur la nécessité d'adapter les critères de la protection temporaire à des situations urgentes d'une nature nouvelle.

M. Richard Yung a expliqué que la proposition de résolution était fondée sur une proposition de réforme de la protection temporaire, ainsi que cela ressortait de l'amendement déposé sur le texte par le groupe socialiste. Cette proposition, qui a pour but de contribuer au débat, revêt en effet un caractère général.

M. Jean-Jacques Hyest , président, a indiqué à M. Richard Yung qu'il eût été préférable, dans ces conditions, d'utiliser le droit de résolution de l'article 34-1 de la Constitution. M. Richard Yung a répondu que, s'il était soucieux de respecter la Constitution, il rappelait qu'il n'en existait pas moins un véritable problème puisque la directive de 2001 n'était pas applicable aux ressortissants afghans.

M. Jean-Jacques Hyest , président, ayant rappelé les termes de la contribution écrite du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, M. Pierre Fauchon , rapporteur, a précisé qu'il avait tenu à entendre des représentants d'associations engagées dans l'aide aux étrangers et que, à ce titre, il avait reçu France Terre d'Asile.

M. Richard Yung a ajouté que la directive de 2001 n'avait jamais été appliquée. Elle comportait pourtant l'idée de partager le fardeau entre Etats membres en matière d'asile.

Il s'est interrogé, en outre, sur la réponse qui serait apportée en cas d'afflux massif de réfugiés haïtiens en Martinique.

Plus largement, il a considéré qu'il fallait redéfinir le droit d'asile au niveau européen, tout en faisant état d'un nouveau projet de loi annoncé par M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

M. Jean-Jacques Hyest , président, a considéré que les questions évoquées par M. Richard Yung excédaient le cadre de la proposition de résolution déposée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'est étonnée de ce que le problème de recevabilité de la proposition de résolution n'ait pas été signalé aux auteurs, ce à quoi M. Jean-Jacques Hyest , président, a répondu qu'il était trop tard pour changer de base juridique puisque la procédure prévue par le Règlement pour l'examen des propositions de résolution européenne était déjà engagée, avec l'examen par la commission des lois consécutif à celui de la commission des affaires européennes.

Sur le fond, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a invité ses collègues à ne pas s'en tenir à la position du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, car de très nombreux Afghans se trouvent, à Paris, en situation de détresse.

M. Jean-Jacques Hyest , président, a rappelé à la commission que la protection temporaire était bien moins protectrice que l'asile.

M. Bernard Frimat a estimé que les commissions du Sénat devraient dépasser l'analyse juridique proposée par le ministère de l'immigration et le secrétariat général aux affaires européennes.

Répondant à la demande de M. Patrice Gélard, M. Pierre Fauchon , rapporteur, a précisé que les propositions de résolution de l'article 34-1 de la Constitution n'étaient pas examinées en commission, le Conseil ayant censuré cette possibilité prévue par le législateur organique. Il a également rappelé, sous réserve des règles particulières de recevabilité, la possibilité de déposer une proposition de résolution de cette nature au nom d'un groupe.

Mme Alima Boumediene-Thiery a contesté à nouveau le caractère cumulatif des critères de la directive de 2001, ce à quoi M. Jean-Jacques Hyest , président, a répondu qu'en tout état de cause aucun des critères n'était rempli et que le nombre des réfugiés afghans se trouvant en Europe ne pouvait constituer un afflux massif au sens de la directive.

Concernant l'amendement déposé par le groupe socialiste sur le texte de sa propre proposition de résolution, M. Jean-Jacques Hyest , président, a proposé de ne pas le retenir, en vertu de l'accord politique selon lequel les textes inscrits à l'ordre du jour d'une séance mensuelle réservée aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires ne pouvaient être modifiés en commission, de façon à permettre leur discussion en séance publique dans leur version initiale.

La commission a adopté les conclusions présentées par M. Pierre Fauchon, rapporteur, tendant à proposer au Sénat, en séance publique, de ne pas adopter la proposition de résolution .

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