B. DES AMÉLIORATIONS NÉCESSAIRES POUR LA TROISIÈME PHASE

1. Ce qui va changer à compter du 1er janvier 2013

En adoptant au mois de décembre 2008 le « paquet énergie-climat », l'Union européenne se propose de perfectionner le SCEQE. La directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009, modifiant la directive 2003/87/CE afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, fixe un objectif de réduction des émissions de GES de 21 % en 2020 par rapport au niveau de 2005, chaque pays devant parallèlement remplir des objectifs nationaux. C'est dans cette perspective que le SCEQE fait l'objet d'un remaniement, avant d'entrer dans une troisième phase 2013-2020 .

La directive précitée veut faire évoluer le système actuel vers des mécanismes harmonisés et gérés au niveau européen. A partir de 2013, un montant global de quotas sera disponible pour l'ensemble de l'Union européenne afin d'être réparti entre les différents secteurs d'activité 4 ( * ) . Dès lors, au sein d'un même secteur industriel, des opérateurs émettant la même quantité de GES se verront traités dans des conditions identiques, quel que soit l'État membre dans lequel ils se situent. Ce mécanisme doit permettre de mettre fin aux disparités constatées aujourd'hui entre les différents PNAQ.

L'homogénéisation concerne également les règles en matière de surveillance, de déclaration et de vérification. La directive vise aussi à inclure de nouveaux secteurs et de nouveaux gaz dans le SCEQE afin d'améliorer son efficacité environnementale. Il s'agit principalement d'inclure les émissions de CO 2 liées aux produits pétrochimiques, à l'ammoniac et à l'aluminium, ainsi que les émissions de protoxyde d'azote (N2O).

La directive précitée met surtout un terme à l'allocation gratuite des quotas. A compter de 2013, le principe applicable sera celui de la mise aux enchères des quotas par les États membres . Dès 2013, les entreprises du secteur de la production électrique devront acquérir la totalité de leurs quotas dans le cadre d'enchères. Les autres secteurs verront progressivement la part d'allocation gratuite de quotas diminuer, passant de 80 % en 2013 à 30 % en 2020.

L'article 10, paragraphe 2, de la directive précitée prévoit que la quantité totale de quotas à mettre aux enchères est répartie comme suit :

- 88 % en fonction de la part vérifiée de chaque État membre dans le cadre du SCEQE en 2005 ;

- 10 % aux fins de la solidarité et de la croissance dans la Communauté ;

- 2 % au profit des États membres dont les émissions de GES en 2005 étaient inférieures d'au moins 20 % aux niveaux de leurs émissions de l'année de référence qui leur sont applicables en vertu du Protocole de Kyoto (il s'agit des pays d'Europe centrale et orientale).

La possibilité d'attribuer des quotas gratuits demeurera toutefois, dans certains cas très particuliers 5 ( * ) , et pour les secteurs ou sous-secteurs d'activités exposés à un risque important de « fuite de carbone », c'est-à-dire de délocalisations industrielles motivées par le coût du carbone au sein de l'Union européenne.

L'article 10, paragraphe 3, de la directive précitée laisse aux États membres la libre utilisation du produit des enchères, tout en prescrivant que la moitié au moins de ce produit soit affecté à des actions en faveur de la réduction des émissions de GES.

2. Des enchères à organiser au niveau européen

L'article 10, paragraphe 4, de la directive précitée dispose que le 30 juin 2010 au plus tard, la Commission européenne arrête un règlement concernant le calendrier, la gestion et les autres aspects de la mise aux enchères afin de faire en sorte que celle-ci soit réalisée de manière ouverte, transparente, harmonisée et non discriminatoire . Il est précisé qu'à cette fin, le processus doit être prévisible, notamment en ce qui concerne le calendrier, le déroulement des enchères et les volumes de quotas qui, selon les estimations, devraient être disponibles.

La directive précitée indique également que les mises aux enchères sont conçues de manière à garantir :

- le plein accès, juste et équitable, des exploitants , et en particulier des petites et moyennes entreprises couvertes par le système communautaires ;

- que tous les participants aient accès simultanément aux mêmes informations et que les participants ne compromettent pas le fonctionnement de la mise aux enchères ;

- que l'organisation et la participation aux enchères soient rentables et que les coûts administratifs inutiles soient évités ;

- que l'accès aux quotas soit accordé aux petits émetteurs.

Votre rapporteur partage pleinement l'analyse de la présente proposition de résolution, selon laquelle « les quotas mis aux enchères ayant vocation à être ensuite échangés sur le marché européen du carbone, les enchères devraient être organisées au niveau d'une plateforme européenne unique. (...) L'objectif poursuivi en posant ces conditions est d'aboutir à un prix unique d'adjudication en Europe et d'éviter les jeux non coopératifs entre États membres. Cette organisation serait sans incidence sur la règle prévoyant que le produit des enchères est entièrement reversé aux États membres, au prorata des quotas leur revenant normalement ».

3. Une régulation du marché à mettre en place

La directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ne prévoit quasiment rien pour encadrer et réguler le marché secondaire des quotas de CO 2 , hormis dans trois de ses dispositions :

- l'article 10, paragraphe 5, dispose que « la Commission surveille le fonctionnement du marché européen du carbone. Chaque année, elle présente au Parlement européen et au Conseil un rapport sur le fonctionnement du marché du carbone comprenant la mise en oeuvre des enchères, la liquidité et les volumes échangés » ;

- l'article 12, paragraphe 1 bis , précise que « la Commission examine, avant le 31 décembre 2010, si le marché des quotas d'émissions est suffisamment à l'abri des opérations d'initiés ou des manipulations de marché et présente, si besoin est, des propositions afin de garantir que tel est le cas » ;

- l'article 29 dispose que « si, sur la base des rapports réguliers relatifs au marché du carbone visé à l'article 10, paragraphe 5, la Commission dispose de preuves d'un mauvais fonctionnement du marché du carbone, elle présente un rapport au Parlement européen et au Conseil. Ce rapport peut être assorti, le cas échéant, de propositions visant à rendre le marché du carbone plus transparent et contenir des mesures visant à améliorer son fonctionnement » .

Ainsi, la Commission est investie seulement de la mission de surveiller le marché européen du carbone, pour éventuellement proposer a posteriori une réglementation en cas de dysfonctionnement.

Or, votre rapporteur partage l'analyse de la présente proposition de résolution, selon laquelle le marché européen des quotas de CO 2 « ne répond pas à une simple logique d'offre et de demande émergeant des acteurs économiques. C'est un instrument créé pour atteindre un objectif arrêté au niveau politique. Il n'est donc pas concevable de l'abandonner, une fois créé, à la logique ordinaire des marchés financiers » .

C'est pourquoi la présente proposition de résolution invite le Gouvernement à demander à la Commission européenne de proposer rapidement une nouvelle directive visant à encadrer davantage le marché, afin de limiter le risque de contrepartie et les manipulations de cours, suivant deux orientations :

- d'une part, le passage par une chambre de compensation 6 ( * ) serait rendu obligatoire, comme c'est le cas aujourd'hui sur les marchés financiers ;

- d'autre part, une autorité européenne serait habilitée à surveiller le marché du carbone. A défaut, cette surveillance pourrait être confiée à des autorités nationales existantes, telles que l'Autorité des marchés financiers en France.

* 4 L'objectif de réduction de ce montant global de 21 % d'ici 2020 correspond à un taux de diminution annuel de - 1,74 %.

* 5 Nouveaux entrants, cogénération à haut rendement, chauffage urbain, producteurs d'électricité de certains pays de l'Est, etc.

* 6 Une chambre de compensation est un organisme chargé d'assurer la compensation des soldes créditeurs entre banques. Pour les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, les organismes de compensation sont chargés d'assurer la correspondance entre les positions débitrices et créditrices des différents intervenants, de compenser les soldes et de s'assurer du versement des appels de garantie et de marges.

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