§ UNE POLITIQUE BUDGÉTAIRE D'AIDES À LA PIERRE QUI ATTEINT SES LIMITES
• Des résultats mitigés dans un contexte de crise
L'exécution en 2008 du programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement » s'est déroulée dans un contexte de crise financière et économique affectant particulièrement le secteur du bâtiment.
Paradoxalement, alors que les crédits budgétaires peuvent jouer - en favorisant la construction de logements sociaux ou conventionnés- un rôle non négligeable en faveur de la relance de l'activité du secteur, les résultats du programme illustrent plutôt leur impuissance à contrer les effets d'une crise durable et multiforme.
Ainsi, contrairement aux années précédentes, le programme 135 a enregistré un faible taux de consommation des autorisations d'engagement rapporté à la loi de finances initiale. Ce taux est descendu à 79 % en 2008 alors qu'il était de 92 % sur l'exercice 2007. En crédits de paiement, il atteint 83 %, soit un niveau égal à celui de l'année précédente.
La faiblesse de ce taux s'explique d'abord par l'application de la réserve de 6 % (soit 68,5 millions d'euros). Celle-ci n'a été levée que partiellement, à hauteur de 33,5 millions d'euros, et très tardivement en novembre 2008, afin d'assurer le financement du programme spécial de soutien au marché immobilier décidé le 1 er octobre 2008, comprenant notamment le lancement d'un programme exceptionnel d'acquisition en VEFA (vente en l'état futur d'achèvement) de 30.000 logements. Le caractère tardif de cette décision, et son affectation à des opérations longues à mettre en place, n'ont pas permis une consommation satisfaisante des crédits rendus disponibles 340 ( * ) .
On note, en revanche, une utilisation satisfaisante, quoique limitée, de la fongibilité entre les diverses actions du programme.
Celle-ci a notamment permis le redéploiement, par les responsables de budgets opérationnels de programme (BOP), de crédits affectés au logement locatif social en faveur du financement par l'Etat des aires d'accueil de gens du voyage . La consommation en AE s'est élevée à ce titre à 44,43 millions d'euros alors que 39,33 millions d'euros étaient prévus en LFI.
Il en a été de même du financement des commissions de médiation instituées dans le cadre du droit au logement opposable (DALO), pour lesquelles un décalage très net a été constaté entre les crédits initialement prévus et les besoins exprimés par les services déconcentrés. La consommation constatée (5,24 millions d'euros) a été, à ce titre, supérieure de 29 % aux prévisions de la LFI. De ce fait, la dotation prévue par la LFI 2009, qui correspond à la simple reconduction des moyens initiaux de 2008, soit 4,12 millions d'euros en AE=CP avant mise en réserve, apparaît dès lors clairement insuffisante.
• Le logement est-il toujours autant prioritaire ?
De manière générale, le bilan de l'exécution de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, dont les ambitions ont été réévaluées par la loi instituant le droit au logement opposable, affiche un décalage entre les prévisions et la réalisation, particulièrement sensible pour la production de l'offre nouvelle de logements sociaux.
Il montre surtout la difficulté de répondre à la demande de logements pour les ménages les plus défavorisés , compte tenu des contraintes d'équilibrage des opérations de construction, surtout dans les zones où le marché foncier est le plus tendu.
Objectifs et réalisations du plan de cohésion sociale
(en nombre de logements)
Source : commission des finances
Dans ces conditions, on peut s'interroger sur l'opportunité de certaines orientations qui conduisent, à plus ou moins longue échéance, à une débudgétisation des aides à la pierre réduisant la capacité à orienter l'effort de l'Etat en faveur des publics prioritaires.
Au premier rang de ces évolutions, figure la fiscalisation de la politique du logement .
Les dépenses fiscales, rattachées au programme 135, sont nettement supérieures au total des crédits budgétaires. Elles s'élèvent à 9,4 milliards d'euros contre 861 millions d'euros de dépenses d'intervention inscrites en crédits de paiement dans la LFI 2008. Or l'efficacité de ces dépenses , dont le contrôle échappe totalement au responsable de programme, n'est pas ou insuffisamment mesurée. Seules deux dépenses dites « à forts enjeux » font l'objet d'une analyse spécifique, mais sommaire, dans le RAP :
- le prêt à taux zéro dont le coût s'est élevé à 500 millions d'euros en 2008 pour environ 235.500 bénéficiaires ;
- et le taux réduit de TVA pour les travaux d'amélioration de logements (5,1 milliards d'euros pour 2008) qui ne relève pas strictement de la politique du logement, mais plutôt d'un soutien à l'activité économique.
La débudgétisation des aides à la pierre passe aussi par la réduction programmée des autorisations d'engagement sur la durée de la loi de programmation triennale des finances publiques .
Dans les réponses adressées au questionnaire de la Cour des comptes, le responsable de programme se félicite que « la quasi stabilisation des autorisations d'engagement par rapport aux crédits de paiement en 2009 puis le différentiel CP>AE en 2010 et 2011 doivent permettre de réduire la dette actuelle [à l'égard des bailleurs sociaux] malgré la pesanteur issue des forts engagements inhérents au Plan de cohésion sociale. »
Cet effet secondaire de la diminution des AE, positif pour la soutenabilité du programme , est à mettre en perspective avec l'affichage d'une rupture avec les ambitions du plan de cohésion sociale .
Evolution de l'écart entre AE et CP
(en euros)
Autorisations de programme |
Crédits de paiement |
Taux de couverture CP/AE |
|
Consommation 2006 |
963.924.356 |
1.050.231.143 |
109 % |
Consommation 2007 |
1.262.726.598 |
846.185.073 |
67 % |
Consommation 2008 |
1.267.491.299 |
943.093.849 |
74 % |
LFI 2009 |
797.788.000 |
804.668.000 |
101 % |
Source : commission des finances
http://www.senat.fr/bulletin/20090615/fin.html#toc10 Le compte rendu de l'audition, le 23 juin 2009, de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et de Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, sur le projet de loi de règlement des comptes et le rapport de gestion pour l'année 2008 (Mission « Ville et logement ») est disponible à l'adresse : |
* 340 56,6 millions d'euros en AE ont finalement été reportés sur 2009 pour permettre la mise en oeuvre du programme VEFA.