CHAPITRE II - LES DÉCHETS
Le chapitre II du titre III est composé des articles 41 et 41 bis , qui demeurent tous deux en discussion.
Article 41 - Politique de réduction des déchets
Commentaire : cet article fixe les principes et objectifs qui devront guider la politique des déchets dans les années à venir conformément aux conclusions du Grenelle de l'environnement .
Le texte voté par le Sénat
I°) La hiérarchie du traitement des déchets (premier alinéa)
Le Sénat avait approuvé les priorités fixées par le projet de loi en matière de politique de réduction des déchets : la réduction à la source des déchets, l'extension de la responsabilité des producteurs, la réutilisation, le recyclage ainsi que la valorisation matière. Parallèlement il était prévu que les quantités de déchets partant en incinération ou en stockage soient globalement réduites avec pour objectif une diminution de 15 % d'ici à 2012.
Toutefois, du fait des nombreux ajouts des députés, la rédaction du premier paragraphe était devenue relativement confuse et marquée par des redondances. Le Sénat avait donc adopté un amendement visant à la simplification de sa rédaction . Cet amendement faisait, notamment, directement référence à la hiérarchie de traitement des déchets établie par l'article 4 de la directive-cadre 2 ( * ) sur les déchets.
II°) Les objectifs de réduction et de recyclage (2 ème au 5 ème alinéas)
Le Sénat a adopté un amendement de M. Alain Vasselle tendant à reformuler l'objectif de réduction des déchets en appliquant un pourcentage de réduction plutôt qu'une quantité exprimée de manière absolue en kilogrammes (3 ème alinéa).
III°) Les moyens à mettre en oeuvre (6 ème au 19 ème alinéas)
Le Sénat a adopté un amendement tendant à ce que le Gouvernement présente, dans un délai de trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, des propositions visant à harmoniser les indicateurs français mesurant les performances en matière de traitement des déchets avec ceux des pays de l'Union européenne .
Il a ensuite supprimé la valorisation matière des actions prioritairement financées par le produit de la fiscalité dissuasive sur les installations de stockage, d'incinération et les produits fortement générateurs de déchets, et fixé à la fin 2015 au plus tard l'affectation intégrale de ce produit à la nouvelle politique des déchets.
Il a également décidé d'étendre aux biocarburants issus des graisses animales le bénéfice des dispositions prévues pour les biocarburants d'origine végétale .
Puis le Sénat a souhaité, à l'initiative de votre commission, ramener à cinq ans le délai dans lequel les collectivités devront instituer une tarification incitative sur l'enlèvement des ordures ménagères . Il a, en même temps, adopté deux « contreparties » pour respecter l'esprit dans lequel la haute Assemblée avait accepté le principe d'une accélération de la mise en place de la tarification incitative : d'une part un délai de dix ans pour l'habitat collectif, et d'autre part, des précisions tendant à ce que toutes les opérations de recouvrement et de quittancement de la part variable de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères continuent à être assurées par les services fiscaux de l'État dans les conditions actuelles. Ceci doit garantir que les services fiscaux n'augmentent pas la facturation aux collectivités territoriales 3 ( * ) . Par ailleurs, le Gouvernement présentera au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, une étude sur l'opportunité d'asseoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères sur la taxe d'habitation .
Le Sénat a ajouté aux déchets dont la collecte sélective doit être améliorée « les déchets encombrants issus de l'ameublement et du bricolage ». Il a précisé la notion de coûts nets optimisés en indiquant qu'il s'agissait des coûts de référence d'un service de collecte et de tri optimisé.
Le Sénat a rétabli l'instance de médiation et d'harmonisation des filières agréées de collecte sélective et de traitement des déchets . Il a en outre prévu qu'un censeur d'État assiste aux réunions du conseil d'administration des éco-organismes agréés et puisse demander communication de tout document lié à leur gestion financière. Il a aussi décidé que tout éco-organisme ne pourra procéder qu'à des placements financiers sécurisés dans des conditions validées par le conseil d'administration après information du censeur d'État.
Il a enfin remplacé le seuil de 60 % prévu pour le dimensionnement des sites de stockage et des incinérateurs par le critère de l'autonomie de gestion des déchets produits dans chaque département ou, à défaut, dans les départements contigus afin de respecter le principe de proximité en s'adaptant aux bassins de vie.
Les modifications de l'Assemblée nationale
Les députés sont tout d'abord revenus sur l'objectif national de réduction des déchets ménagers et assimilés . Ils ont souhaité un retour à la rédaction initiale prévoyant le principe d'une diminution de 5 kilogrammes par habitant et par an pendant les cinq prochaines années.
Les députés ont également adopté, à l'initiative du rapporteur de la commission des affaires économiques, un amendement visant à préciser que les déchets des entreprises concernés par l'augmentation du recyclage matière et organique sont ceux assimilables aux déchets ménagers .
L'Assemblé nationale a ensuite inséré un nouvel alinéa après la définition des objectifs généraux, qui prévoit que les objectifs nationaux sont arrêtés en vue notamment d'améliorer la gestion des déchets organiques en favorisant en priorité la gestion de proximité de ces derniers, avec le compostage domestique et de proximité, et ensuite la méthanisation et le compostage de la fraction fermentescible des ordures ménagères collectée séparément pour assurer notamment la qualité environnementale, sanitaire et agronomique des composts et la traçabilité de leur retour au sol.
Les députés ont par ailleurs prévu que le Gouvernement transmette au Parlement avant le 10 octobre 2009 un rapport étudiant la possibilité d'alléger la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pesant sur les entreprises gérant des installations de stockage lorsqu'elles réalisent des installations d'incinération .
L'Assemblée nationale a souhaité supprimer le délai spécifique de 10 ans prévu pour la mise en place de la tarification incitative pour le logement collectif .
A l'initiative du Gouvernement, les députés ont adopté un amendement prévoyant une collaboration renforcée, dans chaque département d'outre-mer, entre tous les éco-organismes agréés, ainsi que, si nécessaire, une interface unique les représentant tous.
Enfin les députés ont apporté une modification à l'alinéa 15 de cet article en substituant à l'expression « qualité sanitaire et agronomique des composts », l'expression « qualité environnementale, sanitaire et agronomique des composts et la traçabilité de leur retour au sol ».
La position de votre commission
Votre commission estime que le retour à un objectif en valeur absolue n'est pas équitable au regard de la production de déchets très hétérogène des territoires français. Ainsi, les collectivités plus rurales mais aussi celles qui ont déjà mis en place des politiques de prévention qui produisent moins de 300 kg/hab/an se retrouvent avec la même quantité de déchets à éviter que les collectivités produisant plus de 500 kg/hab/an d'ordures ménagères. Un objectif en valeur absolue est donc, ni plus ni moins qu'une prime au cancre.
Par ailleurs, le maintien d'un objectif sur le seul gisement des ordures ménagères et assimilés, excluant le gisement collecté en déchetteries, est regrettable car il donnera à de nombreuses collectivités l'illusion de respecter les objectifs du Grenelle de l'environnement par un simple transfert des tonnages vers ces déchetteries qui ne sont pas comptabilisés dans les déchets ménagers et assimilés, phénomène largement identifié depuis une dizaine d'années et particulièrement flagrant dans les collectivités qui pratiquent la redevance incitative. Ainsi formulé, cet objectif ne garantit donc pas la diminution de la quantité de déchets en France et donc la réduction des tonnages incinérés et enfouis.
Votre commission a donc estimé souhaitable de rétablir la modification qu'elle avait proposée en première lecture afin de ne pas pénaliser les collectivités qui se sont engagées dans d'importantes politiques de recyclage. C'est pourquoi elle a adopté un amendement fixant un objectif de diminution de 7 % sur 5 ans qui revient d'ailleurs à une baisse de 1,4 % par an.
Votre commission est d'avis que la valorisation organique est sans aucun doute l'un des enjeux majeurs des futures politiques de gestion des déchets au regard du gisement des déchets organiques (1/4 à 1/3 du gisement total). Trois options techniques sont aujourd'hui à la disposition des collectivités pour développer cette valorisation organique : la collecte sélective des biodéchets puis leur compostage ou leur méthanisation, le compostage et la méthanisation après extraction de la matière organique par pré traitement mécano-biologique, le compostage individuel et de proximité.
Elle s'inquiète toutefois des risques de confusion entre la première et la troisième option et considère qu'il serait préférable de laisser aux collectivités la liberté de choix incitant à la production de compost de qualité et à l'élaboration d'engagements à l'échelle des territoires entre collectivités, exploitants, utilisateurs de composts et industrie agro-alimentaire afin de garantir les débouchés de ces composts sur le long terme, ce qui est le principal enjeu.
Votre commission reconnaît qu'il est aujourd'hui nécessaire de mettre en place un cadre permettant le renforcement et la promotion de la valorisation des déchets organiques. Il est important d'assurer un compostage de qualité pour constituer une matière fertilisante recyclée. Cet objectif est en totale cohérence avec la volonté de promouvoir l'agriculture biologique. De surcroit, lorsque les déchets biodégradables ne sont pas valorisés, leur fermentation spontanée produit du méthane et participe ainsi aux changements climatiques à court terme.
Votre commission estime que l'étude demandée par les députés, visant à envisager de réduire l'impact de la TGAP n'est pas infondée . Toutefois, elle a souhaité apporter quelques modifications rédactionnelles afin d'assurer une certaine cohérence. Il convient d'abord de remplacer le terme « entreprises » par celui de « collectivités ». En effet, la TGAP est supportée in fine par les usagers et non par les entreprises. Si l'on conserve le terme entreprise on pourrait se trouver dans la situation suivante : une entreprise qui gère une décharge dans la ville A et investit dans un incinérateur de la ville B, pourrait voir la TGAP sur la ville A baisser. Dès lors, deux options sont ouvertes :
- soit l'entreprise répercute la baisse de TGAP à ses usagers de la ville A et dans ce cas, ceux-ci paient moins cher parce que la ville B réalise un incinérateur, ce qui paraît difficilement justifiable ;
- soit la baisse n'est pas répercutée sur les usagers de la ville A et cela veut alors dire que ceux-ci subventionneraient la construction de l'incinérateur de la ville B, ce qui, là encore, ne paraîtrait pas justifiable.
C'est pourquoi, il convient de rester sur le même périmètre d'intervention.
Par ailleurs, il paraît de bon sens de laisser suffisamment de temps au Gouvernement pour réaliser ce rapport. C'est pourquoi, votre commission a souhaité repousser l'échéance au moins jusqu'au 1 er juillet 2010 .
En ce qui concerne la disparition du délai spécifique de dix ans fixé pour la mise en place de la tarification incitative pour le logement collectif, votre commission constate qu'à ce jour, aucune réponse concrète aux modalités de mise en place de celle-ci n'a été apportée par le Gouvernement. Dans ces conditions, si votre commission reste réservée, compte tenu de la difficulté plus grande de mise en place d'une part variable dans l'habitat collectif plutôt que l'habitat individuel, il ne lui paraît toutefois pas irrecevable de vouloir aller plus vite dans le calendrier de mise en oeuvre d'un nouveau cadre législatif.
Votre commission accueille positivement la précision relative à la coopération des éco-organismes agrées outre-mer, estimant qu'elle permettra de faciliter la mise en oeuvre des filières de responsabilité élargie du producteur dans les départements d'outre-mer et de prendre en compte les spécificités locales.
Votre commission constate que la précision relative à la qualité des composts est en cohérence avec les conclusions 4 ( * ) de la table ronde « déchets » du Grenelle de l'environnement . Votre commission reste persuadée que la qualité environnementale des composts est nécessaire à la protection des sols, notamment afin de limiter les risques de pollution. Cette qualité est garante de la pérennité des débouchés pour les composts produits par les collectivités. Aussi, la traçabilité du retour au sol des composts est importante dans une filière transparente, notamment en cas de problème de qualité et d'éventuelles pollutions afin de pouvoir remonter à l'origine du problème et de le résoudre si nécessaire.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié. |
Article 41 bis (Article 1387 A [nouveau] du code général des impôts) - Valorisation de l'énergie de récupération
Commentaire : cet article permet aux communes et établissements publics de coopération intercommunale d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties, pour une durée de cinq ans, les immeubles affectés à une activité entrant dans le champ d'application de la taxe professionnelle raccordés à une unité de traitement des déchets pour couvrir tout ou partie de leurs besoins en énergie thermique .
Le texte voté par le Sénat
Cet article avait été introduit en première lecture par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Serge Poignant.
Le Sénat avait décidé de supprimer cet article additionnel qui offrait aux communes ou intercommunalités à fiscalité propre la possibilité d'exonérer de taxes foncières sur les propriétés bâties les entreprises à forts besoins énergétiques qui s'installeraient à proximité d'une unité de traitement de déchets, existante ou en projet.
Les modifications de l'Assemblée nationale
Les députés ont adopté en deuxième lecture un amendement tendant à rétablir cet article 41 bis instaurant une exonération de taxe foncière prévue pour les entreprises qui se raccordent à un réseau de chaleur alimenté par valorisation énergétique des déchets.
La position de votre commission
Sur le fond, votre rapporteur pourrait admettre le principe de cet article, étant donné que l'exonération proposée est bien une simple possibilité offerte à la collectivité, et non pas une obligation, et qu'elle demeure limitée aux nouveaux raccordements.
Toutefois, il persiste à considérer que cet article, qui vient s'insérer directement dans le code général des impôts, ne relève pas d'une loi de programmation et trouverait mieux sa place dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement.
Votre commission a donc adopté trois amendements de suppression identiques de votre rapporteur, de M. Jacques Muller et plusieurs de ses collègues, et de Mme Evelyne Didier et des membres CRC-SPG.
Votre commission a supprimé cet article. |
* 2 Directive 2008/98/CE du Parlement et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives.
* 3 On rappellera que dans les années quatre-vingt, le coût du recouvrement par les services fiscaux est passé de 3,6 % à 8 %. Cette augmentation était destinée à financer la réforme des bases locatives qui, finalement, n'a jamais eu lieu : il faut donc en rester à ces 8 %.
* 4 L'engagement 260 : « négocier un cadre de cohérence à l'échelle nationale et des engagements contractuels locaux entre État, collectivités, professionnels agricoles et producteurs agro-alimentaires pour assurer la qualité sanitaire et environnementale des composts et assurer des débouchés et une traçabilité sur ces produits ».