EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 19 mars 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, et de l'amendement déposé sur la proposition de loi n° 29 (2008-2009) tendant à abroger le bouclier fiscal et à moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus.

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord souligné que la discussion de cette proposition de loi en séance publique s'inscrit dans le cadre des nouvelles dispositions constitutionnelles, réservant notamment une séance mensuelle aux initiatives des groupes politiques d'opposition et des groupes minoritaires des assemblées (article 48, alinéa 5 de la Constitution).

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est tout d'abord félicité que la discussion de cette proposition de loi soit l'occasion de clarifier le débat public sur des problématiques essentielles. L'ensemble des sept articles de la proposition de loi a été examiné avec attention.

La proposition de loi vise, d'une part, à supprimer le bouclier fiscal et, d'autre part, à restreindre les conditions d'octroi de certains modes de rémunération des dirigeants et mandataires sociaux. Or, le réexamen éventuel du bouclier fiscal ne devrait s'inscrire que dans le cadre d'une réforme fiscale plus globale. La discussion du projet de loi de finances pour 2009 l'a bien illustré, et plus particulièrement le débat relatif à l'amendement cosigné par MM. Jean Arthuis, Philippe Marini et Jean-Pierre Fourcade, qui proposait de lier la suppression du bouclier fiscal à l'abrogation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et à la création d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu. Ce « triptyque » a trouvé un certain écho, mais la non-adoption de l'un des trois éléments déséquilibrerait l'équation sur laquelle il repose. D'autre part, dans une conjoncture de crise économique, une évolution de l'architecture fiscale d'une telle ampleur n'est pas envisageable.

Sous le bénéfice de ces observations, il a indiqué à la commission qu'il n'était pas favorable à l'adoption de cette proposition de loi.

Au regard de la situation économique et sociale de la France , M. Thierry Foucaud, premier signataire de la proposition , a considéré qu' « à une situation exceptionnelle » devrait correspondre « une mesure fiscale exceptionnelle ». Le bouclier fiscal fait l'objet d'appréciations divergentes y compris au sein de la majorité politique, et les renvois aux comparaisons internationales en matière de prélèvements obligatoires ne permettent pas, compte tenu de l'hétérogénéité des méthodes de calcul, de justifier objectivement ce dispositif.

Il a ensuite présenté les articles de la proposition de loi. La suppression du bouclier fiscal prévue à l'article 1 er répond aussi bien à l'indignation de certains citoyens qu'à l'inefficacité du dispositif qui, in fine, concerne peu de ménages et ne semble pas contribuer au retour des expatriés « fiscaux ». Les articles 2 à 5 modifient le traitement fiscal des rémunérations des dirigeants et mandataires sociaux afin de sanctionner l'absence de lien entre compétences et rémunération. Les articles 6 et 7 concernent les dirigeants salariés et les modalités de fixation de leurs rémunérations.

Mme Nicole Bricq a souligné que la proposition de loi permet d'aborder des débats essentiels, en remarquant toutefois qu'il se révèle difficile de discuter du bouclier fiscal que la majorité a érigé en « tabou ». Ce sujet pose à la fois un problème de solidarité et un problème de finances en temps de crise. En outre, les chiffres actuellement disponibles ne montrent pas de lien consubstantiel entre le bouclier, l'ISF et l'attractivité du territoire.

S'agissant de la rémunération des dirigeants, elle a indiqué que les auditions organisées par la commission des lois du Sénat, le 11 mars 2009, ont mis en avant le manque d'efficacité des codes de bonne conduite, tout comme du dispositif voté dans le cadre de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) subordonnant le bénéfice des rémunérations différées au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire. Le rapport d'étape du groupe de travail commun à l'Assemblée nationale et au Sénat sur la crise financière a mis l'accent sur le rôle, dans la crise actuelle, des « pratiques à risque », notamment de certaines modalités de rémunération, et sur la nécessité d'y remédier. Enfin, le marché de recrutement des dirigeants reste national et l'argument de la nécessaire attractivité du régime de rémunération des dirigeants et mandataires sociaux n'est donc pas recevable.

M. Serge Dassault a indiqué être favorable à l'équation présentée par la commission concernant la suppression du bouclier fiscal, pour autant que la création d'une tranche supplémentaire d'impôt n'ait pas pour objectif de compenser intégralement la perte de recettes liée à l'abrogation de l'impôt sur la fortune. S'agissant de la rémunération des dirigeants, la priorité doit être avant tout le fonctionnement de l'économie et, par conséquent, la prévention des départs des personnes détentrices de capitaux et de compétences.

M. Jean-Pierre Fourcade a souligné le caractère instable de la fiscalité française, et la nécessité de pouvoir évaluer, au terme de quelques années, les dispositifs créés. Il a en outre jugé confiscatoire la mesure proposée à l'article 2 du projet de loi visant notamment à mettre en place une taxation totale des indemnités de départ au-delà de 250000 euros net de cotisations sociales.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur la situation des foyers fiscaux qui payent l'impôt sur la fortune alors même qu'ils n'ont pas de revenus ou disposent de revenus modestes. Il a insisté sur l'exigence d'avoir un débat complet sur les sujets abordés par la proposition de loi.

M. François Marc a souligné la nécessité de donner des signes de mobilisation collective pour répondre à la crise actuelle.

M. Jean Arthuis, président , a observé que la commission des finances défend le principe selon lequel toute disposition fiscale devrait être adoptée à l'occasion de la discussion d'une loi de finances. A titre personnel, il a considéré qu'il est difficile de défendre le bouclier fiscal lorsqu'il apparaît nécessaire d'augmenter l'effort national de contribution. De plus, le revenu servant de référence pour le calcul du bouclier fiscal est très contestable car il intègre des déductions provenant de nombreuses « niches ».

M. Thierry Foucaud a souhaité rappeler le rôle des salariés dans la formation de la valeur ajoutée dégagée par les entreprises. Il a également remarqué que l'instabilité fiscale française est une constante.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles et de l'amendement déposé sur cette proposition de loi.

Sous le bénéfice de la discussion générale, la commission n'a pas adopté l' article 1 er (suppression du bouclier fiscal).

Mme Nicole Bricq a présenté un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 2 afin de créer une cinquième tranche d'impôt sur le revenu pour les revenus dépassant 380000 euros. Le taux d'imposition s'élèverait à 50 %. L'objectif de cet amendement est de mettre fin aux excès les plus flagrants des rémunérations des dirigeants d'entreprises, en créant une sorte de « surimposition de solidarité » compte tenu de la période de crise économique et sociale que traverse la France.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'il était défavorable à cette proposition car celle-ci n'est pas accompagnée par une abrogation de l'ISF. Il a répété que la crise actuelle ne permettait pas, en tout état de cause, d'engager une révision substantielle de la stratégie fiscale de la France.

La commission a rejeté cet amendement

Après une intervention de Mme Nicole Bricq indiquant que les Pays-Bas avaient choisi de lier le montant d'impôt sur les sociétés payé au montant des sommes versées aux dirigeants et mandataires sociaux au titre de certaines de leurs rémunérations, la commission n'a pas adopté l' article 2 (encadrement des indemnités de départ des dirigeants).

Ensuite, la commission n'a pas adopté les articles 3 (imposition totale des options d'achat d'actions ou « stock options » et des actions gratuites), 4 (actualisation du plafonnement de l'indemnité de départ des dirigeants), 5 (application rétroactive de la proposition de loi), 6 (autorisation préalable des conventions dites « réglementées ») et 7 (extension de la négociation obligatoire aux rémunérations versées aux dirigeants salariés) de la proposition de loi.

A l'issue de ce débat, la commission ne s'est pas déclarée favorable à l'adoption de la proposition de loi.

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