EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er- Suppression du bouclier fiscal

Commentaire : le présent article a pour objet d'abroger les articles 1 er et 1649- 0 A du code général des impôts, qui définissent le « bouclier fiscal ».

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE DU BOUCLIER FISCAL

Le principe du bouclier fiscal a été introduit par l'article 74 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. Il a été renforcé par l'article 11 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).

Ainsi, aux termes du premier alinéa de l'article 1 er du code général des impôts issu de ces deux lois, « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus ».

Le positionnement de ces dispositions au sein du code général des impôts donne un caractère solennel à ce principe, dont les conditions d'application sont définies à l'article 1649-0 A du même code.

B. LE FONCTIONNEMENT DU BOUCLIER FISCAL

1. Un droit à restitution ou à « autoliquidation » de l'impôt trop versé

L'article 1649-0 A du code général des impôts définit, pour les contribuables domiciliés fiscalement en France, un droit à restitution de la fraction des impositions excédant le seuil de 50 % précité. La restitution du « trop d'impôt » peut être demandée par le contribuable au 1 er janvier de l'année suivant le paiement des impositions dont il est redevable, et avant le 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des impositions.

De plus, selon les dispositions introduites par l'article 38 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, adopté à l'initiative de votre rapporteur général, le contribuable redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), de la taxe foncière ou de la taxe d'habitation peut calculer lui-même le montant de son impôt en tenant compte de la créance qu'il détient sur l'Etat à raison des excédents d'impositions antérieurement acquittés (« autoliquidation du bouclier fiscal »).

2. Le calcul du plafonnement

a) Les impositions prises en compte au numérateur

Sous réserve qu'elles ne soient pas déductibles d'un revenu catégoriel de l'impôt sur le revenu et qu'elles aient été payées en France, les impositions prises en compte sont les impositions directes suivantes :

- l'impôt sur le revenu (IR) ;

- l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ;

- les contributions sociales sur les revenus du patrimoine (CSG et CRDS sur les revenus du patrimoine, prélèvement social et contribution additionnelle) ;

- les contributions sociales sur les revenus d'activité et de remplacement et les produits de placement (CSG et CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement, CSG, CRDS, prélèvement social et contribution additionnelle sur les revenus de placement) ;

- la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférents à l'habitation principale du contribuable et perçues au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;

- la taxe d'habitation afférente à l'habitation principale du contribuable et perçue au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les impôts locaux pris en compte ne concernent pas les impôts perçus au titre des résidences secondaires . Par ailleurs, sont prises en compte les taxes additionnelles aux taxes foncières et d'habitation perçues au profit des établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes, à l'exclusion de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

b) Les revenus pris en compte au dénominateur

Les revenus à prendre en compte sont ceux réalisés par le contribuable au titre de l'année qui précède celle du paiement des impositions.

Ils sont constitués de trois catégories de revenus :

- les revenus soumis à l'impôt sur le revenu nets de frais professionnels ;

- les produits soumis à un prélèvement libératoire ;

- les revenus exonérés d'impôt réalisés au cours de la même année en France ou hors de France .

Par ailleurs, peuvent être imputés, en diminution de ces revenus :

- les déficits catégoriels imputables sur le revenu global ;

- les pensions alimentaires ;

- les cotisations ou primes versées au titre de l'épargne retraite facultative qui sont déductibles du revenu global.

Enfin, parmi les revenus d'épargne soumis à l'impôt sur le revenu dont le prélèvement n'intervient qu'au terme du dénouement d'un contrat (comptes d'épargne-logement, plans d'épargne populaire et bons de capitalisation, et placements de même nature, autres que ceux en unités de comptes, c'est-à-dire en euros), le 6 de l'article 1649-0 A du code général des impôts prévoit que ces revenus sont pris en compte dans le calcul du plafonnement « à la date de leur inscription en compte ».

c) Les revenus non pris en compte au dénominateur

En revanche, le 4 de l'article 1649-0 A du code général des impôts exclut les plus-values immobilières exonérées en application des II et III de l'article 150 U du code général des impôts des revenus à prendre en compte au dénominateur du plafonnement. Il s'agit :

- des plus-values sur la résidence principale et ses dépendances, sur l'habitation des Français domiciliés hors de France, sur les biens faisant l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique et sur les biens faisant l'objet d'une opération de remembrement ;

- des plus-values constatées sur un montant de cession inférieur à 15.000 euros ;

- des plus-values réalisées par des titulaires d'une pension vieillesse non assujettis à l'ISF et disposant de revenus leur permettant d'être exonérés ou de bénéficier d'un dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties ou de taxe d'habitation ;

- des plus-values sur les biens cédés par les particuliers au profit d'un organisme HLM, d'une société d'économie mixte gérant des logements sociaux, d'un organisme sans but lucratif ou d'une union d'économie sociale exerçant une activité dans le cadre de la mise en oeuvre du droit au logement ou de lutte contre l'exclusion.

De même, un certain nombre de prestations sociales sont exclues du dénominateur du plafonnement . Il s'agit :

- des prestations familiales énumérées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale (prestation d'accueil du jeune enfant, allocations familiales, complément familial, allocation de logement, allocation d'éducation de l'enfant handicapé, allocation de soutien familial, allocation de rentrée scolaire, allocation de parent isolé et allocation de présence parentale) ;

- de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation personnalisée d'autonomie ;

- de l'allocation de logement et de l'aide personnalisée au logement.

- des revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance et qui ne sont pas soumis en application de l'article 15-II du code général des impôts à l'impôt sur le revenu ;

- des plus-values qui ne bénéficient pas d'une exonération mais ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose d'abroger les articles 1 er et 1649-0 A du code général des impôts, ce qui revient à supprimer le bouclier fiscal .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LE BOUCLIER FISCAL : UNE MESURE DESTINÉE À ÉVITER QUE LA FISCALITÉ PRÉSENTE UN CARACTÈRE CONFISCATOIRE

Votre rapporteur général tient tout d'abord à rappeler que le bouclier fiscal a été instauré dans le cadre de loi de finances pour 2006, puis renforcé par la loi TEPA, pour ôter à la fiscalité française le caractère confiscatoire qu'elle pouvait avoir pour certains contribuables .

A ce sujet, il convient de souligner qu'aux termes de l'article XIII de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 relative à la loi de finances pour 2006, a précisé que l'exigence définie par l'article XIII précité « ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives » et que, dès lors, l'article 74 de la LFI pour 2006 instaurant le bouclier fiscal « loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ». De même, la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 novembre 2003, avait accepté de prendre en considération le caractère éventuellement confiscatoire de l'impôt (en l'occurrence, de l'ISF), examinant ce point sous deux angles : celui de l'aliénation forcée de patrimoine et celui de l'absorption intégrale des revenus.

Or, les chiffres de l'administration fiscale rendant compte des remboursements intervenus au 12 février 2009 ont montré l'utilité du bouclier fiscal pour deux catégories de contribuables , représentant un total de 14.000 foyers fiscaux :

- d'une part, des foyers aux revenus très modestes mais possédant leur résidence principale et pour qui le poids de la taxe foncière peut être difficilement supportable. Cette situation concernait environ les deux-tiers des bénéficiaires du dispositif ;

- d'autre part, des contribuables assujettis à l'ISF subissant le « plafonnement du plafonnement » de cet impôt et qui devaient consacrer une très grande fraction de leurs revenus pour l'acquitter.

Le bouclier fiscal a donc été créé par le législateur afin de répondre à des questions relevant du respect des droits fondamentaux de certains contribuables, aux profils divers et qui n'ont pas disparu à l'heure du débat sur la présente proposition de loi.

B. UN MÉCANISME DONT L'APPLICATION PEUT COMPORTER DES EFFETS PERVERS

Pour autant, votre rapporteur général reconnaît que l'application de l'actuel dispositif de « bouclier fiscal » pourrait présenter des effets pervers dans certaines situations, par exemple en cas de nécessité d'augmenter des impôts.

Cette question a ponctuellement surgi à l'occasion de la discussion de la loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion 3 ( * ) . En effet, le financement du dispositif s'est fait notamment au moyen de l'instauration d'une contribution additionnelle à la CSG et à la CRDS assise sur le patrimoine, dont le taux a été fixé à 1,1 %. Or, l'inclusion de cette nouvelle contribution au sein du bouclier fiscal a suscité un débat 4 ( * ) .

Ce sujet pourrait également se poser de manière plus générale si, à l'issue de l'actuelle crise économique et financière, la gestion de l'augmentation de la dette publique impliquait un alourdissement de la fiscalité. Il paraîtrait alors difficilement acceptable de ne pas faire participer les plus favorisés de nos compatriotes à l'effort national du fait de l'existence du bouclier fiscal.

C. UN ÉVENTUEL RÉEXAMEN NE POURRAIT S'INTÉGRER QUE DANS LE CADRE D'UNE RÉFORME FISCALE PLUS COMPLÈTE

Néanmoins, pour les raisons exposées supra , votre rapporteur général estime que l'éventuel réexamen du bouclier fiscal ne devrait intervenir que dans le cadre d'une réforme plus ambitieuse de notre fiscalité , qui allierait simplicité et justice sociale. Les termes d'un tel débat ont été esquissés lors de l'examen de deux amendements du président Jean Arthuis, dont l'un cosigné par votre rapporteur général et notre collègue Jean-Pierre Fourcade 5 ( * ) : il s'agissait alors d'associer la suppression du bouclier fiscal à l'abrogation de l'ISF, le manque à gagner pour l'Etat devant être compensé par la création d'une tranche supplémentaire d'IR.

Votre rapporteur général mène actuellement des travaux avec l'administration fiscale afin de déterminer les pistes les plus prometteuses susceptibles de guider une telle réforme, sur la base de ces principes.

La mesure proposée par le présent article est donc à la fois incomplète et prématurée . C'est pourquoi votre rapporteur général ne préconise pas son adoption.

Décision de la commission : conformément à sa position d'ensemble, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 2 - Encadrement des indemnités de départ des dirigeants

Commentaire : le présent article a pour objet, d'une part, de plafonner de facto les indemnités de départ des dirigeants en imposant totalement la part supérieure à 250.000 euros, et d'autre part, de surtaxer les sociétés qui octroieraient une indemnité de départ supérieure à ce plafond.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE REGIME D'IMPOSITION DES INDEMNITÉS DE DÉPART

L'article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, complété par l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, a modifié l'article 80 duodecies du code général des impôts et accru les contraintes pesant sur la fiscalité personnelle et les cotisations sociales afférentes aux indemnités de licenciement comme à celles de révocation des dirigeants.

L'article 80 duodecies pose le principe général selon lequel toute indemnité versée à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail constitue une rémunération imposable . Par extension aux mandataires non salariés, constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux et dirigeants.

Ce principe est toutefois assorti de dérogations et de plafonds d'exonération , tenant en particulier compte de ce que les indemnités de licenciement sont traditionnellement considérées comme ayant la nature de dommages et intérêts destinés à compenser un préjudice, et ne sont donc en principe pas considérées comme des salaires imposables comme tels.

Ainsi les indemnités consécutives à un licenciement irrégulier (non-respect de la procédure ou absence de cause réelle et sérieuse), comme les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, sont totalement exonérées.

Hors plan social, est exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations de sécurité sociale la fraction des indemnités de licenciement qui n'excède pas le plus élevé des trois montants suivants :

- le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;

- ou la moitié du montant des indemnités de licenciement ;

- ou deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail.

B. LE PLAFONNEMENT DE LA DÉDUCTIBILITÉ DES INDEMNITÉS DE DÉPART DU BÉNÉFICE DES ENTREPRISES

Adopté à l'initiative de l'Assemblée nationale, l'article 21 de la loi de finances pour 2009 plafonne le montant des indemnités de départ déductible du bénéfice imposable des sociétés à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

Il s'agit de limiter, pour les sociétés, l'avantage fiscal associé aux rémunérations de type « parachute doré » en alignant le dispositif sur le régime fiscal des licenciements.

Alors que les rémunérations différées peuvent être aujourd'hui totalement déduites de l'impôt sur les sociétés, celles-ci sont désormais, en application de ce dispositif défiscalisées uniquement pour la part inférieure à environ 200.000 euros, soit six fois le plafond annuel de la sécurité sociale . Au-delà, la rémunération prélevée par l'entreprise sur ses bénéfices est assujettie à l'impôt sur les sociétés.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article a un double objet :

- d'une part, il organise de facto le plafonnement des indemnités de départ des dirigeants d'entreprise à 250.000 euros, en proposant d'imposer totalement la part de l'indemnité supérieure à cette somme après prélèvement des cotisations sociales. La nature de cette taxe n'est pas précisée ;

- d'autre part, il propose de soumettre les sociétés, qui octroieraient une indemnité supérieure au plafond, à une taxe supplémentaire de 15 % sur leur bénéfice imposable .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général est défavorable au dispositif présenté par cet article.

D'une part, la mesure de plafonnement des indemnités de départ des dirigeants n'est pas pertinente. Au-delà du caractère confiscatoire du dispositif, votre rapporteur général estime qu' il n'est pas opportun de fixer un plafond unique en numéraire, qui ne tient compte ni de la taille de l'entreprise, ni de son activité ou de ses résultats, ni des risques pris.

D'autre part, votre rapporteur général estime que le plafonnement de la déductibilité des indemnités de départ du bénéfice, voté lors de la loi de finances pour 2009, devrait contribuer à responsabiliser davantage les conseils d'administration ou de surveillance dans la détermination des montants des indemnités de départ.

En outre, cette disposition fait suite à deux importantes modifications concernant l'exercice et la transparence des pratiques de rémunération des sociétés :

- l'article 8 de la loi n° 2005-842 du 27 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie a notablement renforcé les obligations de transparence des sociétés cotées en soumettant au régime des conventions réglementées les éléments de rémunération versés à raison de la cessation des fonctions des dirigeants ou postérieurement à cette cessation (président, directeurs généraux et directeurs généraux délégués), soit les retraites dites « chapeau », indemnités de départ et rémunérations différées communément dénommées « parachutes dorés ». L'application de ce régime implique une autorisation préalable du conseil d'administration ou de surveillance, l'information des commissaires aux comptes qui en attestent l'exactitude et la sincérité, et la soumission des conventions autorisées à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires ;

- l'article 17 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (« loi TEPA ») a ensuite introduit un dispositif d'encadrement de ces rémunérations différées .

Aux termes du nouvel article L. 225-42-1 du code de commerce, sont ainsi interdits « les éléments de rémunération, indemnités et avantages dont le bénéfice n'est pas subordonné au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire , appréciées au regard de celles de la société dont il préside le conseil d'administration ou exerce la direction générale ou la direction générale déléguée ». Un dispositif analogue figure au nouvel article L. 225-90-1 pour les sociétés « dualistes » à directoire et conseil de surveillance.

Ce dispositif franchit donc une nouvelle étape en subordonnant la validité de ces rémunérations à des conditions de performance des dirigeants bénéficiaires, fixées a priori et qu'il revient, ensuite, au conseil d'administration ou de surveillance d'apprécier avant le versement. Les actionnaires disposent aussi d'un contrôle accru puisque l'assemblée générale se prononce par une résolution spécifique pour chaque bénéficiaire (notamment pour éviter les pratiques de « vote bloqué ») sur les rémunérations différées des mandataires sociaux.

Décision de la commission : conformément à sa position d'ensemble, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 3 - Imposition totale des « stock options » et des actions gratuites

Commentaire : le présent article a pour objet de taxer à 100 % toute rémunération liée à l'évolution de cours boursiers.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE REGIME D'IMPOSITION DES STOCK-OPTIONS

Le mécanisme des stocks options consiste pour une entreprise, constituée sous forme de société par actions (S.A. ou société en commandite par actions), à donner à ses salariés ou mandataires sociaux le droit d'acquérir à une date future des actions de cette société au prix fixé le jour de l'attribution.

La fiscalité des stock-options est complexe du fait de la succession de plusieurs régimes fiscaux, de la distinction de trois « types » de revenus :

- un « rabais » , correspondant à la différence entre le cours de référence et le cours du marché au moment de l'attribution des stock-options. Cet avantage est taxé à l'impôt sur le revenu (IR) au même titre que les salaires au-delà de 5 % de la valeur réelle de l'action au jour de l'attribution des options. S'y ajoutent la CSG, la CRDS et les cotisations de sécurité sociale ;

- une plus-value de cession , constatée au moment de la vente de ses actions, si celle-ci est postérieure à la levée des options. Celle-ci est imposée à l'impôt sur le revenu au taux de 18 % au titre de la plus-value sur valeurs mobilières, les prélèvements sociaux trouvant également à s'appliquer.

Entre les deux, le bénéficiaire enregistre une plus-value d'acquisition , au moment où il exerce son option, correspondant à la différence entre le prix d'acquisition et le cours réel de l'action. S'agissant de cet avantage, trois régimes fiscaux différents sont applicables selon que les options ont été attribuées :

- avant le 1 er janvier 1990 , le respect par le salarié de la durée d'indisponibilité de 5 ans à compter de l'attribution de l'option confère une exonération fiscale, seule la différence entre le prix de cession et la valeur des titres à la date de la levée de l'option étant susceptible de dégager une plus-value imposable au taux proportionnel de 18 % auquel il convient d'ajouter les prélèvement sociaux (12,1 % à compter du 1 er janvier 2009) ;

- depuis le 1 er janvier 1990 , l'avantage est toujours imposable soit au taux de 18 % si les options ont été attribuées avant le 20 septembre 1995, ou 30 % pour les options attribuées après cette date ;

- enfin, depuis le 27 avril 2000 , le délai d'indisponibilité est ramené de 5 à 4 ans et l'avantage est taxé à 30 % jusqu'à 152.500 euros d'avantage, et à 40 % pour la fraction supérieure. En cas de portage supplémentaire de 2 ans, ces taux sont respectivement ramenés à 18 % et 30 %.

Dans tous les cas, le contribuable peut opter pour la réintégration de l'avantage dans le régime d'imposition des traitements et salaires relevant du barème.

B. LE REGIME D'IMPOSITION DES ACTIONS GRATUITES

L'attribution d'actions gratuites, ou AGA, est une possibilité offerte à une société, cotée ou non cotée en bourse, de proposer à des salariés d'acquérir gratuitement ses actions.

Depuis le 1 er janvier 2005, le régime d'imposition d'actions gratuites aux salariés ou aux mandataires sociaux est largement calqué sur le régime des « stock-options ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de « supprimer » les stock-options et les actions gratuites en imposant à 100 % toute rémunération ou partie de rémunération liée à l'évolution des cours boursiers. La nature de la taxe n'est pas précisée.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'attribution de stock-options et les actions gratuites sont un moyen pour l'entreprise de rémunérer ses dirigeants.

Si des dérives peuvent être constatées, l'imposition totale de ces éléments de rémunération ne constitue pas une réponse pertinente .

D'une part, d'un point de vue juridique, cette mesure serait anticonstitutionnelle dans la mesure où elle conduit à mettre en place une fiscalité totalement confiscatoire , contraire à l'article XIII de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Cet article dispose que « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens , en raison de leurs facultés ».

D'autre part, d'un point de vue économique, il n'est pas opportun de supprimer , via une taxation intégrale, le bénéfice de stock options ou d'actions gratuites. En effet, selon la théorie économique dite « théorie de l'agence », ce type de rémunération est nécessaire afin que les dirigeants ou les mandataires sociaux adoptent des politiques conformes aux intérêts des actionnaires qui les ont mandatés.

Enfin, d'un point de vue politique, la correction des dérives constatées passe avant tout, selon votre rapporteur général, par une plus grande responsabilisation des conseils d'administration, ou de surveillance, dans l'attribution de ces éléments de rémunération, ainsi qu'une plus grande vigilance de la part des actionnaires lors des assemblées générales.

Les stock-options sont suffisamment réglementées. La loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social a récemment encore renforcé les conditions d'exercice des options d'achat d'actions et de ventes des actions gratuites attribuées aux mandataires sociaux ou aux membres du directoire des entreprises cotées en bourse.

Dans ce domaine, il convient donc en priorité de concilier les exigences de la morale qui nécessitent la transparence (prévention du délit d'initiés et obligation de publication d'informations nominatives), et celles de l'efficacité économique qui supposent que le régime des stocks-options reste suffisamment attractif.

Décision de la commission : conformément à sa position d'ensemble, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 4 - Actualisation du plafonnement de l'indemnité de départ des dirigeants

Commentaire : le présent article a pour objet de préciser que le plafonnement de l'indemnité de départ des dirigeants prévue à l'article 2 de la proposition de loi est indexé sur l'indice des prix à la consommation.

Le présent article propose d'indexer le plafonnement de l'indemnité de départ des dirigeants prévu à l'article 2 de la proposition de loi sur l'indice des prix à la consommation.

Votre rapporteur général rappelle qu'il est défavorable aux propositions de fond formulées par la présente proposition de loi, et par conséquent défavorable au présent article.

Décision de la commission : conformément à sa position d'ensemble, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 5 - Application rétroactive de la proposition de loi

Commentaire : le présent article tend à appliquer les dispositions de la présente proposition de loi aux revenus de l'année 2008 et des années suivantes.

Le présent article propose d'appliquer les différentes mesures prévues par la proposition de loi à compter des revenus perçus en 2008.

Votre rapporteur général rappelle qu'il est défavorable aux propositions de fonds formulées par la présente proposition de loi, et par conséquent défavorable au présent article.

Décision de la commission : conformément à sa position d'ensemble, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 6 - Autorisation préalable des conventions dites « réglementées »

Commentaire : le présent article a pour objet de modifier le régime des conventions dites « réglementées » en donnant de nouvelles attributions à l'assemblée générale des actionnaires.

I. LE DROIT EXISTANT

Pour éviter les abus, sans pour autant interdire toute convention entre la société et ses dirigeants, la loi a défini trois types de conventions :

- les conventions qui sont interdites ;

- les conventions qui sont libres d'être contractées ;

- les conventions qui doivent être préalablement autorisées par le conseil d'administration. Le champ de ces conventions dites « réglementées » a été particulièrement étendu par l'article 105 de la loi n° 2001-420 relative aux nouvelles régulations économiques. Aux termes de l'article L. 225-38 du code de commerce, sont désormais soumises à une autorisation préalable, les conventions passées entre :

- la société et un administrateur ou un directeur général ;

- mais aussi entre la société et son directeur général, ou un de ses actionnaires détenant plus de 10 % des droits de vote, ou une société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

La procédure relative aux conventions réglementées comporte cinq étapes : information du conseil d'administration, autorisation donnée par le conseil , information des commissaires aux comptes des conventions autorisées, dans le délai d'un mois à compter de la conclusion desdites conventions, rapport spécial des commissaires aux comptes et, enfin, consultation de l'assemblée générale, après audition du rapport spécial des commissaires aux comptes .

Si cette procédure n'a pas été respectée, la convention n'est pas nécessairement nulle. La nullité n'est en effet prononcée que si la convention n'a pas été préalablement autorisée, et si elle a eu des conséquences dommageables pour la société (article L. 225-42 du code de commerce). Si l'autorisation préalable du conseil a été obtenue, les vices ultérieurs de la procédure n'entraînent pas la nullité de la convention. La seule sanction est alors la responsabilité personnelle de l'administrateur, qui doit réparer le préjudice subi par la société. Si l'assemblée n'approuve pas la convention, il en est de même .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de modifier trois articles du code de commerce.

La première modification concerne l'article L. 225-38 du code du commerce relatif aux conventions passées entre la société et son directeur général, ou ses directeurs généraux délégués, ou ses administrateurs, ou certains de ses actionnaires. Il prévoit de substituer l'autorisation préalable de l'assemblée générale des actionnaires à celle du conseil d'administration ;

- par coordination avec la première proposition, les deux autres modifications proposent d'amender les articles L. 225-39 et L. 225-42 du code de commerce afin de prévoir respectivement que :

- les conventions citées ci-dessus ne sont plus transmises au président du conseil d'administration mais à l'assemblée générale des actionnaires ;

- les conventions sont annulées en l'absence d'une autorisation préalable de l'assemblée générale des actionnaires, et non plus du conseil d'administration.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général est défavorable à cet article.

En effet, il ne convient pas de remettre en cause un système équilibré dans son principe. Comme il a été rappelé ci-dessus, la procédure de convention réglementée repose sur une autorisation préalable du conseil d'administration et la consultation de l'assemblée générale des actionnaires, après audition du rapport spécial des commissaires aux comptes consacré aux conventions réglementées. Si l'assemblée générale des actionnaires n'approuve pas les conventions, elle peut mettre en cause la responsabilité personnelle du ou des administrateurs.

Ce dispositif apparaît adéquat pour autant que chacun exerce avec responsabilité les missions qui lui sont confiées. La « bonne » gouvernance d'entreprise repose en effet sur le développement d'un système efficace de pouvoirs et de contre-pouvoirs, où la confiance faite aux acteurs est primordiale. A cet égard, il convient de garder à l'esprit le principe du mandat et le fait que les actionnaires ne sauraient être investis d'une mission trop étendue de surveillance.

Décision de la commission : conformément à sa position d'ensemble, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 7 - Extension de la négociation obligatoire aux rémunérations versées aux dirigeants salariés

Commentaire : le présent article a pour objet de modifier le code du travail afin de préciser que les éléments de rémunération versés aux dirigeants salariés de l'entreprise sont discutés dans le cadre de la négociation obligatoire.

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes des articles L. 2245-5 à L. 2242-14 du code du travail, la négociation obligatoire en entreprise porte sur les thématiques suivantes :

- égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

- salaires et durée de travail ;

- régime de prévoyance maladie ;

- intéressement, participation et épargne salariale ;

- travailleurs handicapés.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article modifie l'article L. 2242-1 du code du travail afin de préciser que la négociation obligatoire en entreprise porte également sur les éléments de rémunération versés aux dirigeants salariés de l'entreprise, notamment sur les options de souscriptions ou d'achat d'actions.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général est défavorable à cet article.

Sur un plan formel, la proposition de modifier l'article L. 2242-1 du code du travail n'est pas satisfaisante, puisque cet article organise les modalités de la négociation obligatoire et ne définit pas les matières soumises à cette négociation.

Sur le fond, votre rapporteur général estime que la proposition de cet article conduirait à changer le modèle économique actuel, ce qui ne lui parait pas opportun.

Par ailleurs, il rappelle que la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 relative aux revenus de travail a modifié l'article L. 225-186-1 du code de commerce afin de subordonner l'attribution de stock-options, ou d'actions gratuites, aux mandataires sociaux, à la distribution de stock-options ou d'actions gratuites à l'ensemble des salariés de l'entreprise ou à la mise en oeuvre d'un dispositif d'intéressement ou de participation volontaire ou dérogatoire.

Cette subordination permettra aux salariés d'être pleinement informés des distributions de stock-options, et par ailleurs d'en bénéficier.

Décision de la commission : conformément à sa position d'ensemble, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

* 3 Rapport n° 25 (2008-2009) de Mme Bernadette Dupont fait au nom de la commission des affaires sociales, et avis n° 32 (2008-2009) de M. Eric Doligé, fait au nom de votre commission des finances.

* 4 Compte-rendu des débats du Sénat, séance du 23 octobre 2008.

* 5 Compte-rendu des débats du Sénat, séance du 8 décembre 2008.

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