II. UN EFFORT DE CONCERTATION ET D'ACCOMPAGNEMENT DES COMMUNES QUI COMMENCE À PORTER SES FRUITS
Une telle analyse est au demeurant confirmée par l'expérience. Si la mise en place du service d'accueil est sans nul doute une lourde charge pour les maires qui doivent l'assumer, force est de constater que ceux-ci sont néanmoins parvenus à exercer la compétence que leur a confiée la loi.
Votre rapporteur a eu largement l'occasion, lors de l'examen d'une proposition de loi d'abrogation de la loi du 20 août 2008 précitée, de faire le bilan de ces premières mises en oeuvre du service d'accueil. 6 ( * ) Il ne reprendra donc de manière détaillée les développements qu'il avait alors consacrés à l'état d'application de la loi et aux indiscutables difficultés qu'ont rencontrées dans un premier temps une partie des communes.
Néanmoins, votre rapporteur estime nécessaire de rappeler que la confusion qui a semblé entourer la mise en place du service d'accueil cachait deux réalités bien distinctes. Dans certaines communes, le service n'était pas proposé alors même que les maires avaient cherché à appliquer la loi et n'y étaient pas parvenus. Dans d'autres, relativement nombreuses dans un premier temps, la loi n'était pas mise en oeuvre pour des raisons d'opposition de principe.
Ces deux hypothèses doivent être soigneusement distinguées. Car si la première justifie que des évolutions législatives ou règlementaires puissent être envisagées, la seconde ne témoigne en rien d'un vice de la loi et ne relève donc pas du législateur.
Il reste que nombreuses sont les communes qui, dans un premier temps, ont connu des difficultés pour organiser le service d'accueil. Il leur fallait en effet surmonter deux obstacles majeurs :
- le nombre d'élèves qui se présentent effectivement le jour de la grève pour bénéficier du service d'accueil n'est que difficilement prévisible . Le nombre d'enseignants ayant déclaré leur intention de faire grève permet certes d'avoir une première approximation, mais celle-ci n'est connue qu'à 48 heures du début du mouvement social, ce qui contraint les maires à organiser le service dans l'urgence ;
- de nombreuses communes, notamment en milieu rural, ne disposent pas du personnel permanent nécessaire pour assurer le service dans de bonnes conditions. Elles éprouvent alors des difficultés pour constituer le « vivier » prévu à l'article L. 133-7 du code de l'éducation. Ainsi certaines communes ont-elles vu leurs « appels à candidature » successifs rester infructueux.
Votre rapporteur tient à souligner que ces difficultés ont été rencontrées par des communes de toute taille, mais à des degrés divers. Cependant, pour les communes rurales, la constitution du « vivier » est sans doute le problème le plus aigu, le nombre d'élèves effectivement accueillis restant souvent faible. A l'inverse, les communes urbaines disposent généralement des personnels nécessaires pour organiser le service, mais le nombre d'élèves concernés étant beaucoup plus important, l'évaluation du nombre de personnes nécessaires pour accueillir les élèves y est beaucoup plus délicate.
Mais dans un cas comme dans l'autre, ces difficultés dont la réalité est incontestable ont été renforcées par l'absence d'information sur les modalités d'organisation.
Dans un premier temps, les services déconcentrés de l'Etat ont en effet inégalement accompagné les communes. De fait, celles-ci se sont alors trouvées confrontées à la nécessité d'organiser le service sans toujours connaître ses modalités exactes. Ainsi la question du statut ou du mode de rémunération des intervenants ponctuels recrutés s'est-elle souvent posée.
De même, alors que le législateur avait volontairement veillé à définir avec souplesse le service d'accueil, les communes ont parfois ressenti cette indétermination législative et règlementaire comme une difficulté.
Il revenait aux services de l'Etat de répondre à ces questions et de lever ces inquiétudes lors des premières grèves de l'automne 2008. Force est de constater que tel n'a pas toujours été le cas et que cette inertie a indiscutablement contribué à compliquer l'organisation du service d'accueil.
De plus, le choix de saisir les tribunaux administratifs lorsque les communes ne proposaient pas le service, s'il était parfaitement justifié lorsque cette carence était volontaire et organisée, témoignait d'une maladresse certaine lorsque la commune n'était pas parvenue, faute d'informations et d'accompagnement, à organiser le service malgré des efforts réels. 7 ( * )
Tous ces facteurs expliquent que dans un premier temps, la mise en oeuvre du service d'accueil se soit faite dans un climat relativement conflictuel entretenu par la décision de certaines communes de ne pas appliquer par principe la loi.
C'est pourquoi, dès le 27 novembre dernier, le Président de la République a annoncé devant les maires et présidents de communautés réunis en congrès sa décision de suspendre tous les recours qui avaient été formés à l'endroit des communes qui n'étaient pas parvenues à organiser le service . 8 ( * )
Ces déclarations ont en effet marqué de manière particulièrement solennelle la volonté du Président de la République de placer la mise en oeuvre du service d'accueil sous les auspices de la concertation et du dialogue.
Elles ont été suivies d'effet, l'Etat s'étant depuis lors désisté de tous les recours concernés.
De plus, dans le droit fil du discours du Président de la République, M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, s'est depuis lors efforcé de recenser avec les associations représentant les maires les obstacles que rencontrent les communes dans l'organisation du service.
Ce nouvel esprit partenarial a trouvé son aboutissement dans la création d'un comité de suivi de l'application de la loi , qui s'est réuni le 3 mars dernier.
Cet effort de concertation n'est pas resté infructueux. Une première série de réponses ont été apportées aux deux obstacles majeurs évoqués plus haut :
- s'agissant des délais de mise en place du service , le ministère de l'éducation nationale s'est engagé à demander aux inspecteurs d'académie de transmettre en temps réel l'évolution du nombre de déclarations d'intention de grève ;
De même, des instructions ont été adressées aux services pour que les directeurs d'école interrogent systématiquement les familles quelques jours avant la grève afin de mesurer approximativement le nombre d'enfants qui bénéficieront du service. Les maires pourront donc désormais anticiper leurs besoins de personnel pour l'organisation du service ;
- s'agissant du « vivier » de personnels pouvant assurer le service , le ministère de l'éducation nationale s'est engagé à accompagner les communes dans sa constitution ;
De fait, les services du ministère sont en relation avec une grande partie des personnes capables d'assurer le service : qu'il s'agisse des parents d'élèves, des contractuels intervenant dans le cadre scolaire ou des enseignants à la retraite, nombreuses sont les personnes qualifiées que le ministère peut solliciter directement afin de savoir si elles seraient prêtes à participer au service d'accueil. Les services de l'Etat pourront ainsi jouer le rôle d'intermédiaire lorsque les communes ne sont pas parvenues à trouver les personnels nécessaires.
Des instructions dans ce sens ont été adressées à deux reprises aux inspecteurs d'académie et sont reproduites en annexe du présent rapport.
Le ministre de l'éducation nationale y invite également ses services à jouer pleinement leur rôle d'interlocuteur naturel des communes en répondant à leurs questions portant tant sur le statut et les qualités attendues des personnels participant à la mise en oeuvre du service que sur leurs modalités de rémunération.
De même, la consigne a été explicitement donnée aux services du ministère de l'éducation nationale de verser aux communes, avec une particulière célérité, la compensation qui leur est due en application de l'article L. 133-8 du code de l'éducation.
Tel semble bien avoir été le cas : selon les informations communiquées par le ministère de l'éducation nationale, plus de 6 millions d'euros auraient été versés à ce titre aux communes depuis l'entrée en vigueur de la loi.
Au total, la concertation semble avoir porté ses fruits, comme en témoigne la progression régulière du nombre de communes ayant mis en oeuvre le service. Le 29 janvier dernier, le service d'accueil était proposé dans plus de 80 % des communes concernées et nombre d'entre elles étaient des communes rurales, comme en témoignent les exemples figurant en annexes du présent rapport.
L'expérience montre donc que les communes de moins de 2 000 habitants peuvent mettre en oeuvre le service d'accueil, pourvu que l'Etat les accompagne dans l'exercice de cette compétence dont la lourdeur ne peut être sous-estimée.
Pour votre commission, le transfert à l'Etat de la compétence d'organisation du service d'accueil dans les communes de moins de 2 000 habitants n'est donc pas souhaitable. Il risquerait en effet d'aboutir à la disparition du service dans ces communes ou à un service rendu de qualité bien moindre, alors même que sa mise en oeuvre serait sans nul doute plus coûteuse encore.
De plus, les difficultés auxquelles sont confrontées les communes rurales étant les mêmes que celles que connaissent les communes urbaines, quoique à des degrés différents, le maintien de la compétence de celles-ci pour organiser le service quand celles-là en sont dispensées apparaîtrait difficilement justifiable. C'est alors le service d'accueil dans son ensemble qui serait menacé.
Or votre commission estime que celui-ci a fait la preuve de son utilité. Dès lors que sa mise en oeuvre se fait désormais dans une atmosphère sensiblement apaisée et avec le concours actif de l'Etat, prendre le risque de compromettre l'existence même du service apparaît peu opportun.
Enfin, si des modifications législatives devaient être apportées, il serait sans doute souhaitable qu'elles le soient à la lumière des conclusions du rapport que le Gouvernement déposera sur le bureau de notre assemblée avant le 1 er septembre 2009, comme l'y oblige l'article 14 de la loi du 20 août 2008. Il est en effet préférable que ces modifications s'appuient sur les enseignements qu'une année entière de mise en oeuvre de la loi aura permis de tirer.
C'est pourquoi, au vu de l'atmosphère de concertation qui prévaut désormais et de l'augmentation continue du nombre de communes, notamment rurales, qui proposent le service depuis sa création, votre rapporteur n'est pas favorable à sa suppression dans les communes de moins de 2 000 habitants.
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Sous le bénéfice de ces observations, la commission n'est donc pas favorable à l'adoption de la présente proposition de loi.
* 6 Cf : Rapport n°166 (2008-2009), fait au nom de la commission des affaires culturelles et déposé le 14 janvier 2009 sur la proposition de loi abrogeant la loi n° 2008-790 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.
* 7 Il convient de noter qu'à ce jour, une seule décision a implicitement reconnu l'impossibilité pour la commune de mettre en oeuvre le service. Quant à la décision citée par les auteurs de la proposition de loi, elle constate simplement l'impossibilité pour le juge des référés d'ordonner une mesure utile sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, compte tenu sans doute du caractère tardif de la requête.
* 8 Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, président de la République, le 27 novembre 2008 devant le congrès des maires : « C'est vrai qu'on ne peut pas demander la même obligation de service à un maire d'une commune rurale qui n'a même pas dans ses collaborateurs un employé ayant le BAFA et - pour ne viser personne - au maire de la capitale de la France ou d'une grande ville d'un ou deux millions d'habitants. Je le comprends parfaitement et l'on doit pouvoir trouver un accord, y compris sur...les référés qui ont été faits pour sanctionner tel ou tel maire... Sur cette question-là, excusez-moi, je comprends parfaitement le sentiment d'injustice que peut avoir un maire traîné devant le tribunal administratif par son préfet parce qu'il a peu de moyens, qu'il a fait son possible et qu'il n'y est pas arrivé. Je suis tout à fait prêt à revoir cela. Mais ce que je n'accepte pas - et je le dis aux élus de gauche comme de droite parce que cela peut vous arriver un jour d'être au pouvoir - ce que je n'accepte pas c'est qu'un élu de la République dise qu'il n'appliquera pas la loi de la République. Personne n'est au-dessus des lois. Personne. Donc, je fais la différence, et je le dis, Monsieur le Président, entre celui qui, de bonne foi, dit : « je n'y peux rien, vous n'allez pas en plus me le reprocher. Je n'y arrive pas » et celui pour qui c'est un acte militant de contestation de la loi. On ne peut pas traiter ces deux catégories d'élus de la même façon. Je le dis très simplement. Je prendrai donc des initiatives pour aller dans votre sens. »