EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 7 novembre 2007, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport spécial de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, sur la mission « Culture » et le compte spécial « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial , s'est demandé quel était le niveau optimal des crédits de la mission « Culture ». Il a rappelé que les crédits étaient pratiquement stables depuis 2006, représentant 1 % des crédits de paiement du budget général de l'Etat, soit 2,771 milliards d'euros. Il a constaté que la majeure partie des crédits de la mission, soit 48,89 %, étaient alloués au programme 175 « Patrimoines », 30,87 % des crédits bénéficiant au programme 131 « Création » et 20,24 % au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation ».
Il a noté la suppression de l'affectation de 70 millions d'euros du produit des droits de mutation à titre onéreux au Centre des monuments nationaux (CMN), qui était souhaitée en raison des circonvolutions administratives et financières mises en place entre le CMN et la direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA). Il a constaté que, hors cette mesure de périmètre, le budget de la mission « Culture » progressait de 0,5 %, ce qui n'était pas négligeable en période de forte contrainte budgétaire.
Il a précisé que les effectifs prévus par le plafond ministériel d'emploi, soit 11.256 ETPT (équivalents temps plein travaillé) diminuaient de 286 unités par rapport à 2007. Il a relevé que les dépenses de personnel représentaient 21 % des crédits de paiement de la mission, mais que cette proportion ne prenait pas en compte les 14.370 ETPT des opérateurs culturels. Il a constaté qu'en deux ans, les effectifs du ministère avaient diminué de 374 ETPT, ceux des opérateurs progressant de 565 unités.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, s'est demandé comment le ministère de la culture et de la communication pouvait assurer la tutelle de 78 établissements publics, qui captaient 40 % des crédits du ministère et contribuaient à l'essentiel de la politique culturelle française.
Il s'est interrogé également sur l'évolution des besoins de financement dans le domaine du patrimoine, eu égard à la longueur et à la complexité des chantiers concernés. Il a indiqué que le débat consistant, pour les professionnels du secteur à exiger, année après année, une augmentation d'une centaine de millions d'euros de la dotation allouée au patrimoine monumental perdurait. Il a rappelé que l'annulation de crédits de paiement non consommés, sans annulation concomitante d'autorisations d'engagement, avait conduit le ministère de la culture à une situation proche de la rupture de paiement. Cette situation s'est améliorée grâce à deux mesures exceptionnelles : l'allocation de 100 millions d'euros à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) au titre des recettes de privatisation des autoroutes et l'allocation de 140 millions d'euros au CMN, sur deux années, au titre d'une recette fiscale affectée.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial , a ajouté que pour avoir une meilleure visibilité des besoins réels de financement du patrimoine monumental, la commission avait prévu, l'année dernière, la transmission d'un rapport du gouvernement au Parlement sur l'état sanitaire du patrimoine monumental français, établi sur la base de critères définis au plan national par la DAPA. Ce rapport n'a pas encore été transmis au Parlement à l'expiration du délai prévu.
Il a ensuite examiné la soutenabilité de la politique culturelle. Il a noté que le programme 175 était le plus « contraint ». En effet, en 2008, les crédits de paiement demandés serviront pour 12,6 % à couvrir des autorisations d'engagement antérieures à 2008. En 2009, cette proportion passera à 41,65 %.
Il a constaté que pour l'ensemble de la mission, les crédits de paiement ouverts sur des autorisations d'engagement demandées avant 2008 représentaient 6,5 % du total alloué en 2008. En 2009, ils s'élèveront à 20,84 % des crédits de paiement de l'année, si le budget de la mission n'augmente pas, ce qui semble plausible dans le contexte budgétaire actuel. Il a observé que cette situation ne s'améliorerait guère en 2010, puisque 18,44 % des crédits de paiement ouverts serviraient à couvrir des engagements non couverts au 31 décembre 2008.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a relevé que cette contrainte budgétaire pesait dès à présent sur les programmes de la mission « Culture ». Il a indiqué que les engagements nouveaux devaient être strictement encadrés, dans le domaine des monuments historiques, mais aussi dans le domaine de la réalisation d'équipements culturels nouveaux. Il a noté que la justification au premier euro du programme « Création » précisait que les crédits de paiement devraient aller en priorité au règlement des factures liées aux fonds structurels européens afin que leur remboursement ne soit pas demandé par la Commission européenne.
Il a estimé que les contraintes budgétaires devaient se traduire par des choix drastiques dans tous les secteurs de la politique culturelle. Dans cette perspective, il suivra avec attention l'évolution des données relatives à la soutenabilité de la politique culturelle. Ses visites effectuées en DRAC, au cours de l'année 2007, indiquent clairement qu'il s'agit d'un enjeu déterminant. La revue générale des politiques publiques (RGPP) devrait, dans cette même perspective de réduction des besoins de financement, examiner la création de trois grands équipements culturels : le grand auditorium philarmonique de Paris, le palais de Tokyo et le projet de l'Ile Seguin.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial , a ensuite indiqué que les taxes qui alimentaient le soutien à l'audiovisuel et au cinéma pourraient être affectées directement au centre national de la cinématographie (CNC). A ce jour, elles alimentent le compte d'affectation spéciale (CAS) « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ». Ce système présente de réels inconvénients. Les crédits alloués au cinéma, et ceux destinés à la télévision sont gérés de manière étanche alors que la distinction des supports n'a plus de sens à l'heure de la numérisation, et empêche les régulations entre les sections du CAS. Sur le plan comptable, le CNC ne peut pas retracer ses créances dans son bilan. En outre, la comptabilisation des recettes affectées au CAS se fait sur la base des encaissements et non des droits constatés, ce qui contribue à déséquilibrer la structure financière du CNC.
Il a constaté que l'affectation directe des taxes au CNC présenterait de nombreux avantages : la fusion des programmes 711 et 712 du CAS dans le budget opérationnel du CNC permettrait de passer d'une logique verticale, par support de diffusion, à une logique horizontale, fondée sur les étapes de la création (écriture, production, distribution). Les actifs et passifs du CNC seraient présentés selon une comptabilité d'engagement et non de caisse. Enfin, les financements budgétaires alloués au CNC pourraient diminuer à due concurrence des produits financiers supplémentaires issus d'une trésorerie accrue.
Il a précisé que cette réforme était déjà amorcée, le CNC recouvrant directement la taxe sur les entrées en salle depuis le 1 er janvier 2007. A compter du 1 er janvier 2009, il est prévu de lui confier le recouvrement de la taxe sur les services de télévision. Deux difficultés doivent être résolues pour mener à bien la réforme. Le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) devrait être rattaché à une autre mission ou à un autre CAS, afin que ne subsiste pas à l'issue de la réforme un CAS mono-programme. Il convient de doter le CNC d'un conseil d'administration. Il a précisé que l'affectation directe des taxes du CAS au CNC pourrait faire l'objet d'une mesure en loi de finances rectificative pour 2007, mesure qu'il soutiendrait, dans l'attente de la réforme de la gouvernance du CNC, qui pourrait être présentée au Parlement en 2008.
Un large débat s'est ensuite instauré.
M. Jean Arthuis, président, évoquant les travaux menés en ce domaine par le rapporteur spécial, a souhaité obtenir des précisions sur la situation de l'Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP). Il a souligné que les entrepreneurs de travaux, comme les collectivités territoriales, se plaignaient des délais d'attente précédents les chantiers de fouille réalisés par l'INRAP. Il s'est demandé comment remédier à cette situation.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial , a indiqué que la subvention d'équilibre de l'INRAP était prorogée pour 2008, à hauteur de 9,07 millions d'euros. Il a rappelé qu'il avait pressenti la nécessité de garantir par des crédits budgétaires l'équilibre des finances de l'établissement public, comme en témoignait l'amendement qu'il avait déposé, sur ce thème, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006. Il a constaté l'amélioration du recouvrement de la redevance d'archéologie préventive, dont le produit est passé, entre 2005 et 2006, de 32 millions d'euros à 66,6 millions d'euros. Il a estimé que l'encadrement des recrutements devait être compatible avec un délai de traitement moyen des fouilles archéologiques acceptable par les entrepreneurs et les collectivités territoriales concernées.
Il a souhaité que les services territoriaux d'archéologie préventive se développent, ainsi que le nombre d'opérateurs privés agréés. Enfin, il a noté que l'INRAP devait encore rembourser le solde du prêt accordé par le Trésor, soit 15,5 millions d'euros. Il a espéré que le ministre de la culture et de la communication réunisse enfin, sous sa présidence, le Conseil national de la recherche archéologique, afin de définir une politique de programmation de la recherche archéologique et des prescriptions de fouilles archéologiques. Il a rappelé que si l'archéologie préventive était impopulaire pendant les travaux de fouilles, elle était appréciée lorsque les résultats des recherches étaient exposés.
M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, a indiqué qu'il partageait les conclusions du rapporteur spécial sur l'INRAP. Il a estimé que les collectivités territoriales devaient prendre en compte, dans leur projet d'aménagement, le délai normal à l'accomplissement de travaux de fouilles archéologiques préventives.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a indiqué une qu'une nouvelle modification de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive lui semblait inappropriée.
M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles , a partagé également le point de vue du rapporteur spécial sur le compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ». Il a observé que de réels progrès avaient été faits, grâce à la numérisation, pour recenser les recettes des salles de cinéma, et appliquer ainsi la taxe sur les spectacles. Il a souhaité que cette évolution serve d'exemple aux structures théâtrales.
M. Yves Fréville a relevé de profondes similitudes entre la mission « Culture » et la mission « Défense » dont il est rapporteur spécial. Il a souligné les fortes contraintes budgétaires pesant sur ses deux missions, issues d'engagements financiers antérieurs à l'exercice en cours et gênant l'exécution future. Il a estimé que les tableaux relatifs au « suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement », figurant dans les documents budgétaires annexés à la loi de finances pour 2008, devaient être explicités, notamment en termes de méthodologie.
Il a observé qu'en 2008, 18 % seulement des crédits de paiement couvraient des engagements sur les années antérieures non couverts par des paiements au 31 décembre 2006, ce qui conduisait à reporter près de 80 % de cette charge sur les années postérieures à 2008. Il a indiqué que le programme « Patrimoines » serait ainsi à terme soumis au même phénomène de « bosse de paiement » que la mission « Défense ».
M. Jean Arthuis, président , s'est demandé s'il était possible dans de telles conditions de contracter des engagements nouveaux en 2008.
M. Yves Fréville a constaté que depuis la mise en oeuvre de la LOLF, les « bleus » budgétaires ne contenaient plus d'échéanciers de paiement au regard des autorisations d'engagement ouvertes. Il a estimé indispensable de pallier cette carence afin d'apprécier la soutenabilité de la politique exposée. Par ailleurs il a rejoint les conclusions du rapporteur spécial, en se déclarant, lui aussi, très réservé sur la mise en oeuvre de la gratuité dans les musées.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial , a indiqué que, conformément au souhait exprimé pendant la campagne présidentielle, le gouvernement avait mis en place une expérimentation de gratuité dans 14 musées nationaux et monuments historiques dépendant des ministères de la culture et de la communication, de la défense et de l'enseignement. Le financement de l'expérimentation n'étant pas prévu dans le projet de loi de finances pour 2008, il a proposé d'adopter un amendement prévoyant la transmission d'un rapport du gouvernement au Parlement à l'issue de la période d'expérimentation, afin que les assemblées puissent se prononcer sur les orientations à retenir pour étendre, ou non, la gratuité. Le rapport précisera les coûts de l'expérimentation pour les services et établissements publics concernés, ainsi que la composition du public accueilli durant la période précitée, afin qu'il soit possible de déterminer si la gratuité permet réellement d'attirer un public nouveau.
M. Jean Arthuis, président , a regretté qu'il ne soit pas possible d'agir plus en amont de l'expérimentation et qu'il faille attendre son évaluation pour se prononcer.
M. Michel Moreigne a souligné les difficultés rencontrées par les communes rurales pour assurer la maîtrise d'ouvrage déléguée par l'Etat, et notamment l'obligation qui leur incombe, depuis le 1 er janvier 2006, de procéder à la dématérialisation des marchés publics concernant l'entretien des monuments historiques.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial , a indiqué qu'il attendait également la parution du décret permettant aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) d'assister les communes et prévoyant la possibilité pour les DRAC d'héberger les procédures de passation des marchés publics des petites communes.
M. Eric Doligé a souhaité savoir si une projection du plan de charges de l'INRAP à moyen terme pouvait être mise en place afin de réduire les délais d'attente pour la réalisation des fouilles archéologiques. Il a estimé qu'il était complexe de mettre en place des services archéologiques dans les collectivités territoriales, les conditions de délivrance des agréments étant difficiles à réunir. Il s'est demandé si l'agrément des associations locales d'archéologie ne devrait pas être facilité.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial , a observé que la montée en puissance de l'INRAP avait été lente, et que les délais ne pourraient pas être réduits tant qu'une carte archéologique nationale ne serait pas établie, afin de délimiter au mieux les zones susceptibles de donner lieu à des fouilles archéologiques.
M. François Trucy a remarqué qu'il serait intéressant de tirer les enseignements de l'instauration de la gratuité des musées au Royaume-Uni. Il s'est demandé si des mesures étaient prises pour favoriser le développement du mécénat.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial , a rappelé qu'une réforme du code général des impôts avait été prévue par la loi de finances pour 2007 afin d'ouvrir le dispositif relatif au mécénat aux monuments privés. Il a également indiqué qu'un amendement pourrait être envisagé afin de prévoir que les dons des mécènes soient déductibles de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
M. Roland du Luart a observé que la situation des monuments privés s'était détériorée, et que les budgets opérationnels des DRAC étaient en diminution dans ce secteur. Les efforts budgétaires dans le domaine du patrimoine ont bénéficié, ces dernières années, aux monuments appartenant à l'Etat.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial , a rappelé qu'en 2008 un effort particulier serait réalisé en faveur des monuments appartenant aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés, correspondant, en fait, à un rattrapage de la réduction de crédits observée en 2007. Ce sont ainsi 20 millions d'euros supplémentaires qui seront alloués à ce secteur, soit un total de 123,1 millions d'euros. Il a indiqué qu'il interrogerait le ministre de la culture et de la communication sur le niveau des budgets des DRAC consacrés au patrimoine monumental n'appartenant pas à l'Etat.
La commission a alors adopté sans modification les crédits de la mission « Culture » et du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ». Sur la recommandation de son rapporteur spécial, elle a adopté, à l'unanimité, un amendement portant article additionnel après l'article 41 quater du projet de loi de finances pour 2008 et prévoyant la remise d'un rapport du gouvernement sur l'expérimentation de gratuité des musées .
Réunie le jeudi 22 novembre 2007, sous la présidence de M Jean Arthuis, président, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.