3. Conforter la modernisation de la politique immobilière du Quai d'Orsay
Sur le plan budgétaire, le ministère des affaires étrangères et européennes, dans le cadre de son contrat de modernisation 2006-2008, a prévu d'autofinancer ses opérations immobilières grâce aux cessions des éléments de son patrimoine à l'étranger devenu inutile à ses besoins. Certaines cessions ont produit des recettes très significatives : il en est ainsi de l'immeuble de l'avenue Kléber dédié au centre de conférences international, vendu au printemps 2007 pour 404 millions d'euros. De la même manière, la réalisation de la nouvelle chancellerie de l'ambassade de France à Tokyo, plus qu'autofinancée par le biais d'un bail emphytéotique concédé sur une parcelle du terrain, constitue un exemple novateur pour la modernisation de la politique immobilière de l'Etat : la valorisation des biens de l'Etat par bail emphytéotique pourrait ainsi être étudiée à Paris.
Pour autant, sur le plan budgétaire, la politique d'investissement immobilier du Quai d'Orsay ne va pas sans difficultés techniques qui doivent pouvoir être réglées. Le produit des cessions immobilières abonde en effet un compte d'affectation spéciale dont le ministère, dès lors qu'il s'agit d'immeubles à l'étranger, peut avoir le retour à hauteur de 100 %. Or, s'agissant de projets immobiliers engagés antérieurement à la création du compte d'affectation spéciale, le contrôleur budgétaire et comptable (CBCM) du ministère du budget, de la fonction publique et des comptes publics a proscrit le financement, par des recettes du compte d'affectation spéciale, d'investissements réalisés sur le budget général.
En outre, mésestimant les régimes juridiques très particuliers, et divers, des implantations de la France à l'étranger (certains Etats n'autorisent pas l'achat de biens immobiliers pour les représentations diplomatiques étrangères), le même contrôleur budgétaire et comptable a refusé l'utilisation des crédits disponibles du compte d'affectation spéciale pour financer des opérations immobilières n'appartenant pas à l'Etat. Le produit des cessions du ministère des affaires étrangères et européennes est donc en partie inutilisé, ce qui limite fortement le rythme d'investissement immobilier du Quai d'Orsay. Votre rapporteur spécial déplore cette situation et invite à trouver une solution technique satisfaisante dans les délais les plus brefs.
Par ailleurs, s'agissant du siège de l'organisation internationale de la francophonie (OIF), intitulé Maison de la francophonie, votre rapporteur spécial salue l'écoute et l'ouverture du gouvernement pour réussir à concilier deux exigences, celle de la parole de la France, consistant à loger dignement les 375 fonctionnaires de l'OIF, dans des délais rapides, et celle de la bonne gestion du patrimoine de l'Etat. L'organisation internationale de la francophonie est financée de manière prépondérante par la France, à hauteur de 21 millions d'euros par an. Le principe du regroupement sur un seul site d'implantations immobilières multiples n'apparaît pas contestable.
Votre rapporteur spécial s'était inquiété à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2006 du coût des travaux nécessaires à l'installation de la Maison de la francophonie au 20 avenue de Ségur, passé de 35 millions d'euros au départ, à 60 millions d'euros en juillet 2006 en raison du nécessaire désamiantage des locaux, puis à 80 millions d'euros en raison de la décision de procéder en plus des travaux au changement des fenêtres (25 millions d'euros pour les huisseries). En outre, 40 millions d'euros devaient au minimum être consacrés au déménagement du ministère de l'écologie, co-occupant de l'immeuble avec la Maison de la francophonie, pendant la durée des travaux.
Le maître d'ouvrage délégué retenu était l'EMOC, établissement sous la tutelle du ministère de la culture. Or une enquête de la Cour des comptes réalisée à la demande de votre commission des finances, qui a donné lieu à un rapport d'information 15 ( * ) , montre que toutes les opérations prises en charge par l'EMOC et terminées à ce jour témoignent d'un dépassement de l'enveloppe financière conséquent, et que seules 3 opérations terminées sur 15 enregistrent un retard inférieur à 20 mois. Dans ces conditions, on pouvait craindre que la fin de travaux n'intervienne avant 2010.
Votre rapporteur spécial a donc souhaité attirer l'attention sur cette situation et a été entendu par le gouvernement. Par courrier en date du 30 juillet 2007, M. Bernard Kouchner a écrit à votre rapporteur spécial en lui indiquant qu'il lui était reconnaissant de l'avoir alerté sur ce dossier et de « lui avoir permis de mesurer les potentialités de ce projet, mais aussi ses difficultés ». Il a souhaité qu'un temps suffisant soit réservé à ce dossier. Il indique « comme vous le savez, j'ai souhaité qu'un temps suffisant soit réservé à un réexamen de l'ensemble des composantes de ce dossier. Comme vous, je suis convaincu que le principe même d'un regroupement sur un site unique de l'ensemble des institutions de la francophonie présentes à Paris conserve toute sa pertinence. Je partage par ailleurs évidemment votre analyse quant à la nécessité de conduire un tel projet de regroupement dans des conditions de réalisation, de délais et de coûts irréprochables. C'est dans ce contexte que les prochaines semaines vont être consacrées à un examen détaillé de l'ensemble des options qui permettront de mener à bien ce projet, soit sur le site de l'avenue de Ségur s'il est effectivement démontré que cette opération peut être financièrement viable, soit sur un autre site qui reste à identifier. Votre proposition d'associer France Domaine au montage de ce dossier mérité d'être retenue. En tout était de cause, le ministère des finances sera très étroitement associé à l'étude des différents paramètres de ce dossier ; c'est dans ce cadre que l'appui de l'expertise de France Domaine pourrait être opportune ».
Un point de situation a été fait par votre rapporteur spécial le 13 novembre 2007 avec la mission interministérielle composée d'un inspecteur général des finances, de deux représentants de l'inspection générale des affaires étrangères et européennes et d'un représentant du conseil général des ponts et chaussées.
De ses travaux, votre rapporteur spécial formule plusieurs conclusions provisoires :
- la disjonction des dossiers de la Maison de la francophonie et du relogement inéluctable du ministère de l'écologie dans le cadre du regroupement des services du ministère de l'environnement, du développement et de l'aménagement durable constitue une nécessité dès lors que l'on souhaite faire avancer le projet de l'OIF dans des délais raisonnables ;
- l'analyse des besoins, pour 375 agents, montre qu'environ 8.000 m² doivent être trouvés . La réalisation d'un auditorium de plusieurs centaines de places, pour environ 5 conférences ministérielles ou de chefs d'Etat par an, apparaît comme un facteur de difficulté supplémentaire pour réaliser le projet dans des conditions de délais et de coûts conformes aux souhaits de la France. La location d'un auditorium en fonction des besoins permettrait de répondre aux besoins de la francophonie dans des conditions de prestige très satisfaisantes ;
- la solution la plus conforme à la bonne gestion du patrimoine immobilier de l'Etat paraît être la vente, ou la location par bail emphytéotique à un acteur privé, de l'immeuble du 20 avenue de Ségur, inscrit au tableau général des propriétés de l'Etat pour 270 millions d'euros, mais dont la valeur vénale apparaît, eu égard au dynamisme des marchés immobiliers, supérieure ;
- un achat sur le marché par l'Etat au profit de l'OIF , qui mobiliserait de son côté les ressources issues de la vente de certains de ses immeubles, sur le marché, pour un prix qui pourrait être compris entre 80 et 100 millions d'euros, permettrait d'inaugurer le siège de la francophonie, dans un lieu au centre de Paris conforme à la dignité de l'institution, à l'horizon 2008 ou 2009 ;
- ce faisant, l'opération lourdement déficitaire dénoncée par votre rapporteur spécial laisserait place à une opération dégageant plusieurs centaines de millions d'euros au profit de l'Etat.
* 15 Rapport d'information n° 382 (2006-2007) de M. Yann Gaillard au nom de la commission des finances.