CHAPITRE DEUX :
UNE NORME DE DÉPENSE AMBITIEUSE À APPRÉCIER
AU REGARD DU CHAMP D'INTERVENTION DE L'ETAT

La norme de dépense proposée pour l'Etat dans le présent projet de loi de finances est conforme aux engagements du Premier ministre contenus dans sa lettre de cadrage du 19 janvier 2006 prévoyant une évolution des dépenses inférieure d'un point à l'inflation en 2007 (1,8 %) . Le gouvernement passe ainsi du « 0 volume » au « - 1 % volume » (le « 0 valeur » serait donc un « - 1,8 volume »).

Cet effort renouvelé en matière de dépense constitue la première étape de l'engagement national de désendettement présenté par le gouvernement lors du débat d'orientation budgétaire. Il suppose pour le budget général de l'Etat une diminution des dépenses en volume de 1 % en 2007, 1,25 % en 2008 et 1,50 % en 2009.

Le projet de loi de finances pour 2007 consacre une législature 2003-2007 marquée par une norme de dépense pour l'Etat plus ambitieuse que sous la précédente législature, dans un contexte de ralentissement relatif de la dépense publique. Sur la législature , le contraste apparaît significatif s'agissant des dépenses de l'Etat par rapport à la politique du gouvernement de Lionel Jospin. Les résultats sont plus nuancés pour les dépenses publiques dans leur ensemble, où le ralentissement est réel, mais encore faible. En 2007, les dépenses publiques représenteraient 52,9 % du PIB, contre 53,3 % en 2006, et 52,8 % en 1998.

Contrairement à la précédente, la législature 2003-2007 apparaît comme celle où les engagements du gouvernement en loi de finances initiale, s'agissant de la norme de dépense, ont, chaque année, été tenus.

Globalement, la prévision pour 2007 apparaît encore une fois sincère - des sous-budgétisations récurrentes sont ainsi partiellement corrigées - sans que les tensions sur certains compartiments budgétaires permettent, pour autant, d'éluder complètement la question de la soutenabilité de la norme de dépense.

La réduction des crédits publics est, plus que jamais, liée à la réussite de la réforme de l'Etat, et, notamment, à l'application rapide des préconisations formalisées par les audits de performance, dont les limites ont récemment été soulignées par un rapport d'information 13 ( * ) de votre commission des finances.

Surtout, la portée de cette norme est confrontée à une tendance nouvelle, celle du développement désormais rapide de « l'agencisation de l'Etat » . Celle-ci peut être définie comme l'exercice de compétences de l'Etat par des agences, financées, de manière marginale ou non, au moyen de taxes affectées. L'évolution en cours peut être favorable, en ce qu'elle porte une possible rénovation de l'action de l'Etat dans certains domaines. Elle ne doit pas offrir comme seul avantage celui de constituer une sorte d'échappatoire 14 ( * ) face à la rigueur de la norme de dépense fixée par le Premier ministre.

La création d'agences est à désapprouver lorsqu'elle récompense les comportements de fuite des ministères face aux contraintes de la maîtrise des dépenses publiques. En revanche, elle peut, comme cela été le cas au Canada, au Royaume-Uni et dans certains pays nordiques, produire une véritable modernisation de la gestion de l'Etat, dès lors qu'elle n'est pas à l'origine d'une nouvelle croissance de la dépense publique et des prélèvements obligatoires .

Ceci conduit votre rapporteur général à recommander au gouvernement l'introduction d'une régulation du périmètre des agences de l'Etat, dans le double objectif d'une maîtrise des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires. Les dépenses de ces agences doivent être consolidées avec celles de l'Etat, à défaut de quoi le budget deviendrait de plus en plus lacunaire, l'autorisation parlementaire étant progressivement vidée de son sens.

I. UNE RÉELLE AMBITION POUR ACHEVER LA LÉGISLATURE

Le projet de loi de finances pour 2007 consacre la stratégie de maîtrise de la dépense de l'Etat sur la législature, sans que les résultats soient aussi convaincants pour la dépense publique dans son ensemble.

En matière de politique des effectifs, le renversement de tendance est indéniable, sans que, toutefois, la législature soit revenue sur la totalité des créations d'emplois du gouvernement de Lionel Jospin. Au sein de la dépense de l'Etat, les crédits inscrits au titre de la masse salariale n'auront cessé d'augmenter entre 2003 et 2007. A l'inverse, tous les engagements pluriannuels souscrits par le gouvernement n'ont pas été tenus.

A. LA CONSÉCRATION D'UNE STRATÉGIE DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE DE L'ETAT SUR LA LÉGISLATURE

1. 1997-2002/2003-2007 : un écart de performance important entre les deux législatures

La crédibilité de la norme de dépense de dépense pour 2007 est liée au fait que le gouvernement a toujours tenu sa prévision depuis 2003 .

a) Un écart de performance de 3,8 points pour les dépenses de l'Etat

L'accentuation de l'effort pour 2007, consistant à passer du « 0 volume » au « - 1 volume » souligne le contraste avec la législature précédente : entre 2003 et 2007, la dépense de l'Etat en volume devrait avoir baissé de 0,8 % tandis qu'elle avait progressé de 3 % entre 1998 et 2002, soit un écart de performance entre les deux législatures de 3,8 points.

2003- 2007 : une réduction de la dépense de l'Etat en volume

(en %)

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

En ce qui concerne la dépense publique dans son ensemble, le contraste est moins net entre les deux législatures, même s'il est réel. Entre 1998 et 2002, la dépense publique a progressé de 11,9 % en volume. Le taux de croissance serait limité à 9,7 % entre 2003 et 2007, à condition évidemment que les prévisions du gouvernement pour 2006 et 2007 se réalisent.

b) Un écart de performance de 2,1 points pour l'ensemble des dépenses publiques

Alors que pour l'Etat, l'écart entre les deux législatures serait de 3,8 %, il ne serait plus que de 2,1 % s'agissant de la dépense publique dans son ensemble.

2003- 2007 : un ralentissement de la dépense publique en volume

(en %)

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3,5

4

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2003 - 2007 : + 9,7 %

1998-2002 : + 11,9 %

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Assurément, le rythme de progression de la dépense publique se ralentit. Néanmoins, en pourcentage du PIB, les résultats apparaissent moins concluants . Ainsi, le niveau des dépenses publiques en 2007 devrait être supérieur à celui établi en 1998.

Evolution des dépenses publiques sur la période 1998-2007

(en % du PIB)

Source : INSEE

En comparaison avec les autres pays de l'OCDE, sur la période 1998-2005, les performances de la France restent peu satisfaisantes . Si, en matière de dépenses publiques, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni ont récemment convergé, la France continuait à connaître, en 2005, un différentiel de l'ordre de sept à dix points de PIB par rapport à ce groupe de trois pays.

Evolution des dépenses publiques dans les pays de l'OCDE sur la période 1998-2005

(en % du PIB)

Source : OCDE

* 13 Rapport d'information n° 45 (2006-2007) de M. Jean Arthuis au nom de la commission des finances.

* 14 Pour certains ministres, elle constitue ainsi une variante de la « dépense fiscale », non prise en compte dans la norme de dépense et non susceptible de faire l'objet de régulation budgétaire en cours d'exercice.

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