III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : INTENSIFIER LA COOPÉRATION POLICIÈRE AUX FRONTIÈRES

La commission engageant politiquement le Sénat doit inscrire sa réflexion dans le contexte politique général caractérisé au plan juridique par les difficultés liées à la suspension du processus constitutionnel et au plan des réalités par le développement de la délinquance transfrontalière et l'accroissement de l'espace Schengen résultant de l'élargissement.

Dans une telle perspective, votre commission croit donc devoir privilégier le souci de l'efficacité dans la lutte contre la délinquance transfrontalière et dans le renforcement des moyens de cette lutte.

A. SUR LES PROCÉDURES

1. Prendre acte de l'intégration de l'acquis de Schengen dans l'Union européenne

La coopération policière opérationnelle aux frontières est le fruit de la Convention Schengen qui fut conclue dans un cadre intergouvernemental à une époque où l'Union européenne n'existait pas encore et où l'Europe ne s'occupait pratiquement pas de coopération policière et judiciaire. C'est dans ce cadre que le Parlement a eu à ratifier la CAAS et que le Conseil constitutionnel a rendu sa décision en 1991.

Toutefois, l'intégration de l'acquis de Schengen dans l'Union européenne et sa partielle communautarisation au sein du premier pilier par le traité d'Amsterdam 12 ( * ) ont bouleversé les bases juridiques de la CAAS.

En effet, à l'occasion de cette intégration, il a été fait le choix de ventiler l'ensemble de l'acquis Schengen entre le premier pilier (titre IV du traité instituant la Communauté européenne relatif aux questions d'asile, de visas, de libre circulation et d'immigration) et le troisième pilier relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale (titre VI du traité sur l'Union européenne) 13 ( * ) .

Les dispositions relatives à la coopération policière, notamment les articles 40 et 41, ont désormais pour base juridique le troisième pilier et plus particulièrement l'article 30, paragraphe 1, points a), b) et c) du traité sur l'Union européenne (TUE).

Or conformément à l'article 5, paragraphe 1, du protocole intégrant l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne précité, les propositions et initiatives fondées sur l'acquis de Schengen sont soumises aux dispositions pertinentes des traités.

L'article 34, paragraphe 2, du TUE prévoit que le Conseil peut, statuant à l'unanimité à l'initiative de tout Etat membre ou de la Commission, arrêter des décisions à toute fin conforme aux objectifs définis à l'article 30 du TUE.

C'est sur ce fondement juridique que la Commission propose de modifier la CAAS par son projet de décision.

Il faut souligner l'existence de plusieurs précédents. La décision 2003/725/JAI du Conseil du 2 octobre 2003 précitée en est la meilleure illustration, puisque le Conseil a ainsi modifié par une décision l'article 40, paragraphe 1 et 7, de la CAAS. Rappelons qu'il s'agissait d'une modification importante, puisqu'il s'agissait notamment d'étendre le droit d'observation aux personnes proches ou en relation avec une personne suspectée d'avoir participé à une infraction.

Pour ces différentes raisons, il apparaît à votre commission que les objections soulevées par la délégation pour l'Union européenne à l'encontre du choix de l'instrument juridique pour modifier la CAAS ne sont pas décisives .

Certes, l'article 34, paragraphe 2, point d) du TUE laisse aussi la possibilité au Conseil d'établir des conventions pour poursuivre les objectifs de l'Union en matière de coopération policière. Le Conseil pourrait donc choisir cet instrument juridique qui impliquerait son examen par les parlements nationaux. Toutefois, le précédent cité ainsi que le contexte général qui entoure désormais le domaine de la coopération policière n'invitent pas à procéder d'une façon qui s'inspire trop fortement des méthodes intergouvernementales prévalant avant l'intégration de l'acquis de Schengen dans l'Union européenne.

Par ailleurs, votre rapporteur n'estime pas nécessaire que la proposition de résolution rappelle que la procédure de comitologie relève exclusivement du premier pilier. Cela va de soi et le Conseil saura faire respecter ses prérogatives.

2. Un projet de décision utile dont la France profitera

De manière générale, votre commission souhaite souligner l'utilité de ce projet de décision, bien qu'elle admette qu'il pose de nombreuses difficultés.

Certes, la plus-value directe de ce texte n'est pas évidente pour la France. La plupart des actions de coopération policière proposées par la Commission sont déjà mises en oeuvres par la France, qu'il s'agisse des CCPD, de l'échange d'informations à tous les niveaux, de la création de patrouilles mixtes ou d'équipes communes d'enquête.

Toutefois, comme les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur l'ont montré, notre pays bénéficiera indirectement de ce texte car il tend à imposer un niveau minimal standard de coopération policière à toutes les frontières intérieures. Dans la perspective de la levée prochaine des contrôles aux frontières intérieures avec les nouveaux Etats membres, une telle harmonisation est très importante.

En outre, le cadre proposé n'est pas trop rigide car il laisse la possibilité aux Etats qui le souhaitent d'approfondir encore leur coopération.

Pour l'ensemble de ces raisons, il serait dommage que la France apparaisse réticente ou frileuse alors même qu'en pratique elle est à la pointe de la coopération policière aux frontières. Le risque d'une telle position serait de se retrouver isolé au cours des négociations, notamment pour faire comprendre à ses partenaires les limites constitutionnelles qui s'imposent en matière de droit d'observation et de droit de poursuite.

* 12 Voir le protocole n°2 du traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la communauté européenne et intégrant l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne.

* 13 Voir la décision du Conseil du 20 mai 1999 déterminant, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions constituant l'acquis de Schengen (1999/436/CE).

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