B. DONNER AUX POUVOIRS PUBLICS DES MOYENS MIEUX ADAPTÉS ET PLUS JUSTES POUR SANCTIONNER LA FRAUDE

a) L'harmonisation des sanctions pénales

La préoccupation d'harmoniser les sanctions pénales applicables à la fraude aux trois minima sociaux d'insertion figurait déjà dans le projet de loi initial mais elle a pris toute son ampleur à la suite de l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Cette démarche s'inscrit par ailleurs dans un mouvement général de renforcement des contrôles en matière de fraude aux prestations sociales, comme en témoigne notamment l'adoption de l'article 92 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Le texte initial du projet de loi prévoyait de sanctionner la fraude à l'ASS et au RMI, ainsi qu'aux primes de retour à l'emploi et d'intéressement, d'une amende de 4.500 euros, doublée en cas de récidive. Il s'agissait en fait d'aligner le régime applicable à ces allocations sur celui en vigueur pour l'API.

Mais alors que la navette se poursuivait sur le présent projet de loi, l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est venue bouleverser le dispositif prévu : celle-ci a en effet créé un régime unifié de sanction en cas de fraude aux prestations servies par les organismes de protection sociale, fondé sur une amende de 5.000 euros ; ce régime est applicable au RMI et à l'API, mais l'ASS en reste exclue car elle n'est pas versée par un organisme de protection sociale. Le manque de coordination entre les deux textes remettait donc en cause le travail d'harmonisation engagé par le projet de loi.

Dès lors, deux options étaient envisageables : un alignement du régime de sanction pénal en cas de fraude à l'ASS sur celui mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour l'ensemble des prestations sociales dont le RMI et l'API ou la création d'un régime spécifique aux minima sociaux d'insertion.

L'Assemblée nationale a choisi de privilégier la logique propre aux minima sociaux : elle a donc sorti l'API et le RMI du régime commun prévu par l'article L. 114-13 du code de la sécurité sociale et prévu un régime commun aux trois minima sociaux, fondé sur une amende de 3.000 euros d'amende, doublée en cas de récidive. Elle a en effet estimé qu'une amende de 5.000 euros était encore trop élevée, compte tenu du public considéré et au regard de la réalité des fraudes commises, lesquelles portent généralement sur de petits montants. Elle a toutefois précisé que les sanctions prévues en cas d'escroquerie s'appliqueront lorsque ce délit sera effectivement constitué.

b) La création d'un régime de sanctions administratives

La mise en oeuvre des sanctions prévues en cas de fraude est également pénalisée par la lourdeur de la procédure judiciaire. Comme le souligne le rapport Mercier-Raincourt, la longueur des délais de jugement n'en fait pas un instrument toujours satisfaisant.

C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a choisi de donner aux autorités en charge de chaque prestation - président du conseil général pour le RMI, directeur de la Caf pour l'API et préfet pour l'ASS - la faculté de prononcer une amende administrative, d'un montant maximum de 3.000 euros, en cas de déclaration de situation délibérément incomplète ou inexacte ou d'absence volontaire de déclaration de situation, ayant abouti à des versements indus. Cette proposition rejoint celle du rapport Mercier-Raincourt qui visait à donner aux présidents de conseils généraux le pouvoir d'infliger directement une contravention de 5 ème classe, soit 1.500 euros.

Une telle solution n'est pas entièrement nouvelle : la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie avait déjà mis en place d'un tel dispositif d'amendes administratives. Il a ensuite été généralisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 pour toutes les prestations versées par des organismes de protection sociale. Dans tous les cas, y compris celui créé par le présent projet de loi, ces amendes sont prononcées sous le contrôle du juge administratif.

Votre commission approuve ce dispositif qui lui paraît à la fois plus réactif, donc plus dissuasif et plus souple : contrairement à la sanction pénale, l'amende administrative peut être modulée en fonction de la gravité de la fraude, de son caractère réitéré ou non et de la situation de précarité du bénéficiaire.

Elle souligne en outre que l'Assemblée nationale a entouré le recours à ces amendes administratives de garanties pour les bénéficiaires : l'autorité compétente pour prononcer l'amende a l'obligation de notifier le montant de l'amende envisagée et ses motifs, en laissant un délai minimum d'un mois au bénéficiaire pour présenter des observations, et celui-ci a la possibilité de se faire assister par la personne de son choix. Dans le cas de l'ASS et de l'API, une garantie supplémentaire est même prévue puisque les amendes ne peuvent être prononcées qu'après avis d'une commission.

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