3. Une réforme longtemps hypothéquée par la question des tribunaux de commerce et du statut des administrateurs et mandataires judiciaires
Le ministère de la justice a mené, de manière presque ininterrompue depuis 1998, une réflexion préalable à une réforme du droit des procédures collectives. Dès le 1 er décembre 1998, il communiquait ainsi un « document de travail » intitulé « Document préparatoire à la réforme des lois du 1 er mars 1984 et 25 janvier 1985 relatives au traitement des difficultés des entreprises ». Un avant-projet de loi, composé de 127 articles, en date du 25 juillet 2001, fut ensuite élaboré. Mais, depuis cette date, aucun texte n'a été discuté devant le Parlement.
Ce blocage s'explique en partie par le fait que la question de la réforme des tribunaux de commerce, ainsi que des professions d'administrateur et de mandataire judiciaires a, pendant plusieurs années, largement hypothéqué la remise à plat des dispositifs issus des lois du 1 er mars 1984 et du 25 janvier 1985.
Une grande partie de la doctrine et des professionnels, ainsi que plusieurs travaux parlementaires ont en effet souligné la nécessité de réformer l'ensemble des dispositifs applicables aux entreprises en difficulté, afin d'en garantir l'efficacité. En effet, à la suite de la réforme opérée par les lois du 1 er mars 1984 et du 25 janvier 1985, les pouvoirs du tribunal se sont trouvés considérablement accrus. De même, l'intervention des professionnels des procédures collectives que sont les mandataires et les liquidateurs judiciaires s'est renforcée.
Cependant, la recherche d'une réforme qui concernerait l'ensemble des acteurs des procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises (débiteur, créanciers, juges et greffiers des tribunaux de commerce, administrateurs et mandataires judiciaires) s'est avérée vaine.
Certes, après une genèse délicate, la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003 modifiant le livre VIII du code de commerce a permis de réformer le cadre législatif des différentes professions intervenant dans le cadre des procédures de redressement et de liquidation judiciaires des entreprises. Outre des modifications apportées aux conditions d'accès et d'exercice des professions d'administrateur judiciaire ainsi que de mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises, ce nouveau texte impose des mesures renforcées d'encadrement qui se traduisent, en particulier, par un régime d'incompatibilité plus strict, une nouvelle organisation des conditions de garantie professionnelle et des obligations déontologiques plus précises.
Toutefois, l'organisation et la compétence des tribunaux de commerce n'ont pas été modifiées. Les perspectives d'évolution ne sont cependant pas fermées. En réponse à plusieurs questions parlementaires, le Garde des sceaux a énoncé que, faute de « consensus sur la réforme envisagée », il restait « ouvert à toute réflexion sur l'avenir des tribunaux de commerce » 14 ( * ) .
D'ailleurs, dans le souci d'améliorer la qualité de la justice rendue au justiciable, le ministère de la justice, après une large concertation avec les juges consulaires, les magistrats professionnels et les représentants des entreprises, a engagé une vaste réforme de la formation des juges consulaires sur la base des préconisations d'un groupe de travail présidé par M. le Doyen Serge Guinchard, professeur à l'université de Paris II (Panthéon-Assas) 15 ( * ) . Ce dispositif est entré en vigueur rapidement, les juges consulaires nouvellement élus en 2003 ayant pu en bénéficier. En outre, un Conseil national des tribunaux de commerce, organe consultatif compétent en matière de formation, de déontologie et de fonctionnement des tribunaux consulaires devrait être très prochainement mis en place, comme l'a confirmé le Garde des sceaux lors de son audition par votre commission des lois le 3 mai 2005 16 ( * ) .
La réforme du droit des procédures collectives doit néanmoins intervenir rapidement quand bien même elle devrait précéder celle des tribunaux de commerce . Telle est finalement l'option retenue par le Gouvernement, confortant ainsi la position de votre commission des lois défendue en 2002 17 ( * ) .
* 14 Voir notamment la question écrite n° 10988 de M. Thierry Mariani, député, JOAN du 14 juillet 2003, p. 5681.
* 15 Rapport sur la formation des juges consulaires, remis au garde des Sceaux en avril 2003, qui propose d'instaurer un partenariat avec l'Ecole nationale de la magistrature.
* 16 cf. « Projet de création du Conseil national des tribunaux de commerce », rapport de l'Inspection générale des services judiciaires et direction des services judiciaires, Ministère de la justice, octobre 2004.
* 17 Rapport n° 179 (Sénat, 2001-2002) de M. Paul Girod au nom de la commission des lois sur le projet de loi portant réforme des tribunaux de commerce, p. 55 : « Une réforme des acteurs ne saurait être envisagée avant une réforme du droit qu'ils sont censés appliquer. [...] M. Robert Badinter, à l'époque garde des Sceaux, n'avait pas commis une telle erreur chronologique. La refonte du droit des procédures collectives fut engagée en priorité. Ce n'est que postérieurement que fut envisagée une réforme de la justice consulaire finalement abandonnée, faute des moyens financiers qu'elle eût exigés. »