N° 219
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès-verbal de la séance du 2 mars 2005 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la régulation des activités postales ,
Par M. Pierre HÉRISSON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Émorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Hérisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean Besson, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Yves Coquelle, Roland Courteau, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, François Gerbaud, Alain Gérard, Charles Ginésy, Georges Ginoux, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mmes Sandrine Hurel, Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Paul Natali, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.
Voir les numéros :
Sénat : Première lecture : 410 (2002-2003), 162, 171 et T.A. 46 (2003-2004)
Deuxième lecture : 149 (2004-2005)
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1384, 1988 et T.A. 373
Postes et Télécommunications |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Il nous revient d'examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif à la régulation des activités postales. Il s'agit d'un texte d'importance décisive pour La Poste et donc, plus généralement, pour notre économie, puisqu'une Poste performante est indispensable à la compétitivité de l'économie nationale et au maillage du territoire par un grand service public de proximité.
Les traits marquants de ce texte méritent d'être rappelés, la première lecture du texte par notre assemblée remontant à janvier 2004.
Le premier objet de ce projet de loi est d'instaurer un cadre pour le marché postal qui va s'ouvrir progressivement à la concurrence. En effet, il s'agit d'abord de transposer, tardivement, deux directives communautaires de 1997 et 2002 qui organisent l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté, ouverture qui devrait se solder d'ici 2009 par une disparition totale du monopole de La Poste.
Le deuxième objectif du texte est de fixer les principes de la régulation qui encadrera cette ouverture à la concurrence des marchés postaux. A cette fin, ont été étendues au champ postal les compétences de l'Autorité de régulation des télécommunications. Ce faisant, la France adopterait la solution du régulateur dédié aux postes et télécommunications retenue par plusieurs de nos voisins, à commencer par l'Allemagne.
Le troisième apport du texte, que l'on doit d'ailleurs au Sénat, consiste en la création d'une filiale de La Poste ayant le statut d'établissement de crédit. C'est ainsi que La Poste pourra étendre la gamme de ses services financiers, et notamment proposer des crédits immobiliers sans épargne préalable, dans le respect du droit commun bancaire.
Enfin, l'un des mérites de ce projet de loi est de donner les moyens juridiques et financiers qui permettront au réseau de La Poste d'évoluer pour continuer à être un outil essentiel d'aménagement du territoire national.
L'Assemblée nationale a examiné ce texte en première lecture à la fin du mois de janvier dernier. L'année qui s'est écoulée entre l'examen du texte au Sénat et celui à l'Assemblée nationale n'aura pas été perdue : votre rapporteur se félicite de constater qu'ainsi, sur tous ces sujets importants, les positions des uns et des autres ont mûri, voire se sont rapprochées, et que certains points de consensus paraissent même pouvoir se dégager.
Il reste qu'au terme d'une longue bataille d'amendements, l'Assemblée nationale a finalement apporté de sensibles modifications au texte.
S'agissant de l'organisation du marché postal, l'innovation majeure apportée par les députés a été de soustraire, du domaine réservé de La Poste, les envois recommandés utilisés dans le cadre des procédures administratives ou juridictionnelles.
Concernant la régulation, les députés ont porté de cinq à sept le nombre de membres du collège de l'Autorité de régulation, reprenant ainsi la proposition faite par votre commission lors de la première lecture au Sénat. Le compromis qui avait alors dû être passé avec Mme Nicole Fontaine, alors ministre en charge de l'industrie, avait conduit le Sénat à ne finalement retenir qu'une augmentation de cinq à six membres du collège de l'ART. Le passage à sept membres constitue donc un acquis dont votre commission ne peut que se féliciter.
Confiante dans la régulation, l'Assemblée nationale a tenu à sortir entièrement du contrat de plan la question du contrôle des tarifs de La Poste, prestataire du service universel postal. A ce titre, elle a mis en place un régime de supervision des tarifs du service universel par l'Autorité de régulation à deux niveaux : d'abord, un encadrement pluriannuel global défini, dans la mesure du possible, en concertation avec La Poste ; ensuite, un suivi au cas par cas donnant lieu à homologation pour les tarifs du domaine réservé et à un simple avis pour les autres prestations.
Parallèlement, les députés ont imposé à l'Autorité de régulation l'obligation de prendre en considération, dans tous ses avis et décisions motivés, l'équilibre financier des obligations de service universel.
Afin d'assurer les conditions de concurrence équitables entre tous les opérateurs postaux, l'Assemblée nationale a également prévu d'assurer un accès aux boîtes aux lettres des particuliers pour chaque opérateur : cette disposition vise à résoudre la difficulté que pose aujourd'hui, surtout en Ile-de-France, le contrôle croissant de l'accès des immeubles par le système électronique Vigik, auquel La Poste a un accès natif.
Pour ce qui est du troisième axe du texte, à savoir l'établissement de crédit postal, l'Assemblée nationale a apporté de légères modifications à l'article 8, dont la plus notable prévoit que la Cour des comptes remette un rapport dans les deux ans sur les conditions de la mise en place de la filiale bancaire postale. Par ailleurs, les députés ont prévu, dans un article additionnel, de fixer au 1er janvier 2006 la date limite de création de l'établissement de crédit postal.
Enfin, s'agissant de la présence postale territoriale, les députés ont consacré dans la loi l'existence d'une commission départementale de présence postale territoriale. Ils ont également proposé un critère minimal d'accessibilité au réseau de La Poste : ainsi, 90 % de la population devra se trouver à moins de cinq kilomètres des plus proches points de contact de La Poste. Ils ont également officialisé la constitution du fonds postal national de présence territoriale, comme l'avait proposé votre commission dans son rapport sur La Poste de juin 2003 et comme le prévoyait le contrat de plan signé en janvier 2004. L'attribution des ressources provenant de ce fonds devrait être majorée pour les zones urbaines sensibles, les zones de revitalisation rurale et les intercommunalités.
Votre commission des affaires économiques vous propose d'améliorer encore ce texte enrichi par les députés.
Ces améliorations répondent à plusieurs objectifs : s'agissant du marché postal, la commission vise à permettre aux concurrents de pouvoir effectivement prétendre exercer une activité postale, notamment en précisant à quels moyens indispensables ils doivent pouvoir accéder, mais vise aussi à permettre à La Poste d'assumer ses obligations de prestataire de service universel dans un contexte de concurrence croissante. C'est pourquoi votre commission invite à avancer la date à laquelle devra être traitée la question de la création d'un fonds de compensation du service universel.
D'autre part, concernant la régulation postale, votre commission clarifie les pouvoirs du régulateur pour lui donner les moyens d'exercer efficacement sa tâche, notamment en matière de surveillance des tarifs et de contrôle du respect, par le prestataire du service universel, des impératifs comptables.
Pour ce qui est de l'établissement de crédit postal, la commission propose de ne modifier le texte que sur un point qu'elle juge important : il s'agit de rassurer les agents des services financiers, soucieux de leur future situation juridique. A cette fin, elle suggère d'encadrer dans certaines limites la possibilité de mise à disposition de ces fonctionnaires auprès de l'établissement de crédit.
Attentive aux implications sociales des bouleversements qui attendent La Poste, votre commission propose aussi d'élargir le champ de négociation dans le domaine social entre la direction de La Poste et les syndicats, et elle charge La Poste de prendre l'initiative de réunir la commission paritaire qui sera chargée d'élaborer une convention collective pour le secteur postal, convention indispensable pour éviter que le développement de la concurrence ne s'accompagne d'un dumping social. Enfin, afin de permettre à La Poste de mener une libre politique de recrutement à l'heure de la concurrence, votre commission propose de supprimer les conditions restrictives à l'emploi d'un contractuel.
La question du réseau de La Poste reste centrale dans les préoccupations de votre commission, qui compte nombre d'élus locaux directement concernés par ce sujet. Sur ce point, votre commission propose d'assigner enfin à La Poste une claire mission d'intérêt général relative à l'aménagement du territoire. Elle insiste aussi sur le caractère complémentaire de cette mission par rapport aux obligations de service universel de La Poste. Alors que ces obligations de service universel ne concernent que le courrier, la mission d'aménagement du territoire reposera sur l'ensemble de La Poste, qui l'assumera à travers toutes ses activités, y compris financières. Enfin, votre commission suggère de consacrer au sein des comptes de La Poste la constitution du fonds de péréquation, dont l'objet sera de financer le complément de présence postale territoriale correspondant à cette mission d'aménagement du territoire de La Poste.
Mais votre commission propose aussi des avancées décisives sur quelques sujets nouveaux. Notamment, en matière de responsabilité des opérateurs postaux, elle juge que maintenir un principe d'irresponsabilité partielle de La Poste et des opérateurs postaux n'est pas une solution à la hauteur des attentes des consommateurs ni satisfaisante pour les opérateurs postaux, puisqu'elle représente pour eux un handicap dans un contexte de concurrence accrue. C'est pourquoi il vous est proposé de soumettre clairement La Poste et les opérateurs postaux au droit commun de la responsabilité pour les pertes et avaries subies par les colis et courriers. S'agissant des retards, le prestataire ne serait responsable que s'il a pris un engagement sur la date de distribution.
En matière de transport de fonds, votre commission exprime aussi le souci d'assouplir les textes pour permettre un libre transport, non seulement des bijoux de faible valeur, mais également des fonds d'un montant inférieur à 3.000 euros. Ceci permettra à La Poste et aux établissements de crédit de porter librement quelques espèces aux personnes isolées et allégera les contraintes pesant aujourd'hui sur l'alimentation en espèces des agences bancaires rurales, et des points de contact du réseau de La Poste, afin de ne pas compromettre leur maintien en zones rurales.
Enfin, votre commission s'est attelée à finaliser la réorganisation du code des postes et des communications électroniques, largement remanié par les nombreux bouleversements législatifs qu'il aura subis en 2004 et 2005.
Sous réserve de l'adoption des modifications qu'elle propose, votre commission des affaires économiques vous invite à adopter le projet de loi n°149 ainsi modifié.