B. MOINS DE POUVOIR D'ACHAT POUR LES SALARIÉS
La réduction du temps de travail a imposé à tous les salariés de disposer de davantage de temps libre en contrepartie de moindres gains de pouvoir d'achat.
Cette situation a certainement répondu aux attentes d'une partie d'entre eux. Les enquêtes d'opinion montrent régulièrement qu'une majorité des Français passés aux trente-cinq heures se déclarent satisfaits de leur nouvelle durée du travail. Il n'en reste pas moins vrai qu'un grand nombre de nos concitoyens aurait probablement fait un autre choix si la liberté leur en avait été laissée. Cette remarque est particulièrement vraie pour les plus bas salaires, qui peuvent légitimement attacher plus d'importance aux gains de pouvoir d'achat qu'au développement de leur temps libre.
Certains ont fait valoir que les trente-cinq heures n'ont pas été « imposées » aux salariés, puisque la réduction du temps de travail faisait partie des promesses de campagne de la précédente majorité et qu'elle a donc été validée par les électeurs 4 ( * ) . Cette remarque est factuellement exacte, mais elle introduit une confusion entre préférence collective et préférences individuelles, qui peuvent diverger. La réduction du temps de travail n'a, à l'évidence, pas correspondu aux demandes de tous les salariés.
De surcroît, elle s'est souvent accompagnée d'une intensification et d'une flexibilité accrue du temps de travail qui a dégradé les conditions de vie de nombreux travailleurs.
C. UN POTENTIEL DE CROISSANCE AMOINDRI POUR L'ÉCONOMIE FRANÇAISE
Au niveau macro-économique, la réduction du temps de travail a conduit à un « rationnement » du facteur travail préjudiciable au développement à long terme de notre économie.
Depuis la fin de 1998, dans les entreprises de dix salariés et plus, la durée collective du travail des salariés à temps complet a baissé de trois heures, ce qui correspond à une diminution de 8 %.
Durée collective du travail des salariés à temps complet en heures
Année* |
Durée hebdomadaire |
Durée annuelle |
1998 |
38,7 |
1.742 |
1999 |
38,0 |
1.722 |
2000 |
36,6 |
1.651 |
2001 |
36,0 |
1.626 |
2002 |
35,6 |
1.614 |
2003 |
35,6 |
1.609 |
2004** |
35,6 |
nd |
* : dernier trimestre pour la durée hebdomadaire.
** : 3 ème trimestre pour l'année 2004
Champ : entreprises de dix salariés et plus des secteurs marchands non agricoles.
Source : Enquêtes ACEMO trimestrielle, DARES.
Or, comme l'indique le rapport du groupe de travail présidé par Michel Camdessus 5 ( * ) , « l'essentiel des différences avec les performances de nos partenaires s'explique par la moindre quantité de travail que nous mobilisons et qui reflète certains choix volontaires tels que l'évolution des taux d'activité et de la durée hebdomadaire du travail [...] » . Ses auteurs ajoutent que « depuis vingt ans, la totalité de notre écart de croissance par rapport aux Etats-Unis et au Royaume-Uni correspond à la différence d'évolution du total d'heures travaillées. De fait, la France est avant-dernière au sein de l'OCDE pour le nombre d'heures travaillées par an et par personne en âge de travailler ».
Les travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les conséquences des trente-cinq heures ont abouti à la conclusion que la réduction du temps de travail aurait un effet durable sur le PIB potentiel et ont évalué son impact à « une perte du potentiel de production de l'ordre de deux points de PIB ». 6 ( * )
Ainsi, même si la réduction du temps de travail peut avoir eu un effet positif sur les créations d'emplois à court terme, elle risque fort de se révéler pénalisante à long terme, en raison d'une moindre croissance de l'économie française.
* 4 Cf. Audition de MM. Alain Mennesson et Eric Thouzeau, conseillers confédéraux de la Confédération générale du travail (CGT), page 57.
* 5 « Le sursaut. Vers une nouvelle croissance pour la France », groupe de travail présidé par Michel Camdessus, Paris, 2004, la Documentation française.
* 6 Audition de M. Jean-Luc Tavernier, directeur de la prévision, 19 novembre 2003. Rapport précité de la mission d'information de l'Assemblée nationale.