II. LA FRANCE RENFORCE, AVEC LA CONCLUSION DE CET ACCORD, SON ACTION DE SOUTIEN AU TPIR

Dès la création du tribunal, la France lui a apporté des appuis concrets.

A. LA FRANCE A APPORTÉ SON SOUTIEN AU FONCTIONNEMENT DU TPIR DÈS SA CRÉATION

Dans le domaine de l'ordonnancement juridique interne, la France a adopté la loi du 22 mai 1996 qui organise les modalités de dessaisissement éventuel des juridictions françaises au profit du TPIR, ainsi que sa coopération judiciaire avec cette instance. Le Gouvernement français assiste ainsi le TPIR dans sa recherche d'éléments de preuve, tant au cours des enquêtes que dans le cadre des procès. Cette coopération s'est traduite par l'organisation d'auditions, notamment de membres des forces armées françaises au profit du tribunal : des officiers ont ainsi été entendus sur les massacres dans la région de Kibuye, et sur le rôle des autorités administratives locales. Un officier et un sous-officier ont été entendus sur le massacre de Bisserero, et sur le rôle des autorités administratives locales.

En vertu de l'article 28 du Statut du TPIR, la France peut être amenée à répondre aux demandes d'assistance du TPIR , notamment dans les quatre domaines suivants : identification et recherche de témoins sur le territoire national, réunion de témoignages et production de preuves, expédition de documents, arrestation et transfert de personnes. La France a, en conséquence, répondu à une dizaine de demandes de localisation de personnes, et ainsi permit leur audition par le Tribunal comme témoins. Deux personnes inculpées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda ont été arrêtées sur le territoire français et transférées à Arusha : MM. Jean-de-Dieu Kamuhanda et François-Xavier Nzuwomeneye, respectivement ancien ministre de la culture et de l'enseignement supérieur, et ancien officier du régime Habyarimana.

En plus de ces obligations légales, la France a apporté un soutien matériel au fonctionnement du TPIR : 1 million d'euros ont été ainsi affectés, en 1999, à l'équipement audiovisuel de deux des trois salles d'audiences. Des experts légistes ont été envoyés pour aider à l'établissement des rapports d'expertise, et un projet de formation du personnel de sécurité du Tribunal est en cours.

B. L'ACCORD SUR L'ACCUEIL EN FRANCE DE CONDAMNÉS PAR LE TPIR RENFORCE CE SOUTIEN

Les 13 articles du présent accord organisent cet accueil, sur le modèle de celui conclu entre la France et le TPIY, ratifié en 2002 par le Parlement français. La date récente de conclusion du présent accord, le 14 mars 2003, s'explique par le caractère évolutif de l'approche française en ce domaine. Initialement, la France a privilégié la perspective d'une détention des futurs condamnés dans les pays africains ayant conclu un accord d'exécution des peines avec le TPIR. A ce jour, ces pays sont les suivants : Bénin, Mali et Zwaziland . Seul, pour l'instant, le Mali accueille effectivement des condamnés, au nombre de six. La France a donc envisagé l'octroi d'une assistance financière pour faciliter les conditions matérielles de cet accueil.

Mais l'activité du TPIR a mis en lumière le fait que bon nombre d'accusés avaient en Europe, et en particulier en Belgique et en France, des attaches familiales. Il a alors été décidé de privilégier leur maintien en Europe, au terme de leur procès, en acceptant des condamnés sur le territoire français.

Tel est l'objet du présent accord, découlant de l'article 26 du statut du TPIY, qui dispose que : « Les peines d'emprisonnement sont exécutées au Rwanda ou dans un Etat désigné par le Tribunal international pour le Rwanda sur la liste des Etats qui ont fait savoir au Conseil de sécurité qu'ils étaient disposés à recevoir des condamnés. Elles sont exécutées conformément aux lois en vigueur de l'Etat intéressé, sous la supervision du tribunal. »

L'accord prévoit donc une coopération volontaire. L'accueil de condamnés n'est pas, en effet, une obligation, mais une faculté ouverte à tout Etat, qui doit en informer le Conseil de sécurité conformément à l'article 26.

Cet accord traduit le soutien français à l'action du Tribunal, et à celle du pays hôte du tribunal, la Tanzanie, en partageant avec lui la charge que représente l'incarcération des personnes condamnées par le TPIR.

En plus des trois Etats africains ayant déjà conclu un accord du même type avec le TPIR, plusieurs Etats européens, dont la Belgique et l'Italie, sont en discussion avec le tribunal pour en faire de même. La France est donc le premier Etat non africain à avoir signé un accord de ce type avec le TPIR .

L'initiative de cet accord revient au Tribunal : sa présidente, lors d'une visite en France en mai 2000, avait évoqué l'éventuelle conclusion d'un accord d'exécution des peines, calqué sur celui qui venait alors d'être signé avec le TPIY.

L'article premier du texte définit les but et champ d'application de l'accord, qui « régit les questions relatives à toutes les demandes adressées à l'Etat requis aux fins de l'exécution des peines prononcées par le Tribunal ».

L'article 2 précise que le consentement de la France est requis au cas par cas, pour l'exécution d'une peine sur son territoire national, à la suite de consultations avec le tribunal portant sur un condamné déterminé. Un éventuel refus n'a pas à être motivé.

L'article 3 organise la supervision, par le Tribunal, des conditions d'emprisonnement, et notamment des mesures consécutives à la législation de l'Etat requis conduisant à modifier les conditions ou la durée d'emprisonnement des condamnés.

L'article 4 précise que le condamné est, avant son transfert en France, informé des dispositions de l'accord, et l'article 5 rappelle que le condamné ne peut être à nouveau jugé en France pour des faits déjà examinés par le TPIR.

L'article 6 prévoit la possibilité d'inspections inopinées effectuées par le Comité international de la Croix-Rouge.

Les articles 7 à 10 organisent les différents cas de cessation de la peine.

La France applique aux prisonniers les dispositions de son droit interne en matière carcérale, y compris les dispositions ayant pour effet de modifier la durée de la peine. Cependant, le TPIR peut, à tout moment, mettre fin à l'exécution d'une peine et décider le transfert sous la garde d'un autre Etat ou du tribunal. Ce peut être le cas lorsqu'un désaccord existe entre le tribunal et l'Etat d'accueil sur l'application d'une mesure de nature à modifier les conditions ou la durée de la détention ou d'une mesure de grâce ou de commutation de peine envisagée par l'Etat requis.

Dans cette dernière hypothèse, le président du tribunal ne peut refuser une mesure de grâce décidée par l'autorité compétente en France ; il ne se prononce donc pas sur la mesure elle-même. Sa seule possibilité de ne pas accepter la grâce est de retirer le prisonnier du territoire de cet Etat : la mesure de grâce devient alors « sans objet ». La plénitude du pouvoir de l'autorité compétente française -en l'occurrence, le Président de la République- est donc ainsi respectée.

L'accord prévoit que les autorités françaises prennent en charge les frais encourus dans le cadre de l'exécution de la peine, en revanche les frais de voyage entre le siège du tribunal et la France sont à la charge du TPIR ( article 11 ).

L'accord peut être dénoncé par l'une ou l'autre des Parties, avec un préavis de deux mois, mais il ne peut être mis fin à l'accord avant que toutes les peines auxquelles il s'applique soient purgées ou cessent d'être exécutoires ( article 13 ).

Cet accord a été négocié et rédigé en français, qui est l'une des deux langues de travail du TPIR, avec l'anglais.

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