N° 220
? SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 février 2004
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et l' Organisation des Nations unies concernant l' exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda ,
Par Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1149 , 1296 et T.A. 228
Sénat : 137 (2003-2004)
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Il y a dix ans, le 6 avril 1994, l'avion dans lequel le Président rwandais de l'époque, Juvénal Habyarimana, revenait d'Arusha, en Tanzanie, où des négociations sur l'avenir politique de son pays étaient en cours, s'écrasait lors de son atterrissage à Kigali. La responsabilité de cet accident, vraisemblablement provoqué par un tir de missile, est toujours controversée, comme l'a souligné l'actualité récente.
Cette mort donnait le signal à des massacres de populations civiles originaires des deux principales ethnies du Rwanda, les Hutu et les Tutsi. Le souvenir des 500 000 à 800 000 victimes, principalement Tutsi, exécutées pour la plupart à la machette, pèse toujours sur la conscience internationale.
La création rapide du Tribunal pénal international pour le Rwanda par le Conseil de sécurité des Nations unies, par une résolution du 8 novembre 1994, visait à apporter, sur le plan judiciaire, une réponse adaptée à cette situation.
Après des débuts hésitants, le TPIR a progressé vers une meilleure efficacité.
La conclusion du présent accord souligne la détermination de la France à soutenir son action en organisant l'accueil sur son territoire, à titre volontaire, de personnes condamnées définitivement.
I. LA CRÉATION DU TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA : UNE RÉPONSE JUDICIAIRE RAPIDE APPORTÉE PAR L'ONU AU DRAME RWANDAIS DU PRINTEMPS 1994.
A. LE CONTEXTE DU DRAME RWANDAIS
Les accords d'Arusha, conclus à l'été 1993 entre les gouvernements rwandais, ougandais et le Front patriotique rwandais 1 ( * ) (FPR), et organisant la transition du Rwanda vers le multipartisme et la participation de l'opposition au gouvernement , sont appuyés par le déploiement de la mission d'assistance des Nations unies au Rwanda (Minuar). Cette mission, créée, à la demande des signataires des accords d'Arusha, par la résolution 872 du 5 octobre 1993 du Conseil de sécurité, vise à en superviser l'application et à soutenir le mise en place d'un gouvernement transitoire.
Les attributions de ses 2 500 membres (Casques bleus et observateurs militaires) sont multiples, et touchent principalement au maintien de la sécurité dans la capitale, au contrôle du cessez-le-feu, et à l'assistance aux opérations de déminage et de démobilisation des combattants.
La disparition soudaine du président Habyarimana rend caduque l'amorce de la réconciliation nationale entre le pouvoir en place, émanant de la majorité Hutu, et le FPR, dirigé par un militaire (il a fait ses études à l'Académie militaire de West Point, aux Etats-Unis), Paul Kagamé.
Dans l'urgence, la Belgique s'unit à la France pour mettre en oeuvre l'opération Amaryllis , du 9 au 17 avril 1994, destinée à évacuer leurs ressortissants du Rwanda après la mort d'Habyarimana. Puis, le 21 avril, le Conseil de sécurité, par sa résolution 912, réduit de 2 500 à 270 les effectifs de la MINUAR. Le pays est donc abandonné à lui-même durant trois mois . C'est en effet le 22 juin 1994 après les terribles massacres que le Conseil de sécurité autorise, sur demande française, une intervention armée pour protéger la population civile et assurer la distribution de l'aide humanitaire. L'opération Turquoise, menée par les militaires français, se déroule du 22 juin au 22 septembre 1994.
Les 5 500 membres de la MINUAR II, dont les buts sont étendus à la protection des populations 2 ( * ) , sont déployés à partir du 10 août 1994 ; le retrait de ses derniers éléments intervient le 8 mars 1996. L'ampleur des massacres perpétrés d'avril à juillet 1994 , leur caractère, semble-t-il, organisé, ainsi que la présence, en nombre, de femmes et d'enfants parmi les victimes, conduisent le Haut Commissaire des Nations unies pour les Droits de l'homme , M. Ayala-Lasso, de nationalité équatorienne, à évoquer un « génocide » lors d'une mission à Kigali, les 11 et 12 mai 1994 .
* 1 Composé de Tutsi exilés en Ouganda
* 2 Résolution 918 du Conseil de sécurité du 17 mai 1994