B. AUDITION DE M. JEAN-MARIE SPAETH, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION, ET M. DANIEL LENOIR, DIRECTEUR, DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAMTS)
Réunie le mercredi 29 octobre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 , a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration, et M. Daniel Lenoir, directeur, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).
A titre liminaire, M. Jean-Marie Spaeth a souligné le caractère peu novateur du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2004, dans l'attente, au cours des mois à venir, des conclusions du débat sur la modernisation de l'assurance maladie.
Il a rappelé qu'un certain nombre de mesures, annoncées par le ministre de la santé, ne figuraient pas dans le PLFSS pour 2004, car elles relèvent soit du pouvoir réglementaire (déremboursement de l'homéopathie, revalorisation du forfait hospitalier), soit du projet de loi de finances pour 2004 (arrêt du remboursement à l'euro près des dépenses engagées par les caisses primaires d'assurance maladie au titre de la couverture maladie universelle complémentaire, article 82). Il a d'ailleurs constaté que ces mesures se traduisaient par des transferts, de l'assurance maladie vers les assureurs complémentaires et les ménages.
Concernant le contenu du PLFSS pour 2004, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué que la mise en oeuvre de la tarification à l'activité (T2A) était une évolution prometteuse, qui figurait dans le plan stratégique élaboré par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés en 1999. Il a toutefois regretté que cette réforme ne se fasse pas dans des conditions identiques dans le secteur public et le secteur privé et que, notamment, les honoraires des médecins du secteur privé ne soient pas pris en compte par la réforme.
M. Nicolas About, président, a fait observer que cette réforme devrait être opérée en dix ans, sans que l'on en connaisse le calendrier, les modalités et les raisons qui ont déterminé la longueur de cette période transitoire.
M. Daniel Lenoir , directeur de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), a souligné que la mise en oeuvre de la T2A allait être adossée à un travail de codage des actes médicaux positif pour l'assurance maladie, qui bénéficiera ainsi d'informations plus précises sur les actes pris en charge.
Il a ensuite évoqué trois questions relatives à l'identification, par la CNAMTS, des prestations non remboursables, aux conditions dans lesquelles la caisse peut engager des recours contre les tiers et aux efforts de gestion qui lui ont été demandés, évalués à soixante millions d'euros dans la prochaine convention d'objectifs et de gestion. Il a précisé que ces efforts de gestion permettraient de procéder à des investissements importants en matière informatique.
A l'issue de cette introduction, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie , s'est interrogé sur les conséquences de la mise en oeuvre de la tarification à l'activité pour l'assurance maladie, sur les aménagements apportés au dispositif conventionnel entre l'assurance maladie et les médecins (accord de bon usage des soins, contrats de bonne pratique) par les articles 35, 36 et 37 du PLFSS pour 2004, sur la participation financière de l'assurance maladie au plan Biotox relatif à la lutte contre le bio-terrorisme et sur la fixation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) 2004.
M. Jean-Marie Spaeth n'a pas caché sa circonspection sur le respect de l'ONDAM 2004. Il a souligné que cette situation était provoquée par l'inexistence de moyens de régulation susceptibles d'être mobilisés pour éviter les dépassements de l'objectif et il a présenté la détermination du périmètre de l'ONDAM et la définition des outils de régulation comme des enjeux majeurs de la réforme de l'assurance maladie en préparation.
Puis M. Jean-Marie Spaeth a confirmé le soutien de la CNAMTS vis-à-vis de la mise en oeuvre de la tarification à l'activité.
Concernant les dispositions prévues par les articles 35, 36 et 37, il a tenu à préciser qu'il était partisan d'une intervention de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) mais que cette intervention, légitime, devait avoir lieu en amont du processus conventionnel. Lui demander d'apprécier l'issue de la négociation la placerait en position de juge et partie. Il a estimé, à ce sujet, que seuls les partenaires sociaux, Caisse nationale d'assurance maladie et professionnels de santé, étaient détenteurs du pouvoir conventionnel.
Sur la question de la participation de la CNAMTS au financement du plan Biotox, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué que, s'il n'existait pas de désaccord de principe sur l'existence de ce prélèvement, deux questions restaient en suspens : les modalités pratiques du prélèvement et le devenir des produits stockés en prévision d'une attaque bactériologique, sujet sur lequel la CNAMTS ne disposait d'aucune information.
En complément des propos de M. Jean-Marie Spaeth, M. Daniel Lenoir a tenu à rappeler que les gains de productivité obtenus par la CNAMTS avaient été multipliés par deux depuis dix ans. Il a souligné que la prochaine convention d'objectifs et de gestion comporterait trois volets relatifs respectivement à la recherche d'une plus grande efficacité, à la modernisation du système informatique et à la réorganisation du service médical de la CNAMTS.
Revenant sur les modalités de participation de la CNAMTS au financement du plan Biotox, il a regretté que ce prélèvement soit effectué sur le seul fonds national de prévention d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS) de la CNAMTS et non sur le fonds national d'assurance maladie (FNAM) consacré à la gestion du risque.
M. Gilbert Chabroux a souhaité connaître les raisons qui ont conduit le conseil d'administration de la CNAMTS à rendre un avis négatif sur le PLFSS pour 2004.
Il s'est ému des propos tenus par le Premier ministre à l'occasion de l'installation du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, sur la possibilité d'établir une distinction entre les risques pris en charge par la solidarité nationale et ceux qui relèvent de la responsabilité individuelle.
M. Guy Fischer s'est déclaré intéressé par l'idée de faire de la détermination et de l'opposabilité de l'ONDAM un élément central de la réflexion préparatoire à la modernisation de l'assurance maladie.
Il a ensuite interrogé MM. Jean-Marie Spaeth et Daniel Lenoir sur la part imputable aux soins de ville dans l'augmentation des dépenses de santé, sur les conséquences, pour les assurés, des mesures de déremboursement annoncées par le ministre de la santé et sur l'état des réflexions menées par la CNAMTS pour organiser une collaboration entre le régime obligatoire et les régimes complémentaires.
M. Jean Chérioux a souligné que la question de la responsabilisation des acteurs n'était pas nouvelle et que la création, dès l'origine du système d'assurance maladie, d'un ticket modérateur allait justement dans le sens de cette responsabilisation.
Il a rappelé les propositions du Sénat, lors du vote de la loi créant la couverture maladie universelle (CMU), tendant à créer une allocation de solvabilisation des assurés les plus démunis, pour prendre en charge leur adhésion à un régime complémentaire. Il a déploré que cette proposition n'ait pas été retenue et qu'on ait opté pour le « panier de soins ».
Concernant le problème particulier de la drogue et des substituts, Mme Nelly Olin a souligné les risques spécifiques de surconsommation et de trafic des produits. Elle a souhaité que la délivrance du subutex s'effectue, comme pour la méthadone, dans des centres qui en contrôlent la bonne utilisation.
M. André Lardeux, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP) a souhaité connaître la position de la CNAMTS sur les perspectives d'une réforme de la gouvernance de la branche des AT-MP. Il s'est également interrogé sur le montant des transferts de la branche AT-MP vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP et sur les conséquences de l'existence de fonds ad hoc, comme le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), pour l'organisation de notre système de sécurité sociale.
M. Gilbert Barbier a interrogé MM. Jean-Marie Spaeth et Daniel Lenoir sur l'augmentation du montant des indemnités journalières (+ 11 %) et il a voulu connaître les moyens de contrôle dont disposent les caisses d'assurance maladie, ainsi que le rôle des médecins contrôleurs.
M. Jean-Pierre Fourcade a posé quatre questions relatives successivement à la détermination d'un périmètre pertinent pour l'ONDAM, aux modalités d'une éventuelle application de la T2A aux hôpitaux de l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), à l'utilité du conseil de surveillance de la CNAMTS et à la possibilité de mettre en oeuvre une véritable politique de maîtrise des dépenses de santé.
M. Bernard Cazeau a regretté que la réforme de l'assurance maladie ait été repoussée d'un an. Il a souligné que la question de la responsabilisation devait être posée pour les assurés comme pour les professionnels de santé et il a souhaité connaître le montant des dépenses indues imputables aux médecins.
M. Roland Muzeau a souligné la sous-déclaration chronique des accidents du travail et des maladies professionnelles, conduisant à mettre à la charge de la branche maladie des dépenses imputables sur la branche AT-MP. Il s'est interrogé, en conséquence, sur le montant des transferts financiers de la branche AT-MP vers la branche maladie et vers le FIVA et le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA), se demandant notamment si ceux-ci étaient suffisants pour couvrir les besoins et s'il ne serait pas nécessaire d'augmenter le taux de cotisation.
En réponse aux intervenants, M. Jean-Marie Spaeth a souligné que la situation actuelle de l'assurance maladie était le reflet de la situation économique du pays. Il a rappelé que le taux de progression de l'ONDAM 2004 (+ 4 %) était calculé à partir de l'ONDAM 2003 rebasé, ce qui ne facilite pas la comparaison d'une année sur l'autre.
Il a précisé que les relations entre la CNAMTS et les médecins étaient entrées dans une phase d'apaisement, comme le démontre le respect des engagements pris par les généralistes en juin 2002 (diffusion des médicaments génériques) en contrepartie de la revalorisation du tarif de la consultation porté à 20 euros, ou encore la signature d'un accord transitoire avec la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) en août 2003.
M. Jean-Marie Spaeth a également douté de l'efficacité du ticket modérateur qui, selon lui, était un échec du fait de l'existence de régimes complémentaires. Il a estimé que la responsabilisation par l'argent était inefficace.
Il a indiqué que, selon lui, la création de la CMU complémentaire a eu pour objet de gommer les effets négatifs du ticket modérateur et a rappelé que la CNAMTS avait été, elle aussi en son temps, favorable à un dispositif de solvabilisation de l'accès aux régimes complémentaires, pour éviter de créer une catégorie particulière au sein de la population.
Il a précisé que le périmètre de prise en charge des dépenses de santé devait inclure à la fois le régime obligatoire et les régimes complémentaires, renouvelant, à cette occasion, son opposition à toute séparation verticale et privilégiant la recherche d'une solution de coopération.
Complétant les propos de M. Jean-Marie Spaeth, M. Daniel Lenoir a confirmé que le conseil de surveillance de la CNAMTS était un lieu privilégié pour assurer l'information du Parlement et des associations d'usagers sur les actions de la Caisse.
Il a précisé que, depuis 1998, les dépenses de soins de ville progressaient de 6 % par an, que les arrêts de travail de longue durée étaient en augmentation pour les 55-59 ans, que les contrôles étaient renforcés et qu'il ressortait qu'environ 6 % des arrêts de travail n'étaient pas médicalement justifiés.
En conclusion, il a rappelé que l'assurance maladie ne disposait d'aucun moyen de sanction à l'égard des prescripteurs fautifs et que le pouvoir de sanction appartenait au conseil de l'ordre des médecins.
S'agissant des accidents du travail et des maladies professionnelles, M. Daniel Lenoir a rappelé qu'une commission était chargée d'évaluer le coût de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pour la branche maladie et que le FIVA connaissait une montée en charge rapide de ses dépenses, mais qu'il serait bientôt en mesure de fixer ses engagements futurs. A cet égard, il a observé que ces transferts financiers témoignaient d'une évolution fondamentale dans la gestion des risques professionnels, liée à la croissance du poids des maladies professionnelles, qui sont le plus souvent multifactorielles, et donc, pas uniquement d'origine professionnelle.
Revenant sur la gouvernance de la branche, il a rappelé qu'une convention d'objectifs et de gestion était actuellement en cours de négociation, parallèlement à celle sur la convention de la branche maladie. Il a estimé que la création éventuelle d'un conseil d'administration propre à la branche AT-MP ne devait pas signifier pour autant une séparation totale des deux branches, le risque professionnel devant continuer à être géré par le réseau de l'assurance maladie.