II. AUDITIONS
A. AUDITION DE M. MICHEL LAROQUE, PRÉSIDENT, ET DE M. JACQUES LENAIN, DIRECTEUR, DU FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE (FSV) ET DU FONDS DE FINANCEMENT DE LA RÉFORME DES COTISATIONS PATRONALES DE SÉCURITÉ SOCIALE (FOREC)
Réunie le mardi 21 octobre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a entendu M. Michel Laroque, président, et M. Jacques Lenain, directeur du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).
A titre liminaire, M. Michel Laroque a indiqué que les perspectives portant sur les résultats du FSV pour l'année 2004 sont meilleures que les chiffres définitifs attendus pour l'année 2003, en raison d'une hausse prévisible importante du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) dont le fonds bénéficie. Mais il a aussitôt précisé que cette amélioration ne serait pas suffisante pour reconstituer les réserves du fonds, et qu'une détérioration de la situation de l'emploi pourrait dégrader la situation. Il a considéré, en tout état de cause, que le maintien ultérieur des ressources au niveau actuel n'était pas acquis et que l'année 2005 risquait de se présenter sous un jour moins favorable.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a rappelé que le récent vote de la loi portant réforme des retraites avait permis d'attribuer au FSV des « recettes de poche » supplémentaires. Plus généralement, il s'est interrogé sur les perspectives d'avenir de ce fonds et a demandé comment il avait fait face aux déficits des dernières années.
Revenant sur l'origine des difficultés actuelles, M. Jacques Lenain a tout d'abord rappelé que, depuis sa création voici dix ans, le FSV avait dégagé, jusqu'à l'année 2000, un résultat équilibré ou excédentaire et que le montant des réserves accumulées s'établissait alors à 1,6 milliard d'euros. Il a constaté qu'après un premier déficit, d'un montant limité en 2001, l'année 2002 avait été marquée par une inversion brutale de tendance : une hausse des dépenses de 6 %, conjuguée à une diminution de 5 % des recettes, avait alors provoqué un déficit de 1,353 milliard d'euros, supérieur aux réserves cumulées du fonds. Il a noté que la situation nette du fonds était ainsi devenue négative, à hauteur de 122 millions d'euros, à la fin de l'année 2002, et que les perspectives pour l'année 2003 semblaient moins favorables que les prévisions initiales, en raison notamment d'un moindre dynamisme des recettes tirées de la CSG.
M. Jacques Lenain a mis en avant l'impact de la conjoncture économique sur l'augmentation de la prise en charge au titre des cotisations chômage et de préretraite, qui constitue la moitié des dépenses du FSV : leur montant devrait, en effet, passer de 6,2 milliards d'euros en 2002 à 6,8 milliards d'euros en 2003. Il a précisé que, grâce à l'apport de la C3S, le montant global des recettes devrait s'accroître de 11 % tandis que le rythme d'accroissement des dépenses serait limité à 6 %. Il a estimé que cette évolution favorable ne permettrait, au demeurant, que de contenir le déficit de l'année 2003 entre 850 et 900 millions d'euros, tandis que le solde négatif des réserves continuerait à se détériorer pour atteindre 984 millions d'euros.
Sur les perspectives du FSV pour l'année 2004, il a estimé que la hausse prévue de 13 % pour les recettes et de 1 % pour les dépenses devrait se traduire par un excédent de 683 millions d'euros permettant, sinon d'apurer la totalité du déficit cumulé, du moins de le limiter à 300 millions d'euros. Il a expliqué que la raison principale de cette amélioration résidait dans le doublement attendu des recettes de la C3S, qui passeraient de 920 millions d'euros en 2003 à 1,9 milliard d'euros en 2004.
Il a ensuite exposé les techniques auxquelles le FSV avait eu recours pour faire face à cette situation de trésorerie très difficile. Il a ainsi rappelé que le fonds était lié aux différentes caisses de retraite, et essentiellement à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), par des conventions fondées sur des systèmes d'acomptes infra-annuels. Il a déclaré que le FSV avait été conduit à minorer ces acomptes et que les régularisations correspondantes, atteignant dans le cas de la CNAV pour l'année 2002 un montant de 570 millions d'euros, seraient versées non pas en 2003 mais en 2004. Il a reconnu que, pour respecter l'interdiction d'afficher une trésorerie négative, il avait fallu en réalité ralentir le rythme des dépenses. Il a également précisé que les versements de la C3S pouvaient intervenir à des dates choisies, ce qui offrait ici aussi une certaine souplesse de gestion.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a constaté que la situation actuelle de la CNAV permettait au FSV, provisoirement, d'avoir recours à ce qui apparaît comme un « équilibre des déséquilibres ». Mais dans la perspective d'une dégradation attendue, pour l'avenir, des comptes de la CNAV, il s'est interrogé sur la pérennité de ce type de montage.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, a demandé à MM. Michel Laroque et Jacques Lenain s'il était possible de reconstituer ce que serait aujourd'hui la situation du FSV, si le périmètre de ce dernier était resté conforme à sa vocation initiale et n'avait pas fait l'objet de modifications successives.
M. Jacques Lenain a répondu qu'une telle étude n'avait pas été réalisée, mais que l'on disposait, en revanche, d'un bilan des transferts pour la seule période 2000-2003, réalisé par la direction de la sécurité sociale, qui s'établissait à - 2,7 milliards d'euros.
M. Alain Vasselle a considéré que le FSV avait donc effectivement servi de variable d'ajustement pour les finances sociales.
M. Dominique Leclerc s'est interrogé sur l'impact que pouvait avoir la modification des conditions d'attribution de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) sur le FSV.
M. Jacques Lenain a indiqué que l'incidence exacte de la réforme de l'ASS n'avait pas encore été évaluée. Il a toutefois estimé que cette mesure devrait correspondre, pour le FSV, à une économie de l'ordre de 200 millions d'euros.
M. Michel Laroque a rappelé que les dépenses du FSV relatives à la prise en charge du service national avaient tendance à disparaître.
M. Jacques Lenain a mis en avant le caractère provisoire du niveau attendu, en 2004, pour la recette C3S. Il a considéré qu'il sera en conséquence nécessaire, en 2005, de repenser les équilibres généraux du fonds.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, a demandé à M. Michel Laroque de préciser le montant du solde cumulé prévisionnel du FOREC au 31 décembre 2003, ainsi que la nature et le montant des principaux écarts en recettes et dépenses enregistrés par ce fonds au cours de l'année par rapport aux prévisions votées lors de la loi de financement initiale. Il a également souhaité savoir comment le FSV, organisme liquidateur du FOREC, procédera pour transférer les droits et obligations de ce fonds à l'Etat, en l'absence du remboursement par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) de la dette du FOREC à l'égard des organismes de sécurité sociale.
M. Michel Laroque a précisé qu'il n'appartenait pas au FSV, effectivement organisme liquidateur du FOREC, de connaître les modalités de son apurement puisque la dette était constituée antérieurement à la création juridique du FOREC en 2001.
M. Jacques Lenain a rappelé que si le FOREC avait été doté de six recettes fiscales la première année de son exercice, il en comptait aujourd'hui huit au total. La plus importante provient d'une large part de la taxe de consommation sur les tabacs, suivie de la taxe de consommation sur les alcools, puis d'une série de taxes ou de fractions de taxes, portant sur les contributions à la prévoyance, les conventions d'assurance, les véhicules terrestres à moteur, les activités polluantes, les véhicules de société et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés. Il a précisé que les prévisions pour l'année 2003 laissent apparaître une diminution des recettes concomitante à une diminution des dépenses. La première étant toutefois supérieure à la seconde, le FOREC présenterait, en 2003, un résultat déficitaire d'environ 220 millions d'euros, ce qui constitue une situation atypique puisque le solde devrait être équilibré par construction. Il a souligné, toutefois, que les exercices 2001 et 2002 du FOREC ayant été excédentaires, respectivement de 265 et 224 millions d'euros, le solde cumulé de ce fonds au 31 décembre 2003 pourrait s'élever finalement à 266 millions d'euros.
Il a rappelé, à ce titre, que les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances pour 2004 proposant de transférer, au 1 er janvier 2004, les droits et obligations du FOREC à l'Etat, le solde positif du FOREC sera versé au budget général.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, s'est interrogé sur la légitimité d'un retour du solde du FOREC au budget général au regard des conditions initiales d'abondement de ce fonds, largement doté par des recettes distraites aux organismes de sécurité sociale. Il a en outre demandé à M. Michel Laroque les raisons justifiant l'absence de références au service de liquidation dans le projet de financement de la sécurité sociale, alors que ces dispositions figuraient dans la version initiale du projet transmise pour avis aux organismes de sécurité sociale.
En réponse à M. Alain Vasselle, rapporteur, M. Michel Laroque a confirmé que le projet transmis aux caisses détaillait les conditions de liquidation du FOREC alors que le projet déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale demeurait très elliptique à ce sujet, laissant sans doute au décret le soin d'en préciser les modalités. Il a toutefois souligné, qu'en l'état, le projet de loi dispose que la liquidation sera effective au 1 er janvier 2004 sans préciser si cette date inclut une période complémentaire d'inventaire.
M. Claude Domeizel a souhaité savoir pourquoi les recettes et les dépenses n'avaient pas évolué conformément aux prévisions retenues lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
M. Jacques Lenain a indiqué que les dépenses correspondant aux allégements de cotisations sociales « Aubry II » avaient été inférieures de 650 millions d'euros aux prévisions, ce qui s'expliquait très logiquement par la baisse des demandes anticipant sur la suppression du FOREC. Dans le même temps, les ressources provenant des droits de consommation sur les tabacs ont été minorées de 850 millions d'euros, en raison d'une baisse non négligeable de la consommation. Par conséquent, le FOREC accuserait un déficit supérieur à 200 millions d'euros.
M. Jean Chérioux a demandé à M. Michel Laroque s'il pouvait évaluer la charge financière totale résultant, pour le FOREC, de la mise en place des 35 heures.
M. Jacques Lenain a estimé la charge des allégements « Aubry I et II » intervenant au titre de la réduction du temps de travail à 25,6 milliards d'euros, soit 8,79 milliards d'euros en 2001, 10,55 milliards d'euros en 2002 et 6,3 milliards d'euros pour le premier semestre 2003.