III. LA CRÉATION DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ DOIT FOURNIR AUX DÉPARTEMENTS ET AUX ACTEURS DE L'INSERTION UN NOUVEL OUTIL ADAPTÉ POUR DYNAMISER LEUR POLITIQUE D'INSERTION
Le second volet du présent projet de loi concerne l'insertion professionnelle. Il vise à favoriser le retour à l'activité des bénéficiaires du RMI en instituant un nouveau dispositif d'insertion qui puisse jouer le rôle d'une première étape vers un emploi durable.
La philosophie du revenu minimum d'activité (RMA) est à cet égard relativement simple : il s'agit d'une « activation » des dépenses d'allocation en contrepartie d'un accompagnement renforcé du bénéficiaire vers l'emploi.
A. LE PROJET DE LOI PROPOSE UNE « ACTIVATION » DES DÉPENSES DE RMI POUR FAVORISER LE RETOUR À L'EMPLOI DES PERSONNES LES PLUS EN DIFFICULTÉ
Si le présent projet de loi institue un dispositif à bien des égards innovant, il convient de rappeler que, depuis la création du RMI, différentes tentatives d'activation du RMI ont été entreprises, sans qu'aucune ne parvienne à être mise en oeuvre, hormis le mécanisme de l'intéressement.
1. Des précédents inaboutis
Dès 1988, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement de sa commission des Affaires culturelles tendant à préciser que « l'allocation de RMI pourra, avec l'accord du bénéficiaire, être versée à l'organisme agréé qui l'emploie si cet organisme lui verse une rémunération supérieure à un montant déterminé, ceci afin de permettre la conversion du RMI en une fraction de salaire et de faciliter ainsi la sortie du RMI » 13 ( * ) . Cet amendement, qui avait fait l'objet d'un avis défavorable du Gouvernement, ne figure toutefois pas dans la version finale de la loi instituant le RMI.
L'article 93 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social avait, elle, institué, à titre expérimental, un « contrat pour l'emploi des bénéficiaires du RMI » depuis plus de deux ans. Ce contrat n'a cependant jamais été mis en oeuvre, la loi du 4 août de la même année l'ayant supprimé au profit du CIE.
En 1997, lors des débats sur le projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale présenté par M. Jacques Barrot, deux amendements similaires, l'un présenté par notre collègue, M. Jean-Paul Virapoullé alors député, l'autre par le Gouvernement, proposaient, à titre expérimental, d'autoriser le cumul temporaire entre l'allocation de RMI et un revenu d'activité. Mais ce texte n'a pas eu de suite compte tenu de la dissolution de l'Assemblée nationale.
En 1998, lors des débats sur le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions , votre commission avait à son tour présenté un dispositif intitulé « convention de revenu minimum d'activité ». Mais le Gouvernement de l'époque avait alors souhaité l'écarter au profit du dispositif d'intéressement aujourd'hui en vigueur dont votre commission a souligné les limites.
« Votre commission vous propose dans cet article additionnel de prévoir qu'à titre expérimental et à partir du 1 er juillet 1998, tout bénéficiaire du RMI peut, dans le cadre d'un contrat initiative-emploi (CIE) à mi-temps, bénéficier d'une convention de revenu minimum d'activité conclue entre le employeur, la mission locale d'insertion et le bénéficiaire. Il est précisé que pendant la durée de la convention, le bénéficiaire a droit au maintien d'une fraction de l'allocation de revenu minimum d'insertion calculée en excluant la moitié du montant de sa rémunération du montant des ressources servant au calcul de l'allocation. « Cet amendement vise à relancer l'insertion des titulaires de RMI dans l'économie marchande. Il s'agit d'une alternative au dispositif d'intéressement examiné à l'article 5 bis ci-dessus et dont la durée devrait être limitée par décret à un an maximum. Le principe retenu est de permettre aux personnes qui sont au RMI depuis plus de deux ans de prendre un CIE à mi-temps et de bénéficier, pendant la durée du contrat, d'une allocation complémentaire versée par l'Etat et qui serait à peu près égale à la moitié de l'allocation de RMI prévue pour une personne seule, soit environ 1.200 francs. « Cet amendement permettrait d'inciter au retour dans le monde du travail, de personnes qui ne souhaitent pas, dans un premier temps, prendre un emploi à temps complet. Il s'agit d'un mécanisme de dynamisation des dépenses passives au titre de RMI, d'où l'appellation qui lui est donnée ». Source : Rapport Sénat, n° 450, 1997-1998, tome I, p. 119 |
Plus récemment, en 2001, le Sénat a adopté la proposition de loi portant création d'un revenu minimum d'activité de MM. Alain Lambert et Philippe Marini.
Un constat : il faut mettre fin à cette spirale de l'inactivité mise en place par le RMI et développer grâce au RMA un cercle vertueux de l'activité. En effet, le niveau élevé de certaines prestations sociales en font souvent un frein puissant à la reprise du travail et à la réinsertion sociale. Par exemple, le bénéficiaire du RMI hésite à accepter un poste relativement précaire qui le conduirait à abandonner son allocation et les exonérations diverses qui y sont associées. Ceci nourrit l'exclusion sociale et a un coût élevé pour l'Etat : même le Conseil d'analyse économique (CAE) placé auprès du Premier ministre, l'a récemment admis. Lutter contre le chômage et l'exclusion sociale Le revenu minimum d'activité (RMA) a pour buts principaux : de favoriser la reprise d'activité des bénéficiaires du RMI et des chômeurs de longue durée, s'agissant des personnels les moins qualifiés ; d'augmenter le niveau de l'emploi et de réduire l'exclusion sociale. Une prestation sociale résolument tournée vers l'activité Le niveau des prestations délivrées aux titulaires du RMI et aux chômeurs en fin de droit contraste avec leur faible retour à l'activité : les prestations ne servent plus qu'à l'assistance. On peut dès lors se demander si le RMI n'est pas désormais « un revenu minimum d'inactivité ». Il est au demeurant frappant de rappeler que la charge du RMI pour l'Etat a augmenté de 30 % depuis 1996, lorsque nous connaissions une période de vive croissance de l'économie. Par ailleurs, de nombreux gisements d'emplois existent mais ne sont pas occupés pour deux raisons : trop coûteux pour les entreprises (poids des charges sociales sur les bas salaires) ; trop faiblement rémunérateurs pour les bénéficiaires de prestations d'assistance et notamment du RMI (leur revenu augmente, mais leur pouvoir d'achat peut diminuer en raison de la perte du bénéfice de certaines prestations ou bien des impositions nouvelles auxquelles ils deviennent assujettis, comme les taxes locales). Le RMA veut donc renverser ces effets pervers en proposant une solution servant les intérêts des exclus comme des entreprises par une réorientation totale des aides publiques. Un mécanisme simple Le bénéficiaire du RMI ou le chômeur indemnisé de longue durée devenant salarié perçoit un RMA. Celui-ci correspond d'une part au salaire qui est versé par l'entreprise, et d'autre part à un complément de ressources payé par l'Etat. Cela doit lui assurer un gain net de revenu par rapport à sa prestation d'origine. Il y a un intérêt objectif pour le bénéficiaire à travailler. Par souci de simplification, le RMA est versé par l'entreprise qui touche également de l'Etat le complément de ressources. Celui-ci n'est pas soumis aux charges sociales. Ceci se fait dans le cadre d'un contrat de longue durée (cinq ans) qui assure au salarié une stabilité de ses revenus et qui définit les engagements auxquels souscrit l'entreprise vis-à-vis de l'Etat. Le niveau du RMA tient compte de la prestation d'origine et pourrait par exemple se situer à 1,2 RMI, c'est-à-dire de 20 % le montant de la prestation antérieure. Le RMA profite à tous Pour l'ancien bénéficiaire de prestations d'assistance : il retrouve un emploi ; il est assuré de ne pas perdre de ressources ; il jouit d'une forte stabilité (cinq ans) qui lui permet de faire des projets personnels et professionnels et de véritablement sortir de l'exclusion sociale ; Pour les entreprises : cette aide de l'Etat diminue singulièrement le coût du travail pour les bas salaires et permet, ainsi, de rendre rentables certaines activités qui ne l'étaient pas toujours ; elle sera donc créatrice de nouveaux emplois marchands ; Pour l'Etat : meilleure utilisation des sommes consacrées aux personnes défavorisées : perspective de voir ces dépenses se réduire en cas d'emploi durable des bénéficiaires : mise en oeuvre d'une politique contractuelle de l'emploi avec les entreprises ; Pour la société : il est préférable de favoriser le retour à l'activité plutôt que de se cantonner dans une simple assistance sans lendemain. Bien évidemment, de nombreux points restent à préciser, à commencer par le chiffrage, les seuils de ressources, etc. avec le souci de proposer un mécanisme aussi simple que possible pour les entreprises comme les exclus, et avec celui d'éviter les effets d'aubaines.
Le RMA signifie moins de charges pour les entreprises,
plus de stabilité, de revenu, de perspectives d'avenir pour les
bénéficiaires, une dépense mieux orientée pour
l'Etat et l'UNEDIC. On passerait ainsi de l'insertion, devenue simple
assistance déresponsabilisante, à la promotion de l'emploi, de
l'activité, productive et profitable à tous. Nous avons tous
à y gagner !
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Le présent dispositif s'inscrit dans la continuité de ces différentes propositions, même s'il possède ses propres particularités. Sans être expérimental, il constitue un dispositif incontestablement innovant, tirant notamment les conséquences de la décentralisation du RMI en offrant aux départements un nouvel instrument pour la conduite des politiques d'insertion : le « contrat insertion - revenu minimum d'activité » (CIRMA).
* 13 Rapport AN, n° 161, neuvième législature.