2. L'économie générale du dispositif
Le projet de loi autorise, sous conditions, à verser directement à l'employeur une somme équivalente à l'allocation de RMI, diminué du forfait logement, en contrepartie de l'embauche d'un bénéficiaire du RMI et de la mise en oeuvre d'actions d'insertion individualisées définies conjointement par le salarié, le département et l'employeur.
Le salarié bénéficiera donc d'un travail, d'un salaire au moins égal au SMIC et d'un accompagnement pour la réalisation de son projet professionnel dans le cadre de son parcours d'insertion.
L'employeur bénéficiera, lui, d'une aide substantielle, permettant de réduire significativement les coûts salariaux et de mettre en oeuvre les actions d'insertion.
Enfin, le département, qui finance le RMI, peut espérer, par cette activation des dépenses de RMI, voir diminuer progressivement le nombre d'allocataires grâce à leur retour progressif à l'emploi.
Au-delà de cette économie générale, ce dispositif repose sur trois principales caractéristiques qui en font toute sa force.
Il s'agit d'abord d'un dispositif ciblé puisqu'il ne vise que les bénéficiaires du RMI qui rencontrent de réelles difficultés d'accès à l'emploi auxquelles ne peuvent répondre qu'imparfaitement les contrats aidés actuels. Le Gouvernement a ainsi d'ores et déjà annoncé que « le revenu minimum d'activité sera accessible aux allocataires du RMI le percevant depuis au moins deux ans » 14 ( * ) .
Il s'agit ensuite d'un contrat de travail spécifique ouvert aux secteurs marchand et non marchand. C'est un contrat à durée déterminée renouvelable deux fois dans la limite de 18 mois. Sans être un « sas » obligatoire, il a, en effet, vocation à constituer une première étape dans un processus de retour durable à l'emploi. C'est aussi un contrat à temps partiel d'une durée hebdomadaire de 20 heures. Dans la mesure où il vise des personnes très en difficulté, le retour direct à un emploi à temps plein n'est en effet pas immédiatement envisageable. Comme tout contrat de travail, il ouvre droit à un salaire versé par l'employeur qui ne finance directement que le « différentiel » entre l'aide du département, équivalente au montant de l'allocation de RMI versée à une personne isolée et diminuée du « forfait logement », et le salaire.
Il prévoit enfin un dispositif d'accompagnement renforcé vers l'emploi . La conclusion d'un CIRMA est en effet soumise à la signature préalable d'une convention entre le département et l'employeur. Cette convention détermine, au vu du projet professionnel du bénéficiaire, les actions d'insertion qui devront être réalisées dans le cadre du contrat. Ces actions concernent l'orientation professionnelle, le tutorat, le suivi individualisé et la formation nécessaires à son insertion durable. Ces actions seront mises en oeuvre soit directement par l'employeur, soit par des organismes extérieurs compétents en la matière (on peut notamment songer à la nécessaire implication du service public de l'emploi). Leur financement relèvera principalement du département, au titre de sa mission d'insertion, mais aussi de l'employeur et également de l'Etat, dans le cadre d'une convention qui devrait être conclue avec le département ou d'autres partenaires.
La conjonction de ces trois caractéristiques en fait un dispositif qui présente de sérieux gages d'efficacité .
Pour le salarié , il lui offre à la fois un statut social, un complément de rémunération significatif (au moins 180 euros 15 ( * ) par mois 16 ( * ) quelle que soit sa situation de famille), un retour dans la sphère professionnelle et le bénéfice d'actions d'insertion adaptées à sa situation. Il lui est en outre garanti le maintien du montant de l'allocation de RMI au niveau antérieur à l'entrée dans le dispositif et le maintien des droits connexes.
Le revenu minimum d'activité
En € / mois |
RMA (20 h) |
Salaire brut |
594,21 |
Dont 362,30 (RMI)* |
|
assiette |
= 231,91 |
Cotisations salariales |
49,16 |
Net salarié |
182,75 |
+ 362,30 |
|
= 545,05 |
|
Coût total employeur (rémunération brute) |
Après déduction de l'aide départementale : |
+ cotisations patronales |
256,96 avec exo** |
326,97 sans exo** |
* aide départementale = allocation forfaitaire de RMI
** exonération des cotisations patronales de sécurité sociale
Source : dossier de presse du 7 mai 2003
Se pose cependant la question de l'« attractivité » comparée du dispositif pour le bénéficiaire par rapport à d'autres contrats de travail compte tenu de l'intéressement.
Pour une durée de travail hebdomadaire de 20 heures, le RMA apparaît financièrement moins intéressant qu'un CES ou un contrat de droit commun pour un bénéficiaire du RMI, au moins pendant les premiers mois. Il devient toutefois plus rémunérateur que le CES à l'issue d'une période de trois mois et qu'un contrat de droit commun à l'issue d'un an, du fait de l'extinction de l'intéressement.
Cette question de l'« attractivité » reste cependant largement théorique, la difficulté principale du public visé étant justement l'accès à l'emploi.
Pour l'employeur , il constitue une réelle incitation à l'embauche de ce public. Compte tenu de l'aide départementale, le coût total mensuel pour l'employeur est de 257 euros dans le secteur non marchand et de 327 euros dans le secteur marchand. Cette différence tient au fait que le « différentiel » financé directement par l'employeur est exonéré de cotisations sociales pour le secteur non marchand. Il n'en reste pas moins qu'en contrepartie l'employeur sera nécessairement largement sollicité pour la mise en oeuvre des actions d'insertion, même si leur charge financière sera en grande partie supportée par le département, l'Etat et les autres partenaires de l'insertion.
Coût mensuel d'un CIRMA pour l'employeur
(en euros)
Situation au 1 er mai 2003 (en €) |
|
Coût du SMIC horaire brut |
6,83 |
Aide du département |
362,30 |
Supplément employeur brut |
231.91 |
Cotisations salariales |
49,16 |
Supplément employeur net |
182,75 |
Cotisations patronales |
95,06 |
Dont sécurité sociale |
70,01 |
Et hors sécurité sociale |
25,05 |
Coût total employeur |
689,27 |
Coût total employeur après déduction de l'aide |
326,97 |
Coût total employeur secteur non marchand après déduction de l'aide et de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale |
256,96 |
Coût total aide à l'emploi secteur non marchand (aide du département + compensation de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale) |
432,31 |
RMA brut |
594,21 |
RMA net |
545,05 |
Source : étude d'impact
Là encore se pose la question de l'« attractivité » comparée du RMA par rapport à d'autres contrats aidés comme le CES ou le CIE.
Pour une durée de travail équivalente, le CIE revient à l'employeur à 535 ou 498 euros par mois (selon le taux de prise en charge par l'Etat) alors que le RMA ne lui coûte que 257 ou 357 euros.
En revanche, le RMA ne semble pas en mesure de « concurrencer » le CES dont le coût final pour l'employeur varie actuellement de 30 à 231 euros par mois selon le taux de prise en charge.
Mais là encore, cette comparaison s'apparente largement à un faux débat dans la mesure où les contrats aidés de l'Etat sont contingentés et où le contrat RMA suppose de toute façon un investissement lourd de l'employeur : l'embauche d'un salarié en CIRMA ne peut se fonder sur un simple souci de limiter le coût du travail.
Pour le département enfin, et dans la mesure où le présent projet de loi lui confie le pilotage et la charge du RMI, le CIRMA constitue l'un des instruments indispensables à la conduite de sa politique d'insertion. Celui-ci aura en effet tout intérêt à mener une politique dynamique en ce domaine afin de limiter la charge budgétaire liée au RMI. Il ne peut donc qu'être fortement incité à utiliser ce nouvel instrument au maximum de ses possibilités.
Il est vrai que le RMA aura un coût immédiat pour le département supérieur à la simple charge du RMI.
Votre commission observe ainsi que le mode de calcul de l'aide du département n'est pas totalement neutre pour les finances départementales.
Dans la mesure où le RMI est une allocation différentielle et où le RMA est une aide forfaitaire et dans la mesure où le projet de loi garantit, toutes choses égales par ailleurs, le maintien de l'allocation de RMI perçue avant l'entrée dans le dispositif, il existe donc un surcoût potentiel à la charge du département lié à la transformation d'une allocation différentielle en aide forfaitaire. 32 % des allocataires du RMI bénéficient en effet de revenus supplémentaires qui sont pris en compte par le calcul de l'allocation de RMI, mais qui ne seraient plus pris en compte pour l'aide du département qui est forfaitaire. Le montant moyen de ces revenus supplémentaires (hors prestations versées par les CAF) est en moyenne de 138 euros par allocataire. Le coût direct du RMA est donc potentiellement plus élevé que celui du RMI.
Votre commission estime également que le RMA ne sera efficace que si sa mise en oeuvre s'accompagne de réelles actions d'insertion, dont la charge pèsera principalement sur le département.
Mais, ces coûts immédiats seront sans doute largement compensés par les perspectives d'économies à venir.
* 14 Cf. exposé des motifs du projet de loi.
* 15 Ou 130 euros si l'on inclut le forfait logement.
* 16 Hors effet prime pour l'emploi qui peut procurer un gain mensuel supplémentaire de l'ordre de 30 euros.