III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR
Compte-tenu de ces observations, votre rapporteur a proposé à la commission des finances d'axer ses propositions autour de trois lignes directrices :
- trouver le juste équilibre entre les exigences de contrôle et la préservation de la liberté d'association ;
- aménager un régime spécifique pour les fondations et les organismes venant en aide aux personnes en difficulté ;
- adapter le régime des achats d'art contemporain par les entreprises.
Prenant acte en effet de la brèche introduite dans le principe d'universalité du texte -qui avait conduit à écarter les mesures à caractère sectoriel, avec l'amendement du gouvernement relatif aux trésors nationaux- votre rapporteur a considéré que l'on pouvait saisir l'opportunité offerte par ce texte pour donner un « coup de pouce » fiscal aux achats d'art contemporain par les entreprises.
1. Trouver le bon équilibre entre le contrôle et la liberté d'association et de fondation
Après avoir examiné tous les termes du débat, votre rapporteur a proposé à la commission des finances de s'en tenir à la publication et la certification des comptes au-dessus d'un certain seuil.
Dans le même esprit, votre rapporteur n'a pas cru utile de proposer à la commission des finances de retenir le dispositif adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson, tendant à prévoir le contrôle de la Cour des comptes.
Votre commission des finances a pris acte de ce que le gouvernement avait admis que la Cour des comptes n'avait pas les moyens en personnel pour procéder à de tels contrôles et qu'en tout état de cause, la plupart des organismes lui étaient déjà soumis au titre de sa compétence en matière d'appel à la générosité publique.
En outre, elle a estimé qu'il en résulterait une sécurité fallacieuse dans la mesure où les organismes concernés sauraient qu'ils ont de très faibles chances d'être contrôlés.
Telles sont les raisons pour lesquelles, votre commission des finances a préféré substituer au contrôle de la Cour des comptes ceux de l'inspection générale des finances et des inspections générales des ministères techniques compétentes en la matière.
2. Prévoir un régime spécifique pour les fondations et organismes d'aide humanitaire
Si votre rapporteur n'a pas cru possible de porter atteinte à la cohérence du régime fiscal des associations et fondations en soustrayant à l'impôt sur les sociétés certaines activités lucratives, même étroitement liées aux objectifs des organismes, il lui a paru financièrement supportable et symboliquement important de ne pas soumettre à l'impôt sur les sociétés les revenus issus de la dotation.
Il est ainsi proposé d' exonérer d'impôt sur les sociétés les revenus des fondations actuellement soumis aux taux préférentiels de 24 % et de 10 % en application du I de l'article 219 bis du code général des impôts.
Dans le même esprit, si votre commission a estimé très difficile d'augmenter encore le taux de la réduction d'impôt qui atteint déjà 60 % et qu'on imagine guère pouvoir être porté au-delà 4 ( * ) , elle a voulu marquer le caractère prioritaire des organismes humanitaires d'aide aux personnes les plus démunies en prévoyant que les versements effectués au profit d'organismes procédant à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté ou contribuant au logement de celles-ci, bénéficient d'un plafond spécifique de déductibilité des dons, plus élevé en pourcentage du revenu imposable.
Ainsi, selon votre commission, le pourcentage de 20 % serait porté à 25 % pour cette catégorie d'organismes tout à fait prioritaires. En d'autres termes, si les particuliers seront autorisés à donner à des organismes d'intérêt général l'équivalent de leur revenu imposable annuel sur cinq ans, ils pourront aller plus loin pour les organismes à caractère humanitaire qui pourront recevoir ce même revenu imposable annuel sur quatre ans seulement . Certes, cela n'apporte aucun avantage spécifique pour les petits dons mais cela peut faciliter les libéralités importantes, ce qui peut être appréciable notamment pour les organismes s'efforçant de loger des personnes démunies.
3. Aménager le régime des achats d'art contemporain
L'Assemblée nationale a élargi le champ d'application de l'article 238 bis 0-A du code général des impôts, relatif à la réduction d'impôt de 90 % dont bénéficient les entreprises qui versent de l'argent à l'État pour lui permettre d'acquérir un Trésor national.
Laissant à la commission des affaires culturelles saisie pour avis -et qui était saisie au fond du texte sur les musées de France dont cet article est issu- le soin d'examiner l'extension du champ d'application de cet article, votre commission des finances a souhaité simplement souligner qu'il est paradoxal que l'amendement du gouvernement relatif à l'acquisition d'oeuvres majeures à l'étranger soit valable sans limitation de durée, alors que, dans la rédaction actuelle de l'article 238 bis 0-A du code général des impôts, le mécanisme de droit commun doit prendre fin le 31 décembre 2006.
Dans le même esprit, et pour donner suite à certaines initiatives antérieures du rapporteur de votre commission des finances, il est proposé d' aménager le régime des achats directs d'oeuvres originales d'artistes vivants par les entreprises en application de l'article 238 bis AB du code général des impôts.
Certes, la transformation du système de déduction de charges en un système de réduction d'impôts au niveau élevé de 60 % va donner aux fondations d'entreprises une impulsion décisive. On peut donc espérer que se constitueront un plus grand nombre de collections d'entreprises tournées vers l'art contemporain pour le plus grand bénéfice des jeunes créateurs vivant et travaillant dans notre pays.
Une des raisons de l'échec de ce dispositif est sans doute le caractère excessivement rigoureux de l'obligation d'exposition attachée à cette possibilité d'amortissement des oeuvres. Aussi, vous est-il proposé de limiter l'obligation à la seule durée pendant laquelle l'oeuvre est en cours d'amortissement, et de prévoir qu'il s'agit d'un lieu accessible au public étant entendu que cette accessibilité doit être définie de la façon la plus souple possible.
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Ce texte vient opportunément donner une chance à la France de se hisser en matière de solidarité privée aux niveaux atteints par ses principaux partenaires.
La plupart d'entre eux viennent comme permet de s'en rendre compte l'étude très instructive du service de législation comparée du Sénat (LC 120 ) de faire évoluer dans un sens incitatif le régime discal des dons aux oeuvres et du mécénat.
La France devrait rattraper son retard. Il ne faudrait pas d'ailleurs s'étonner que, d'ici à quelques années, à la fois sous l'effet de la générosité spontanée de nos compatriotes -mais également du fait du développement d'un véritable marché de la générosité-, l'on voit sensiblement baisser le taux d'imposition de nos compatriotes au titre de l'impôt sur le revenu.
De ce point de vue, le présent projet de loi s'inscrit dans la politique de baisse des prélèvements obligatoires entamée courageusement dans une conjoncture difficile par le présent gouvernement.
Nul doute en effet que l'impulsion ainsi donnée au mécénat sera d'autant plus vigoureuse que la baisse des prélèvements obligatoires sera plus forte.
* 4 Le taux de 90 % applicable aux versements effectués par les entreprises pour permettre l'achat par l'État de Trésors nationaux, évoqué fréquemment pour justifier des demandes d'augmentation du niveau de la réduction, ne doit pas, selon votre rapporteur, être considéré comme correspondant à une réduction d'impôt mais plutôt, si ce n'est comme une sorte de dation en paiement d'impôt sur les sociétés, du moins comme un paiement affecté de l'impôt, combiné avec une action de mécénat d'une entreprise.
D'un côté, c'est bien l'Etat qui a décidé de l'achat, et c'est lui qui paye. Simplement, au lieu d'inscrire les crédits au budget du ministère de la culture, il accepte une moins-value de recettes qui a le grand avantage de ne pas comporter « d'effet de cliquet » ; de même, si les crédits, étaient mis en réserve « au cas où », la tentation serait grande de les utiliser.
De l'autre, une entreprise peut mener une action de mécénat particulièrement visible, dans laquelle l'avantage diffus de notoriété et d'image citoyenne passe par un effort financier égal à 10 % de la valeur de l'oeuvre.