II. LE PROJET DE LOI : CONJUGUER LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION
Le 18 décembre 2002, le comité interministériel de sécurité routière a proposé de nombreuses mesures destinées à mettre fin à la situation actuelle par un contrôle et un encadrement efficaces de l'ensemble des usagers de la route et la conduite d'une politique de sécurité routière active. Le projet de loi soumis au Sénat tend pour l'essentiel à mettre en oeuvre les mesures législatives envisagées par le comité interministériel.
A. RENFORCER L'EFFICACITÉ DE LA RÉPRESSION
Le projet de loi comporte des dispositions pénales importantes destinées à renforcer le dispositif actuel et à améliorer sa cohérence.
1. Des peines aggravées, diversifiées et plus lisibles
a) La création d'infractions d'homicide involontaire et de blessures involontaires commises à l'occasion de la conduite
Actuellement, les homicides involontaires et les blessures
involontaires commis par les conducteurs sont réprimés par les
dispositions générales sur l'homicide involontaire et les
blessures involontaires. Le code de la route prévoit un doublement des
peines encourues dans certaines circonstances.
Le projet de loi tend à créer des infractions spécifiques
d'homicide involontaire et de blessures involontaires commis à
l'occasion de la conduite d'un véhicule (
articles 1
er
et
2
) :
- l'homicide involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un
véhicule serait puni de cinq ans d'emprisonnement contre trois
actuellement ;
- les blessures involontaires commises à l'occasion de la conduite
et ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus
de trois mois seraient punies de trois ans contre deux ans actuellement ;
- les blessures involontaires commises à l'occasion de la conduite
et ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins
de trois mois seraient punies de deux ans d'emprisonnement alors qu'elles
constituent jusqu'à présent une condamnation de la
cinquième classe.
La création d'infractions spécifiques, plus
sévèrement punies, repose sur le constat opéré par
l'exposé des motifs du projet de loi que «
La
dangerosité intrinsèque d'un véhicule, que la
jurisprudence n'hésite d'ailleurs pas dans certains cas à
assimiler à une arme, justifie (...) un surcroît d'attention et de
prudence de la part d'une personne qui l'utilise. Elle rend ainsi moralement
plus blâmable la commission d'une faute d'imprudence au volant
(...)
».
Les peines prévues pour ces infractions seraient aggravées en
présence de l'une des six circonstances suivantes :
- conduite sous l'empire d'un état alcoolique ;
- conduite après usage de stupéfiants ;
- délit de fuite ;
- violation manifestement délibérée d'une obligation
de sécurité ;
- conduite malgré l'annulation, l'immobilisation, la suspension ou
la rétention du permis de conduire ;
- grand excès de vitesse.
Une nouvelle aggravation est prévue lorsque deux ou plus des
circonstances qui viennent d'être énumérées sont
réunies, de sorte que les peines peuvent atteindre dix ans
d'emprisonnement en cas d'homicide involontaire, sept ans en cas de blessures
graves et cinq ans pour les autres blessures.
b) L'extension des peines complémentaires et la fin des « permis blancs »
Le
projet de loi prévoit plusieurs dispositions importantes relatives aux
peines complémentaires encourues pour les multiples infractions
routières (
articles 5 et 6
) :
- impossibilité de limiter la
suspension du permis de
conduire
à la conduite lors de l'activité professionnelle,
lorsqu'elle est prononcée pour homicide involontaire, blessures
involontaires, conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou
après usage de stupéfiants, grand excès de vitesse,
délit de fuite, conduite malgré la suspension ou l'invalidation
du permis de conduire ;
- création de deux nouvelles peines complémentaires
d'
interdiction de conduire certains véhicules
et de
stage de
sensibilisation à la sécurité routière
;
- extension de la peine d'
annulation automatique du permis de
conduire
à l'ensemble des homicides involontaires et des blessures
involontaires aggravées.
c) La prise en compte renforcée de la récidive
Afin de
sanctionner plus efficacement les conducteurs qui continuent à observer
un comportement dangereux malgré une première condamnation, le
projet de loi tend à renforcer les règles relatives à la
récidive (
article 4
) :
-
extension de un à trois ans du délai pour
apprécier la récidive
des contraventions de la
cinquième classe qui deviennent des délits en récidive
(grand excès de vitesse, défaut de permis) ;
-
assimilation des délits d'homicide involontaire et de
blessures involontaires au regard de la récidive
; assimilation
des délits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou
après usage de stupéfiants et de grand excès de vitesse au
regard de la récidive ;
- impossibilité de repasser le permis pendant un délai d'un
an en cas d'invalidation du permis de conduire moins de cinq ans après
une première invalidation.
2. La mise en place d'une chaîne automatisée contrôle-sanction
Le
projet de loi tend à prévoir les moyens juridiques
nécessaires au développement massif des contrôles
automatisés des infractions routières et vise à renforcer
l'efficacité du traitement contentieux (
article 7
) :
- extension aux règles relatives aux distances de
sécurité et au respect des voies réservées de la
responsabilité pécuniaire du propriétaire du
véhicule
, actuellement prévue en matière de
règles relatives au stationnement, aux limitations de vitesses, aux
obligations de s'arrêter ;
- obligation soit de fournir une preuve de vol ou de destruction du
véhicule, soit de déposer une
consignation
préalable
d'un montant égal de l'amende pour pouvoir
contester une amende forfaitaire relative à une infraction pour laquelle
la responsabilité pécuniaire du propriétaire du
véhicule est prévue ;
- institution d'une
présomption de domiciliation
du
contrevenant à l'adresse figurant au fichier national des
immatriculations.