CHAPITRE II
DISPOSITIONS
RELATIVES
À LA DÉTENTION PROVISOIRE ET À
L'INSTRUCTION
SECTION 1
Dispositions
relatives à la détention provisoire
Paragraphe
I
Dispositions renforçant la cohérence des règles
relatives aux conditions de placement en détention provisoire
ou
de prolongation des détentions
Article
22
(art. 137-4, 137-5, 143-1, 144, 145-1, 145-2 du code procédure
pénale)
Conditions et durée du placement en détention
provisoire
Cet article tend à modifier certaines règles relatives à la détention provisoire telles qu'elles résultent de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Sur plusieurs points, le présent projet de loi reprend des propositions formulées par le Sénat -mais écartées par l'Assemblée nationale- pendant la discussion de la loi sur la présomption d'innocence ou pendant la discussion de la loi du 4 mars 2002 complétant la loi sur la présomption d'innocence.
Le paragraphe I tend à réécrire l'article 137-4 du code de procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, cet article dispose que le juge d'instruction n'est pas tenu de statuer par ordonnance motivée lorsque, saisi de réquisitions du procureur de la République tendant au placement en détention provisoire ou demandant la prolongation de celle-ci, il ne transmet pas le dossier de la procédure au juge des libertés et de la détention. Le même article prévoit que le juge d'instruction n'est pas tenu de statuer par ordonnance motivée lorsqu'il ne suit pas les réquisitions du procureur de la République tendant au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire.
Lors de la discussion de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, le Gouvernement et l'Assemblée nationale avaient souhaité que le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention ne soient pas tenus de motiver les décisions refusant de faire droit à des réquisitions de placement en détention provisoire, au motif que « la liberté ne se motive pas ». Le Sénat avait demandé, et finalement obtenu, que le juge des libertés et de la détention motive l'ensemble de ses ordonnances, y compris lorsque ce juge refuse de faire droit à une demande de placement en détention.
Le présent article tend à réécrire l'article 137-4 du code de procédure pénale afin de prévoir l'obligation pour le juge d'instruction de motiver les ordonnances de refus de saisine du juge des libertés et de la détention. L'ordonnance devrait être immédiatement portée à la connaissance du procureur de la République. Il s'agit de faire en sorte que le parquet soit informé des raisons ayant conduit le juge d'instruction à ne pas faire droit à ses réquisitions.
Le texte proposé pour l'article 137-4 ne mentionne pas la situation dans laquelle le juge d'instruction refuse de faire droit à une demande de placement sous contrôle judiciaire. Dans ces conditions, les règles générales de l'article 82 du code de procédure pénale s'appliqueront : lorsque le juge d'instruction ne suit pas les réquisitions du procureur de la République, il doit rendre une ordonnance motivée dans les cinq jours des réquisitions.
Le paragraphe II tend à supprimer l'article 137-5 du code de procédure pénale qui, dans sa rédaction issue de la loi sur la présomption d'innocence, prévoit que lorsqu'il n'a pas été fait droit à ses réquisitions tendant au placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire de la personne mise en examen, ou à la prolongation de la détention provisoire, le procureur de la République peut saisir directement la chambre de l'instruction dans les dix jours de l'avis de notification qui lui est donné par le greffier.
De fait, cette précision n'est plus utile, dès lors que le texte proposé pour l'article 137-4 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction devra rendre une ordonnance immédiatement transmise au procureur s'il refuse de faire droit à ses réquisitions tendant à la saisine du juge des libertés et de la détention. Dans les autres cas, l'article 82 du code de procédure pénale s'appliquera, qui prévoit qu'à défaut d'ordonnance du juge d'instruction, le procureur de la République peut, dans les dix jours, saisir directement la chambre d'accusation. Par un amendement , votre commission vous propose d'opérer une coordination oubliée dans l'article 207 du code de procédure pénale, qui fait référence à l'article 137-5.
Le paragraphe III tend à supprimer le quatrième alinéa de l'article 143-1 du code de procédure pénale, relatif aux seuils de peine encourue à partir desquels le placement en détention provisoire est possible.
Après l'entrée en vigueur de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, les personnes mises en examen pouvaient être placées en détention provisoire si elles encouraient :
- une peine criminelle ;
- une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement.
Toutefois, pour les atteintes aux biens prévues par le livre III du code pénal, le placement en détention n'était possible que si la personne encourait cinq ans d'emprisonnement. Le seuil de trois ans demeurait cependant applicable si la personne avait déjà été condamnée à un an d'emprisonnement.
La loi du 4 mars 2002 complétant la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a rendu ces dispositions encore plus complexes en prévoyant que le seuil de peine de trois ans était également applicable en matière d'atteinte aux biens si la personne mise en examen avait déjà fait l'objet d'une poursuite pénale ou d'une mesure alternative aux poursuites dans les six mois précédant l'infraction.
Le projet de loi vient simplifier ce système. Dorénavant, le placement en détention provisoire serait possible :
- si la personne encourt une peine criminelle ;
- si la personne encourt une peine correctionnelle d'au moins trois ans d'emprisonnement.
Ces nouveaux seuils correspondent à un élargissement mesuré des possibilité de placement en détention provisoire et ont le mérite de clarifier des dispositions fort complexes. Lors de la discussion de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, le Sénat avait proposé de retenir ces seuils de peine encourue, mais n'avait pu obtenir gain de cause . Il convient en outre de rappeler que, lors de la discussion de la loi du 4 mars 2002 complétant la loi sur la présomption d'innocence, l'Assemblée nationale et le Gouvernement de l'époque avaient proposé d'introduire un seuil de peine encourue de deux ans pour les réitérants.
Le paragraphe IV tend à supprimer la deuxième phrase de l'article 144 du code de procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit notamment que la détention provisoire peut être ordonnée ou prolongée si elle constitue l'unique moyen de mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Il prévoit également que ce motif ne peut justifier la prolongation de la détention provisoire, sauf en matière criminelle ou lorsque la peine correctionnelle encourue est supérieure ou égale à dix ans d'emprisonnement.
Le projet de loi tend à supprimer cette impossibilité d'utiliser le trouble à l'ordre public comme critère de la prolongation de la détention provisoire.
Les paragraphes V et VI tendent à compléter les articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale, relatifs à la durée maximale de la détention provisoire. La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a introduit dans le code de procédure pénale des durées maximales de détention provisoire :
- en matière correctionnelle , la durée de la détention provisoire ne peut excéder quatre mois si la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et qu'elle encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans.
Dans les autres cas, la détention peut être prolongée à deux reprises pour une durée de quatre mois, la durée maximale atteignant ainsi un an . Cependant, cette durée est portée à deux ans lorsqu'un des faits a été commis hors du territoire national ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement ;
- en matière criminelle , la durée maximale de détention provisoire ne peut excéder deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelle et trois ans dans les autres cas. Ces délais sont portés respectivement à trois et quatre ans lorsque l'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire national. Enfin, la durée maximale est également de quatre ans lorsque la personne est poursuivie pour plusieurs crimes mentionnés aux livres II (atteintes contre les personnes) et IV (crimes et délits contre l'Etat, la Nation et la paix publique) ou pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée.
Le paragraphe V tend à prévoir que la durée maximale de deux ans prévue en matière correctionnelle peut être prolongée à titre exceptionnel par la chambre de l'instruction pour une durée maximale de quatre mois si l'instruction doit être poursuivie et si la mise en liberté de la personne mise en examen causerait, pour la sécurité des personnes et des biens, un risque d'une particulière gravité. La chambre de l'instruction serait saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention. La décision pourrait être renouvelée une fois dans les mêmes conditions.
Le paragraphe VI tend à prévoir que les durées maximales de détention de deux, trois et quatre ans prévues en matière criminelle peuvent être prolongées, pour une durée de quatre mois, par la chambre de l'instruction lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait, pour la sécurité des personnes et des biens, un risque d'une particulière gravité. La décision pourrait être renouvelée deux fois dans les mêmes conditions.
Votre commission des Lois se félicite tout particulièrement de l'insertion dans le projet de loi de ces dispositions. Lors de la discussion de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence, le Sénat avait proposé ces dispositions, que son rapporteur, notre ancien collègue M. Charles Jolibois, qualifiait de « soupape ». Le Sénat n'avait toutefois pu faire prévaloir son point de vue.
En novembre 2001, dans une proposition de loi, notre excellent collègue M. Hubert Haenel avait proposé l'adoption des mêmes dispositions et votre rapporteur avait proposé de les introduire dans la loi du 4 mars 2002 complétant la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence. Une nouvelle fois, le Sénat n'avait pas été entendu.
Or, les durées maximales de détention provisoire prévues par la loi sur la présomption d'innocence posent des difficultés aux magistrats. Il arrive qu'un magistrat instructeur soit contraint de renvoyer certains prévenus devant une juridiction alors que l'instruction de l'affaire n'est pas achevée pour éviter de devoir remettre en liberté des personnes placées en détention provisoire. Les dispositions proposées dans le présent projet de loi sont donc particulièrement utiles.
Votre commission rappelle que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impose aucune durée maximale de détention provisoire, mais prévoit seulement que « toute personne arrêtée ou détenue (...) a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ».
Afin que cette possibilité de prolonger les durées de détention provisoire revête véritablement un caractère exceptionnel, votre commission vous soumet deux amendements tendant d'une part à exclure tout renouvellement de la prolongation de quatre mois en matière correctionnelle, d'autre part à prévoir une seule possibilité de renouvellement de la prolongation de quatre mois en matière criminelle.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 22 ainsi modifié .
Paragraphe II
Dispositions
relatives aux demandes de mise en liberté
et instituant la
procédure de référé-détention
Article
23
(art. 148-1-A nouveau, 187-3 nouveau, 148-2, 183 et 199
du code
de procédure
pénale)
Référé-détention - Demandes de
mise en liberté
Le présent article tend à modifier certaines règles applicables aux demandes de mise en liberté formulées par les prévenus et à instituer une procédure de référé-détention.
Les paragraphes I et II tendent à créer une procédure de référé-détention.
1. Le dispositif proposé
Le paragraphe I tend à insérer un article 148-1-A dans le code de procédure pénale afin de prévoir la possibilité, pour le procureur de la République, de faire appel d'une ordonnance de mise en liberté rendue par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, en demandant que cet appel revête un caractère suspensif.
Tout d'abord, l'ordonnance de mise en liberté rendue par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention contre les réquisitions du parquet devrait être immédiatement communiquée au procureur de la République. Le procureur devrait la retourner sans délai au juge s'il n'entendait pas s'opposer à la mise en liberté.
Dans le cas contraire, il devrait former appel sans délai de la décision devant le greffier du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction, en saisissant le président de la chambre de l'instruction d'un référé-détention. La personne mise en examen se verrait alors avisée de cette procédure en même temps que lui serait notifiée l'ordonnance de mise en liberté, qui ne pourrait être mise à exécution, la personne restant détenue tant que ne serait pas intervenue la décision du président de la chambre de l'instruction et, le cas échéant, celle de la chambre de l'instruction.
Le paragraphe II tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 187-3 définissant les modalités d'application de la procédure du référé-détention.
Le texte proposé pour cet article prévoit qu'en cas d'appel d'une ordonnance de mise en liberté rendue par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, le procureur peut, si l'appel est formé sans délai après la notification de l'ordonnance, demander au président de la chambre de l'instruction ou au magistrat qui le remplace, de déclarer cet appel suspensif. La demande devrait, à peine d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel. Le procureur de la République devrait joindre à sa demande les observations écrites justifiant le maintien en détention de la personne. Cette dernière ou son avocat pourraient également présenter toutes observations écrites qu'ils jugeraient utiles.
Le président de la chambre de l'instruction devrait statuer au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la demande. Pendant cette durée, les effets de l'ordonnance de mise en liberté seraient suspendus et la personne resterait détenue. A défaut pour le magistrat de statuer dans ce délai, la personne serait immédiatement remise en liberté.
Le texte proposé pour l'article 187-3 prévoit ensuite que le président de la chambre de l'instruction statue au vu des éléments du dossier par une ordonnance motivée insusceptible d'appel. A sa demande, l'avocat de la personne mise en examen pourrait présenter des observations orales devant le magistrat, lors d'une audience de cabinet dont serait avisé le procureur de la République.
Le président de la chambre de l'instruction ordonnerait la suspension des effets de l'ordonnance de mise en liberté jusqu'à ce que la chambre de l'instruction statue s'il estimait, au vu des dispositions de l'article 144 du code de procédure pénale, relatif aux critères du placement en détention provisoire, que la personne devrait rester détenue. Dans le cas contraire, il ordonnerait la mise en liberté de la personne.
La procédure de référé-détention est donc très proche dans ses modalités de la procédure de référé-liberté, instituée en 1993, qui permet à une personne mise en examen de demander que l'appel à l'encontre d'une décision de placement en détention provisoire soit déclaré suspensif.
2. Les propositions de votre commission
Les textes proposés pour les articles 148-1-A et 187-3 du code de procédure pénale soulèvent plusieurs interrogations :
- le texte proposé pour l'article 148-1-A peut soulever une difficulté d'interprétation, dès lors qu'il semble sous-entendu que le référé-détention est systématique dès lors que le procureur de la République fait appel. Or, le texte proposé pour l'article 187-3 nouveau du code de procédure pénale, appelé à définir les modalités du référé-détention, prévoit au contraire explicitement que le référé-détention est une faculté laissée à l'appréciation du procureur de la République ;
- par ailleurs, l'emploi d'expressions telles que « sans délai » ou « immédiatement » laisse une place à l'interprétation et pourrait être source de difficultés importantes dans la mise en oeuvre de la procédure ;
- surtout, il n'est pas certain que la procédure proposée satisfasse pleinement aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions des 11 août 1993 et 23 avril 1997 pour qu'une décision d'un magistrat du siège puisse voir ses effets suspendus. En effet, le texte prévoit que le président de la chambre de l'instruction se prononcera successivement sur le caractère suspensif de l'appel du procureur puis sur cet appel lui-même, selon des critères identiques. Les garanties proposées pourraient être considérées comme insuffisantes.
Dans ces conditions, votre commission vous propose par un amendement de réécrire entièrement les textes proposés pour les articles 148-1-A et 187-3 du code de procédure pénale afin de :
- donner un délai de quatre heures au procureur de la République pour formuler un appel accompagné d'un référé-détention à l'égard d'une décision de mise en liberté, sans que ce délai l'empêche par la suite de faire appel de la décision dans les conditions de droit commun ;
- prévoir l'examen du référé-détention par le premier président de la Cour d'appel ou le magistrat qui le remplace et non par le président de la chambre de l'instruction ;
- prévoir l'obligation pour le premier président de la Cour d'appel de statuer dans les deux jours ouvrables suivant l'appel ;
- préciser que l'appel de la décision de mise en liberté ne pourra être déclaré suspensif que si au moins deux des critères de placement en détention provisoire posés par l'article 144 du code de procédure pénale sont réunis ;
- indiquer dans le texte proposé pour l'article 187-3 que le dossier de la procédure peut être transmis au premier président de la Cour d'appel par voie de télécopie ;
- modifier la référence proposée pour l'article 148-1-A ; dès lors que cet article est appelé à suivre l'article 148-1, il est logique qu'il porte la numérotation 148-1-1.
Le paragraphe III tend à modifier l'article 148-2 du code de procédure pénale, qui prévoit notamment que les juridictions saisies doivent statuer sur les demandes de mise en liberté ou de mainlevée du contrôle judiciaire formulées par les personnes placées en détention provisoire dans les dix jours ou dans les vingt jours de la réception de la demande , selon qu'elles sont du premier degré ou du second degré. Le texte précise cependant que lorsqu'il n'a pas encore été statué sur une précédente demande de mise en liberté ou sur l'appel d'une précédente décision de refus de mise en liberté, le délai de dix ou vingt jours ne commence à courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction compétente. Faute de décision à l'expiration de ce délai, il est mis fin à la détention provisoire, le prévenu, s'il n'est pas détenu pour une autre cause, étant mis d'office en liberté.
Le présent paragraphe tend à modifier ces dispositions afin de prévoir des délais différents laissés aux juridictions pour statuer en fonction de la situation pénale de la personne détenue . Les délais prévus seraient les suivants :
- dix ou vingt jours, selon que la juridiction est de premier ou de second degré, si la personne n'a pas encore été jugée en premier ressort ;
- deux mois si la personne a été jugée en premier ressort et est en instance d'appel ;
- quatre mois lorsque la personne a été jugée en second ressort et a formé un pourvoi en cassation.
Comme le texte actuellement en vigueur, le texte proposé par le présent paragraphe précise que les délais ne commencent à courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction compétente lorsque, au jour de la réception de la demande, il n'a pas encore été statué soit sur une précédente demande de mise en liberté ou de mainlevée du contrôle judiciaire, soit sur l'appel d'une précédente décision de refus de mise en liberté ou de mainlevée du contrôle judiciaire.
En revanche, le nouveau texte ne prévoit pas que, faute pour la juridiction de statuer dans les délais, la personne est remise en liberté. Par un amendement votre commission vous propose de réparer cet oubli.
Le paragraphe IV tend à remplacer dans l'article 183 du code de procédure pénale, relatif aux ordonnances de règlement et aux décisions susceptibles de faire l'objet d'appel, une référence à l'article 145 par une référence à l'article 137-3, deuxième alinéa. Il s'agit de tenir compte du fait que les dispositions imposant la notification des ordonnances de placement en détention provisoire, de prolongation de la détention ou de refus de mise en liberté ne figurent plus à l'article 145 mais à l'article 137-3.
Le paragraphe V tend à compléter l'article 199 du code de procédure pénale, relatif à la procédure applicable devant la chambre de l'instruction, afin de prévoir la possibilité pour le président de la chambre de l'instruction, en cas d'appel d'une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté, de refuser la comparution personnelle d'une personne qui a déjà comparu devant la chambre de l'instruction moins de quatre mois auparavant.
Cette disposition a pour objet de limiter certaines demandes de mise en liberté qui tendent seulement à permettre au détenu de quitter pour quelques heures l'établissement pénitentiaire. Rappelons en effet que les escortes judiciaires sont assurées par les forces de police et de gendarmerie, dont on conviendra qu'elles ont à exercer des missions plus essentielles. Le projet de loi d'orientation sur la sécurité intérieure, en cours de discussion, prévoit un transfert des escortes judiciaires à l'administration pénitentiaire, dont les moyens humains devront alors être renforcés.
Votre commission se félicite de la mesure prévue au présent paragraphe, qu'elle avait proposée lors de la discussion de la proposition de loi complétant la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Elle vous propose d'adopter l'article 23 ainsi modifié .
SECTION 2
Dispositions
relatives à l'instruction
Article
24
(art. 80-2, 82-2, 86, 177-3 nouveau, 706-58
du code de
procédure pénale, art. 434-15-1 du code
pénal)
Première comparution, demandes d'actes par les
parties,
amende civile, témoin anonyme, sanction du refus de
témoigner
Le présent article tend à modifier plusieurs dispositions du code de procédure pénale et du code pénal résultant soit de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes soit de la loi relative à la sécurité quotidienne.
Le paragraphe I tend à modifier l'article 80-2 du code de procédure pénale qui prévoit notamment que le juge d'instruction peut informer une personne par lettre recommandée qu'elle est convoquée, dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois, pour qu'il soit procédé à sa première comparution.
Cette disposition, introduite dans le code de procédure pénale par la loi sur la présomption d'innocence, résultait de la volonté du législateur de mettre fin aux mises en examen par lettre recommandée. Désormais, le juge d'instruction peut seulement convoquer une personne par lettre recommandée afin qu'il soit procédé à sa première comparution.
Le projet de loi ne remet pas en cause cette évolution, mais tend à porter le délai maximal entre la lettre recommandée et la première comparution de un mois à deux mois.
Votre commission se félicite de cette évolution, puisqu'elle correspond à la proposition qu'elle avait -en vain- formulé lors de la discussion du projet de loi sur la présomption d'innocence. Dans son rapport en deuxième lecture sur ce projet de loi, notre ancien collègue M. Charles Jolibois notait ainsi : « (...) après avoir reçu la lettre recommandée, la personne devra faire connaître le nom de son avocat, qui devra à son tour être convoqué. Il paraît donc plus prudent de prévoir un délai un peu plus long. L'allongement du délai n'a aucune conséquence préjudiciable pour la personne mise en cause, dans la mesure où elle sera informée des faits dont est saisi le juge d'instruction et pourra préparer dans des conditions satisfaisantes l'interrogatoire de première comparution ». Ces éléments d'appréciation demeurent parfaitement valables.
Le paragraphe II tend à abroger l'article 82-2 du code de procédure pénale, créé par la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence, qui prévoit que lorsque la personne mise en examen saisit le juge d'instruction d'une demande tendant à ce que ce magistrat procède à un transport sur les lieux, à l'audition d'un témoin, d'une partie civile ou d'une autre personne mise en examen, elle peut demander que cet acte soit effectué en présence de son avocat. Le même article donne un droit identique à la partie civile. Le juge d'instruction doit statuer sur ces demandes des parties en rendant une ordonnance motivée.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement justifie la suppression de cet article en soulignant que la possibilité donnée à l'avocat d'une personne mise en examen d'assister personnellement aux actes d'instruction que le juge d'instruction a accepté de conduire à sa demande « était largement vécue, par les témoins ou les victimes, comme ajoutant encore aux difficultés inhérentes à ces actes ».
De fait, dans certaines matières, il peut être particulièrement éprouvant pour un témoin ou une victime d'être entendu par le juge d'instruction en présence de l'avocat de la personne mise en examen.
Néanmoins, la proposition de suppression de l'article 82-2 du code de procédure pénale peut susciter quelques interrogations. Le juge d'instruction n'est en aucun cas tenu de faire droit aux demandes tendant à ce qu'un avocat assiste à certains actes.
Par ailleurs, le projet de loi ne prévoit pas la suppression de la possibilité pour le procureur de demander à assister à l'accomplissement des actes qu'il requiert, également introduite par la loi sur la présomption d'innocence. Certes, le parquet, en droit français, ne peut être assimilé purement et simplement à une partie comme une autre. Néanmoins, il pourrait être reproché au projet de loi de porter atteinte au principe de l'égalité des armes.
Compte tenu de la possibilité pour le juge d'instruction de s'opposer aux demandes des avocats des parties, votre commission estime inutile la suppression de l'article 82-2 du code de procédure pénale et vous propose, par un amendement , de supprimer le présent paragraphe.
Le paragraphe III tend à compléter l'article 86 du code de procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, cet article décrit la procédure suivie en cas de plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction. Il prévoit notamment que le procureur de la République ne peut saisir le juge d'instruction de réquisitions de non informer que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter aucune poursuite ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale.
Le présent paragraphe tend à compléter cet article pour permettre au juge d'instruction d'utiliser les procédures définies aux articles 177-2 et 177-3 du code de procédure pénale lorsqu'il rend une ordonnance de refus d'informer. La création de l'article 177-3 est proposée par le présent projet de loi et sera commentée ci-après.
L'article 177-2, introduit dans le code de procédure pénale par la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes à l'initiative du Sénat, permet au magistrat instructeur de condamner la partie civile à une amende civile lorsqu'il rend une ordonnance de non-lieu, s'il considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire. La même possibilité lui serait offerte en cas d'ordonnance de refus d'informer s'il constatait que la constitution de partie civile était abusive ou dilatoire.
Un tel complément aux règles actuelles paraît bienvenu.
Le paragraphe IV tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 177-3 pour compléter les règles relatives au prononcé d'une amende civile par le juge d'instruction. Le texte proposé pour l'article 177-3 dispose que lorsque la partie civile est une personne morale, l'amende civile qui peut être infligée en cas de constitution de partie civile abusive peut être prononcée contre son représentant légal si la mauvaise foi de ce dernier est établie. Une telle disposition est tout à fait utile car il est fréquent que les plaintes avec constitution de partie civile émanent de personnes morales et il est normal que les règles applicables aux personnes physiques leur soient également applicables.
Votre commission vous soumet un amendement tendant à corriger une erreur matérielle.
Le paragraphe V tend à modifier l'article 706-58 du code de procédure pénale. Cet article, inséré dans le code de procédure pénale par la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, à l'initiative du Sénat, prévoit que lorsque l'audition d'un témoin est susceptible de mettre gravement en danger l'intégrité physique de cette personne, des membres de sa famille ou de ses proches, le juge des libertés et de la détention peut autoriser cette personne à déposer en conservant l'anonymat. Dans ce cas, deux procès-verbaux de l'audition sont dressés, l'un faisant apparaître l'identité du témoin, l'autre non.
Actuellement, la possibilité d'entendre un témoin conservant l'anonymat n'est possible qu'en cas de procédure portant sur un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Le projet de loi tend à élargir cette disposition en prévoyant la possibilité d'entendre un témoin conservant l'anonymat dès lors qu'une peine de trois ans d'emprisonnement est encourue.
Une telle évolution permettrait notamment d'autoriser un témoin à conserver l'anonymat dans des affaires de destructions et dégradations commises en réunion. Votre rapporteur est favorable à l'extension de la procédure permettant à un témoin de conserver l'anonymat. Dans certains quartiers, la peur des représailles est telle que les témoins d'infractions refusent absolument de déposer.
Il n'est pas honnête d'assimiler cette procédure à une dénonciation anonyme comme certains le font parfois. Le témoin anonyme le reste pour l'auteur présumé des faits, mais pas pour la justice dont il est nécessairement connu. Rappelons en outre qu'aucune condamnation ne peut être fondée exclusivement sur la déposition d'un témoin ayant gardé l'anonymat.
Le paragraphe VI tend à compléter l'article 434-15-1 du code pénal, qui, dans sa rédaction issue de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence, punit d'une amende de 3.225 € le fait de ne pas comparaître, de ne pas prêter serment ou de ne pas déposer devant le juge d'instruction, sans excuse ni justification, pour étendre cette sanction au refus de comparaître devant un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire. De fait, refuser de comparaître devant un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction revient à refuser de comparaître devant le juge d'instruction lui-même. Cette disposition renforce donc la cohérence de l'article 434-15-1 du code pénal.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 24 ainsi modifié .