II. LA NÉCESSITÉ DE SIGNER UN CONTRAT DE JURIDICTION AVEC LA COUR DE CASSATION
Dans
son rapport sur l'examen des crédits du budget de la justice pour 2001,
votre rapporteur s'était félicité du succès des
contrats de juridiction développés entre le ministère de
la justice, d'une part, et les cours d'appel d'Orléans et de Douai
d'autre part.
Ces contrats reposent sur l'engagement des juridictions concernées de
résorber leurs stocks et d'améliorer leur productivité. En
contrepartie, la Chancellerie leur fournit des moyens humains et
matériels supplémentaires.
Dans son rapport du 27 avril 2000, le Premier président de la Cour de
cassation, M. Guy Canivet s'était inquiété de
l'évolution de l'activité de la Cour et avait
suggéré de renforcer temporairement le nombre de magistrats dans
cette juridiction. Certes, 5 postes de conseillers référendaires
ont été créés dans la loi de finances pour 2001,
mais la Chancellerie n'a pas souhaité poursuivre cet effort dans le
budget pour 2002.
Votre rapporteur regrette cette décision et souhaite rappeler les
besoins de la Cour de cassation aussi bien en personnels qu'en locaux.
A. LES BESOINS EN RESSOURCES HUMAINES
Le
rapport précité de la Cour de cassation constate qu'entre 1960 et
2000, en matière civile, le nombre des affaires soumis à la Cour
de cassation a augmenté de plus de 252 %. Enter ces deux dates, si
l'effectif des magistrat en service judiciaire a progressé de 3.500
à 6.500, soit de 84 %, celui des membres de la Cour de cassation
n'est passé que de 121 à 179, soit une hausse de 47 %,
proportionnellement inférieure de moitié à celle de
l'ensemble du corps judiciaire, alors que la croissance du contentieux soumis
à la Cour est directement proportionnelle à celle des affaires
soumises au juridictions de fond.
En considérant le nombre de dossiers annuellement traités par
l'ensemble de la Cour, civiles et criminelles confondues (29.071 en 1999) et
celui des affaires totales en instance à la fin de la même
année (40.586), le règlement des affaires en attente
représente 16 mois d'activité des 138 magistrats du
siège de la Cour de cassation (85 conseillers et 52 conseillers
référendaires).
La résorption de ce retard correspondrait donc à l'exercice de
177 magistrats supplémentaires pendant un an, de 35 magistrats
pendant 5 ans ou de 18 magistrats pendant 10 ans. Compte tenu de la
transformation de postes d'auditeur en postes de conseillers
référendaires intervenue en 2001, le Premier président
évalue à 28 le nombre de magistrats supplémentaires
nécessaire pendant cinq ans afin de rétablir l'équilibre
des flux de pourvois et ramener les délais de jugement, actuellement de
plus de deux ans, à une durée moyenne inférieure à
un an.
Ce renforcement des moyens du siège devrait s'accompagner
parallèlement, également à titre transitoire et dans des
proportions à définir, d'une adaptation des moyens du parquet
général et du greffe.
A l'expiration de la période de cinq ans, selon l'état de
fonctionnement de la Cour, l'effectif général serait
progressivement ramené à son état initial par le
non-remplacement des postes progressivement libérés.
B. LES BESOINS EN LOCAUX
Le
recrutement supplémentaire de magistrats doit impérativement
s'accompagner d'une extension des locaux de la Cour de cassation. A l'heure
actuelle, leur étroitesse ne permet pas aux magistrats de travailler
dans des conditions satisfaisantes. Ainsi, les conseillers qui ne disposent pas
de bureau à la Cour sont contraints de travailler à leur
domicile, ce qui les olige à assumer financièrement leur
installation de travail et à transporter de nombreux documents, au
risque de les égarer. En outre, cette délocalisation affecte
l'organisation de la Cour dans la mesure où les contacts personnels et
la réflexion collective sont indispensables à
l'élaboration de la jurisprudence.
Par ailleurs, les surfaces nécessaires au bon fonctionnement des
services, comme les locaux de greffe, de classement et d'archivage des dossiers
ou encore, la bibliothèque sont insuffisantes et inadaptées.
Il convient de souligner que plusieurs commissions ont été
créées par la loi sans que les équipements
nécessaires à leur installation et à leur fonctionnement
n'aient été prévus. Ainsi, la loi du 15 juin 2000
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes a créé auprès de la Cour de cassation
deux commissions :
- l'une pour le réexamen d'une décision pénale
définitive lorsqu'il résulte d'un arrêt rendu par la Cour
européenne des droits de l'homme que la condamnation a été
prononcée en violation des dispositions de la convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés ;
- l'autre, la juridiction nationale de la libération conditionnelle,
chargée d'examiner en appel les décisions des juridictions
régionales de la libération conditionnelle.
Or, si une solution provisoire a pu être trouvée pour la
commission de réexamen des décisions pénales, rien n'a
été prévu pour installer la deuxième commission et
pour mettre à sa disposition un secrétariat. Selon les
informations obtenues par votre rapporteur, le Premier président de la
Cour de cassation avait évalué à 115 m2 la surface
nécessaire et avait demandé la création d'un agent de
catégorie B et d'un agent de catégorie C pour assurer le greffe
de ladite commission sans succès....
La construction d'un nouveau palais de justice pour le tribunal de grande
instance de Paris devrait permettre, à terme, d'étendre les
locaux affectés à la Cour de cassation dans le site de l'Ile de
la Cité. Toutefois, des mesures d'urgence doivent être prises pour
assurer le fonctionnement des services de la Cour. Il conviendrait, par
conséquent, de doter la juridiction, à titre provisoire, en
l'attente de l'achèvement d'un nouveau palais de justice, de locaux
annexes lui permettant d'héberger certains services, de mettre à
la disposition des membres de la Cour des locaux de travail et des services
communs et d'héberger dans des conditions satisfaisantes les commissions
nouvellement créées.
Une évaluation chiffrée des besoins a été
envoyée à la Chancellerie qui préconisait le
redéploiement de la répartition des services au sein de la Cour,
l'externalisation de certains d'entre eux dans des locaux annexes d'une surface
de 2.500 m2, pour un coût estimé entre 1,7 millions d'euros
(11,2 millions de francs) et 2,1 millions d'euros (près de 14
millions de francs) par an.
Pourtant, aucun crédit pour 2002 n'a été
débloqué afin de permettre à la Cour de cassation de louer
des locaux annexes afin d'améliorer ses conditions de travail.
C. LA NÉCESSITÉ DE RÉGULER LE CONTENTIEUX
Toutefois, l'augmentation des effectifs ne permettra pas de
désengorger la Cour de cassation si aucune réforme n'est
entreprise afin de mettre un terme à la cause structurelle de son
encombrement : l'absence de procédure lui permettant
d'écarter,
a priori
, sans réponse au fond, les pourvois
qui ne sont manifestement pas de nature à remettre en cause
sérieusement la décision des juges d'appel.
Ni la Convention européenne des droits de l'homme, ni aucun principe
tiré de la Constitution, ni aucun principe général du
droit ne s'oppose à un tel dispositif qui réserve la voie de
recours exceptionnelle qu'est le pourvoi en cassation aux affaires qui le
justifient.
Pourrait ainsi être mise en place une procédure d'admission des
pourvois afin que les chambres de la Cour se consacrent aux affaires qui
méritent une réponse motivée et qui permettent de donner
une interprétation de la loi comblant ses lacunes ou encore levant ses
ambiguïtés.