CHAPITRE II :
L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS
I. L'ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS
A. L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE
1. Les tribunaux de grande instance : une baisse de l'activité depuis 1997
Activité civile des tribunaux de grande instance
Le
nombre d'affaires civiles nouvelles dont sont saisies les tribunaux de grande
instance a connu une hausse ininterrompue de 1990 (488.680) à 1996
(676.282), accélérée en 1993 et 1994 à la suite de
la réforme du juge des affaires familiales, qui a
transféré une masse importante de contentieux familiaux des
tribunaux d'instance vers les tribunaux de grande instance, et à la
suite de la réforme du juge de l'exécution, qui a
généré de nouveaux contentieux de l'exécution.
En 1996, la progression des affaires nouvelles a été seulement de
2 %. Rapportée à une activité non affectée par
les grèves de décembre 1995, cette progression aurait
été voisine de zéro.
En 1997, l'essentiel de la baisse des affaires nouvelles a pu être
imputé à l'entrée en vigueur du décret du 18
décembre 1996 portant réforme des procédures civiles
d'exécution. A la suite de l'obligation faite aux justiciables de saisir
le juge de l'exécution par assignation et non plus par simple
requête, les tribunaux de grande instance ont été saisis
d'environ 30.000 procédures d'exécution de moins.
En 1998, la baisse des affaires nouvelles a atteint 2 %.
En 1999, l'accélération de la baisse a pu être
imputée à la mise en oeuvre du décret du 28
décembre 1998 relevant le seuil de compétences des TGI de 4.573
euros (30.000 francs) à 7.622 euros (50.000 francs) et renvoyant sur les
TI entre 5.000 et 10.000 litiges financiers de faible importance
précédemment traités par les TGI. Cette baisse touche
toutes les familles de contentieux.
En 2000, le nombre d'affaires nouvelles portées devant les TGI
(600.468 affaires) affiche une baisse de moindre ampleur (0,9 %) par
rapport à 1999.
L'évolution des types de contentieux est contrastée. Les affaires
devant le juge des affaires familiales progressent de 1,4 % à
travers les contentieux de l'autorité parentale et du droit de visite et
les ruptures d'unions.
Au contraire, les autres contentieux (contentieux de l'exécution,
contentieux avec les banques ou relatifs aux prêts) diminuent.
Le nombre d'affaires terminées en 2000 (jugements et autre fins) par les
TGI s'élèvent à 592.340, ce qui représente une
baisse de 2,7 % par rapport à 1999, notamment en raison des
mouvements sociaux observés à la fin de l'année 2000. En
conséquence, le stock d'affaires a augmenté de plus de
8.000 affaires, marquant une rupture par rapport aux deux années
précédentes.
La durée moyenne des affaires terminées en 2000 s'est
établie à 8,9 mois, contre 9,1 mois en 1999.
2. Les tribunaux d'instance : l'interruption de la baisse d'activité depuis 1999
Activité civile des tribunaux d'instance
De 1993
à 1995, les saisines des tribunaux d'instance en matière de
contentieux civil général ont baissé d'environ 50.000
affaires par an, en raison principalement de la diminution du nombre des
contentieux familiaux, transférés dans leur majorité vers
les tribunaux de grande instance à la suite de la réforme
instituant les juges des affaires familiales.
La diminution d'activité s'est ensuite ralentie en 1996 et en 1997. En
1998, le nombre d'affaires nouvelles devant les tribunaux d'instance a encore
très faiblement diminué.
En 1999, cette tendance a été interrompue en partie à
cause du transfert modéré d'activité en provenance des
tribunaux de grande instance suite au relèvement de 4.573 euros (30.000
francs) à 7.622 euros (50.000 francs) de leur seuil de
compétence.
Avec 489.048 affaires nouvelles au fond en 2000, les tribunaux d'instance
ont vu s'amplifier la légère hausse d'activité
amorcée en 1999
. L'augmentation d'activité est de 2,7 %
environ, soit 13.000 affaires supplémentaires. Ce
phénomène est liée au développement des affaires de
tutelles, des contestations des décisions des commissions de
surendettement et des contentieux relatifs aux impayés.
Le niveau des affaires terminées (479.828 en 2000) reste en dessous de
celui des affaires nouvelles (489.048 en 2000),
le stock d'affaires à
traiter au 31 décembre 2000 (environ 380.000 affaires) s'est accru
mécaniquement par rapport à l'année
précédente
.
La durée moyenne des affaires terminées en 2000 par les tribunaux
d'instance s'établit à 5,1 mois, chiffre voisin de celui de 1999
(5,2 mois). Cette moyenne regroupe cependant des durées de traitement
des affaires très variables. Ainsi, 25 % des affaires
terminées en 2000 par les tribunaux d'instance l'ont été
en moins de 1,8 mois ; 50 % l'ont été en moins de
3,3 mois ; mais 25 % des affaires ont été
terminées en plus de 6 mois.
3. La baisse de l'activité des conseils de prud'hommes
Evolution de l'activité civile des conseils de
prud'hommes
En 1996,
le nombre d'affaires nouvelles (167.799) portées devant les conseils de
prud'hommes était revenu à son niveau de 1994, après une
année 1995 exceptionnellement basse en raison d'un déficit
d'activité lié aux grèves.
Le nombre d'affaires nouvelles a légèrement augmenté en
1997 puis s'est fortement accru en 1998 pour s'élever à 191.892
suite à une action ponctuelle des syndicats d'employés de divers
organismes de sécurité sociale qui ont déposé
simultanément un grand nombre de réclamations.
En 1999, les conseils de prud'hommes ont enregistré une baisse du nombre
des affaires nouvelles de 14% par rapport à 1998 pour atteindre 165.977,
ce qui correspond à un retour à une situation sans
événement perturbateur.
L'année 2000 s'inscrit de nouveau en baisse (- 1,7 %) avec
163.218 affaires nouvelles.
Il s'agit du niveau le plus faible depuis 1992 et est fortement lié
à la bonne situation économique des entreprises et son effet sur
la diminution des contentieux du licenciement. Il est donc à craindre
que la hausse du chômage en 2001 et la dégradation de la situation
économique mondiale accélérée par les attentats du
11 septembre 2001 risquent de mette un terme à la baisse de
l'activité des conseils de prud'hommes.
Le nombre d'affaires terminées en 2000 s'élèvent à
159.594, en diminution de 7,4 % par rapport à 1999.
Le stock d'affaires augmente donc de nouveau, alors qu'il avait enfin
baissé l'année précédente
.
La durée moyenne des affaires terminées en 2000 s'établit
à 10,2 mois. Il convient de rappeler qu'en 1998, ce délai
s'élevait à 9,7 mois.
4. L'augmentation de l'activité des juridictions commerciales
Les
juridictions commerciales ont rendu 165.558 jugements au fond en matière
contentieuse en 2000. Cette forte augmentation apparente d'activité est
en rupture avec la tendance à la baisse installée depuis 1995. Ce
sont les tribunaux de commerce qui affichent la totalité de cette hausse
(+ 18,2 %), avec 155.400 affaires.
En réalité, cette hausse spectaculaire trouve son origine dans le
projet de réforme de la justice commerciale et dans les restructurations
des tribunaux de commerce (30 ont été supprimés en 2000).
Les fermetures de tribunaux ont conduit à des démissions
nombreuses de juges consulaires, compensées par des nominations.
Les
actes administratifs dits « de changement de juge
commissaire » ont été enregistrés par les
tribunaux de commerce avec la masse des contentieux commerciaux au fond, alors
qu'il s'agissait en fait d'une activité administrative.
Avec 10.159 jugements de fond, les tribunaux de grande instance à
compétence commerciale ont représenté 6 % de
l'activité.
La durée moyenne de traitement des affaires s'élève
à 5 mois, soit un mois de moins par rapport à 1999. Cette
évolution s'explique par le poids des procédures
particulièrement courtes de « changement de juge
commissaire » évoquée précédemment. Il
semble donc que la moyenne de 1999 soit plus significative.
5. La baisse de l'activité des cours d'appel
Activité civile des cours d'appel
Le
nombre d'affaires portées en appel a crû
régulièrement jusqu'en 1994, à un rythme soutenu compris
entre 4 et 6 % par an. En 1995, cette tendance s'est infléchie pour
la première fois, avant de diminuer légèrement en 1996.
En 1997 et 1998, le nombre des affaires nouvelles devant les cours d'appel a
diminué respectivement de 2,3 et 1,7 % par an. Ce
phénomène s'est accentué en 1999 avec une baisse de
4 %.
En 2000, le nombre d'affaires a encore décru de 4 % pour
atteindre 193.749 affaires.
Cette diminution paraît imputable à la baisse de l'activité
des juridictions de première instance, mais également à
une moindre propension de la part du justiciable à faire appel.
Pour la deuxième année consécutive, le nombre
d'affaires terminées (220.095) est supérieur au nombre d'affaires
nouvelles (193.749). Le stock d'affaires en cours a donc diminué de plus
de 26.000 affaires par rapport à l'année
précédente.
Au rythme moyen d'évacuation des affaires en 2000, les
290.000 affaires en stock dans les cours au 31 décembre 2000
pourraient être traitées dans un délai de 15,8 mois, soit
deux mois de moins qu'en 1999. Le stock d'affaires varie en
réalité très fortement d'une cour à l'autre. Ainsi,
l'ancienneté moyenne des affaires en cours va de 23 mois dans les
juridictions les plus défavorisées à cet égard,
comme celle d'Aix-en-Provence, à moins de 7 mois dans les cours les
moins chargées, comme celle de Riom.
La durée moyenne de traitement des affaires s'est élevée
en 2000 à 18,4 mois, en légère augmentation par rapport
à l'année précédente. Derrière ce chiffre se
cache une réalité très contrastée : un quart
des affaires a été traité en moins de 7,9 mois ; la
moitié a été traitée en moins de 15,7 mois et un
quart a été traité en plus de 25,6 mois.
6. La hausse de l'activité de la Cour de cassation
Activité civile de la Cour de cassation
L'évolution du nombre des affaires nouvelles
présentées devant la Cour de cassation est très
irrégulière. Après avoir augmenté de 9,7 % en
1998, et baissé de 8,4 % en 1999, une hausse de 6,2 % a
été observée en 2000 : le nombre d'affaires nouvelle
s'élève donc à 21.331. Le nombre des affaires
terminées a également augmenté en 2000 et s'est
élevé à 21.394.
La durée moyenne de traitement d'une affaire civile est d'un peu plus
de 2 ans.
B. L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE PÉNALE
1. La légère hausse de l'activité des tribunaux correctionnels
En raison du décalage entre les décisions de poursuite prises par les parquets et les audiencements correctionnels, la baisse des décisions de poursuivre devant les tribunaux correctionnels en 2000 ne s'est pas traduite par une baisse équivalente du nombre de jugements rendus par ces tribunaux (452.772), soit une augmentation de 0,7 % par rapport à 1999.
Activité des tribunaux correctionnels
2. La légère hausse de l'activité des tribunaux de police
Activité des tribunaux de police
Alors
que le nombre d'affaires poursuivies devant les tribunaux de police diminuait
depuis près de dix ans, l'année 1999 s'est
caractérisée par une hausse de 15 %, liée au
développement des contraventions de cinquième classe suite
à la création de l'infraction de grand excès de vitesse.
(En 2000, le nombre des contraventions de cinquième classe a de nouveau
augmenté de 2 %).
Après une baisse ininterrompue depuis 1992 à 1998, le nombre des
affaires traitées augmente depuis deux ans, mais dans une moindre
proportion (+ 1,5 % en 1999, + 0,1 % en 2000).
3. La diminution de l'activité des cours d'assises
Activité des cours d'assises
Depuis
1996, le nombre d'affaires nouvelles devant les cours d'assise n'a cessé
d'augmenter. Pourtant, en 2000, les cours d'assises ont rendu
2.531 arrêts, soit une baisse de 7,7 % par rapport à
1999.
Il convient de remarquer que les cours d'assise ont prononcé leurs
arrêts en moyenne plus de quatre ans après les faits. Le stock
d'affaires en cours tend de nouveau à augmenter.
4. La diminution du stock des affaires des cours d'appel
Les
chambres des appels correctionnels ont été saisies en 2000 de
48.422 affaires nouvelles, ce qui constitue une baisse de 1,8 % par
rapport à 1999.
Par ailleurs, le volume des affaires terminées (50.708) a
progressé de 3,6 %. Il s'est établi au-dessus du niveau des
affaires nouvelles ; en conséquence, le stock d'affaires en cours a
commencé à diminuer pour la première fois depuis 1995. Il
représente cependant six mois d'activité.
Les chambres d'accusation ont rendu 32.831 arrêts, soit 0,5 % de
moins qu'en 1999. L'interruption en 1999 de la tendance à la croissance
continue de l'activité de ces chambres observée depuis 1993 se
confirme donc.
5. L'activité pénale de la Cour de cassation
Evolution des activités pénales des cours d'appel
Le nombre des affaires nouvelles est en forte augmentation en 2000 et s'élève à 9.014. Pourtant, la cour de cassation n'a pas pu maintenir un nombre de décisions rendues aussi élevé qu'en 1999. Avec un total de 8.714, le nombre de décisions rendues diminue de 6,4 %.
C. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
1. Les tribunaux administratifs : une diminution du stock d'affaires
Evolution de l'activité des tribunaux administratifs
Le
nombre d'affaires nouvelles enregistrées chaque année a
augmenté de 62 % entre 1990 et 2000, soit une moyenne de 5 %
par an. Si la progression a été à peu près continue
de 1990 à 1998, cette tendance s'inverse depuis 1998, sous la
conjonction de deux facteurs :
- l'année 1998 s'est caractérisée par un
« pic » conjoncturel, lié à
l'opération de régularisation des titres de séjours des
étrangers : une hausse de 22 % a été
observée par rapport à 1997. En conséquence, le volume des
affaires enregistrées en 1999 a baissé de 5,2 %, alors
même que ces 117.500 affaires représentent, en
réalité, une progression de près de 16 % par rapport
à 1997 ;
- en 2000, cette tendance à la diminution du nombre d'affaires
enregistrés se confirme en données nettes, compte tenu du nombre
élevé de dossiers de série enregistrés dans les
juridictions.
Sur la même période, le nombre annuel d'affaires traitées a
doublé grâce au renforcement des effectifs et à
l'amélioration de la productivité. Ainsi, le nombre d'affaires
jugées en données nettes s'est accru de près de 24 %
au cours des quatre dernières années, un tiers des juridictions
ayant augmenté de plus de 10 % le nombre de dossiers traités
par rapport à 1999.
Pour la première fois en 2000, le ratio affaires traitées/
affaires enregistrées a dépassé les 100 %
(105 %), permettant ainsi une réduction des stocks de 4 %.
La stock d'affaires en instance (210.000 dossiers environ) demeure cependant
encore trop important, au regard de la capacité de jugement des
tribunaux.
2. Les cours administratives d'appel : l'explosion du nombre d'affaires en attente de jugement
Evolution de l'activité des cours administratives
d'appel
Depuis
1992, les cours administratives d'appel ont connu, du fait du transfert
échelonné de l'appel des recours pour excès de pouvoir,
qui s'est achevé en 1995, une progression des entrées sans
précédent : le nombre d'affaires enregistrées a
triplé entre 1992 et 1999 et l'augmentation est encore de 3 % en
2000.
Cette progression s'est cependant nettement ralentie par rapport à
celles constatées en 1999 (+ 12 %) et en 1998 (+ 14,9 %) et
reflète la tendance observée au sein des juridictions de premier
ressort.
Parallèlement, le nombre d'affaires jugées a plus que
doublé entre 1992 et 2000 pour atteindre le chiffre de près de
13.000 affaires.
Cette amélioration s'explique par la création de la cour
administrative d'appel de Marseille en septembre 1997, le renforcement des
effectifs des autres cours et l'augmentation de la productivité.
Toutefois, le rapport des affaires traitées / affaires
enregistrées, reste préoccupant, n'atteignant que 78 % en
2000.
Aujourd'hui, aucune cour n'arrive à juger le même nombre
d'affaires qu'elle enregistre dans l'année. En conséquence, les
stocks continuent de croître. Ils ont été multipliés
par 5 entre 1992 et 2000.
A cette date, le stock global d'affaires en instance devant les cours
administratives d'appel représente le triple de leur capacité de
jugement annuelle, si bien que le délai théorique
d'élimination du stock (près de trois ans) ne parvient pas
à s'améliorer.
3. Le Conseil d'Etat : une confirmation de l'augmentation du nombre d'affaires nouvelles ?
Evolution de l'activité du Conseil d'Etat
Depuis
10 ans, le volume des affaires enregistrées devant le Conseil d'Etat a
connu une évolution contrastée. Après avoir
augmenté de 1990 à 1992, il a diminué de manière
irrégulière jusqu'en 1997 pour atteindre
7.193 affaires. En 1998 et 1999, il a connu une augmentation
rapide : + 17 % en 1998 et + 46 % en 1999 en raison de la
hausse d'une part des contentieux des visas, qu'il connaît en premier
ressort, et, d'autre part, de celui des reconduites à la
frontière, dont il est juge d'appel.
En 2000, le nombre des affaires enregistrées reste au niveau
élevé de 1999 (12.274) en raison de l'importance du contentieux
des étrangers, qui représente encore cette année une part
très conséquente des entrées.
Entre 1990 et 2000, le volume des affaires jugées a progressé de
32 %, ce qui a permis de faire régulièrement baissé
le délai théorique d'élimination du stock de 2 ans trois
mois à 11 mois.
Le nombre d'affaires jugées rejoint pratiquement celui des affaires
enregistrées, ce qui permet de stabiliser le stock d'affaires à
un peu plus de 10.000.
La réforme de l'organisation du traitement des dossiers au Conseil
d'Etat et le transfert de compétences aux cours administratives d'appel
ont permis de réduire progressivement le stock, qui atteignait 22.388
dossiers en 1993.
Ce chiffre, qui s'établissait en 1998 à 8.479 affaires, a
légèrement augmenté depuis puisqu'il atteint 10.159
affaires en 2000. Il reste cependant inférieur à la
capacité annuelle de jugement.
En outre, ce stock s'est « rajeuni » et comprend un moins
grand nombre d'affaires anciennes. En 2000, en effet, 90 % des affaires en
instance sont enregistrées depuis moins de deux ans. Le délai
théorique d'élimination du stock a été
ramené de 11 à 10 mois.