III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION SOUMISE À VOTRE COMMISSION : DÉFINIR LES CONDITIONS D'UNE LUTTE PLUS EFFICACE CONTRE LA CRIMINALITÉ TRANSNATIONALE
Réunie le 7 novembre 2001, la délégation pour l'Union européenne du Sénat a adopté, sur proposition de votre rapporteur, une proposition de résolution relative aux deux propositions de décision-cadre soumises au Sénat. Cette proposition de résolution, que votre commission a adoptée en lui apportant quelques modifications, tend d'une part, à souligner la nécessité d'actions plus ambitieuses dans la lutte contre la grande criminalité, d'autre part à attirer l'attention du Gouvernement sur certaines difficultés susceptibles d'affaiblir la portée des propositions de décision-cadre.
A. RAPPELER LA NÉCESSITÉ D'ACTIONS PLUS AMBITIEUSES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ
La proposition de résolution soumise à votre commission tend, dès l'abord, à souligner que « seule l'unification au niveau européen des incriminations et des procédures constituerait une réponse adaptée à l'ampleur des défis soulevés par les formes graves de criminalité transnationale ».
Votre commission des Lois est en plein accord sur ce point avec la délégation pour l'Union européenne, qui souligne depuis plusieurs années déjà l'intérêt d'une unification des incriminations et des procédures pour certaines formes de criminalité.
Dès 1997, dans un rapport d'information sur la réforme du troisième pilier de l'Union européenne, « Vers la construction d'un espace judiciaire européen » 3 ( * ) , la délégation pour l'Union européenne du Sénat avait souligné tout l'intérêt du projet de « corpus juris » élaboré sous la direction de Mme Mireille Delmas-Marty.
Le « corpus juris » prévoyait l'unification des incriminations relatives à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ainsi que la création d'un ministère public européen.
Durant les négociations qui ont conduit à la signature du traité de Nice, la Commission européenne a proposé la création d'un ministère public européen compétent en matière de protection des intérêts financiers des Communautés, mais cette proposition a été écartée par les chefs d'Etat et de Gouvernement.
Votre commission considère que, dans certaines matières, l'unification des incriminations et des procédures constitue la seule voie susceptible de permettre une prévention et une répression efficace d'actes particulièrement odieux, en particulier les actes terroristes. L'efficacité exige à l'évidence l'unité d'action et l'unité du cadre législatif et réglementaire de cette action.
Les différences entre les législations des Etats membres de l'Union européenne, l'insuffisante coordination entre institutions policières et judiciaires constituent autant de possibilités d'échapper à la justice pour de nombreux criminels, qui profitent cependant de toutes les facilités offertes par la libre circulation au sein de l'Union.
En matière de criminalité transnationale, les incriminations devraient à terme être définies de manière parfaitement identique dans l'ensemble des Etats membres, sous la seule réserve des différences résultant des traductions, en elles-mêmes non négligeables.
Votre commission vous propose, sur ce point, de compléter la proposition de résolution pour préciser que cette unification des incriminations et des procédures implique notamment la création au niveau européen d'une autorité responsable des poursuites ainsi que l'attribution de compétences opérationnelles à Europol .
La création d'un ministère public européen, compétent dans des matières clairement délimitées, apparaît comme le corollaire procédural indispensable de l'unification des incriminations. Ainsi, afin de protéger leurs propres ressortissants, certains Etats peuvent être tentés de ne pas adopter une attitude active vis-à-vis de groupes terroristes ayant une base logistique sur leur territoire, mais commettent leurs attentats dans un autre Etat membre. Face à ce risque, la mise en place d'un ministère public européen constituerait à l'évidence une solution plus efficace que toute formule de coordination.
Dans un contexte marqué par le développement de la criminalité organisée, la simple coordination entre autorités nationales est désormais insuffisante. Un commandement unifié s'avère indispensable .
Par ailleurs, plusieurs années après sa création, Europol reste, pour l'essentiel, un organe d'échanges d'informations. Il apparaît désormais souhaitable de doter Europol de véritables compétences opérationnelles lui permettant de conduire directement des enquêtes. Une telle évolution implique naturellement, comme l'a indiqué M. Antonio Vitorino, commissaire européen chargé des questions de justice, de poser la question du contrôle démocratique et judiciaire exercé sur l'activité d'Europol 4 ( * ) .
* 3 Rapport d'information n° 352 (1996-1997) présenté par M. Pierre Fauchon.
* 4 Audition par la commission des lois le mardi 26 juin 2001.