B. LES TRÈS GRANDS ÉQUIPEMENTS
1. Le concept de TGE
a) Une extension progressive
A l'origine, les TGE, dont le coût , très supérieur à celui des laboratoires, excédait les capacités des organismes de recherche, étaient dédiés exclusivement à la physique (physique des particules, nucléaire, fusion, astrophysique).
La notion s'est ensuite progressivement étendue aux grands instruments de l'astronomie au sol, aux navires océanographiques et même à l'espace à vocation scientifique (sondes, satellites...).
Aujourd'hui, elle inclut les grands équipements des sciences de la vie comme ceux de l'organisation européenne pour la biologie (EMBL) et pourrait englober des infrastructures comme les grands réseaux informatiques, les réseaux de bibliothèques, voire des installations comme les grandes animaleries.
b) Des estimations de coût variées
En raison de leur diversification et du fait de l'absence précise de définition des TGE, leur seul critère d'identification semble être leur coût élevé.
Or, la part de ces équipements et son évolution au sein des dépenses de recherche, font l'objet d'appréciations diverses.
En effet, selon un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche 10 ( * ) , le montant consacré aux TGE, répertoriés par le ministère 11 ( * ) s'élève à près de 4,6 milliards de francs. Le taux de croissance de l'enveloppe financière consacrée à ces équipements depuis 1990 a été de 69,2 %, soit le triple de celui observé pour le BCRD qui n'a progressé dans le même temps que de 22 %.
Le ministère de la recherche fournit, pour sa part, l'estimation suivante, d'après laquelle la part des TGE dans le BCRD est restée constamment voisine de 10 % à la fin de cette même période, leur évolution ayant donc, apparemment, été maîtrisée.
La contradiction entre ces deux appréciations tient principalement à la prise en compte des dépenses spatiales.
Le ministère, en effet, considère que certains équipements spatiaux (satellites de météorologie, station spatiale) ne relèvent pas de la recherche et les comptabilise séparément.
En 1999, le montant de leur enveloppe spécifique était de 1,1 milliard de francs.
Le pourcentage indiqué, dans le tableau ci-dessus, correspond à la part des dépenses annuelles totales (DO + CP), hors rémunérations 12 ( * ) , consacrées aux TGE dans le montant des AP du BCRD (y compris les contributions aux organisations scientifiques internationales...).
Selon le ministère, la fermeture de certains instruments et l'ouverture de nouveaux équipements s'est opérée, hors espace, à enveloppe constante.
Pour une augmentation, en francs courants, de 24 % en 10 ans (1989-1999) du coût de l'ensemble des TGE scientifiques, les dépenses relatives aux TGE non spatiaux ont diminué de 12 % tandis que celles consacrées aux TGE spatiaux croissaient de 37 %.
c) Une clarification s'impose
Les divergences exposées ci-dessus dans l'évaluation d'ensemble du poids des TGE dans le budget de la recherche, conduisent à souhaiter une clarification et une redéfinition de cette notion.
Il importe aussi, en raison de leur effet structurant sur la recherche, de programmer de façon pluri-annuelle le financement et la réalisation de ces équipements, afin de les faire échapper aux fluctuations budgétaires conjoncturelles.
2. Le synchrotron soleil
Votre rapporteur avait l'an dernier, à l'occasion de l'examen des crédits de la recherche, émis de sérieuses réserves à l'encontre de la décision que semblait avoir pris le ministre Claude Allègre, de renoncer à la construction en France d'un synchrotron de troisième génération, successeur du LURE d'Orsay.
Il avait soulevé, d'abord, en commission, les points suivants :
"- il convient de s'interroger sur l'avenir de l'installation actuelle d'Orsay ;
- d'autres pays conservent des équipements nationaux, tout en participant à l'exploitation de machines européennes ;
- il existe une tendance à la saturation de ce type d'équipements, du fait de leur très grand intérêt scientifique et de la variété de leurs utilisations ;
- leur caractéristiques étant très diverses, ils peuvent être réalisés, selon leur dimension et leur coût, au niveau soit européen, soit national ;
- leur usage, enfin, est, par essence, coopératif, c'est-à-dire international, d'une part, interdisciplinaire, d'autre part ".
Puis, dans son rapport écrit, il avait fait valoir que :
" Soleil (source optimisée de lumière d'énergie intermédiaire du Lure) a été conçu de telle sorte que ses caractéristiques soient complémentaires 13 ( * ) de celles de l'ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) de Grenoble.
Un synchrotron est un instrument scientifique à vocation pluridisciplinaire et internationale, susceptible d'utilisations très variées (physique, chimie, biologie, recherche fondamentale et appliquée) et accessible à toutes sortes d'usagers (laboratoires, PME, thésards...).
Le CSRT (conseil supérieur de la recherche et de la technologie) a arrêté, en 1997, une position très favorable au projet .
Une coopération européenne, voire mondiale, est évidemment nécessaire mais certains équipements, suivant leurs dimensions et leurs coûts, ou pour des raisons stratégiques (défense), peuvent être, légitimement, réalisés au plan national.
La question principale est de déterminer dans quelle mesure les besoins de la recherche française pourront être satisfaits ".
Enfin, votre rapporteur observait que " le coût du projet, estimé à 2 milliards de francs sur huit ans (exploitation comprise), pourrait être pris en charge en partie (jusqu'à hauteur de 40 %) par la région d'accueil. Cette machine remplacerait le LURE 14 ( * ) actuel d'Orsay, dont les frais de fonctionnement, alourdis par la vétusté des installations en cause, seraient ainsi économisés ".
Sous l'influence, en grande partie, d'un rapport de l'OPECST sur cette question, dont votre rapporteur était, avec le député Christian Cuvilliez, l'auteur, la décision a finalement été prise de construire cet équipement à Orsay, ce dont il convient de se féliciter.
Toutefois, votre rapporteur voudrait souligner la nécessité de constituer, très rapidement, une société civile qui soit à même de diriger l'exécution du projet.
A l'heure actuelle, le ministère de la recherche assure, en effet, le pilotage direct du lancement de SOLEIL, ce qui constitue une erreur grave, compte tenu de l'inexpérience des responsables de la direction de la recherche. Ainsi, dans les négociations avec l'Espagne, le ministère s'est satisfait d'une participation de 50 millions de francs de ce pays à SOLEIL, alors que sa forte motivation aurait pu conduire à exiger de lui un financement largement supérieur.
En tout état de cause, il est impératif de créer une structure dotée d'une autonomie réelle pour le lancement de SOLEIL, avec une équipe de haut niveau. La structure de société civile paraît être la seule à apporter une réponse adaptée.
* 10 Rapport conjoint IGT-2000 sur les grands équipements scientifiques, dans la loi de finances pour 2000- M 024 01 et IGAENR 00 0034 Juin 2000.
* 11 Au nombre d'une quarantaine.
* 12 Le montant des salaires, payés par les organismes de recherche pour les TGE nationaux, s'élève à 566 millions de francs.
* 13 Soleil (2,5 Gev d'énergie) a été optimisé pour l'étude des propriétés électroniques de la matière tandis que l'ESRF (6 Gev) est dédié avant tout à l'analyse de ses caractéristiques structurelles
* 14 Laboratoire pour l'utilisation du rayonnement électromagnétique