B. LE GOUVERNEMENT PRIVILÉGIE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL PAR RAPPORT AU TRAVAIL À TEMPS PARTIEL
1. La réduction du temps de travail bénéficie de crédits budgétaires considérables
Les
crédits consacrés à la réduction du temps de
travail sont de plusieurs ordres.
Il convient de rappeler que 2,7 milliards de francs sont inscrits dans le
projet de loi de finances au titre de la loi du 11 juin 1996 dite " loi de
Robien ".
L'essentiel des crédits est toutefois le fait des deux lois
" Aubry ". La première loi du 13 juin 1998 (" loi Aubry
I ") a prévu une aide incitative de 9.000 francs par
salarié concerné avec des possibilités de majorations. Ces
aides devraient représenter 4,3 milliards de francs en 2000. Par
ailleurs, le projet de loi relatif à la réduction
négociée du temps de travail, qui est encore en discussion au
Parlement (" loi Aubry II "), est accompagné d'un dispositif
financier évalué à 65 milliards de francs en rythme
de croisière. Cette somme se répartit entre un surcroît
d'allégements de cotisations sociales pour 40 milliards de francs
et une compensation au surcoût entraîné par la
réduction du temps de travail pour 25 milliards de francs.
En 2000, le coût de l'extension de la ristourne dégressive pour
les entreprises passées à 35 heures est estimé à
7,5 milliards de francs alors que l'aide structurelle pourrait
s'élever à 6 milliards de francs.
Le coût total en 2000 des aides à la réduction du temps de
travail oscillerait donc entre 17,8 et 20,5 milliards de francs selon que
l'on prend en compte ou non la loi de Robien d'incitation volontaire à
la réduction du temps de travail, qui a été adoptée
par le Gouvernement précédent avec le soutien du Sénat.
Les trois régimes juridiques applicables à la réduction du temps de travail
|
Loi du 11 juin 1996 |
Loi du 13 juin 1998 |
Allégement structurel |
Conditions d'accès |
. RTT de 10 %
|
. RTT de
10 % au moins
|
. 35 heures mensuelles ou 1.600 heures
annuelles au
plus
|
Nature de l'aide |
. 40 % des cotisations patronales de
sécurité
sociale la 1
ère
année, 30 % les années
suivantes
|
. 9000 francs plus éventuelles majorations
(main-d'oeuvre, CDI,...)
|
. Aide pérenne
|
Cumul |
. Ristourne unique dégressive
|
. Ristourne unique dégressive
|
. En partie avec le Robien
|
Il est
à noter que pendant plusieurs années coexisteront des
régimes d'aides différentes relatifs à la loi du 11 juin
1996, à celle du 13 juin 1998 et à la future " loi Aubry
II ". Cette accumulation de dispositifs est une source de confusion.
Les tableaux ci-dessus et ci-dessous rappellent le régime applicable
à ces différentes aides ainsi que les règles de cumul. On
peut souligner, par ailleurs, que fin octobre, la loi du 13 juin 1998 n'a
permis la création que de 30 à 40.000 emplois constatés
selon les chiffres mêmes du ministère de l'emploi, ceci sans tenir
compte des effets d'aubaines.
Régime des aides et des cumuls applicables
|
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
Entreprise ayant signé un accord loi du 11 juin 1996 en 1998 |
Allgt.
de 30 % des cotisat. SS pat.
|
Allgt.
de 30 % des cotisat. SS pat.
|
Allgt.
de 30 % des cotisat. SS pat.
|
Allgt.
de 30 % des cotisat. SS pat.
|
Allgt.
de 30 % des cotisat. SS pat.
|
Allgt.
de 30 % des cotisat. SS pat.
|
Allgt.. structurel |
Entreprise ayant signé un accord loi du 13 juin 1998 en 1999 |
Allgt.
de 9.000 F par sal.
|
Allgt.
de 8.000 F par sal.
|
Allgt.
de 7.000 F par sal.
|
Allgt.
de 6.000 F par sal.
|
Allgt.
de 5.000 F par sal.
|
Allgt. structurel |
Allgt. structurel |
Entreprise ayant signé un accord dans le cadre de l'article 11 |
- |
Allgt. structurel |
Allgt. structurel |
Allgt. structurel |
Allgt. structurel |
Allgt. structurel |
Allgt. structurel |
Entreprise ayant abaissé sa durée sans signer d'accord |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
Entreprise ayant conservé une durée collective supérieure à 35 heures |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
Source : MES
2. Le développement du travail à temps partiel est pénalisé
Le Gouvernement a souhaité privilégier la réduction généralisée du temps de travail accompagnée du maintien de la rémunération au développement du travail à temps partiel. La distinction entre ces deux formes de travail est essentielle, la réduction du temps de travail sans modification de la rémunération impose une compensation partielle par l'Etat sous forme d'aide incitative ou d'aide structurelle ainsi qu'un renchérissement des coûts de l'entreprise. L'idée est de préserver le pouvoir d'achat des salariés tout en obtenant un effet emploi. La France est aujourd'hui le seul pays à avoir choisi cette voie. Les autres pays européens privilégient le développement du travail à temps partiel qui constitue une véritable modalité du " partage du travail ". Ce mouvement est décentralisé, les partenaires sociaux définissant eux-mêmes les modalités de rémunération du travail à temps partiel.
Evolution du pourcentage de salariés à temps partiel entre 1982 et 1999
En pourcentage
NB : en 1990 et 1999, les enquêtes ont eu lieu au
mois de
janvier et non au mois de mars.
Source : Enquête emploi de l'INSEE.
Le développement du travail à temps partiel constitue une des
principales raisons de l'enrichissement de la croissance en emplois de
l'économie française. En janvier 1999 selon l'enquête
Emploi de l'INSEE, 17,2 % des actifs occupés travaillaient à
temps partiel, 18,1 % de l'ensemble des salariés et 17,7 % des
salariés du secteur privé. La progression du temps partiel pour
les salariés, qui a été d'un point par an en moyenne entre
1992 et 1997, s'est ralentie en 1997 et s'est stabilisée entre mars 1998
et janvier 1999.
Le dispositif réglementaire
L'abattement forfaitaire de 30 % des cotisations
patronales de
sécurité sociale pour l'emploi d'un travailleur à temps
partiel a été institué à la fin août 1992
pour les contrats à durée indéterminée dont la
durée de travail était comprise entre 19 et 30 heures
hebdomadaires ou entre 83 et 130 heures mensuelles. Le taux de
l'abattement a été porté à 50 % à
compter du 1
er
janvier 1993.
Le dispositif a été modifié par la loi quinquennale sur
l'emploi et la formation professionnelle du 20 décembre 1993 qui,
tout en élargissant le bénéfice de l'abattement aux
contrats dont la durée de travail était comprise entre 16 et
32 heures hebdomadaires, ramenait le taux de l'abattement à
30 % à partir du 8 avril 1994. La durée du travail
pouvait être appréciée non seulement sur une base
hebdomadaire ou mensuelle, mais aussi sur une base annuelle, de façon
à faire bénéficier de la mesure les entreprises dont
l'activité est soumise à une forte saisonnalité.
Le cumul avec le bénéfice de l'exonération totale ou
partielle de cotisations d'allocations familiales pour les bas salaires est
introduit en juillet 1993 et les exceptions à l'obligation d'embauches
compensatrices sont élargies depuis le 1
er
mai 1994. Ces
exceptions concernent notamment les licenciements collectifs pour motif
économique avec ou sans plan social.
La mesure s'applique à l'ensemble des employeurs hormis l'Etat, les
établissements publics, les collectivités territoriales et les
particuliers employeurs. L'autorisation préalable du directeur
départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
est demandée si l'employeur a procédé à un
licenciement économique dans les six mois précédant
l'embauche ou la transformation d'emploi. Le bénéfice de
l'abattement est conditionné, sauf exception, au maintien du volume
d'heures travaillées au sein de l'entreprise en cas de transformation
d'emplois à temps complet en emplois à temps partiel.
Le droit à l'abattement est supprimé définitivement en cas
de retour au temps plein -au-delà de 32 heures-. Il est suspendu en
cas de modification du contrat de travail à l'intérieur de la
plage des 16-32 heures sans avenant au contrat ou en cas de
dépassement dû aux heures complémentaires.
Le mécanisme de l'abattement a été modifié par la
loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation
relative à la réduction du temps de travail. Seuls les contrats
dont la durée hebdomadaire de travail est comprise entre 18 et
32 heures restent éligibles à la mesure. Les contrats
conclus sur une base annualisée en sont désormais exclus, sauf
dans le cas du temps partiel choisi. Pour un même salarié,
l'abattement n'est pas cumulable avec l'aide à la réduction du
temps de travail.
Les autres mesures en faveur du travail à temps partiel sont les
suivantes :
- convention FNE d'aide au passage à temps partiel, applicable
depuis juillet 1994 ;
- convention FNE de préretraite progressive, depuis avril 1993.
Depuis septembre 1992, les entreprises du secteur privé qui proposent
des contrats à durée indéterminée et à temps
partiel -qu'il s'agisse de nouvelles embauches ou de transformations d'un
contrat à temps plein- peuvent bénéficier, sous certains
conditions, d'un abattement permanent sur les charges sociales. Cet abattement
peut être cumulé avec les dispositifs généraux de
baisse du coût du travail au voisinage du SMIC mis en place depuis 1993.
Durant l'année 1997, le dispositif incitatif a été
particulièrement favorable aux employeurs de salariés à
temps partiel : le montant de la ristourne dégressive, mise en
place en octobre 1996, dépendait du salaire mensuel et était
indépendant de la durée du travail. Depuis le
1
er
janvier 1998, il tient compte de la durée du
travail, ce qui réduit l'avantage dont bénéficient
à ce titre les employeurs de salariés à temps partiel. En
outre, le seuil de la ristourne dégressive est passé de
1,33 SMIC à 1,3 SMIC.
Après une hausse de 6,1 % en 1997, le nombre de nouveaux contrats
dans le cadre du dispositif d'abattement a baissé d'environ 3 % en
1998, s'établissant à 218.000.
En 1998, l'effectif des personnes travaillant sur ce type de contrat continue
de progresser : il peut être évalué à
468.000 personnes fin 1998, contre 449.000 fin 1997 (+ 4 %).
Entrées et stocks en fin d'année de
salariés
employés
avec abattement de charges patronales de
sécurité sociale
pour l'emploi à temps partiel
Source : MES-DARES
Le Gouvernement ayant décidé de privilégier la
réduction du temps de travail sur le temps partiel, plusieurs
dispositions défavorables au développement de cette forme de
travail ont été adoptées. Depuis 1998, la ristourne
dégressive est calculée au prorata du nombre d'heures
rémunérées. Par ailleurs, le projet de loi relatif
à la réduction négociée du temps de travail
prévoit la suppression de l'abattement spécifique de 30 %
dont bénéficient les embauches de salariés sous contrat
à durée indéterminée à temps partiel depuis
la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 (art.
L. 322-12 du code du travail). Vos rapporteurs ont pris position contre la
suppression de cet abattement.
Dispositifs généraux de baisse du coût du travail et abattement en faveur du travail à temps partiel (en l'état actuel du droit)
Depuis
le 1
er
octobre 1996, le mécanisme général
de baisse des charges patronales sur les bas salaires consiste en une ristourne
dégressive unique cumulable avec l'abattement pour l'emploi à
temps partiel. Le montant de la ristourne est fonction du niveau de salaire
mensuel exprimé en pourcentage du SMIC mensuel et, depuis le
1
er
janvier 1998, dépend de la durée du travail.
Depuis le 1
er
janvier 1998, la ristourne dégressive
concerne les salaires mensuels inférieurs à 1,3 SMIC et le
montant de la réduction est calculé
au prorata
du nombre
d'heures rémunérées. L'incidence de la ristourne sur le
coût du travail des salariés à temps partiel est donc
désormais moindre. Dans sa nouvelle version, la ristourne
dégressive permet ainsi aux employeurs de salariés à temps
plein dont le salaire mensuel est au niveau du SMIC de bénéficier
de l'allégement maximal, qui est de 12,4 %. Cet avantage maximal
tombe à 9,3 % pour un salarié à ¾ de temps et
à 6,2 % pour un salarié à mi-temps. Le cumul de la
ristourne dégressive et de l'abattement à temps partiel permet
donc, dans ces derniers exemples, une réduction totale du coût du
travail de respectivement 15,5 % et 12,4 % (contre 18,6 % pour
un salarié à temps plein). Au-delà du SMIC mensuel, la
ristourne devient dégressive pour s'annuler à 1,3 SMIC
mensuel.
En 1998, 90 % des personnes nouvellement concernées par
l'abattement à temps partiel percevaient moins de 1,3 SMIC, et
ouvraient droit au cumul de l'abattement et de la ristourne dégressive.
Ils observent que le durcissement opéré du régime
financier du travail à temps partiel accompagné d'un renforcement
des contraintes juridiques dans le recours à cette forme de travail
devrait s'avérer défavorable à l'emploi.