AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'année 1999 devait être l'année de la réforme de
l'assiette des cotisations sociales patronales. Il était
également prévu que le Gouvernement procède à une
grande réforme de la formation professionnelle dont on pouvait
espérer qu'elle permette de dégager les moyens financiers
nécessaires à un projet ambitieux. Enfin, votre commission
espérait que soient adoptées des dispositions
particulières permettant d'assurer la professionnalisation des
emplois-jeunes en tenant compte des remarques qu'elle avait formulées
à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1999.
Force est de constater que ce budget de l'emploi et de la formation
professionnelle ne répond pas à ses attentes.
Il comporte certes des dispositions qui vont dans le bon sens : les moyens
du service de l'emploi sont renforcés, les contrats aidés font
l'objet d'une évaluation et d'adaptations qui s'avéraient
nécessaires.
Mais les réponses attendues ne sont pas au rendez-vous. Les effectifs de
la formation en alternance stagnent, l'Etat continue à prélever
les fonds de la formation professionnelle pour compenser des économies
budgétaires sur les engagements qui demeurent à sa charge.
Près de la moitié des emplois-jeunes ne savent pas quel avenir
leur est réservé. Enfin, la grande réforme des cotisations
sociales patronales a pris la forme d'une " usine à gaz "
ayant pour vocation principale d'assurer le financement des 35 heures.
Ces dispositions se traduisent en un profond changement de nomenclature du
budget de l'emploi marqué par le transfert des allégements de
cotisations sociales (" ristourne dégressive ") et des aides
à la réduction du temps de travail à un fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales créé
par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
En conséquence, les crédits du budget de l'emploi
s'élèveront à 122,06 milliards de francs en 2000 contre
119,32 milliards de francs en 1999 à périmètre 2000
constant, c'est-à-dire hors ristourne dégressive, ce qui
représente une hausse de 2,3 % des crédits.
On observera qu'à structure constante 1999 -c'est-à-dire en
ajoutant aux crédits de l'emploi pour 2000 la ristourne
dégressive telle que débudgétisée après
" ajustement au besoin " (39,49 milliards de francs), soit au
total 161,55 milliards de francs-, le budget de l'emploi est en baisse de
0,3 %.
Vos rapporteurs ont le sentiment d'une occasion manquée. Alors que la
conjoncture permettait enfin de construire une politique de l'emploi moderne
préparant l'avenir, il n'est proposé que la mise en oeuvre de
promesses électorales déraisonnables.
Le Gouvernement considère que ce budget est organisé autour de
quatre priorités : favoriser l'émergence de réformes
structurelles destinées à développer l'emploi, recentrer
les dispositifs traditionnels au service des publics en difficulté,
rechercher l'efficacité des aides publiques et renforcer les moyens du
service public de l'emploi.
Vos rapporteurs constatent que dans les faits ces orientations reviennent
à favoriser les redéploiements budgétaires au
bénéfice des deux priorités du Gouvernement : les
35 heures et les emplois-jeunes.
Le Sénat ayant déjà marqué son désaccord
avec la méthode retenue pour réduire la durée du travail
et avec l'absence de dispositions favorisant une véritable
professionnalisation des jeunes, c'est tout naturellement que votre commission
a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits
consacrés au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle contenus dans le projet de loi de finances pour 2000. Elle a
également adopté un amendement de suppression de l'article 70
rattaché au budget de l'emploi.
I. MALGRÉ UNE ÉVOLUTION FAVORABLE LE TAUX DE CHÔMAGE FRANÇAIS RESTE TRÈS SUPÉRIEUR À LA MOYENNE EUROPÉENNE
A. UNE ÉVOLUTION FAVORABLE DES CHIFFRES DU CHÔMAGE
La France continue à bénéficier du retour de la croissance sur le continent européen dont les effets se font sentir depuis deux ans. L'OCDE estime que la croissance de l'économie française pourrait atteindre les 2,4 % cette année et s'accélérer pour atteindre 3 % en 2000 et 2,9% en 2001. Selon ce même organisme international, l'emploi devrait continuer à tirer les dividendes de la croissance.
L'emploi au troisième trimestre 1999
L'emploi
salarié dans les secteurs privé et semi-public a augmenté
de 0,6 % (88.200 postes) en France au troisième trimestre
précédent et de 1,9 % (262.300) sur un an. Cette
augmentation plus forte que celle du deuxième trimestre (+ 0,4 %)
est la douzième hausse trimestrielle consécutive depuis fin 1996.
Elle porte à 14.041.300 le nombre de salariés employés
dans l'ensemble des secteurs concurrentiels (hors agriculture, administration,
éducation, santé et action sociale) au 30 septembre dernier.
Sur le trimestre, l'emploi a augmenté dans tous les secteurs
d'activités enregistrant une hausse de 0,9 % dans le tertiaire
(81.600 postes), de 0,2 % dans la construction (2.300 postes) et de
0,1 % dans les industries de transformation (4.300 postes). De
septembre 1998 à septembre 1999, les effectifs salariés ont
progressé de 3 % dans le tertiaire (257.800 emplois) et de
0,8 % dans la construction (9.000). Ils ont en revanche reculé de
0,1 % dans l'industrie (4.500 postes).
L'indice du salaire horaire de base des ouvriers (SHBO) a progressé de
1,3 % au cours du troisième trimestre et de 2,7 % sur un an.
L'évolution de l'indice des prix à la consommation (pour
l'ensemble des ménages et hors tabac) est nulle sur le trimestre et de
0,6 % entre septembre 1998 et septembre 1999. De son côté,
l'indice du salaire mensuel de base de l'ensemble des salariés a
augmenté de 0,4 % au cours du troisième trimestre et de
1,6 % sur un an. Pour les ouvriers, il progresse respectivement de
0,5 % et de 1,6 %.
Source : DARES
L'emploi des cadres en Europe a enregistré en
1998-1999
une hausse de 4 % (299.200)
L'emploi des cadres en Europe a enregistré en 1998-1999 le record de la décennie et il devrait rester à un niveau élevé malgré un léger recul. Quelque 299.200 emplois de cadres ont été créés en Europe, soit une augmentation de 4 % entre juillet 1998 et juin 1999, contre une augmentation de 2,4 % lors de la période précédente, selon l'enquête " L'Europe des cadres 2000 ". Le Royaume-Uni arrive largement en tête avec quatre emplois de cadres créés sur dix (124.500) en Europe, suivi de la France (38.500), de l'Espagne (38.000), de l'Allemagne (37.500) et des Pays-Bas (35.500). Le secteur des services se taille la part du lion avec près des deux tiers des créations d'emplois.
Source : DARES
Le taux de chômage devrait poursuivre sa décrue, pour atteindre 11 % de la population active en 1999 (après 11,8 % en 1998) puis 10,3 % en 2000 et 9,6 % en 2001. L'OCDE évoque trois " initiatives " de la politique de l'emploi pour expliquer ce dynamisme de l'emploi : les encouragements à l'intérim et au temps partiel, les allégements de charges sociales et les emplois-jeunes).
Contribution à la croissance de l'emploi
marchand
entre
juin 1997 et juin 1999
(en milliers)
Emplois liés à la croissance |
420 |
Allégements de charges |
80 |
Réduction du temps de travail |
40 |
Autres mesures |
20 |
TOTAL |
560 |
Source : INSEE, DARES, Direction de la
Prévision
.
L'INSEE, la DARES et la direction de la prévision du ministère de
l'économie confirment cette analyse puisque ces services
considèrent que sur les 560.000 emplois créés entre
juin 1997 et juin 1999, 500.000 ont été le fait de la croissance
et des dispositions ayant permis l'enrichissement de la croissance en emplois
(allégements de cotisations sociales, temps partiel...).
On peut rappeler également le rôle qu'a eu la mise en oeuvre de
l'euro dans le renforcement de la croissance.
Comme le soulignait dernièrement M. Jean-Paul Fitoussi,
président de l'OFCE lors de son audition par votre rapporteur :
" La France est le pays d'Europe qui a le plus
bénéficié de la monnaie unique, à travers une
baisse des taux d'intérêt réels de quatre points ".
Il a également considéré que les
" créations d'emplois correspondent au surcroît de
croissance consécutif à cette baisse des taux
d'intérêt "
.
1(
*
)
Les évolutions de l'emploi et du chômage
|
1997 |
1998 |
1999 prévision |
2000 prévision |
Emplois dans les entreprises du champ UNEDIC |
258.000 |
301.000 |
361.000 |
386.000 |
Emplois totaux |
276.000 |
360.000 |
379.000 |
418.000 |
Chômage catégorie 1 (en glissement) |
- 41.000 |
- 135.000 |
- 240.000 |
- 250.000 |
Chômage catégories 1 + 6 |
76.000 |
- 105.000 |
- 220.000 |
- 230.000 |
Source : UNEDIC
On ne peut que se féliciter de ce retour de la croissance et des
créations d'emplois qui sont la conséquence de la politique de
rigueur et de convergence économique et monétaire menée
depuis 1986 avec, il est vrai, plus ou moins de constance, notamment au
début des années 1990.
Ces bons résultats démontrent tout l'intérêt que
peut avoir une monnaie unique européenne pour favoriser la croissance
dans un espace économique unifié comme l'est l'Union
européenne.
Evolution des effectifs des entreprises entre 1985 et
1997,
selon leur nombre de salariés
Source : INSEE
Ces bons résultats devraient se confirmer dans les années
à venir. L'UNEDIC prévoit en effet une poursuite des
créations d'emplois qui devraient dépasser les 360.000 dans les
deux ans qui viennent et permettre une réduction du nombre de
chômeurs de 220 à 230.000 par an.
Si la croissance devrait permettre de faire baisser le taux de chômage en
dessous de 10 % comme il est normal en phase d'activité, la
question du plein emploi reste encore en débat compte tenu du
déficit de réformes structurelles du marché du travail.
Le marché du travail en septembre 1999
|
Sept. 1999 |
Variation sur un mois |
Variation sur un an |
Demandes d'emploi en fin de mois (catégorie 1, CVS, en milliers (1) |
2.695,2 |
- 3,0 % |
- 8,9 % |
Demandeurs d'emploi en fin de mois (catégories 1+6, CVS, en milliers) dans le mois (catégorie 6, données brutes, en milliers ) (2) |
3.215,8 |
- 1,5 % |
- 6,7 % |
Chômeurs au sens du BIT (CVS, en milliers ) (3) |
2.877,0 |
- 2,2 % |
- 5,5 % |
Taux de chômage (CVS, en %) |
11,1 % |
- 0,2 point |
- 0,7 point |
(1)
Les demandeurs d'emploi en fin
de mois
de catégorie 1 sont les personnes inscrites à l'ANPE
déclarant être à la recherche d'un emploi à temps
plein et à durée indéterminée et n'ayant pas
exercé une activité réduite de plus de 78 heures dans
le mois (pour mémoire, un mi-temps correspond en principe à
84,5 heures par mois). Ils sont comptés exhaustivement à
partir des fichiers de l'Agence nationale pour l'emploi.
(2)
La somme des catégories 1 à 6 correspond
exactement à l'ancienne catégorie 1 des demandeurs d'emploi. Ce
sont toutes les personnes inscrites à l'ANPE déclarant être
à la recherche d'un emploi à temps plein et à durée
indéterminée, y compris celles qui ont exercé une
activité réduite de plus de 78 heures au cours du mois.
Elles sont comptées exhaustivement à partir des fichiers de
l'Agence nationale pour l'emploi.
(3)
Les chômeurs au sens du Bureau international du
travail (BIT) sont les personnes sans emploi, à la recherche d'un emploi
et immédiatement disponibles. Ils sont comptés par sondage au
1/300
e
lors de l'enquête annuelle sur l'emploi
effectuée par l'INSEE en mars.
Emploi
|
SEPT. 1999 |
Variation sur un trimestre |
Variation sur un an |
Emploi salarié (ensemble des secteurs hors agriculture, administration, éducation, santé et action sociale, CVS, en milliers ) |
14.041,5 |
+ 0,6 % |
+ 1,9 % |
|
SEPT. 1999 |
Variation sur un mois |
Variation sur un an |
Offres d'emploi enregistrées à l'ANPE (Types A+B+C, CVS, en milliers ) |
256,5 |
+ 1,3 % |
+ 14,4 % |
Source : ministère de l'emploi et de la
solidarité.
En septembre dernier, le nombre de demandeurs d'emplois est passé en
dessous de la " barre " des 2,7 millions tandis que le nombre de
chômeurs était encore proche des 2,9 millions.
On peut remarquer qu'un taux de chômage proche des 10 %
équivaudrait tout de même à quelque 2,5 millions de
chômeurs, ce qui constitue un niveau encore beaucoup trop
élevé.
Il est à noter qu'au 30 septembre, la France a franchi, pour la
première fois, le " cap " des 14 millions de salariés
employés dans l'ensemble des secteurs concurrentiels.
Les
bénéficiaires de l'UNEDIC
Résultats mensuels définitifs - Territoire
métropolitain
Septembre 1999
|
Septembre 1998 |
Septembre 1999 |
Evol. annuelle |
Allocataires en cours en fin de mois |
2.327.639 |
2.383.644 |
2,4 |
Allocation unique dégressive (AUD) |
1.482.873 |
1.522.911 |
2,7 |
Allocation de chômeur âgé (ACA) |
66.203 |
83.573 |
26,2 |
Allocation de formation reclassement (AFR) |
48.234 |
48.623 |
0,8 |
Allocation spécifique de conversion (ASC) |
35.684 |
35.939 |
0,7 |
Rémunération des stagiaires du régime public (RSP) |
4.145 |
3.908 |
- 5,7 |
Allocation de solidarité spécifique (ASS) |
450.162 |
457.560 |
1,6 |
Allocation d'insertion (AI) |
17.916 |
23.046 |
28,6 |
Préretraite AS-FNE |
94.803 |
77.738 |
- 18,0 |
Préretraite progressive |
52.046 |
47.925 |
- 7,9 |
Allocation complémentaire (ACO) |
689 |
606 |
- 12,0 |
Allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) |
74.256 |
81.815 |
10,2 |
Garanties de ressources |
628 |
0 |
- 100,0 |