B. L'ARTICLE 70 ET LES PROJETS DE RÉFORME
1. L'article 70 et les prélèvements de l'Etat sur les fonds de l'alternance
Déjà en 1997, l'article 40 de la loi de
finances
avait institué une contribution exceptionnelle au budget de l'Etat
égale à 40 % de la trésorerie nette des fonds de la
formation en alternance, soit 1,7 milliard de francs. Par ailleurs,
l'article 75 de la loi du 2 juillet 1998 portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier avait institué une
contribution exceptionnelle au budget de l'Etat de 500 millions. Votre
commission s'était opposée à ces deux
prélèvements, au motif que ces détournements dans
l'utilisation des fonds lui apparaissaient comme préjudiciables aux
entreprises.
L'année dernière, le Gouvernement avait décidé
à nouveau que 500 millions de francs seraient
prélevés sur les fonds de l'AGEFAL. Ces fonds devaient faire
l'objet d'une utilisation concertée avec les partenaires sociaux,
Mmes Martine Aubry et Nicole Péry s'engageant à assurer, le
cas échéant, la couverture effective des dépenses
exposées par les entreprises dans le cadre des contrats en alternance.
Prenant acte de cette garantie et regrettant néanmoins le flou qui
entourait le fonctionnement de ce fonds, votre commission avait souhaité
faire part de sa réserve sans toutefois manifester une opposition
radicale pour tenir compte de la réforme à venir des
modalités de financement de la formation professionnelle et de la
garantie apportée par le Gouvernement.
Or, force est de constater que le flou demeure et que les
prélèvements " exceptionnels " sur les fonds de la
formation deviennent de plus en plus habituels comme en témoigne
l'article 70 du projet de loi de finances.
Emploi
et solidarité
Article 70 tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en
première lecture
L'article L. 961-13 du code du travail est
complété
par un alinéa ainsi rédigé :
" Ce même fonds national est habilité à gérer
les excédents financiers dont disposent les organismes collecteurs
paritaires agréés gérant les contributions des employeurs
affectées au financement du capital de temps de formation prévues
par l'article 78 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant
diverses dispositions d'ordre social et repris par le 1° de l'article L.
951-1 du présent code. Ces excédents sont
appréciés, pour la première année au 31
décembre 1999, et
peuvent exceptionnellement concourir
aux
actions de l'Etat en matière de formation professionnelle. "
*
L'Assemblée nationale a adopté l'article 70 avec
une
modification suggérée par M. Jacques Barrot, rapporteur
spécial de la commission des finances tendant à préciser
que les prélèvements de l'Etat sur les excédents du
capital de temps de formation ont un caractère
" exceptionnel ".
Au cours du débat
16(
*
)
,
le rapporteur spécial s'était déclaré favorable
à ce que des actions soient entreprises pour faire connaître le
capital temps formation afin de supprimer les excédents. Il a
observé que l'article 70 amendé aurait pour mérite
d'" affecter " les prélèvements opérés
par l'Etat à des actions relatives à la formation professionnelle
à la différence des prélèvements
précédents qui servaient simplement à abonder le budget de
l'Etat.
*
Vos
rapporteurs vous proposent d'adopter un amendement de suppression de cet
article 70 pour manifester leur désaccord avec des
prélèvements opérés par l'Etat. Afin de
régler la question des excédents du capital temps formation, ils
ne seraient pas hostiles à ce qu'ils soient affectés au
financement du CIF comme l'avaient souhaité les partenaires sociaux lors
de la création du capital temps formation en 1994.
Cet article tend à centraliser les excédents financiers du
capital de temps de formation (CTF) au niveau d'une section particulière
créée au sein du fonds national habilité à
gérer les excédents financiers du congé individuel de
formation (CIF).
Le CTF a pour objet de permettre aux salariés de suivre au cours de leur
vie professionnelle et à leur demande, ceci pendant leur temps de
travail, des actions de formation, prévues au plan de formation de
l'entreprise, dans le but de se perfectionner, d'élargir ou
d'accroître leur qualification.
Ce dispositif est financé par 50 % au plus de la participation des
entreprises au financement du CIF à hauteur de 0,2 % du montant des
salaires, c'est-à-dire une contribution au plus égale à
0,1 % des salaires.
L'article 70 propose d'étendre le champ de compétences du
fonds créé par la loi de finances pour 1996 qui gère
actuellement les excédents financiers des organismes collectant les
fonds du CIF, à la gestion des excédents financiers dont
disposent les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA)
gérant les contributions des employeurs affectées au financement
du CTF.
Cette disposition pourrait être considérée avec
bienveillance si la centralisation des disponibilités
excédentaires du CTF n'apparaissait pas comme le moyen d'affecter une
contribution de 500 millions de francs, versée par le comité
paritaire du CIF (COPACIF) au budget de l'emploi par voie de fonds de concours,
afin de compenser la diminution des crédits destinés au
financement de l'indemnité compensatrice forfaitaire à
l'apprentissage.
Il s'agit donc, une fois encore, de procéder à un
prélèvement exceptionnel sur les fonds de la formation
professionnelle.
Dès lors que ces prélèvements présentent un
caractère structurel, l'urgence d'une réforme du mode de
financement des organismes collecteurs de fonds devient, chaque année,
de plus en plus évidente.
Votre commission a déjà, à cet égard, marqué
sa préférence pour une réduction des cotisations
versées par les entreprises.
Pour l'instant, il lui semble préférable de refuser ce nouveau
prélèvement dont le caractère récurrent traduit le
penchant du Gouvernement à considérer les fonds collectés
par les partenaires sociaux comme une ressource budgétaire parmi
d'autres, destinée à financer les priorités du
Gouvernement, comme l'a également montré le débat sur le
financement des 35 heures à travers le projet de contribution de
l'UNEDIC et des régimes de sécurité sociale.
Vos rapporteurs défendront en conséquence un amendement de
suppression de l'article 70 afin de marquer leur désaccord avec la
pratique des prélèvements opérés par le
Gouvernement. Ce faisant, ils ne souhaitent pas pour autant en rester à
l'état du droit actuel qui s'avère également
défavorable à la formation professionnelle, puisque les
excédents éventuels du CTF sont aujourd'hui reversés
intégralement au budget de l'Etat.
Ils rappellent que les partenaires sociaux signataires de l'accord
interprofessionnel du 5 juillet 1994 avaient souhaité que les
éventuels excédents du CTF soient affectés au financement
du CIF. Ce faisant, vos rapporteurs seraient prêts à envisager
favorablement la centralisation des excédents du CTF à condition
que ces fonds ne fassent pas l'objet d'un prélèvement par l'Etat
afin de compenser des économies budgétaires
réalisés sur les crédits de la formation professionnelle
mais puissent rester dans le " circuit " pour financer par exemple le
CIF qui est actuellement soumis à une contrainte financière qui
le met dans l'impossibilité de satisfaire toutes les demandes.
Financement de l'apprentissage en 1997 et 1998
(crédits consommés en millions de francs)
Financeurs |
1997 |
1998 |
I. - Etat |
|
|
Exonérations de cotisations sociales (patronales et salariales) |
4.124 |
4.587 |
Primes (destinées à l'employeur) |
4.246 |
4.664 |
Autres dotations : |
|
|
- actions conjointes Etat-régions (financement Etat) |
90 |
107 |
- rénovation et renforcement de l'apprentissage |
46,5 |
70 |
- subventions du ministère de l'agriculture et de l'éducation nationale |
19 |
15,2 |
Sous-total |
8.525,5 |
9.443 |
II. - Régions |
|
|
Subventions aux centres de formation des apprentis |
|
|
- fonctionnement |
3.882,1 |
- |
- équipement |
332 |
- |
Sous-total |
4.214,1 |
4.576 |
III. - Fonds spécial européen |
|
|
(fonds destinés aux centres de formation des apprentis) |
336 |
410,4 |
IV. - Entreprises |
|
|
Financement des centres de formations des apprentis : |
|
|
- taxe d'apprentissage |
2.366,8 |
2.360,2 |
- taxes parafiscales |
182,2 |
187,1 |
- transferts de l'alternance |
862 |
1.043 |
- IATP |
- |
300 |
Sous-total |
3.411 |
3.890,3 |
Total |
16.486,6 |
18.319,7 |
Source : secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle
2. Les projets de réforme du Gouvernement peinent à convaincre les partenaires sociaux
Plus
généralement, il convient de s'interroger sur la politique du
Gouvernement en matière de formation professionnelle. Stagnation des
effectifs dans les dispositifs en alternance, priorité donnée aux
emplois-jeunes sur les formations qualifiantes, prélèvements
" exceptionnels " sur les fonds de la formation constituent les
traits les plus marquants de cette politique.
Bien sûr, il y a les projets de réforme. Mais il semble bien
aujourd'hui que le dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux
pâtisse de la brutale détérioration de leurs relations dans
un contexte de remise en cause du paritarisme consécutif aux
35 heures.
L'année 1999 a été marquée par la publication d'un
Livre blanc intitulé
" La formation professionnelle,
diagnostics, défis et enjeux "
, préparé par
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation
professionnelle.
Quatre directions ont ainsi été esquissées : la
création d'un droit individuel à la formation, la
professionnalisation des jeunes, la meilleure prise en compte de
l'expérience professionnelle acquise et la clarification du rôle
des différents acteurs.
Vos rapporteurs observent que des points de désaccords subsistent entre
l'Etat et les partenaires sociaux sur les modalités de la
réforme. Pour tenir compte de ces difficultés, Mme Nicole
Péry a indiqué, lors de son audition par votre commission, que
les questions qui soulevaient des débats auprès des partenaires
sociaux donneraient lieu à des expérimentations conduites sous
forme de contractualisation dans cinq régions.
Il semble par ailleurs que le Gouvernement rencontre des difficultés
à renforcer la transparence sur les coûts de la formation dans les
CFA de telle sorte que la concertation entre les organismes collecteurs de la
taxe d'apprentissage et les conseils généraux soit plus efficace.
Les principaux points de désaccord portent sur la définition d'un
droit individuel à la formation comme en témoignent les reports
des discussions sur ce thème.
S'ils prennent acte de l'avancement des projets de réforme, vos
rapporteurs ne sont toutefois pas convaincus que la méthode des
" pointillés " retenue par le Gouvernement qui consiste
à adopter des mesures réglementaires puis des dispositions
législatives dans un DMOS et enfin une loi sur le droit individuel
à la formation soit de nature à provoquer la prise de conscience
nationale nécessaire pour assurer le développement de la
formation professionnelle. L'idée d'une grande loi cadre traduisant une
volonté nationale puissante semblait plus séduisante même
si vos rapporteurs ne mésestiment pas les difficultés
inhérentes à de tels textes.
En attendant les résultats de ces projets de réforme, votre
commission a souhaité prendre ses distances avec la politique
menée par le Gouvernement dans le domaine de la formation
professionnelle. Elle a considéré que cette politique inversait
les priorités en favorisant des dispositifs de moyen terme non
qualifiants comme les emplois-jeunes par rapport à l'alternance. Elle a
déploré que le Gouvernement ait braqué les partenaires
sociaux sur la question des 35 heures, ce qui a pour conséquence de
rendre plus difficile toute réforme de la formation professionnelle.
Les
crédits de la formation professionnelle pour 2000
par nature
économique de la dépense
(en millions de francs)
|
LFI 1999 |
PLF 2000 |
2000/1999
|
I - FONCTIONNEMENT |
|
|
|
Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale |
|
|
|
Réseau d'accueil (ML/PAIO) |
416,45 |
467,00 |
12,14 |
Actions expérimentales de formation professionnelle |
20,00 |
20,00 |
0,00 |
Actions de formation alternées |
30,32 |
30,32 |
0,00 |
Actions hors champ de décentralisation (APP et CIBC)* |
200,00 |
110,00 |
- 45,00 |
PNFP et politique contractuelle (hors études) |
678,77 |
682,00 |
0,48 |
Programme TRACE |
60,00 |
70,00 |
16,67 |
Contrats de plan Etat - région |
405,41 |
397,00 |
- 2,07 |
Insertion des publics en difficulté |
|
|
|
Programme en faveur des chômeurs de longue durée (CLD) |
1.632,99 |
1.443,73 |
- 11,59 |
FNE cadres |
86,86 |
69,49 |
- 20,00 |
Formation professionnelle des adultes |
|
|
|
Fonctionnement des stages AFPA |
4.128,00 |
4.334,90 |
5,01 |
Fonctionnement autres org. de formation et expérimentation |
66,85 |
43,40 |
- 35,08 |
TOTAL I |
7.725,65 |
7.667,84 |
- 0,75 |
II - REMUNERATION |
|
|
|
Actions de formation alternées |
13,25 |
13,25 |
0,00 |
Programme national de formation professionnelle |
923,54 |
926,00 |
0,27 |
Protection sociale des stagiaires TRACE |
30,55 |
0,00 |
- 100,00 |
Programme en faveur des chômeurs de longue durée |
1.481,55 |
1.417,34 |
- 4,33 |
FNE cadres |
15,16 |
11,55 |
- 23,81 |
Rémunération des stages AFPA |
900,00 |
1.000,00 |
11,11 |
Versement de l'UNEDIC au titre de l'AFR y compris CLD |
2.715,57 |
2.541,47 |
- 6,41 |
Frais de gestion du CNASEA |
217,52 |
212,57 |
- 2,28 |
TOTAL II |
6.297,14 |
6.122,18 |
- 2,78 |
III - EXONERATION DE CHARGES ET AIDES FORFAITAIRES |
|
|
|
Exonérations contrats d'apprentissage |
4.587,80 |
4.721,17 |
2,91 |
Exonérations contrats de qualification |
2.607,92 |
2.660,00 |
2,22 |
Exonérations contrats de qualification adultes |
248,68 |
396,60 |
59,48 |
Indemnité compensatrice forfaitaire pour l'apprentissage |
4.664,61 |
4.113,83 |
- 11,81 |
Primes à l'embauche des contrats de qualification |
343,00 |
233,00 |
- 32,07 |
Primes à l'embauche des contrats de qualification adultes |
100,00 |
120,00 |
20,00 |
TOTAL III |
12.552.01 |
12.244,60 |
- 2,45 |
IV - EQUIPEMENT (crédits de paiement) |
|
|
|
Fonds de formation professionnelle |
108,24 |
105,63 |
- 2,41 |
Formation professionnelle des adultes |
333,34 |
358,70 |
7,61 |
Formation professionnelle des adultes (acquisitions immobilières) |
3,85 |
2,90 |
- 24,68 |
TOTAL IV |
445,43 |
467,23 |
4,89 |
V - DOTATIONS DE DECENTRALISATION |
|
|
|
Loi de décentralisation du 7 janvier 1983 |
3.218,49 |
3.245,71 |
0,85 |
Loi du 23 juillet 1987 portant rénovation de l'apprentissage |
107,04 |
107,95 |
0,85 |
Loi du 1 er décembre 1988 relative à Mayotte |
1,36 |
1,37 |
0,85 |
Loi de décentralisation 1993 et enveloppe de rééquilibrage |
1.902,71 |
1.918,81 |
0,85 |
Actions décentralisées en faveur des jeunes |
2.669,81 |
2.692,39 |
0,85 |
TOTAL V |
7.899,41 |
7.966,22 |
0,85 |
TOTAL I à V |
34.919,64 |
34.468,07 |
- 1,29 |
VI - ACTIONS D'INSERTION ASSOCIEES A LA FORMATION PROFESSIONNELLE |
|
|
|
Contrats emploi-solidarité (CES) |
9.904,00 |
9.010,55 |
- 9,02 |
Contrats emploi consolidé(CEC) |
5.250,00 |
5.323,66 |
1,40 |
Contrats de retour à l'emploi (CRE) |
412,49 |
65,00 |
- 84,24 |
Contrats initiative emploi (CIE) |
9.500,00 |
7.013,33 |
- 26,18 |
TOTAL VI |
25.066,49 |
21.412,54 |
- 14,58 |