C. LES RISQUES D'UN DÉSENGAGEMENT
1. L'aide publique au développement en procès
a) Un constat : la baisse continue de l'aide au développement
Le
développement des pays du sud ne saurait seulement reposer sur les
investissements privés.
Les flux de capitaux privés vers les
pays émergents ont chuté de moitié en 1998
. Sous le
coup des crises financières asiatique, russe et brésilienne, ils
sont en effet passés de 149,2 milliards de dollars à 64,3
milliards de dollars. Le rapport du FMI prévoit une reprise modeste en
1999 sur les marchés internationaux des capitaux.
Les cinq pays asiatiques les plus touchés par la crise
(Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Corée et Philippines) ont
subi des sorties nettes de capitaux évaluées à 46,2
milliards de dollars (soit 7 % de leur PIB).
En Amérique latine, les flux ont reculé de 87,3 milliards de
dollars à 69 millions de dollars. En Afrique, ils sont passés de
16,3 milliards de dollars à 10,3 milliards de dollars. Toutefois, hors
l'Afrique du sud où les effets conjugués du ralentissement du
programme de privatisation et de la crise ont entraîné une
réduction des entrées, les flux d'investissements directs ont
progressé, passant de 7,7 milliards de dollars en 1977 à
7,9 milliards de dollars en 1998. Ils ne représentent toutefois que
5 % des investissements destinés aux pays en développement.
L'aide au développement demeure donc indispensable. Or, elle a encore
baissé au cours de l'année 1998.
L'aide publique au développement de la France et des pays du G7
ANNEES |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
|
1998 |
|
||||
PAYS |
En volume Millions de dollars |
% du PIB |
En volume Millions de dollars |
% du PIB |
En volume Millions de dollars |
% du PIB |
En volume Millions de dollars |
% du PIB |
En volume Millions de dollars |
% du PIB |
En volume Millions de dollars |
% du PIB |
FRANCE |
7 915 |
0,63 |
8 466 |
0,64 |
8 443 |
0,55 |
7 451 |
0,48 |
6 306 |
0,45 |
5 818 |
0,4 |
JAPON |
11 258 |
0,27 |
113 239 |
0,29 |
14 489 |
0,28 |
9 439 |
0,2 |
9 358 |
0,22 |
10 683 |
0,28 |
ALLEMAGNE |
6 937 |
0,36 |
6 818 |
0,34 |
7 524 |
0,31 |
7 601 |
0,33 |
5 913 |
0,28 |
5 589 |
0,26 |
ETATS-UNIS |
9 721 |
0,15 |
9 927 |
0,14 |
7 367 |
0,01 |
9 377 |
0,12 |
6 168 |
0,08 |
8 130 |
0,1 |
ROYAUME-UNI |
2 908 |
0,31 |
3 197 |
0,31 |
3 157 |
0,28 |
3 199 |
0,27 |
3 371 |
0,26 |
3890 |
0,28 |
CANADA |
2 373 |
0,45 |
2 250 |
0,43 |
2067 |
0,38 |
1795 |
0,32 |
2 146 |
0,36 |
1 684 |
0,29 |
ITALIE |
3 043 |
0,31 |
2 705 |
0,27 |
1 623 |
0,15 |
2 416 |
0,2 |
1 231 |
0,11 |
2 356 |
0,2 |
Total CAD |
55 941 |
0,3 |
59 156 |
0,3 |
58 882 |
0,27 |
55 438 |
0,25 |
47 580 |
0,22 |
51 648 |
0,24 |
*
Chiffres provisoires
L'effort consacré par les principaux bailleurs de fonds
-regroupés au sein du comité d'aide au développement
(CAD)- s'est réduit au cours des six dernières années. Il
est ainsi passé de 0,3 % du PIB en 1993 à 0,24 % en 1998.
Le
montant global de l'aide française s'est également
contracté
: 33,9 milliards de francs en 1998 -soit 0,40 %
du PNB- contre 36,8 milliards de francs en 1997 -soit 0,45 % du PNB. La France
reste toutefois le deuxième contributeur en volume -derrière le
Japon- et le premier pour l'aide rapportée au PIB parmi les pays du G7.
La baisse s'explique par le poids des contraintes budgétaires, mais
aussi par la défiance croissante vis-à-vis du principe même
de l'aide en vertu de l'axiome américain bien connu -" trade, not
aid ". Cette nouvelle approche, même si elle dissimule bien des
égoïsmes nationaux, s'est aussi nourrie des résultats
souvent décevants de l'aide au développement.
Aussi, pour enrayer le désengagement des bailleurs de fonds
conviendra-t-il d'abord de
relégitimer
l'aide au
développement en en améliorant l'
efficacité.
b) Les conditions d'une aide plus efficace
.
Relégitimer l'aide au développement
La
Banque mondiale
a apporté une contribution importante à
la réflexion sous la forme d'un rapport "
Evaluer l'aide, ses
succès, ses échecs, ses raisons
". Ce document a
été commandé en 1995 dans le contexte d'une forte
réduction de l'aide au développement ; il vise à
justifier l'aide au développement en en soulignant l'impact
potentiellement favorable sur la croissance et la lutte contre la
pauvreté dans les pays bénéficiaires.
L'étude présente trois conclusions majeures.
D'une part, elle met en lumière une indéniable
corrélation entre l'efficacité de l'aide au
développement et le type de politique économique mis en oeuvre
par les Etats concernés
; l'aide contribuerait à la
croissance des seuls pays engagés dans de véritables
réformes de structures : mise en place d'une Etat de droit,
assainissement des fondamentaux économiques, libre-échange. Dans
les pays rétifs aux réformes, l'aide aurait en revanche
encouragé " l'incompétence, la corruption et les mauvaises
politiques ".
D'autre part, sur la base de ce constat, le rapport préconise
un
renversement de la logique de " conditionnalité "
privilégiée par les institutions financières
internationales. Plutôt que d'accorder d'emblée une aide
financière aux pays les plus pauvres, de les conduire à adopter
les réformes nécessaires et de réduire ensuite l'aide au
vu des progrès observés, il conviendrait
d'appuyer les
Etats
déjà engagés dans les réformes de
base
et d'accroître le volume de l'aide financière en fonction
des transformations accomplies. Ce changement d'optique permettrait de
responsabiliser davantage les pays bénéficiaires et de leur
redonner la maîtrise de leur développement.
Enfin, les auteurs du rapport estiment qu'en concentrant l'enveloppe
financière actuelle de l'APD -soit quelque 10 milliards de dollars- sur
les pays en développement dont l'économie est saine, il serait
possible de faire " reculer la pauvreté ", non plus de 7 mais
de 25 millions de personnes. En effet, 32 pays (Inde, Bolivie, Ouganda,
Chine...) dont la moitié de la population se situe au-dessous du seuil
de pauvreté présentent, d'après le rapport, les garanties
nécessaires à une aide efficace. Dans ces pays, un dollar d'aide
extérieur attirerait deux dollars d'investissement.
Selon cette logique, une aide de 300 milliards de dollars, soit 1 % seulement
du PIB mondial, permettrait de faire reculer radicalement la pauvreté
dans le monde.
Certes, le rapport laisse prise à certaines critiques. Il donne peu
d'indications pratiques sur les moyens d'apprécier la qualité des
politiques conduites. Il ne prend pas en compte l'influence de l'environnement
régional alors même que la proximité de pays en crise
constitue un facteur déstabilisant pour des pays " vertueux ".
Il ne permet pas de dégager d'orientations opérationnelles
vis-à-vis des Etats qui ne respectent pas les critères
énoncés. Toutefois, il met en avant des considérations
d'efficacité qui mériteraient d'être méditées
par la coopération française.
.
Renforcer la coordination des bailleurs de fonds
L'efficacité de l'aide passe également par une meilleure
coordination des bailleurs de fonds. Dans le contexte général de
diminution de l'aide, cet effort s'impose avec une plus grande acuité
encore.
Par vocation, les institutions multilatérales devraient fournir le cadre
privilégié de la coordination entre les différents
bailleurs de fonds. La situation n'est toutefois pas si simple car ces
organisations ne constituent pas seulement des instances de concertation, elles
sont aussi de part les fonds dont elles sont les dépositaires des
acteurs
de l'aide au développement. A ce titre, elles peuvent
suivre une logique propre assez différente des orientations
adoptées dans un cadre bilatéral.
Au cours des dernières années, ces organisations ont toutefois
tenté de mettre en place des procédures adaptées.
La coordination au sein de l'Union européenne soulève encore des
difficultés. Certes, le principe est reconnu depuis Maastricht dans le
traité instituant la communauté européenne (article 130).
Dès 1993, le conseil des ministres chargés de la
coopération a engagé une expérience pilote dans six pays
bénéficiant des différents programmes communautaires
(Côte d'Ivoire, Mozambique, Ethiopie, Pérou, Costa-Rica et
Bangladesh). Il reste toutefois beaucoup à faire pour traduire ces
exigences dans les faits. Le succès en la matière dépend
beaucoup des relations personnelles nouées entre les acteurs locaux de
l'aide au développement. C'est là laisser une trop grande part
aux hasards des affinités et des tempéraments. Aussi le Conseil
a-t-il arrêté en février 1998 des " orientations pour
le renforcement de la coordination opérationnelle ". Elles
prévoient notamment l'organisation de réunions
régulières sur place, le développement des échanges
d'information sur les politiques, la possibilité de conduire des
études, des analyses, des évaluations et, le cas
échéant, des
programmes communs.
A une échelle plus large, la Banque mondiale a également
cherché à mettre en place des structures de coordination
adaptées. Elle assure ainsi le secrétariat du
programme
spécial d'assistance à l'Afrique
conçu initialement
pour coordonner l'efficacité des aides à l'ajustement structurel
et devenue, depuis lors, une instance de réflexion et de concertation
destinée à renforcer les programmes d'aide. Elle a aussi
lancé des initiatives plus sectorielles avec le partenariat mondial pour
l'eau, un programme pour l'énergie, ou encore le groupe consultatif pour
la recherche agronomique internationale...
Par ailleurs, le président de la Banque mondiale a proposé
à la communauté internationale d'adopter un "
cadre de
développement intégré
" destiné à
réunir dans un même document pour un pays donné les
stratégies et l'action des divers opérateurs publics nationaux et
internationaux, privés, non gouvernementaux. La démarche ne
manque toutefois pas d'ambiguïté : la forte implication des
services de la Banque pourrait conduire à soupçonner cette
institution, sous couvert du nécessaire renforcement de la coordination,
de vouloir contrôler les politiques bilatérales mises en oeuvre.
Ainsi
l'équilibre entre coordination et contrôle ne semble pas
encore avoir été trouvé
.
En outre, les instances de concertation associent encore trop peu les pays en
développement eux-mêmes. La coordination des donateurs sera-t-elle
à terme assurée par le pays bénéficiaire ? Il
faudrait alors
passer d'une politique d'offre de coopération à
une stratégie de réponse à une demande de
coopération
-comme le préconisent du reste les pays membres
du comité d'aide au développement (CAD) au sein de l'OCDE. Une
telle évolution s'inscrirait dans la logique de responsabilisation des
pays en développement recommandée par le rapport de la Banque
mondiale analysé précédemment.
Les pays en développement ont souvent regretté les
difficultés de gestion liées à la multiplication des
interventions des donateurs. Ils ont contesté, par ailleurs,
l'inégalité introduite au sein de leurs administrations par la
coexistence d'agents rémunérés différemment selon
qu'ils appartiennent à la fonction publique ou qu'ils émargent
à des projets d'aide au développement. L'accueil et l'information
de nombreuses missions d'identification, d'instruction et d'évaluation
des projets représentent souvent, enfin, une lourde charge : ils
mobilisent cadres et services. Une plus grande concentration des interventions
permettrait sans doute de substantielles économies de temps et de moyens.
A échéance moins lointaine, les modalités d'intervention
pourraient dépasser la distinction entre l'aide projet et l'aide
à l'ajustement dans les domaines sectoriels. La voie budgétaire
servirait au financement de programmes de développement dont la mise en
oeuvre incomberait directement aux Etats. Cette évolution supposerait
non seulement le respect des procédures budgétaires et comptables
des pays en développement mais aussi un contrôle rigoureux des
dépenses publiques. En tout état de cause, elle ne peut
s'appliquer qu'aux pays largement engagés dans le processus de
réformes.
2. La renégociation des accords de Lomé : un enjeu décisif pour l'avenir de l'aide au développement
a) Une renégociation imposée
En
février 2000, les accords de Lomé signés en 1975 entre les
pays de l'Union européenne et les 71 pays d'Afrique, des Caraïbes
et du Pacifique (ACP) arrivent à échéance. Pourront-ils
être renouvelés comme ils l'avaient été
jusqu'à présent tous les cinq ans ?
L'enjeu est d'importance car ces accords constituent le
cadre principal de
l'aide au développement de l'Union européenne,
elle-même fournisseur du quart des contributions
multilatérales au développement. Cette aide, rappelons-le, repose
sur trois piliers : un régime commercial très avantageux
(liberté d'accès au marché européen sans obligation
de réciprocité pour la quasi-totalité des exportations),
des mécanismes de stabilisation de recettes à l'exportation, une
aide financière, enfin, accordée principalement sous forme de
dons dans le cadre d'une programmation pluriannuelle.
Or les éléments fondateurs des accords de Lomé font
aujourd'hui l'objet d'une double remise en cause. D'une part, l'octroi d'un
traitement préférentiel sous la forme de tarifs douaniers plus
favorables pour un nombre limité de pays contredit la clause de la
nation la plus favorisée, règle fondamentale de l'Organisation
mondiale du commerce (OMC). Certes, aux termes des règles de l'OMC, des
avantages commerciaux peuvent être consentis entre un nombre
déterminé d'Etats mais ils doivent l'être alors sur une
base réciproque. Aujourd'hui le régime de relations
asymétriques entre les pays ACP et l'Union européenne
bénéficie, jusqu'en 2000, d'une dérogation. Après
cette date, le système devra nécessairement être revu.
D'autre part, au-delà de cet argument juridique, les accords de
Lomé n'ont pas répondu entièrement à leurs
objectifs. En effet, malgré les préférences commerciales
octroyées, les importations des ACP vers les Quinze sont tombées
de 6,7 % en 1976 à 3,4 % en 1997. L'aide n'a pas vraiment servi de
vecteur à une diversification de l'économie des pays en
développement. Ces derniers, à l'exception de l'île
Maurice, peut-être, n'ont pas réellement développé
d'activités de transformation et demeurent tributaires de l'exportation
d'un nombre limité de produits primaires.
Il apparaissait ainsi difficile, à l'expiration de la cinquième
convention de Lomé, de se borner à reconduire le dispositif
existant. Par ailleurs la renégociation de ces accords s'est
engagée dans un contexte difficile. En premier lieu le mouvement de
libéralisation des échanges tend à réduire
l'intérêt d'un système de préférence
commerciale. Ensuite, les pays de la zone ACP apparaissent peut-être
moins comme une priorité au moment où l'Union européenne
se prépare au défi de l'élargissement vers les pays
d'Europe centrale et orientale. Ainsi, il faut le rappeler,
la part
accordée à l'Afrique subsaharienne dans les financements
communautaires est passée de 70 % de l'aide extérieure de l'Union
dans les années 70, à 40 % au cours de la présente
décennie.
Dans un contexte difficile, l'essentiel a toutefois pu être
sauvegardé : grâce à l'appui déterminant de la
France, il importe de le souligner, le principe du maintien d'un partenariat
privilégié entre l'Union européenne et la zone ACP a
été reconnu dans le mandat de négociation confié
à la Commission dans la perspective de l'ouverture des discussions avec
les pays ACP. L'Union européenne a ainsi proposé trois nouvelles
orientations :
- le renforcement de la dimension politique du partenariat afin d'y
intégrer notamment la prévention des conflits,
- l'évolution du système des préférences
commerciales non réciproques vers des accords liant l'Union
européenne avec des régions ou des sous-régions,
fondés sur une libéralisation progressive des échanges
à l'issue d'une période de transition,
- la simplification et le renforcement de l'efficacité de l'aide au
développement à travers une programmation par pays et la prise en
compte de critères de performances dans l'allocation des ressources.
b) Les questions en suspens
Les
négociations engagées le 30 septembre 1998 à Bruxelles se
sont poursuivies dans le cadre de la première conférence
ministérielle à Dakar les 8 et 9 février dernier. Une
deuxième conférence s'est tenue à Bruxelles en juillet et
a permis d'avancer sur plusieurs dossiers. Toutefois, le débat reste
aujourd'hui ouvert sur quatre sujets essentiels pour l'avenir de la relation
Union européenne-ACP.
.
Le contenu et la portée des " éléments
essentiels " de la convention
Aujourd'hui le respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la
démocratie représentent des " éléments
essentiels " de la convention. A ce titre, leur violation entraîne
la suspension partielle ou la non-exécution des accords de
coopération (art. 366 bis de la convention). En la matière les
discussions portent sur deux points : d'une part, la revendication des
Etats ACP -récusée par les Quinze- de décider à
parité avec les Quinze des sanctions adoptées ; d'autre
part, les réticences des pays ACP à reconnaître la
" bonne gestion des affaires publiques " parmi les
éléments essentiels de la convention. Ces préventions, qui
ne sont d'ailleurs pas sans fondement, pourront être levées quand
seront davantage précisés les contours, pour l'heure bien
indécis, du principe de la " bonne gouvernance ".
.
La durée de la période transitoire vers un
régime commercial
Pour l'Union européenne, des accords de partenariat avec des Etats ACP
regroupés dans un cadre régional pourraient être
signés en 2005 afin de permettre un accès réciproque aux
marchés sur une période de 10 ans, voire sur une
période variable adaptée au niveau de développement de la
zone considérée. Ici aussi, deux points font discussion. En
premier lieu, sans remettre en cause le principe de tels accords, les Etats ACP
souhaiteraient en reporter la mise en place à 2010. Sans doute faut-il
faire prévaloir en la matière le niveau de développement
observé dans telle ou telle zone. Ainsi l'accord de coopération,
de commerce et de développement signé avec l'Afrique du Sud et
fondé sur la mise en place d'une zone de libre échange s'inscrit
sans difficulté dans le cade fixé par l'OMC même s'il
prévoit -à l'instar par exemple des accords signés par
l'Union européenne avec les pays du bassin méditerranéen
dans le cadre du partenariat euroméditerranéen- un calendrier
progressif et dissymétrique
de l'ouverture des marchés. Un
tel modèle n'est évidemment pas applicable avec les pays du Sahel
pour lesquels la perspective même d'une libéralisation
complète des échanges paraît, à vue humaine,
irréaliste.
Par ailleurs, certains membres de l'Union européenne -principalement le
Royaume-Uni- défendent un système de préférence
commerciale harmonisé et étendu à tous les pays en
développement (tout en admettant le principe d'un accès
privilégié pour les pays les moins avancés). Selon
certaines estimations, un tel dispositif bénéficierait surtout
aux pays non ACP. La spécificité du lien avec l'ensemble de pays
issus de la décolonisation -lien dont la France s'était
efforcée de maintenir la pérennité, à
l'échelle de l'Europe, en promouvant la mise en place des accords de
Lomé- serait ainsi remise en cause. Pour votre rapporteur, notre pays ne
peut se résigner à la dissolution de la relation Union
européenne-ACP dans un ensemble aux contours imprécis.
.
Le maintien du Stabex et du Sysmin
Au moment de la négociation des orientations qu'adopteraient l'Union
européenne dans la renégociation des accords de Lomé,
seule la France avait défendu le maintien du principe de la compensation
des fluctuations des recettes d'exportation -sous la forme d'un Stabex et d'un
Sysmin dont le fonctionnement serait naturellement modernisé. La
stabilité des ressources des producteurs de denrées agricoles ou
de matières premières -producteurs qui constituent bien souvent
l'assise sociale et économique de ces pays- apparaît en effet une
priorité de l'aide au développement. La France a
été entendue sur le principe. Toutefois le mécanisme
élaboré par la Commission paraît aujourd'hui
présenter un lien de plus en plus ténu avec les mécanismes
du Stabex et du Sysmin.
.
La question du financement de l'aide
La négociation relative aux contributions des Quinze au dernier Fonds
européen de développement avait fait l'objet de discussions
très difficiles. Un accord n'avait été trouvé qu'au
prix d'une augmentation substantielle de l'effort financier français.
Les discussions relatives aux ressources du nouveau FED ne se présentent
pas sous des auspices plus favorables. Le maintien en termes réels de la
dotation du FED, même si la Commission plaide en ce sens, apparaît
bien improbable. Au mieux, on pourrait espérer un compromis autour du
maintien en terme nominal des ressources soit, en fait, une érosion des
moyens existants. Au moment où notre gouvernement procède
à une réduction des moyens affectés à l'aide au
développement, il paraît moins bien armé que par le
passé pour défendre auprès de nos partenaires le maintien
de leur effort budgétaire en faveur du FED. C'est pourtant un levier
d'influence essentiel pour l'Europe et la France dans les pays ACP qui est ici
en jeu.
Les semaines qui viennent se révéleront cruciales pour
décider de ces différentes questions. Par ailleurs, la
renégociation des accords de Lomé doit être l'occasion de
remédier aux trois principaux dysfonctionnements observés les
années passées dans la mise en oeuvre de la coopération
européenne dans les pays ACP. En premier lieu, il importe d'assurer une
meilleure coordination entre les objectifs de l'aide européenne et
ceux de la coopération bilatérale.
Or on constate encore sur
le terrain des redondances et des gaspillages alors même que de nombreux
besoins demeurent insatisfaits. Ensuite, et c'est sans doute là une
condition pour répondre à cette première
préoccupation, le circuit de décision pour l'allocation des fonds
devrait présenter une
plus grande transparence.
La
répartition des crédits doit faire l'objet d'un débat au
cours duquel chaque Etat membre peut s'exprimer.
Enfin et votre rapporteur ne cessera de revenir sur ce point qui, à ses
yeux, prime sur tout le reste, la
rapidité des engagements
doit
être recherchée de manière systématique.