II. LA PERSISTANCE DE NOMBREUX DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ENTRE LES ETATS-UNIS ET L'UNION EUROPÉENNE
Cette année aura été marquée par la persistance de nombreux différends commerciaux entre les Etats-Unis et l'Union européenne. La plupart de ces contentieux interviennent dans des domaines où les deux partenaires ont des intérêts fortement concurrents sur les marchés mondiaux, tels que les dossiers agricoles. Ces différends recouvrent également des divergences d'appréciation sur certains aspects du commerce international, tels que la place accordée à la protection des consommateurs ou l'utilisation de sanctions commerciales extraterritoriales.
A. DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX DANS DES SECTEURS OÙ IL EXISTE DES INTÉRÊTS CONCURRENTS SUR LES MARCHÉS MONDIAUX
Dans
le domaine agricole,
les relations transatlantiques sont marquées
par de nombreux différends concernant notamment les organismes
génétiquement modifiés, l'importation du boeuf aux
hormones, le régime communautaire d'importation de bananes, la
protection des indications d'origine ou les exportations de gluten de
blé.
L'autorisation de la commercialisation et de la culture des
organismes
génétiquement modifiés
relève d'un
régime complexe au sein de la Communauté, régime
d'ailleurs en cours de révision. Les nouvelles variétés ne
sont autorisées qu'au cas par cas sur la base des résultats d'une
évaluation des risques sanitaires et environnementaux. Face à
l'incertitude sur les effets à long terme des biotechnologies, aucune
nouvelle autorisation communautaire n'a été octroyée
depuis avril 1998. Plusieurs Etats membres, dont la France, ont
annoncé lors du Conseil des ministres de l'environnement de
juin 1999 un moratoire sur les nouvelles autorisations. Les Etats-Unis,
principal producteur et exportateur mondial d'OGM, acceptent difficilement
cette situation. Ils considèrent l'attitude européenne comme
infondée sur le plan scientifique. La question des OGM devrait
être soulevée dans le cadre des prochaines négociations
à l'OMC.
A la suite d'une procédure entamée devant l'OMC par les
Etats-Unis et le Canada, la réglementation communautaire interdisant
l'utilisation
d'hormones de croissance
dans la production de viande
bovine a été jugée le 19 août 1997 non
conforme à l'accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires de
l'OMC. Cette décision a été confirmée en appel le
16 janvier 1998, mais avec des nuances suffisantes pour laisser
à la Communauté la possibilité de conduire une nouvelle
évaluation des risques, destinée à justifier le maintien
de son interdiction. Ne disposant pour ce faire que d'un délai de
15 mois, la Communauté n'a pu achever à temps les dix-sept
études scientifiques qu'elle avait lancées. Aussi l'Organe de
règlement des différends de l'OMC a-t-il autorisé,
à compter du 29 juillet 1999, les Etats-Unis et le Canada
à appliquer des mesures de rétorsion sur certains produits
exportés par la Communauté. Se traduisant par des droits de
douane de 100 %, ces mesures portent sur 116,8 millions de dollars
d'exportations communautaires pour les Etats-Unis et sur 7,7 millions de
dollars pour le Canada. Les principaux produits français touchés
sont la moutarde, le roquefort, les oignons, les colles et adhésifs, la
chicorée torréfiée, le foie gras, les boyaux et vessies
d'animaux, le chocolat et les truffes. La France subit à elle seule
24 % des sanctions américaines. Les résultats des
études scientifiques de la Communauté ne devraient pas être
connus avant le début de l'année 2000.
Votre rapporteur
pour avis déplore cette situation qui pénalise nombre de nos
producteurs
.
Après une condamnation en 1997, et une première révision
en 1998, le régime communautaire d'importation, de vente et de
distribution de
bananes
a, à nouveau, été
condamné le 6 avril 1999, à l'initiative de l'Equateur
et avec le soutien des Etats-Unis et des principaux pays producteurs
d'Amérique latine. La réservation d'un contingent aux pays ACP,
ainsi que le système d'attribution des licences, qui favorisait de facto
les opérateurs communautaires, ont été jugés
contraires aux règles de l'OMC. Cette décision a autorisé
les Etats-Unis à mettre en place des mesures de rétorsion
commerciale, sous la forme d'une majoration de 100 % de certains droits de
douane, pour 191,4 millions de dollars. La France est à elle seule
concernée par environ un tiers de ces mesures. Ces sanctions touchent en
premier lieu des entreprises françaises dans les secteurs du textile,
des accessoires pour le bain et des cartonnages de luxe. La Communauté
doit donc à nouveau réformer son régime.
La
protection des indications d'origine
est peu développée
aux Etats-Unis, où nombre de nos appellations sont utilisées
comme des semi-génériques. Dans le cadre de la
renégociation de l'accord vin avec les Etats-Unis, qui vient de
commencer, un des points de discussion sera l'abandon progressif des
usurpations américaines. Les efforts communautaires et français
portent également sur l'amélioration du régime de
protection offert à l'OMC, et sur des négociations avec les pays
latino-américains afin d'éviter que les pratiques
américaines ne se répandent sur le continent.
Courant 1997, les exportations communautaires de
gluten de blé
ont connu une augmentation sensible vers les Etats-Unis. Ces derniers ont donc
décidé d'imposer, à compter du
1
er
juin 1998 et au titre de la procédure de
sauvegarde, un contingentement des importations de la Communauté
à 24.000 tonnes pour une durée de trois ans. Cette mesure a
conduit à un recul de 40 % des exportations françaises.
L'Union considère que cette mesure est discriminatoire -car elle subit
des rétorsions plus importantes que les autres pays exportateurs-,
qu'elle est injustifiée -dès lors qu'aucun préjudice
sérieux n'a été établi, ni aucun lien de cause
à effet entre les importations et la situation de l'industrie
américaine-, et qu'elle est excessivement restrictive, aucune
justification n'étant donnée à l'imposition de
contingentements, mesure des plus pénalisantes. En particulier,
l'accroissement des importations américaines est la conséquence
et non la cause des difficultés des producteurs américains, qui
souffrent d'abord de leur moindre compétitivité. Des
consultations dans le cadre de l'accord sur les sauvegardes se sont tenues,
sans succès, avec les Etats-Unis les 24 avril et le
22 mai 1998.
En conséquence, par un règlement du 14 août 1998,
la Communauté a pris la décision de retirer des concessions
équivalentes au préjudice subi sur les importations de gluten de
maïs en provenance des Etats-Unis. Cette décision entrera en
vigueur le 1
er
juin 2001 (3 ans après
l'entrée en vigueur de la mesure de sauvegarde américaine) ou
dès qu'un groupe spécial de l'OMC aura établi que la
mesure américaine n'est pas conforme avec les règles de l'OMC. La
Commission a entamé une procédure de règlement des
différends à l'OMC en demandant des consultations officielles aux
Etats-Unis. Ces consultations, qui se sont tenues le 4 mai 1999, se
sont révélées infructueuses. Un groupe spécial
devrait donc être prochainement constitué. Ce différend a
en outre récemment connu un nouveau durcissement, les Etats-Unis ayant
décidé de réduire encore, de plus de 5.000 tonnes, le
contingent de l'Union européenne, pour la saison
juin 1999-mai 2000, en reprochant à l'Union d'avoir
dépassé son contingent pour l'année passée.
Celle-ci a rejeté ces arguments en soulignant l'incapacité des
douanes américaines, dont c'est la responsabilité, à
s'assurer que les limites des contingents attribués n'étaient pas
dépassées.
Dans l'industrie,
l'aéronautique et dans une moindre mesure le
textile sont les principaux secteurs où existent des différends
notoires.
Les relations aéronautiques
, qui ne constituaient plus depuis la
signature de l'accord de 1992 sur les gros porteurs un motif de tension entre
l'Europe et les Etats-Unis, sont revenues au premier plan depuis 1997 avec
l'annonce de la fusion entre Boeing et Mac Donnell Douglas. Après six
mois d'enquête, la Commission européenne a autorisé sous
conditions cette opération, Boeing ayant fait un certain nombre de
concessions ; la France a demandé et obtenu que la décision
de la Commission soit assortie d'un mécanisme de surveillance des
engagements de Boeing, auquel sont associés les Etats membres.
Parallèlement, des discussions exploratoires ont eu lieu entre les
Etats-Unis et l'Union européenne sur le fonctionnement de l'accord
bilatéral sur les gros porteurs de 1992 : l'Union européenne
considère en effet que les Etats-Unis ont une interprétation
très flexible de leurs engagements de transparence en ce qui concerne
les aides indirectes à la recherche, alors que le système
européen d'avances remboursables est, par nature, très
transparent et contrôlable. La Commission tente d'obtenir des disciplines
renforcées sur les aides indirectes pratiquées par les Etats-Unis.
Dans le secteur textile
, à la suite d'une plainte
déposée par les industriels au titre du règlement sur les
obstacles au commerce (ROC), la Commission a engagé des
négociations avec les autorités américaines. A
l'été 1997, puis en mai 1999, après la tenue de
consultations sous l'égide de l'OMC, les Etats-Unis se sont
engagés à déposer un amendement à leur loi sur les
règles d'origine pour revenir aux règles appliquées avant
le 1
er
juillet 1996. En cas de nouveau manquement aux
engagements pris par les Etats-Unis, l'accord prévoit une
réactivation de la procédure à l'OMC (saisine de l'Organe
d'examen des questions textiles).
Dans les services,
l'audiovisuel demeure la principale source de
divergence entre les Etats-Unis et l'Europe.
L'audiovisuel
: la fin de la négociation d'Uruguay a
marqué un très net recul des tensions. Le bon résultat
obtenu du point de vue français n'a pas été mis en cause
au cours de la période récente. Les Etats-Unis ont cependant
réaffirmé lors de la réunion ministérielle de mai
1998 à l'OMC que ce sujet restait l'une de leurs priorités
à moyen terme, notamment dans la perspective du prochain cycle. Dans la
mesure où la directive " télévision sans
frontières " n'a pas été durcie lors de sa
révision en 1997, on peut escompter que les professionnels
américains, dont les contacts et les accords individuels avec leurs
homologues français se multiplient, ne voudront pas envenimer le
débat. Les principaux objectifs américains seront donc
d'éviter une réglementation protectrice dans ces secteurs et ceux
du multimédia (Infrastructure Globale d'Information), de trouver un
accord convenable sur la question des droits frappant les
cassettes-vidéos vierges, et enfin d'obtenir la levée des
restrictions à l'investissement. Si les Etats-Unis semblent avoir
accepté l'équilibre obtenu à Marrakech sur ce dernier
point, des tensions restent néanmoins toujours possibles, comme en
témoignent les négociations sur l'AMI à l'OCDE.