B. DES DIVERGENCES D'APPRÉCIATION SUR LES RÈGLES DU COMMERCE INTERNATIONAL
Lois
extraterritoriales américaines
Depuis 1996, le Congrès a adopté des textes visant à faire
pression sur les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis pour les
amener à infléchir leur politique à l'égard de
Cuba, de l'Iran et de la Libye, et isoler davantage ces pays,
déjà soumis à l'embargo américain.
La législation Helms-Burton contre Cuba est entrée en vigueur le
12 mars 1996. Le titre IV prévoit l'exclusion du
territoire américain des dirigeants et actionnaires de
sociétés étrangères soupçonnées
d'utiliser des biens confisqués à des ressortissants
américains par le régime cubain. Le titre III ouvre un
recours en responsabilité contre ces mêmes sociétés
qui pourront être condamnées devant les tribunaux
américains à verser des dommages et intérêts,
à la demande de ressortissants américains expropriés par
le Gouvernement cubain. Le Gouvernement américain a néanmoins
suspendu l'application de ce titre. La loi d'Amato a été
promulguée le 5 août 1996. Ce texte met en place des
sanctions contre les entreprises étrangères qui
réaliseront, après l'entrée en vigueur de la loi, des
investissements dans le domaine des hydrocarbures en Iran et en Libye.
La France et l'Union européenne ont dénoncé très
fermement ces législations qui comportent des dispositions
extraterritoriales et affectent le
climat des affaires entre l'Europe et
les Etats-Unis. L'Union a adopté un règlement communautaire en
novembre 1996, dit " anti-embargo ", qui vise à
neutraliser les effets extraterritoriaux de ces lois et à dissuader les
entreprises européennes de se conformer aux prescriptions ou mesures
américaines prises sur leur fondement.
L'Union, qui avait décidé en 1996 de porter plainte à
l'OMC, a néanmoins accepté de suspendre la procédure en
avril 1997, en échange d'une promesse de non-agression contre les
entreprises européennes et de la recherche d'un compromis global. Au
bout d'un an de négociations, lors du sommet euro-américain du
18 mai 1998, les Etats-Unis et l'Union européenne ont
trouvé un accord dans les termes suivants : les Etats-Unis
s'engagent à accorder des dérogations permanentes aux entreprises
de l'Union européenne au titre de la loi Helms-Burton pour autant que
ces entreprises continuent à ne pas être sanctionnées au
titre de la loi d'Amato.
Enfin, des dispositifs de même inspiration se sont multipliés au
niveau des Etats fédérés (cas de l'Etat du Massachusetts
qui interdit aux collectivités publiques locales de passer des
marchés publics avec des entreprises ayant des relations d'affaires avec
la Birmanie), conduisant la Communauté à demander des
consultations à l'OMC au titre de la violation de l'accord
plurilatéral sur les marchés publics (AMP). Devant l'absence de
résultat dans ces consultations, l'Union a décidé en
juillet 1998 de demander l'établissement d'un panel sur cette
affaire.
Le régime fiscal des entreprises
Les Etats-Unis permettent à des entreprises de nombreux secteurs
(machines électriques et non-électriques, chimie,
aéronautique, agriculture...) de délocaliser une partie de leurs
bénéfices liés à des exportations dans les
structures fiscales dites FSC (" Foreign Sales Corporation "),
implantées la plupart du temps dans des paradis fiscaux, puis de
rapatrier ces revenus sans payer d'impôts. Il s'agit donc d'une
subvention à l'exportation interdite par l'Accord sur les subventions et
mesures compensatoires de l'OMC. L'Union a demandé en 1999 des
consultations à l'OMC, et, devant l'absence de tout progrès, a
demandé en juillet 1998 l'établissement d'un panel. Le
rapport final du panel remis aux parties en septembre a conclu à la
condamnation des FSC et a demandé la suppression de cette structure
fiscale avant le 1
er
octobre 2000. Les Etats-Unis ont par
ailleurs demandé des consultations, visiblement à titre de
rétorsion, sur des mesures fiscales de cinq Etats-membres (Belgique,
France, Grèce, Irlande, Pays-Bas).
Les mesures anti-dumping
L'Union européenne a demandé à l'OMC en juin 1998 des
consultations sur une loi anti-dumping américaine de 1916 qui
contrevient aux dispositions de l'article VI du GATT et à son
accord interprétatif de l'Uruguay Round : cette loi donne en effet
beaucoup de flexibilité au plaignant (une plainte peut être
déposée par toute partie privée ce qui permet au plaignant
de ne pas être représentatif de l'industrie nationale, une simple
intention de causer un dommage suffit à actionner la loi et les mesures
sont mises en place immédiatement sans les sauvegardes
procédurales de l'accord anti-dumping) et prévoit des
dommages-intérêts élevés ou des peines
d'emprisonnement alors que l'accord de l'OMC n'autorise que des droits
anti-dumping.
Mesures unilatérales de règlement des conflits
Les sections 301 à 310 du " trade act " américain de
1974 reconnaissent le droit à l'administration américaine de
prendre des mesures discrétionnaires en cas de différends
commerciaux, comme le différend sur la vente et la distribution de
bananes. Considérant que cette législation est incompatible avec
l'article XVI-4 de l'accord de Marrakech, les articles 3, 21, 22 et
23 de l'accord de règlement des différends et les
articles I, II, III, VIII et XI du GATT, l'Union européenne a
déposé une demande de consultations en novembre 1998 puis
une demande de panel en janvier 1999. Seize pays se sont portés
parties tierces.