III. LE NOUVEAU RÉGIME DES VENTES VOLONTAIRES : LES LIMITES DU LIBÉRALISME BIEN TEMPÉRÉ
Dans
notre pays, on ne fait vraiment confiance ni au marché qui doit
être encadré, ni au consommateur qui, estimé incapable de
se défendre, doit être protégé par l'État.
Il y a une sorte de préférence nationale pour la mise en place de
mécanismes protecteurs a priori. Celle-ci se traduit par la
volonté de fixer dans la loi ce qui se trouve ailleurs, en particulier
dans le monde anglo-saxon, dans les contrats ou la jurisprudence.
Bref, on
préfère la réglementation à
l'autorégulation.
Question de culture.
Pour autant, il ne s'agit pas, pour votre rapporteur pour avis, de sejoindre
à ceux qui dénoncent dans ce texte une fausse
libéralisation.
Le projet soumis au Sénat comme celui déposé en avril 1997
constitue une avancée incontestable.
On permet, enfin, à ce qui avait cessé d'être une
activité libérale, de devenir une activité commerciale
dans ses moyens d'actions - liberté de tarification, accès
à la publicité - comme dans son mode de financement.
Un pas décisif, qui n'a que trop tardé, est sur le point
d'être accompli. Toutefois, il faut bien, admettre que
, n'osant pas
faire de la vente aux enchères une activité comme les autres, on
continue d'imposer aux commissaires-priseurs français des
contraintes
, au nom de la protection des consommateurs, notamment,
qui
ne favorisent pas leur compétitivité
dans une marché
désormais mondial.
Il y a bien un arbitrage implicite entre la compétitivité des
futures sociétés de ventes volontaires et des impératifs
de protection, qu'il s'agisse de celle des consommateurs ou de celle du
patrimoine national.
Mais la compétitivité des sociétés de ventes
volontaires n'est pas qu'une question de réglementation ; elle
dépend aussi de facteurs fiscaux dont on ne peut pas dire qu'ils placent
la France en situation favorable par rapport à ses concurrents
anglo-saxons.
A. LE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ : ENCORE " TROP D'ÉTAT " ?
Même si on ne retrouve pas dans l'exposé des
motifs les
accents lyriques de celui du projet de loi d'avril 1995, qui affichait
l'ambition " de redonner à la France la place qui doit être
la sienne sur la scène internationale du marché de l'art ",
le présent texte reste inspiré par la même volonté
de modernisation de l'organisation des ventes volontaires.
Cette modernisation est conçue comme l'acclimatation des méthodes
de gestion et des pratiques qui ont fait le succès des grandes maisons
de ventes anglo-saxonnes : avances, prix garantis, ventes de gré
à gré des lots non adjugés...
Le processus de libéralisation reste bien tempéré par la
volonté, très française, de normaliser les pratiques des
entreprises afin de prévenir d'éventuels abus, dont leurs clients
pourraient être les victimes.
Cette tentation de vouloir faire mieux que le modèle libéral
anglo-saxon est d'autant plus forte, que les commissaires-priseurs
français se sont longtemps prévalus et se prévalent encore
des garanties supérieures qu'ils apportent tant à l'acheteur
qu'au vendeur.
La multiplicité des opérateurs rend nécessaire une
réglementation plus stricte
que dans un régime d'oligopole.
De ce point de vue, l'intervention de l'État n'est pas simplement une
nouvelle manifestation de l'exception française mais
une
nécessité qui correspond à la structure d'un
marché, qui restera moins concentré
, en dépit de
l'arrivée des grandes maisons des ventes anglo-saxonnes. C'est bien le
cas de l'expertise pour lequel le régime de liberté à
l'anglo-saxonne n'est pas adapté à la structure du marché
français.
Le marché a besoin de règles ; il suppose parfois, lorsqu'il
s'applique à des biens ou des services très spécifiques,
une autorité de régulation. Mais, dès lors que l'on met
précisément en place ce type de structure, il semble inutile,
même si cette instance n'a pas le statut d'autorité
indépendante, de prévoir une réglementation trop
tatillonne.
Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères a des
compétences en matière d'accès au marché et de
discipline ; lui confier une mission de surveillance
générale - des conditions et pratiques commerciales - en ferait
une autorité de marché,
comme il en existe dans d'autres
domaines, dont le pouvoir se fonderait moins sur la coercition que sur la
persuasion. De simples observations, éventuellement rassemblées
dans un rapport annuel, suffiraient à entretenir la vigilance des
acteurs, dans des domaines où ce n'est bien souvent qu'a posteriori, en
fonction des circonstances, qu'il est possible de déceler des pratiques
contestables.
S'il convient donc, selon votre rapporteur pour avis, de
ne pas céder
à la tentation réglementaire
et de
faire confiance aux
opérateurs
, ce qui constitue le meilleur moyen de stimuler les
initiatives et donc la compétitivité du marché
français, il faut aussi
stimuler leurs réflexes
d'autodiscipline
, au moyen d'une instance de régulation
adaptée dans ses moyens comme dans ses missions.
A cet égard, il est important de souligner le rôle que pourrait
jouer le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques, comme support de concertation avec les professionnels du
marché de l'art, qu'il s'agisse des vendeurs aux enchères, des
experts ou des marchands.
Bien qu'aucun chiffre ne soit disponible, on a toutes les raisons de croire
qu'entre un tiers et la moitié de la clientèle des ventes
publiques, est constitué de professionnels, à l'achat comme
à la vente.
La fonction de régulation
au sens économique des ventes
aux enchères d'oeuvres d'art
est assurée par les
marchands
, petits ou grands. Ceux-ci doivent donc être
associés au fonctionnement et à la régulation, juridique
cette fois, des ventes aux enchères.
Il est important, à cet égard, que la composition et le mode
désignation des membres du conseil des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques soient adaptés à cette
fonction de
concertation
et fasse en conséquence toute leur place aux
professionnels. Il ne semble d'ailleurs pas nécessaire que l'on se sente
lié par un principe de paritarisme, dès lors que la
présence d'un commissaire du gouvernement et la mise en place d'une
procédure d'appel assure la prise en compte de l'intérêt
public.
Bien qu'elle soit actuellement assurée de facto par l'Observatoire des
mouvements internationaux d'oeuvres d'art, par delà les
compétences d'analyse statistique, dont il est officiellement investi,
la concertation gagnerait sans doute à être organisée dans
un cadre plus institutionnel.
Garder nos atouts, tout en prenant ce qu'il y a de meilleur à
l'étranger, tel est manifestement le principe de la réforme.
La question est de savoir si cette ambition est réaliste et si les
nouvelles règles du jeu sont de nature à restaurer la
compétitivité des opérateurs et du marché de l'art
français en général.
1. La contrainte de protection du consommateur
Le souci
de protéger le consommateur des services offerts par les
sociétés de vente, conduit le projet à encadrer
étroitement les pratiques qui de sont développées en
dehors de tout cadre légal spécifique dans les pays anglo-saxons.
L'intention est louable. Toutefois, certains ne manquent pas se souligner les
rigidités qui en découlent, et le frein que celles-ci constituent
pour le développement des sociétés de ventes aux
enchères.
De ce point de vue, il est frappant de constater que
les deux
" majors " anglo-saxonnes sont parvenues à régner sans
partage sur le marché mondial
de l'art sans,
officiellement
du moins
,
apporter la moindre garantie juridique aux acheteurs
et
en accumulant dans leurs conditions de ventes des clauses qui seraient sans
doute léonines au regard de la loi et de la jurisprudence
française.
Car
les vraies garanties du système anglo-saxon sont de nature
commerciale.
Il n'est point besoin d'édicter de strictes obligations juridiques pour
les opérateurs. Ceux-ci sont conscients qu'ils ont plus à perdre
qu'à gagner dans des contentieux où ils n'ont, nonobstant les
clauses contraires imprimées dans leurs catalogues (cf. le catalogue des
conditions générales de Christie's Monaco, citées à
titre d'exemple en langue française des pratiques commerciales courantes
anglo-saxonnes), pas agi d'une façon irréprochable, au regard
d'une éthique professionnelle qu'ils savent faire évoluer quand
c'est nécessaire.
Dans le système français,
en revanche,
la garantie
apportée ne peut être que réglementaire, ce qui va se
traduire par des contraintes de gestion et des coûts accrus, qui
pèseront sur la compétitivité des opérateurs
exerçant leur activité en France.
Les pratiques anglo-saxonnes de prix garantis, d'avances aux vendeurs, de vente
de gré à gré des lots invendus après la vente sont
codifiées, afin de les encadrer dans des procédures rigoureuses,
dont l'inspiration tient plus de la pratique d'un office ministériel que
d'une société commerciale.
Mais sans doute peut-on faire des distinctions entre les principes que l'on
veut sauvegarder.
a) Les exigences de transparence
La
transparence et la rigueur sont des impératifs catégoriques,
qui ne peuvent qu'impliquer un certain nombre de règles
déontologiques, dont certaines sont élémentaires comme
l'interdiction de fixer un prix de réserve à un niveau
supérieur à l'estimation, étant entendu qu'en cas de
variation du marché, il est toujours possible de relever l'estimation le
jour de la vente.
On peut noter que l'on pourrait aller encore plus loin dans le sens de la
transparence et d'une déontologie plus stricte :
transparence accrue
, d'abord, avec la publication rapide d'une
liste de prix faisant clairement apparaître les invendus et les
retraits ;
transparence, encore, quand il faut demander que l'expert fasse part
dans les catalogues de toutes les informations dont il a connaissance sur
l'oeuvre comme les ventes antérieures, les autres exemplaires connus et
surtout les opinions d'experts divergentes ;
transparence, toujours, mais c'est sans doute peu commercial, en
permettant aux personnes qui assistent à la vente de savoir sans
ambiguïté si le lot est retiré ou s'il est effectivement
vendu
16(
*
)
;
Ø
déontologie plus stricte,
aussi, en obligeant la
société de ventes aux enchères à garantir que les
ordres d'achats seront toujours exécutés au niveau le plus bas -
comme le font les maisons de ventes anglo-saxonnes - ou en poursuivant
effectivement les pratiques de " révision "
17(
*
)
- , en régression certes mais
encore, trop fréquentes à l'Hôtel Drouot.
b) Les garanties financières
Les
garanties à caractère financier, lorsqu'elles sont a priori,
constituent des protections contraignantes pour l'opérateur sans
apporter de sécurité absolue pour les consommateurs.
Ainsi :
Les obligations en matières d'avances ou de garanties de
prix
pourraient s`accompagner de beaucoup de contraintes pour les
opérateurs sans avantages évidents pour le client, dont la
sécurité repose plus sur le capital de la société
que sur les garde-fous que l'on va s'efforcer de mettre en place ;
Ø
Les assurances obligatoires
, tant pour les experts - cf. infra
- que pour les sociétés de vente aux enchères vont sans
doute alourdir les charges et constituer, pour certains
des barrières
à l'entrée non négligeables
; en outre, on ne
voit pas pourquoi il faudrait instituer une obligation d'assurance
professionnelle, alors que c'est à la société de juger de
l'opportunité d'une assurance, compte tenu de ses possibilités
financières.
c) Les garanties juridiques
Enfin les garanties juridiques résultant de la
responsabilité notamment en matière d`authenticité ou de
versement du prix, que la loi impose aux organisateurs de ventes aux
enchères peuvent être diversement appréciées.
En matière de garantie d'authenticité :
Ø Certains contestent le caractère effectif de la garantie.
Ainsi , comme le déclarait un des plus importants commissaires-priseurs
de la place de Paris : "
la garantie trentenaire est une hypocrisie.
Elle est censée protéger l'acheteur, mais elle repose sur le
vendeur à qui on ne le dit pas, car c'en serait fini de vouloir vendre
en France "
...
De même on peut faire remarquer que dans les instances judiciaires
ayant abouti à des annulations au titre de l'erreur sur les
qualités substantielles, mais qui trouvent leur origine dans des erreurs
d'attribution, la responsabilité des experts et des
commissaires-priseurs est rarement mise en cause ;
Ø d'autres voient dans cette garantie, hier encore trentenaire, et
demain décennale, un avantage décisif du marché
français qui offrirait une sécurité maximale aux acheteurs
en garantissant l'authenticité des objets vendus, oubliant qu'en
matière d'attribution, il n'y a, en dépit de décisions
judiciaires réitérées, guère de certitudes pour les
oeuvres anciennes.
Les anglo-saxons ne s'y sont pas trompés en n'acceptant de ne
rembourser - dans un délai de cinq ans - que les faux
caractérisés
(cf. l'annexe reprenant les condition de vente
de Christie's Monaco)
ou en ne donnant leur garantie que pour les lots
postérieurs à 1870 et encore sous certaines conditions
18(
*
)
Réduire la responsabilité à 10 ans est
déjà un progrès considérable, qu'il conviendrait de
poursuivre, tout en notant que l'action en annulation de la vente pour erreur
sur les qualités substantielles de la chose, reste en ce qui concerne
l'action du vendeur, prescrite par cinq ans à compter de la
découverte de l'erreur.
Il y a là le risque d'une fâcheuse distorsion dans la mesure ou,
semble-t-il, dans le système proposé par le projet de loi, il ne
serait pas possible - ce qui, il est vrai, est en fait assez rare - de mettre
en cause la responsabilité de l'expert ou du commissaire-priseur en cas
d'annulation par suite méprise sur l'auteur d'une oeuvre,
consécutive à une mauvaise attribution au moment de la vente.
En matière de paiement du prix, il faut rappeler que :
Ø ni le procès verbal d'adjudication, ni les bordereaux
subséquents, constatant la vente intervenue entre le vendeur et
l'adjudicataire, ne sauraient avoir pour effet de mettre une dette
contractuelle à la charge du commissaire-priseur (mais sa
responsabilité délictuelle est engagée), qui n'est donc
pas tenu de verser le prix, en cas de défaillance de l'acheteur, et ce,
quand bien même le vendeur ne pourrait plus récupérer son
bien ;
Ø le transfert de propriété a lieu au moment où
retombe le marteau ; d'où la procédure, d'utilisation assez
rare, selon les informations communiquées à votre rapporteur pour
avis par la chancellerie, de vente à la " folle
enchère "
19(
*
)
, peu
protectrice du propriétaire du bien.
Le système anglo-saxon, qui consiste à ne procéder au
transfert de propriété qu'après le paiement total du
prix
20(
*
)
, apparaît
d'autant plus protecteur qu'il s'accompagne de l'enregistrement
préalable des enchérisseurs - on ne peut mettre une
enchère qu'au moyen un panneau portant un numéro - , dont la
solvabilité et la notoriété sont systématiquement
vérifiées.
Il ne faut donc pas perdre de vue que le fait que le système
français actuel n'assure pas une protection aussi étendue qu'on
l'affirme souvent et que la volonté légitime de garantir les
droits des vendeurs et des acheteurs plus explicitement que dans les pays
anglo-saxons, peut nuire à la sécurité des transactions et
donc au dynamisme du marché de l'art, sans pour autant apporter la
preuve d'une meilleure protection du consommateur.
2. Le statut des experts
Le
système français d'expertise est à l'image de celui des
ventes aux enchères particulièrement éclaté.
L'expertise en ventes publiques est avant tout conçue comme une
activité libérale que les nécessités
matérielles conduisent à conjuguer avec des opérations de
commerce ou de courtage
21(
*
)
.
Les experts auxquels ont recours les commissaires-priseurs sont
regroupés autour de trois chambres principales : l'Union
française des experts, le Syndicat français des experts
professionnels en oeuvres d'art et objets de collection et la Compagnie
nationale des experts.
En outre, il faut noter que les commissaires-priseurs peuvent faire appel
à des experts qui sont inscrits auprès d'autres chambres ou qui
ne sont affiliés à aucune organisation.
Il est en conséquence extrêmement délicat d'évaluer
leur nombre. Par ailleurs, leurs spécialités sont multiples et
variées.
L'expertise a longtemps été un des handicaps des ventes
publiques françaises
, même si aujourd'hui on trouve à
Paris, nombre d'experts de classe internationale ;
elle reste le point
fort des grandes maisons de ventes
aux enchères qui se fondent sur
des
experts salariés
, dont les compétences personnelles
s'appuient sur une vaste documentation et, surtout, s'enrichissent de celles de
tout un réseau de correspondants, universitaires ou conservateurs de
musées - à l'étranger du moins.
Le projet de loi va-t-il permettre de rétablir la situation ? On
aimerait en avoir la certitude.
Le projet de loi, qui, dans son chapitre V, réglemente le statut des
experts intervenant dans le secteur des ventes volontaires,
n'établit
aucun monopole des experts agréés
. Les sociétés
de vente pourront toujours recourir à des experts qui ne sont pas
agréés par le conseil des ventes.
Le conseil des ventes se contente d'établir la liste des experts
agréés auxquels peuvent avoir recours les sociétés
de vente, les huissiers de justice, les notaires et les commissaires-priseurs
judiciaires. Il veille à la régularité de
l'activité de ces professionnels et réprime les manquements
constatés.
En fait, et l'approche semble raisonnable dans son principe, le projet de loi
met en place un régime de liberté surveillée, assorti d'un
système de " labellisation " destiné à
protéger le consommateur : l'établissement de cette liste
sera, pour le vendeur comme pour l'adjudicataire, une garantie de
compétence de l'expert dans la spécialité dans laquelle il
est inscrit.
Une série de question se pose sur lesquelles, il faudra attendre la
jurisprudence du Conseil pour avoir des réponses :
• sur quels critères - diplômes, expérience
professionnelle - sera délivré l'agrément ?
• Quels éléments peuvent venir fonder la compétence
du Conseil des ventes volontaires en des matières éminemment
techniques ?
• L'agrément tiendra-t-il compte des seuls critères de
compétence ou également de critères économiques
comme la situation du marché ou le nombre de professionnels
déjà installés ?
• L'agrément - ses conditions de délivrance et de retrait
- doit-il tenir compte du caractère de plus en plus collectif de la
profession d'expert, soit que celui-ci exerce son activité dans le cadre
d'une structure de groupe, soit qu'il emploie lui-même des
salariés ?
Il semble en l'état actuel de la réflexion des autorités
chargées de soutenir le projet, que le Conseil doive élaborer sa
propre jurisprudence, qui ne devra pas s'inscrire, toutefois, dans une logique
de numerus clausus fondée sur des critères économique ou
sur le nombre de professionnels déjà installés.
On note également que si le projet de loi n'envisage pas la
possibilité d'inscription d'une personne morale sur la liste des experts
agréés par le Conseil des ventes, rien n'interdit à
plusieurs experts agréés de s'associer et d'exercer sous forme
sociétale, chacun des associés étant désigné
individuellement pour une mission donnée.
Enfin on peut se demander si l'obligation d'assurance imposée pour des
raisons a priori légitimes pour garantir la sécurité des
transactions ne risque pas d'être difficile à mettre en
oeuvre ? Cette question est d'autant plus importante que l'on assiste en
France à la
multiplication des affaires mettant en cause la
responsabilité des experts.
Les auteurs du projet ne contestent pas que l'obligation d'assurance
(responsabilité civile) pour les experts est une contrainte. En effet,
si l'expert ne peut justifier d'une police d'assurance, sa demande
d'agrément sera rejetée, mais ils ont jugé cette
contrainte nécessaire pour des raisons de protection du consommateur.
Pour eux, le projet de loi ne fait que généraliser une pratique
largement répandue dans ce secteur d'activité.
On doit souligner que la responsabilité de l'expert est encore accrue
dans la mesure où la solidarité avec l'organisateur de la vente,
supprimée en 1985
22(
*
)
,
est rétablie. Dès lors, quand l'expert a commis une faute, la
responsabilité de l'organisateur de la vente est engagée sans
qu'il y ait besoin de prouver sa faute.
On voit, ici, une nouvelle manifestation de
cette volonté de trouver
une solution " à la française
", où l'on
cherche à
substituer des garanties institutionnelles à des
garanties offertes par le marché
.
Tandis que nous imposons une obligation d'assurance - qui va peser sur les
coûts et donc sur la compétitivité - , les anglo-saxons
font confiance au droit commun et au soin apporté par les grandes
entreprises à la préservation de leur image qui les conduira
à couvrir les fautes de leurs experts.
Il n'est pas sûr qu'une telle solution décentralisée, en
rapport avec la structure du marché français, satisfaisante
également du point de vue des garanties apportées aux
consommateurs, n'assure aux commissaires-priseurs français une
compétitivité réelle face aux bataillons d'experts
salariés de leurs concurrentes anglo-saxonnes.