IV. LA POURSUITE DE LA RÉNOVATION DE L'ÉQUIPEMENT ET DE LA GESTION DES JURIDICTIONS
A. L'AMÉLIORATION DES ÉQUIPEMENTS
1. Le programme d'investissements immobiliers
Les
investissements en vue de la rénovation de l'équipement des
juridictions seront poursuivis en 1999 ; à cet égard,
Mme Élisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a souligné au cours
de son audition devant votre commission des Lois que la justice se situait au
premier rang, après le secteur des transports, pour les investissements
civils directs de l'Etat.
• Dans le cadre de l'exécution de la loi de programme de 1995,
qui avait prévu 4,5 milliards de francs d'autorisations de
programme en faveur de
l'équipement des juridictions judiciaires
,
plus de trois milliards ont été consacrés à la
consolidation du programme pluriannuel d'équipement lancé en
1991, le solde concernant des opérations d'entretien, de
rénovation et de sécurité déconcentrées.
L'enveloppe prévue pour 1999 (673 millions de francs d'autorisations de
programme contre 567 en 1998) permettra un quasi-achèvement de
l'exécution de cette loi de programme (soit un taux d'exécution
de 93,95 %).
S'agissant du
programme pluriannuel d'équipement
, après la
livraison en 1998 des opérations concernant Béthune, Melun et
Bordeaux, le lancement des travaux intéressant les Palais de justice de
Toulouse, Besançon et Rodez devrait débuter en 1999 ; seront
par ailleurs achevés les grands chantiers de Rennes, Grasse, Nantes et
Nice.
En ce qui concerne le
programme déconcentré
, il est
prioritairement consacré à des opérations de mise en
sécurité
des juridictions. De nombreuses livraisons
devraient intervenir courant 1999 à Blois, Epinal, Evreux, Marseille,
Nancy, Rouen, Toulon, Versailles et Vesoul ; la mise en
sécurité du Palais de justice de Paris restera en outre un
objectif prioritaire.
Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a indiqué devant
l'Assemblée nationale qu'elle avait engagé des discussions avec
le ministère du budget en vue de la construction d'un nouveau tribunal
de grande instance à Paris, dont le coût est estimé
à plus de trois milliards de francs mais qui apparaît
à terme nécessaire pour remédier à l'insuffisance
des locaux affectés aux juridictions parisiennes et notamment à
l'absence de salle d'audience susceptible d'accueillir de " grands "
procès
11(
*
)
.
• En ce qui concerne les
juridictions administratives
, la
superficie des locaux occupés est devenue parfois très
insuffisante en raison de l'augmentation des effectifs mise en oeuvre pour
répondre à l'accroissement du contentieux. En conséquence,
ont été entreprises des opérations de relogement, par
acquisition d'immeubles ou extension des locaux existants.
Les autorisations de programme inscrites dans le projet de loi de finances pour
1999, d'un montant de 51 millions de francs, permettront
l'achèvement de l'exécution de la loi de programme concernant
l'équipement des juridictions administratives.
Après l'achèvement en 1998 des travaux concernant la Cour
administrative d'appel de Lyon, les crédits d'équipement seront
consacrés en 1999 à des aménagements des tribunaux
administratifs de Lille et de Rennes, à l'installation définitive
du tribunal administratif de Melun et la mise en place de la cour
administrative d'appel de Douai. En outre, s'agissant du Conseil d'Etat, les
travaux de modernisation et de restauration du Palais Royal seront
poursuivis.
2. La généralisation progressive de l'informatisation des juridictions
L'équipement informatique des juridictions se poursuit
également.
• En
matière pénale
, les trois applications
informatiques nationales en service dans les juridictions (nouvelle
chaîne pénale en région parisienne, chaîne
micro-pénale ou chaîne mini-pénale selon la dimension des
tribunaux de grande instance) font désormais l'objet d'un renouvellement
régulier. Un logiciel pour le suivi de l'exécution des peines a
été acquis par le ministère et commence à
être déployé dans les premiers tribunaux de grande
instance. Il en est de même pour le logiciel de traitement des
ordonnances pénales déjà utilisé par
200 tribunaux de police.
En outre, un logiciel d'instruction assistée par ordinateur est mis
à la disposition des nouveaux magistrats parisiens ; il constituera un
des principaux outils informatiques mis en place dans le futur pôle
financier du tribunal de grande instance de Paris.
• En
matière civile
, les applications utilisées par
les cours d'appel, tribunaux de grande instance et conseils de prud'hommes
relevaient exclusivement de l'informatique locale jusqu'au début de 1998.
Cependant, ce secteur a été fragilisé par des
défaillances successives des éditeurs de logiciels.
Aussi la Chancellerie a-t-elle lancé un appel d'offres en vue de
l'acquisition de nouveaux logiciels, qui a abouti en avril 1998. Le
programme d'implantation des logiciels retenus privilégie les
juridictions dont les applications informatiques ont été
affectées par la disparition de certaines sociétés
éditrices de logiciels. Les nouveaux logiciels acquis par le
ministère sont désormais pris en charge au niveau central pour ce
qui concerne la maintenance et le développement des nouvelles
fonctionnalités.
Par ailleurs, l'informatisation des tribunaux d'instance est en cours,
grâce au déploiement d'applications développées par
la Chancellerie : 300 tribunaux devraient être
équipés fin 1998.
Enfin, l'expérimentation dans deux cours d'appel du logiciel de suivi de
l'exécution budgétaire " GIBUS " utilisé par le
ministère de l'intérieur ayant été jugé
concluante, la généralisation de cet équipement dans
l'ensemble des cours d'appel est en cours et devrait être effective en
l'an 2000.
• S'agissant des
juridictions administratives
, une
opération de rénovation complète des applications
existantes pour le traitement du contentieux a été lancée
fin 1994. Cette opération, baptisée " Skipper ",
devrait être achevée d'ici la fin de l'année 1999.
L'ensemble des tribunaux administratifs de métropole
12(
*
)
sont désormais
équipés de Skipper, ce qui représente 1.000 postes de
travail installés dans ces juridictions pour 1.200 personnes, soit
un taux d'équipement de 83 %.
L'adaptation de Skipper aux spécificités des procédures
d'appel est en cours ; les cours administratives d'appel devraient
être équipées dans le courant de l'année prochaine.
L'équipement actuel des cours est de 1420 postes microinformatiques
et 160 terminaux passifs pour 300 personnes.
Enfin, la mise en place d'une version adaptée de Skipper au Conseil
d'Etat est prévue avant la fin de l'année 1998.
Le parc de postes de travail du Conseil d'Etat est de 450 postes dont
150 portables pour les membres.
B. LES ACTIONS MENÉES EN FAVEUR D'UNE RATIONALISATION DE LA GESTION
1. La déconcentration de la gestion au niveau des cours d'appel
La cour
d'appel ayant été retenue comme l'échelon pertinent de
déconcentration des services judiciaires, des
services administratifs
régionaux (SAR)
ont été mis en place, depuis 1996,
sous l'autorité des chefs de cour ; toutes les cours d'appel sont
désormais dotées d'un SAR à l'exception de la cour d'appel
de Papeete.
Dirigé par un coordonnateur, le SAR a pour vocation de préparer,
mettre en oeuvre et contrôler les actes et décisions
administratives nécessaires à la bonne administration du ressort.
Il assure à ce titre deux fonctions essentielles : la gestion des
ressources humaines qui intègre la formation des personnels et la
gestion des moyens qui regroupe la fonction budgétaire et la fonction
informatique.
Depuis le 1er janvier 1998, le SAR gère les décisions
administratives individuelles et les crédits finançant les
activités présentencielles d'aide aux victimes
réalisées par le réseau associatif.
Dans un avenir proche, il assurera également la gestion
déconcentrée de l'équipement immobilier des juridictions.
La création d'un statut d'emploi de chef de SAR est actuellement
à l'étude.
Par ailleurs, en matière de gestion des crédits de fonctionnement
des juridictions
,
une
réforme de la procédure
d'exécution de la dépense à l'échelon
déconcentré
est en cours de généralisation
après avoir été expérimentée dans les cours
d'appel d'Amiens, Rouen, Angers, Bordeaux, Bourges et Nîmes, ainsi que
dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny.
Ce dispositif permet de centraliser au niveau de la cour d'appel les
informations concernant les dépenses de fonctionnement de l'ensemble des
juridictions du ressort, afin d'améliorer la
politique de l'achat
public
et de parvenir à un renforcement du
contrôle de
gestion
.
A cette fin, les juridictions du premier degré du ressort d'un tribunal
de grande instance sont fédérées en centre
dépensier disposant d'une cellule de gestion budgétaire, laquelle
est chargée de tenir la comptabilité de ces juridictions et
constitue l'unique interlocuteur du SAR.
Les juridictions conservent cependant l'initiative de leurs dépenses de
fonctionnement, sous réserve d'une politique d'achat commune
déterminée, après concertation, par les chefs de la cour
d'appel.
C'est également dans le cadre des SAR qu'a été mis en
place le dispositif de suivi de l'évolution des frais de justice en vue
d'une meilleure maîtrise des dépenses.
2. Un effort de maîtrise de l'évolution des frais de justice
Les
dépenses
de frais de justice, qui ont atteint en 1997 un montant
total de 1.536,92 millions de francs,
s'accroissent à un rythme
extrêmement rapide
: +48 % entre 1992 et 1996, +8,22 % de
1996 à 1997 et encore +10 % au 1er semestre 1998 ( par
rapport au 1er semestre 1997).
Cette progression est essentiellement due aux frais de justice pénale,
qui représentent 68 % de la dépense (contre 18 % pour
les frais civils et 12 % pour les frais commerciaux) ; en particulier les
frais de saisie, de fourrière et de scellés, les frais
d'expertises non tarifées, ainsi que les frais de réquisition
à France Télécom, connaissent une progression
particulièrement accentuée.
La Cour des Comptes s'est d'ailleurs alarmée du niveau exorbitant de
certains frais de justice, notamment les frais de garde des objets saisis.
Face à cette évolution, la Chancellerie a mis en place, depuis
1996, un
dispositif semestriel de suivi de la dépense dans chaque
cour d'appel
, mis en oeuvre par les SAR.
Elle a en outre engagé des actions tendant à une meilleure
maîtrise de la dépense, qui viennent d'être rappelées
aux chefs de cour dans le cadre d'une circulaire du 27 octobre 1998.
Des
mesures législatives et réglementaires
sont en effet
prévues pour renforcer les moyens de maîtrise de la dépense.
Sur le plan législatif, le projet de loi relatif aux alternatives aux
poursuites, adopté en première lecture par le Sénat le
18 juin dernier sur le rapport de notre collègue
Pierre Fauchon
13(
*
)
,
prévoit une modification du régime de conservation des
scellés qui devrait permettre d'obtenir une réduction importante
de la durée du gardiennage (et donc des frais correspondants), ainsi
qu'une généralisation de l'utilisation de la
télécopie pour les notifications faites aux avocats en
matière pénale.
Sur le plan réglementaire, un avant-projet de décret modifiant le
code de procédure pénale et relatif aux frais de justice a
été élaboré ; ce texte prévoit notamment :
- une tarification par le code de procédure pénale des frais de
garde des véhicules placés sous scellés ou
immobilisés, des frais de recherche de documents et de délivrance
de copies, des réquisitions aux opérateurs de
télécommunications et des frais de mise en oeuvre au profit de
l'autorité judiciaire des conventions secrètes de cryptologie ;
- un contrôle préalable obligatoire du Parquet sur les devis
d'expertises supérieurs à 3.000 F ;
- et la possibilité d'un recouvrement par l'Etat, contre les
condamnés, des frais de garde des véhicules immobilisés.
Par ailleurs, la Chancellerie cherche à organiser les conditions d'une
mise en concurrence des prestataires de services dans les domaines non
tarifés et à parvenir à un meilleur contrôle des
frais commerciaux.
En outre, un complément de dotation de fonctionnement est alloué
aux cours d'appel qui ont fait preuve d'une volonté réelle
d'entrer dans une logique de maîtrise de la dépense des frais de
justice.
Cette
enveloppe complémentaire de crédits de
fonctionnement
a été fixée à 10 millions
de francs pour 1998 et répartie en application de deux critères :
l'existence d'actions innovantes initiées par les chefs de cour et le
respect du taux directeur de 4 % fixé pour l'évolution de
l'ensemble des frais de justice.
Les efforts ainsi engagées en vue d'une meilleure maîtrise de la
dépense permettront sans doute de parvenir à une
rationalisation
de la gestion dans ce domaine.
Cependant, il sera difficile de parvenir à enrayer la progression des
frais de justice car
la poursuite de l'augmentation de certaines
dépenses apparaît inéluctable
. En particulier, les
frais d'expertise (qui représentent 35 % des frais pénaux)
sont appelés à s'accroître en raison de la
technicité croissante des affaires et du recours à des
technologies nouvelles, par exemple pour l'écoute des communications
réalisées à partir de téléphones mobiles ou
pour l'identification des criminels à partir de leurs empreintes
génétiques. Le développement du recours à la
médiation pénale devrait par ailleurs entraîner une
augmentation des frais correspondants.
3. Le perfectionnement de l'outil statistique
La
fiabilité des statistiques élaborées par la Chancellerie
à partir des dispositifs traditionnels que sont le Répertoire
général civil pour les affaires civiles et les Cadres du parquet
ainsi que le Casier judiciaire national pour les affaires pénales,
laisse à désirer, ainsi que l'a récemment souligné
la Cour des Comptes. Celle-ci a en effet dénoncé le
caractère médiocre et peu fiable de ces statistiques pourtant
indispensables pour répartir les effectifs et les moyens entre les
juridictions en fonction des besoins.
Pour améliorer cette situation, une
réforme d'ensemble
du
système statistique de la Chancellerie a été
décidée en 1994 et est actuellement en cours de mise en place, en
liaison avec l'informatisation des juridictions.
• En
matière civile
, des "
tableaux de bord
d'activité des juridictions civiles
" permettront de mesurer
leur activité, par grandes familles de contentieux, d'une manière
plus rapide et exhaustive et selon une norme commune.
Après une expérimentation en 1996 et 1997, leur
généralisation est en cours. A cette fin, les logiciels de
traitement des affaires civiles doivent être dotés de modules de
production automatique des tableaux de bord. Ces modules seront
implantés dans 200 tribunaux d'instance d'ici la fin 1998,
puis dans les cours d'appel et les tribunaux de grande instance à partir
de 1999.
Ces tableaux de bord seront complétés par un dispositif de
"
suivi détaillé des affaires civiles
" qui
permettra d'exploiter au niveau local puis national les bases de données
résultant des fichiers informatiques de gestion des affaires civiles.
Une expérimentation de ce dispositif est prévue en 1999.
• En
matière pénale
, l'automatisation des cadres du
parquet a été généralisée à
l'ensemble des tribunaux de grande instance depuis la fin de 1997.
Cette automatisation sera complétée par un dispositif de
"
suivi de la politique pénale
", en cours de mise au
point et basé, comme en matière civile, sur l'exploitation des
bases de données locales constituées à partir des fichiers
de gestion des affaires pénales. Ce dispositif permettra notamment
d'étudier l'activité pénale selon la nature des affaires
et d'analyser les classements sans suite selon leur motif.
A terme, ces nouveaux outils statistiques devraient permettre, grâce
à la collecte de données homogènes suivant des
procédures comparables, de mesurer plus précisément
l'activité des juridictions, ce qui sera particulièrement utile
en vue d'une répartition plus rationnelle des moyens en fonction de la
charge de travail effective des juridictions.