Projet de loi de finances pour 1999
DERYCKE (Dinah)
AVIS 71 (98-99), Tome IV - COMMISSION DES LOIS
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
INTRODUCTION
- I. UN BUDGET PRIORITAIRE ET EN NETTE PROGRESSION
- II. LA SITUATION DES JURIDICTIONS : DES BESOINS QUI DEMEURENT IMPORTANTS
- III. UN EFFORT DE RECRUTEMENT SOUTENU
- IV. LA POURSUITE DE LA RÉNOVATION DE L'ÉQUIPEMENT ET DE LA GESTION DES JURIDICTIONS
- V. QUELQUES RÉFORMES EN COURS INTÉRESSANT L'ORGANISATION DE LA JUSTICE
N° 71
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME IV
JUSTICE :
SERVICES GÉNÉRAUX
Par Mme Dinah DERYCKE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier,
Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques
Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex
Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
et
66
(annexe n°
33
)
(1998-1999).
Lois de finances.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Après avoir procédé à l'audition de
Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, ministre de la justice, le
mardi 17 novembre 1998, la commission des Lois, réunie le
mercredi 2 décembre 1998 sous la présidence de
M. Jacques Larché, président, a examiné, sur le
rapport pour avis de Mme Dinah Derycke, les
crédits
consacrés aux services généraux du ministère de la
justice (administration centrale - services judiciaires - juridictions
administratives)
inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.
Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a constaté la
progression marquée des crédits du ministère de la
justice, nettement supérieure à celle de l'ensemble du budget de
l'Etat, et le quasi-achèvement de l'exécution de la loi de
programme du 6 janvier 1995.
Après avoir relevé l'encombrement persistant des juridictions,
elle a mis l'accent sur les importants efforts de recrutement de magistrats, de
fonctionnaires et d'assistants de justice, ainsi que sur les actions
menées en faveur de l'amélioration des équipements et de
la rationalisation de la gestion des juridictions.
Rappelant les effets très positifs de la loi de programme de 1995,
M. Jacques Larché, président, a cependant regretté
que l'effort consenti pour 1999 ne soit pas inscrit dans la perspective d'une
nouvelle loi de programmation pluriannuelle.
Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission des Lois a
émis un
avis favorable
à l'adoption des crédits
consacrés aux services généraux dans le projet de budget
du ministère de la justice.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Votre nouveau rapporteur pour avis tient tout d'abord à rendre hommage
à notre ancien collègue Germain Authié qui a pendant
de nombreuses années examiné les crédits consacrés
aux services généraux du ministère de la justice au nom de
votre commission des Lois.
La progression des crédits du ministère de la justice inscrits
dans le projet de loi de finances pour 1999 (+ 5,6 %), nettement
supérieure à celle de l'ensemble du budget de l'Etat
(+ 2,3%), traduit la priorité maintenue en faveur du renforcement
des moyens des juridictions, dont la situation reste, cette année
encore, marquée par des délais de jugement excessifs et un
gonflement des stocks en instance.
Comme les années précédentes, votre commission des Lois,
particulièrement soucieuse d'une amélioration du fonctionnement
de la justice au quotidien, a souhaité analyser l'évolution de
ces crédits à la lumière de la réalité des
difficultés constatées sur le terrain et en prenant en compte les
réformes envisagées, qui ne sauraient être menées
à bien sans les moyens correspondants.
Après avoir présenté l'évolution
générale des crédits affectés au services
généraux du ministère de la justice et rappelé
quelques données relatives à l'activité des juridictions,
le présent avis s'attachera plus particulièrement aux incidences
des efforts de recrutement, ainsi qu'à la poursuite de
l'amélioration de l'équipement et de la gestion des juridictions.
Seront en outre évoquées les mesures prévues pour
faciliter l'accès au droit et le recours aux modes amiables de
règlement des litiges, ainsi que les réflexions en cours en vue
d'une réforme de la carte judiciaire.
I. UN BUDGET PRIORITAIRE ET EN NETTE PROGRESSION
Après le vote de la loi de programme en 1995, le budget
en
forte hausse de 1996, la limitation de cette progression en 1997 et
l'augmentation significative des crédits pour 1998 (+ 4,03 %),
le budget de la justice demeure, cette année encore, une priorité
nationale.
En effet, les crédits de paiement pour 1999, qui atteignent un montant
total de 26 257,75 millions de francs, enregistrent une hausse de
5,59 % par rapport à 1998, soit une progression très
nettement supérieure à la moyenne des autres budgets civils
(+ 2,3 %), les autorisations de programme se stabilisant pour leur
part à un montant de 1 725 millions de francs
(+ 0,29 %).
Cependant, la part du budget de la justice dans le budget général
de l'Etat ne progresse que faiblement : 1,6 % en 1999 contre 1,55 %
en 1998
1(
*
)
.
A. UNE PROGRESSION MARQUÉE DES CRÉDITS POUR 1999
Le
tableau suivant récapitule l'évolution des crédits des
trois agrégats qui font l'objet du présent avis
présenté par votre commission des Lois ; l'administration
générale, les services judiciaires et les juridictions
administratives.
Les crédits consacrés d'une part, aux services
pénitentiaires et, d'autre part, aux services de la protection
judiciaire de la jeunesse, sont quant à eux examinés dans le
cadre de deux autres avis présentés au nom de votre commission
des Lois, respectivement par nos collègues Georges Othily et Patrice
Gélard.
Evolution des crédits de paiement
|
Dotations 1998 |
Crédits demandés pour 1999 |
Evolution 1998-1999 en % |
||
|
Montant |
% du total |
Montant |
% du total |
|
Ensemble du ministère de la justice dont : |
24 868,58 |
(100 %) |
26 257,75 |
(100 %) |
+ 5,59 |
- administration générale |
3 475,29 |
13,97 |
3 594,08 |
13,69 |
+ 3,42 |
- services judiciaires |
11 038,78 |
44,39 |
11 667,91 |
44,44 |
+ 5,70 |
- juridictions administratives |
735,29 |
2,96 |
803,00 |
3,06 |
+ 9,21 |
(en
millions de francs)
Si les trois agrégats étudiés connaissent une progression,
la hausse des crédits est particulièrement marquée pour
les services judiciaires (+ 5,7 %) et surtout pour les juridictions
administratives (+ 9,2 %).
S'agissant des
services judiciaires
, qui représentent à
eux seuls près de la moitié des crédits du
ministère de la justice, le détail de la répartition des
crédits fait toutefois apparaître que certains chapitres absorbent
une large part de la progression des crédits.
Ainsi, les
frais de justice
(chapitre 37-11), d'un montant total de
1 776,54 millions de francs pour 1999, en augmentation de
121 millions de francs (+ 7,3 %), continuent, comme les
années précédentes, de progresser plus rapidement que
l'ensemble des crédits du ministère, bien que les crédits
nouveaux inscrits pour financer la mise en oeuvre des réformes (et
notamment l'impact de la loi relative à la prévention et à
la répression des infractions sexuelles et à la protection des
mineurs), d'un montant de 42 millions de francs, soient compensés
par une mesure d'économie de 51 millions de francs correspondant
à l'effort de maîtrise de la dépense, sur lequel on
reviendra plus loin.
Les crédits de l'
aide juridique
(chapitre 46-12), d'un montant de
1 443,72 millions de francs pour 1999, connaissent eux aussi une
progression importante, de plus de 215 millions de francs (+17,5 %),
notamment en raison d'un abondement de 97,4 millions de francs
destiné à la mise en oeuvre du plan de réforme de la
justice (réforme de l'accès au droit, réforme de la saisie
immobilière, lutte contre les exclusions, présence de l'avocat
dès la première heure de la garde à vue...).
B. UNE EXÉCUTION QUASI-ACHEVÉE DE LA LOI DE PROGRAMME DE 1995
L'examen
des crédits du ministère de la justice prévus par le
projet de loi de finances pour 1999 constitue l'occasion de dresser le bilan de
l'exécution de la loi de programme quinquennale n° 95-9 du
6 janvier 1995 relative à la justice.
S'agissant tout d'abord des
créations d'emplois
qui avaient
été prévues pour la période 1995-1999, ce bilan
s'établit comme suit :
|
Nombre de créations d'emplois prévues |
Nombre de créations d'emplois inscrites en lois de finances |
Taux de réalisation de la loi de programme |
Total pour le ministère dont : |
6 100 |
3 947 |
64,70 % |
- Services judiciaires (et magistrats de l'administration centrale) |
|
|
|
- Juridictions administratives |
380 |
361 |
95,00 % |
En ce qui concerne les autorisations de programme inscrites pour la réalisation des équipements , le bilan pour la période 1995-1999 est le suivant :
|
Enveloppe totale prévue par la loi de programme |
Total des autorisations de programme |
Taux d'exécution de la loi de programme |
Total pour le ministère dont : |
8 100,00 |
7 567,09 |
93,42 % |
- Services judiciaires (et administration centrale) |
|
|
|
- Juridictions administratives |
200,00 |
207,52 |
103,76 % |
(en
millions de francs)
L'exécution de la loi de programme est donc presque complète pour
les services judiciaires et les juridictions administratives, même si
elle est un peu moins satisfaisante pour l'ensemble du ministère de la
justice.
C. UNE PROGRESSION QUI DOIT NÉANMOINS ÊTRE RELATIVISÉE DANS LE CADRE D'UNE ÉVOLUTION SUR LONGUE PÉRIODE
Si l'on
retrace l'évolution réelle du budget du ministère de la
justice au cours des vingt-cinq dernières années, la forte
progression constatée dans le projet de loi de finances pour cette
année se trouve relativisée, ainsi que le montre le graphique
ci-dessous.
En effet, si en francs courants elle atteint 5,59 % pour 1999, en francs
constants, la progression du budget de la justice, calculée par
référence à une base 100 en 1974, n'est plus que de
4,65 %.
II. LA SITUATION DES JURIDICTIONS : DES BESOINS QUI DEMEURENT IMPORTANTS
Devant
l'asphyxie des juridictions, qui avait été soulignée, en
1996, par la mission d'information constituée par votre commission des
Lois pour évaluer les moyens de la justice
2(
*
)
, le renforcement des moyens qui leur sont
affectés constitue depuis plusieurs années une priorité
nationale.
Cependant, les dernières statistiques connues sur l'activité des
juridictions confirment que les besoins nécessaires au traitement des
flux de contentieux demeurent importants.
A. L'ACTIVITÉ CIVILE : DES DÉLAIS TOUJOURS EXCESSIFS ET DES STOCKS EN AUGMENTATION
En
matière civile, on constate en 1997
3(
*
)
une stabilisation des flux d'affaires nouvelles par rapport à 1996
(-2,5 % devant les cours d'appel,- 4,6 % devant les tribunaux de
grande instance et -2,9 % devant les tribunaux d'instance). Cette
évolution est particulièrement sensible en ce qui concerne les
tribunaux de grande instance pour lesquels la baisse enregistrée en 1997
succède à une hausse ininterrompue au cours des dix années
précédentes.
Cependant, la
durée moyenne de traitement des affaires
reste fort
éloignée des objectifs qui avaient été
définis par la loi de programme de 1995.
Elle continue de s'accroître de manière particulièrement
préoccupante devant les cours d'appel, même si elle tend à
se stabiliser devant les autres juridictions, comme le montre le graphique
ci-après.
En 1997, la durée moyenne de traitement des affaires s'est
établie à :
-
16,3 mois
pour les
cours d'appel
au lieu de 15,8 mois en 1996,
alors que l'objectif fixé par la loi de programme était de douze
mois ;
-
9,1 mois
pour les
tribunaux de grande instance
, en
légère progression par rapport à 1996 (8,9 mois), à
comparer à l'objectif de six mois fixé par la loi de
programme ;
-
5 mois
pour les
tribunaux d'instance
, soit une stabilisation
par rapport à 1996 mais une durée largement supérieure aux
trois mois envisagés par la loi de programme ;
-
9,5 mois
pour les
conseils de prud'hommes
(contre 9,4 mois en
1996) ;
- et
5,8 mois
pour les
tribunaux de commerce
(contre 6,2 mois en
1996)
4(
*
)
.
En outre,
les stocks d'affaires en cours continuent à
s'accroître
dans toutes les catégories de juridictions.
L'évolution des délais qui seraient nécessaires à
la résorption de ces stocks est illustrée par le graphique
ci-après.
Compte tenu de la capacité actuelle de traitement des juridictions
évaluée à partir du nombre d'affaires terminées
dans l'année, ces stocks, exprimés en nombre de mois
nécessaires à leur traitement, atteignent en 1997 :
- 18,43 mois pour les cours d'appel ;
- 10,87 mois pour les tribunaux de grande instance ;
- 9,07 mois pour les tribunaux d'instance ;
- et 10,50 mois pour les conseils de prud'hommes
5(
*
)
.
Votre rapporteur pour avis tient à évoquer la situation
particulière des
conseils de prud'hommes
, marquée par des
délais moyens de jugement supérieurs à neuf mois, auxquels
s'ajoutent fréquemment de longs délais devant les cours d'appel
(plus de la moitié des décisions prononcées en premier
ressort sont frappées d'appel). En effet, ces juridictions qui jouent un
rôle important dans la justice au quotidien ne doivent pas être
oubliées dans le cadre des réflexions en cours en vue d'une
amélioration de son fonctionnement.
En outre, les nombreux recours en cassation enregistrés en
matière de droit du travail entraînent un encombrement
préoccupant de la chambre sociale de la Cour de cassation. Pour
remédier à cette situation, M. Jacques Larché,
président, a préconisé l'institution d'une
représentation obligatoire par avocat pour les recours en cassation dans
ce domaine.
B. L'ACTIVITÉ PÉNALE : UNE RÉGULATION ASSURÉE PAR LES CLASSEMENTS SANS SUITE
En
matière pénale, le nombre global des infractions signalées
(plaintes, dénonciations, procès-verbaux) a
légèrement décru en 1997, s'établissant à
4.941.334 (- 4,7 %).
La régulation du flux continue néanmoins à être
assurée par de trop nombreux
classements sans suite
.
Même si le nombre de procédures alternatives aux poursuites
s'accroît notablement, dépassant les 100.000 en 1997
(+ 12,4 %), les classements sans suite concernent encore près
de 80 % du nombre total des affaires et surtout près de la
moitié (45,8 %) des procédures dans lesquelles l'auteur de
l'infraction a été identifié.
Si le
délai de réponse pénale
6(
*
)
tend à décroître pour les
contraventions de 5
ème
classe (7,2 mois en 1996 contre 7,5 en
1995) et pour les délits (9,7 mois en 1996 contre 10,3 en 1995) ,
il continue en revanche à s'accroître pour les crimes, atteignant
44,8 mois en 1996 contre 42,6 mois en 1995.
C. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES : UN ENGORGEMENT PRÉOCCUPANT
Si les
transferts de compétences aux cours administratives d'appel ont permis
de réduire progressivement le stock d'affaires en instance au Conseil
d'Etat, qui en 1997 correspond à un délai théorique
d'élimination d'environ un an, ils ont en revanche entraîné
un accroissement massif du nombre d'affaires pendantes devant ces cours.
En effet, le nombre annuel d'affaires enregistrées par les
cours
administratives d'appel
a triplé en données brutes entre 1991
et 1996 et le stock d'affaires en instance a été multiplié
par quatre depuis 1990 ; le délai théorique
d'élimination de ce stock, qui dépassait à peine un an en
1991, est actuellement de trois ans.
La situation devrait néanmoins s'améliorer à partir de
1998 compte tenu de la mise en service des deux nouvelles cours administratives
d'appel de Marseille (en septembre 1997) et de Douai (prévue pour 1999).
En ce qui concerne les
tribunaux administratifs
, le nombre annuel
d'affaires enregistrées a augmenté de 45 % de 1990 à
1997 en données nettes corrigées des séries, soit une
moyenne de 6 % par an, et encore de 7 % de 1996 à 1997.
Le nombre annuel d'affaires traitées, toujours en données nettes,
a toutefois crû de 9 % par an sur la même période.
Cette augmentation de la capacité de jugement est due pour l'essentiel
aux efforts de productivité des magistrats, qui semblent cependant avoir
aujourd'hui atteint un palier.
Les stocks ont continué d'augmenter entre 1991 et 1997 ; leur
rythme d'augmentation a néanmoins diminué et se situe
actuellement entre 2 et 3 % par an. Le délai moyen de jugement, qui
était de deux ans et demi en 1991, s'est réduit
progressivement ; il est actuellement un peu inférieur à
deux ans
, ce qui reste cependant très éloigné de
l'objectif de réduction à un an des délais moyens devant
les juridictions administratives qui avait été fixé par la
loi de programme.
Devant l'inflation du nombre des recours et les risques de paralysie de
l'action des collectivités publiques qui en découlent compte tenu
des délais de jugement, M. Jacques Larché,
président, a estimé qu'il conviendrait d'envisager une
augmentation substantielle du droit de timbre exigé pour les recours
devant les juridictions administratives, actuellement fixé à 100
francs.
III. UN EFFORT DE RECRUTEMENT SOUTENU
Le budget de la justice pour 1999 est marqué par la poursuite de l'effort entrepris en vue du renforcement des effectifs des juridictions judiciaires comme des juridictions administratives : il prévoit en effet la création de 370 emplois pour les services judiciaires et de 61 emplois au Conseil d'Etat et dans les juridictions administratives. Cependant, les vacances de postes demeurent encore trop nombreuses et l'effort de recrutement risque d'être en partie absorbé par la mise en oeuvre des nouvelles réformes prévues.
A. LES RECRUTEMENTS DE MAGISTRATS JUDICIAIRES
1. Un effort exceptionnel de recrutement
Le
projet de loi de finances pour 1999 prévoit la
création de
140 emplois de magistrats
7(
*
)
,
succédant aux 70 créations d'emplois intervenues en 1998.
Ainsi que l'a souligné Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, devant
votre commission des Lois, ce nombre de créations d'emplois de
magistrats est le plus élevé des quinze dernières
années.
Le nombre de postes ouverts aux
concours d'accès à l'Ecole
nationale de la magistrature
a été porté à 185
pour 1998 (contre 145 pour 1996 et 1997).
En outre, afin d'accélérer les recrutements, la loi organique
n° 98-105 du 24 février 1998 a autorisé
l'organisation de deux
concours exceptionnels
permettant le recrutement
de 100 magistrats en 1998 et de 100 autres en 1999 ; les magistrats
recrutés en 1998 par cette voie prendront leurs fonctions en juridiction
dès l'été 1999 à l'issue d'une formation de six
mois.
2. Le renfort encore très insuffisant des conseillers de cours d'appel en service extraordinaire et des magistrats à titre temporaire
Afin de
compléter le renfort des effectifs des juridictions tout en diversifiant
le corps judiciaire, la loi organique n° 95-64 du
19 janvier 1995 a prévu la possibilité de faire appel
à des conseillers de cours d'appel en service extraordinaire et à
des magistrats à titre temporaire.
• Les
conseillers de cours d'appel en service extraordinaire
sont
recrutés parmi des candidats âgés de 50 à
60 ans titulaires d'un diplôme de niveau maîtrise et
justifiant d'au moins 15 années d'activité professionnelle
les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires.
La loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 a
élargi les possibilités de recrutement de ces conseillers en
service extraordinaire, allongé de 5 à 10 ans la
durée d'exercice de leurs fonctions (à temps plein) et assoupli
la procédure de recrutement en supprimant le caractère probatoire
de la période de formation.
Mais la mise en oeuvre de ces dispositions est encore très
limitée. En effet, interrogée sur ce point au cours de son
audition devant votre commission des Lois, Mme Elisabeth Guigou, Garde des
Sceaux, a indiqué que
trois
nominations étaient
intervenues en
1997
(à la suite de l'examen de
33 candidatures par la commission d'avancement) et
deux
autres en
1998
(sur 15 candidatures).
• La loi organique du 19 janvier 1995 a également
ouvert la possibilité de recruter des
magistrats
exerçant
à titre temporaire
les fonctions de juge d'instance ou
d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande
instance. Ces magistrats à titre temporaire sont recrutés, pour
sept ans non renouvelables, sur proposition de l'assemblée
générale des magistrats du siège de la cour d'appel et
après avis conforme de la commission d'avancement ;
rémunérés sur la base de vacations, ils peuvent poursuivre
une autre activité professionnelle concomitamment à leurs
fonctions judiciaires.
Comme pour les conseillers de cours d'appel en service extraordinaire, la loi
organique du 24 février 1998 a supprimé le
caractère probatoire du stage de formation imposé aux magistrats
à titre temporaire.
Votre commission des Lois, à l'initiative de laquelle cette modification
a été introduite, a en effet considéré
" décourageant et vexatoire "
d'imposer un stage de cette
nature à des personnes déjà confirmées
professionnellement et ayant accepté de se soumettre à une
sélection.
Cependant, bien que la loi de programme de 1995 ait prévu la
création de 80 postes équivalents temps plein et que 64 de
ces créations aient été inscrites en lois de finances
(soit 16 pour chacune des années 1995, 1996, 1998 et 1999), le
recrutement des magistrats à titre temporaire est resté pour le
moment bien timide.
Il n'a débuté qu'à la suite de la publication du
décret n° 97-4 du 7 janvier 1997 et ne concerne
actuellement, à titre expérimental, que les seules cours d'appel
d'Aix-en-Provence, Angers, Colmar et Versailles.
Le Garde des Sceaux a précisé devant votre commission des Lois
que
quatre
candidats avaient fait l'objet d'un avis favorable de la
commission d'avancement (sur un total de 18 candidatures examinées).
Votre commission des Lois regrette la
faiblesse de ces recrutements
de
magistrats à titre temporaire et de conseillers de cours d'appel en
service extraordinaire, qui seraient pourtant susceptibles d'apporter un
renfort appréciable dans les juridictions surchargées. Elle
espère néanmoins que les assouplissements apportés par la
loi organique du 24 février 1998 permettront d'accroître
leurs effectifs.
3. Des vacances de postes qui restent trop nombreuses
L'application de la loi de programme pour 1995 a permis de
localiser
au total 184 emplois budgétaires de magistrats : 49 en 1995, 53 en
1996 et 82 en 1998.
Cependant, en dépit de l'important effort de recrutement engagé,
les vacances de postes constatées dans les juridictions sont encore trop
nombreuses.
Selon la Chancellerie, 215 emplois de magistrats étaient vacants au
1er septembre 1998, soit 3,38 % d'un effectif budgétaire
de 6 357 emplois
8(
*
)
.
Une étude récente réalisée par l'Union syndicale
des magistrats (USM) qui a comptabilisé l'ensemble des postes non
occupés dans les juridictions, en ajoutant aux " vacances
officielles " dénombrées par la Chancellerie les absences
pour congés divers, fait toutefois apparaître un taux de
vacances de postes
beaucoup plus élevé sur le terrain :
celui-ci atteindrait en moyenne 7,4 % des effectifs en juridiction et
toucherait davantage les magistrats du parquet (9 % en moyenne) que les
magistrats du siège (6,8 % en moyenne).
Cette situation de distorsion entre les effectifs budgétaires et les
effectifs réels devrait conduire à renforcer encore le nombre de
magistrats placés
qui, outre les hypothèses de
congé du magistrat titulaire ou de vacance de poste, peuvent
désormais être temporairement affectés dans une juridiction
pour y renforcer l'effectif afin d'assurer le traitement du contentieux dans un
délai raisonnable.
Le nombre de ces magistrats a été porté à 139 en
1998 (contre 117 en 1997), avec la création de 17 emplois de juges
placés et de 5 emplois de substituts placés ; il
représente désormais près de 3 % des emplois mais
reste très en-deçà du maximum fixé par la loi
organique qui permettrait de porter l'effectif des magistrats placés
à 309 emplois.
*
Par
ailleurs, il convient de souligner que
les nombreuses créations
d'emplois
prévues par le projet de loi de finances pour 1999 ne
permettront pas toutes de soulager les juridictions surchargées
puisqu'elles
seront pour partie absorbées par la mise en oeuvre des
nouvelles réformes
.
Ainsi, la Chancellerie a prévu que la moitié des 140
créations d'emplois de magistrats prévues au projet de budget
pour 1999 seraient consacrées à la mise en oeuvre du projet de
réforme du régime de la détention provisoire qui
nécessiterait au total pour sa mise en application 150 à
200 nouveaux magistrats.
La réforme envisagée des tribunaux de commerce, qui sera
évoquée dans la suite du présent avis, rendrait pour sa
part nécessaire la création de 350 emplois de magistrats
pour assurer la mixité au sein de ces tribunaux, mais ces
créations ne seront mises en place qu'à partir du budget de l'an
2000.
B. LES RECRUTEMENTS DE FONCTIONNAIRES DES SERVICES JUDICIAIRES
Le
renforcement des effectifs de magistrats ne peut être efficace que s'il
s'accompagne d'un renforcement des effectifs de greffiers.
Aussi la Chancellerie a-t-elle mis en place en 1998 un
plan exceptionnel de
recrutement
de fonctionnaires des services judiciaires. Plus de
800 fonctionnaires devraient être recrutés d'ici le
31 décembre 1998 dont la moitié devrait avoir pris ses
fonctions à cette date : 44 greffiers en chef, 240 greffiers,
475 personnels de bureau et 70 fonctionnaires des filières
techniques.
Ce recrutement devrait permettre de combler les vacances d'emploi
constatées fin 1997 mais également de pourvoir les
230 emplois budgétaires créés par la loi de finances
pour 1998 (20 greffiers en chef, 90 greffiers, 130 personnels de
bureau).
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit également la
création de 230 emplois de fonctionnaires des services judiciaires
(10 greffiers en chef, 112 greffiers, 72 adjoints
administratifs, 36 agents contractuels), ce qui permettra d'achever
l'exécution de la loi de programme qui prévoyait la
création de 835 emplois.
Cependant, les absences de fonctionnaires pour raisons diverses, s'ajoutant aux
vacances d'emploi (qui atteignaient 2,72 % des emplois au
1er juin 1998 selon la Chancellerie) et aux conséquences de
l'absence de compensation systématique des temps partiels
9(
*
)
, tendent à désorganiser les juridictions.
Devant ces difficultés, la création de 116 emplois de
personnels de bureau
placés
a été
décidée ; elle devrait permettre aux chefs de cour de
suppléer à certaines absences liées aux congés de
maladie, aux congés de maternité ou aux congés de
formation.
Par ailleurs, les représentants des organisations professionnelles de
fonctionnaires de la justice entendus par votre rapporteur pour avis ont
souligné l'insuffisance de la politique du ministère de la
justice en matière de
logement social
, notamment en région
parisienne.
Cependant, les crédits d'action sociale du ministère, d'un
montant global de 94,5 millions de francs, sont en augmentation de plus de
18,5 % pour 1999.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis
par les services de la Chancellerie, des efforts sont menés en vue d'une
augmentation du nombre de logements sociaux, notamment à travers
l'ouverture d'une résidence parahôtelière à Paris,
mais se heurtent à l'insuffisance du parc interministériel de
logements sociaux et à des difficultés liées à
l'impossibilité pour le ministère de la justice de faire
construire lui-même des logements en l'absence de crédits inscrits
au titre VI.
C. LE RENFORCEMENT DES EFFECTIFS DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
Afin de
faire face à l'augmentation des flux de contentieux, les effectifs de
magistrats et de fonctionnaires des juridictions administratives ont
également été renforcés en application de la loi de
programme de 1995.
• S'agissant des
magistrats des cours administratives d'appel et des
tribunaux administratifs
, la loi de programme prévoyait d'une part,
la création de 105 emplois budgétaires et d'autre part, le
recrutement à titre temporaire de 75 magistrats.
79 emplois ont d'ores et déjà été
créés ; le projet de loi de finances pour 1999 prévoit
encore la création de 21 emplois supplémentaires, portant
à 100 (sur 105) le nombre total d'emplois créés en
application de la loi de programme.
Par ailleurs, des crédits ont été ouverts pour la
rémunération de 56 magistrats administratifs recrutés
à titre temporaire ; grâce à ces crédits,
40 magistrats ont été recrutés à titre
temporaire par la voie du détachement et 14 magistrats
supplémentaires le seront d'ici la fin de l'année. Le projet de
loi de finances pour 1999 prévoit les crédits nécessaires
pour 15 recrutements temporaires complémentaires, ce qui portera
à 71 (sur 75) le nombre total de recrutements temporaires en application
de la loi de programme.
Le taux de vacances des emplois s'élevait à 3,5 % au
1er avril 1998.
Les représentants des juridictions administratives entendus par votre
rapporteur pour avis ont insisté sur l'insuffisance du nombre de postes
de présidents de formations de jugement pour assurer de façon
satisfaisante les fonctions d'encadrement.
• En ce qui concerne les
effectifs des greffes
, la loi de
programme prévoyait la création de 200 emplois de
fonctionnaires ; 150 emplois ont d'ores et déjà
été créés, auxquels viendront s'ajouter les
40 emplois prévus par le projet de loi de finances pour 1999.
Le renforcement des effectifs des greffes a permis d'améliorer le ratio
de fonctionnaires par magistrat, mais celui-ci reste très
inférieur à celui constaté dans les juridictions
judiciaires.
Au 30 juin 1998, le taux de vacances des emplois s'élevait
à 5,8 %.
D. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ASSISTANCE AUX MAGISTRATS
1. Le bilan très positif du concours des assistants de justice
A
l'initiative de la commission des Lois du Sénat, l'article 20 de la
loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des
juridictions a prévu la possibilité de recruter des assistants
auprès des magistrats des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande
instance et des cours d'appel.
Ces assistants sont chargés de tâches de documentation et de
préparation des décisions. Ils sont recrutés pour une
durée de deux ans renouvelable parmi les personnes titulaires d'un
diplôme sanctionnant quatre années d'études
supérieures en matière juridique et que leur compétence
qualifie particulièrement pour exercer ces fonctions ; dans la
pratique, il s'agit souvent d'étudiants en troisième cycle de
droit préparant parallèlement leur thèse, qui abandonnent
la fonction d'assistant dès qu'ils trouvent un emploi stable. Ils sont
indemnisés par l'allocation de vacations horaires
10(
*
)
et travaillent le plus souvent à mi-temps.
203 assistants de justice ont été recrutés en 1996,
puis 100 de plus au cours de l'année 1997.
Avec une dotation de 8,4 millions de francs en mesure nouvelle, la loi de
finances pour 1998 devrait permettre d'assurer un nouveau recrutement de
200 assistants de justice.
L'effort financier consacré aux assistants de justice sera encore
renforcé en 1999, le projet de loi de finances prévoyant une
dotation de 15,6 millions de francs destiné au
recrutement de
400 assistants supplémentaires
, ce qui devrait permettre de
porter à plus de 900 l'effectif total des assistants.
Cet effort apparaît pleinement justifié car l'analyse des rapports
transmis par les cours d'appel concernant l'activité des assistants
montre que
leur concours a donné entière satisfaction
et
permis aux magistrats de se décharger de certaines tâches
répétitives ou de recherches chronophages, au profit d'un
traitement plus rapide du contentieux.
Dans leur majorité, les magistrats des juridictions qui ont
bénéficié du concours d'assistants de justice soulignent
la qualité des travaux effectués par ceux-ci. Le plus souvent, il
s'agit de recherche de documentation ou de jurisprudence, de rédaction
de notes de synthèses des dossiers ou de rédaction de projets de
décisions ou de réquisitoires suivant les instructions des
magistrats.
En outre, les assistants se voient aussi parfois confier d'autres tâches
telles que le prétraitement du courrier pénal
général, les propositions de recours aux procédures de
médiation-réparation, la gestion de la médiation
pénale, la confection de recueils de doctrine ou de jurisprudence, la
tenue de statistiques, la gestion des bibliothèques...
En revanche, la présence d'assistants de justice ne semble pas
adaptée au service de l'instruction, en raison notamment de la
spécificité de la procédure.
Le bilan du recrutement des assistants de justice apparaît donc
très positif. Aussi les demandes d'assistants de justice par les
juridictions sont-elles en forte augmentation.
En revanche, le bilan de la mise en place d'
"assistants
juridiques "
(fonctionnaires mis à disposition par d'autres
administrations) dans les juridictions administratives semble décevant,
selon les représentants de ces juridictions qui ont été
entendus par votre rapporteur.
2. Les perspectives de recrutement d'assistants spécialisés au sein des nouveaux pôles économiques et financiers
L'article 91 de la loi n° 98-546 du
2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier a par ailleurs prévu la possibilité de recruter des
assistants spécialisés auprès des cours d'appel ou des
tribunaux de grande instance qui sont spécialisés en
matière de traitement des infractions économiques et
financières en application des dispositions de l'article 704 du
code de procédure pénale.
Les assistants spécialisés sont chargés d'apporter une
assistance technique aux magistrats dans le déroulement de la
procédure, sans pouvoir procéder par eux-mêmes à
aucun acte. Ils sont recrutés parmi les fonctionnaires de
catégorie A ou B ou parmi les personnes titulaires d'un
diplôme sanctionnant une formation économique, financière,
juridique ou sociale d'une durée au moins égale à
quatre années d'études supérieures et justifiant
d'une expérience professionnelle minimale de quatre années.
Le décret d'application de ces dispositions est actuellement en cours
d'élaboration.
Il est envisagé dans un premier temps de recourir aux services de
fonctionnaires mis à disposition par le ministère de
l'économie et des finances et par la Banque de France, les
possibilités de recrutement d'assistants spécialisés en
provenance du secteur privé étant par ailleurs à
l'étude.
Dans cette perspective, le ministère de la justice a demandé la
mise à disposition de 25 fonctionnaires par an pendant trois ans en
vue de leur affectation en priorité dans les tribunaux de Paris, Bastia
et Nanterre puis dans ceux de Bordeaux, Lyon, Fort-de-France et
Marseille ; des appels à candidatures ont déjà
été diffusés.
Le recrutement de ces assistants spécialisés devrait permettre de
renforcer les moyens des "
pôles économiques et
financiers
" que Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux,
envisage de constituer au sein de certaines juridictions.
Une mesure nouvelle de 15 millions de francs est inscrite au projet de
budget pour 1999 pour la constitution de ces pôles de lutte contre la
délinquance économique et financière.
Le pôle économique et financier de Paris devrait être
opérationnel à partir de mars 1999 ; il accueillera une
soixantaine de magistrats et plus d'une centaine de fonctionnaires, dans des
locaux de 8.330 mètres carrés.
E. UN RECOURS LIMITÉ AUX EMPLOIS-JEUNES
Votre
commission des Lois s'était interrogée, l'an dernier, sur
l'opportunité de la mise en place d'emplois-jeunes par le
ministère de la justice.
Elle avait en effet souligné les difficultés d'adaptation de la
procédure retenue au cas particulier du ministère de la justice,
les incertitudes pesant sur le mode de financement et le problème de la
définition d'emplois pertinents dans ce domaine.
Interrogée par votre rapporteur pour avis sur le bilan des
emplois-jeunes pour le ministère de la justice,
Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a reconnu que leur mise en
place n'avait pas donné de résultats aussi performants que ceux
qu'elle avait espérés.
Le ministère de la justice s'est engagé à promouvoir la
création de 3.500 emplois-jeunes dans son secteur. Pour atteindre
cet objectif, cinq accords cadres ont été signés avec les
principaux partenaires associatifs qui se sont engagés à
promouvoir la création de 2.150 emplois sur une période de
3 ans auprès de leurs adhérents. Ces emplois se
répartissent ainsi : 1.000 emplois pour l'Association
française pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (AFSEA)
(dont 70 créés et 172 en projet), 250 emplois pour
l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM) (dont
36 créés et 46 projets), 300 emplois pour le Comité
de liaison des associations socio-éducatives de contrôle
judiciaire (CLCJ) (dont 57 créés et un nombre équivalent
en projet), 500 emplois pour l'Union nationale des associations familiales
(UNAF) (dont 100 créés et 100 autres en projet) et
100 emplois pour le Centre national d'information et de documentation des
femmes et des familles (CNIDEF).
En outre, 226 emplois ont été créés dans les
domaines de l'accès au droit, de l'accompagnement des familles des
détenus ou de l'insertion des publics les plus en
difficulté ; pour ce qui concerne les services judiciaires, on
dénombre ainsi 222 projets et 67 conventions signées
(représentant 88 emplois).
Le Garde des Sceaux a précisé devant la commission des Lois qu'au
total
489 emplois-jeunes
avaient déjà
été
créés
dans des domaines
variés tels que l'accès au droit, l'aide aux victimes ou aux
mineurs, ou encore l'accueil du public. Elle a ajouté qu'elle avait
souhaité un niveau d'exigence élevé quant à la
qualité des recrutements effectués.
Votre rapporteur pour avis tient à souligner que ces emplois-jeunes,
s'ils sont encore peu nombreux, n'ont toutefois pas été
dévoyés comme on aurait pu le craindre dans le secteur de la
justice. Au demeurant, il est encore trop tôt pour dresser un bilan
définitif du recours aux emplois-jeunes dans ce secteur.
IV. LA POURSUITE DE LA RÉNOVATION DE L'ÉQUIPEMENT ET DE LA GESTION DES JURIDICTIONS
A. L'AMÉLIORATION DES ÉQUIPEMENTS
1. Le programme d'investissements immobiliers
Les
investissements en vue de la rénovation de l'équipement des
juridictions seront poursuivis en 1999 ; à cet égard,
Mme Élisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a souligné au cours
de son audition devant votre commission des Lois que la justice se situait au
premier rang, après le secteur des transports, pour les investissements
civils directs de l'Etat.
• Dans le cadre de l'exécution de la loi de programme de 1995,
qui avait prévu 4,5 milliards de francs d'autorisations de
programme en faveur de
l'équipement des juridictions judiciaires
,
plus de trois milliards ont été consacrés à la
consolidation du programme pluriannuel d'équipement lancé en
1991, le solde concernant des opérations d'entretien, de
rénovation et de sécurité déconcentrées.
L'enveloppe prévue pour 1999 (673 millions de francs d'autorisations de
programme contre 567 en 1998) permettra un quasi-achèvement de
l'exécution de cette loi de programme (soit un taux d'exécution
de 93,95 %).
S'agissant du
programme pluriannuel d'équipement
, après la
livraison en 1998 des opérations concernant Béthune, Melun et
Bordeaux, le lancement des travaux intéressant les Palais de justice de
Toulouse, Besançon et Rodez devrait débuter en 1999 ; seront
par ailleurs achevés les grands chantiers de Rennes, Grasse, Nantes et
Nice.
En ce qui concerne le
programme déconcentré
, il est
prioritairement consacré à des opérations de mise en
sécurité
des juridictions. De nombreuses livraisons
devraient intervenir courant 1999 à Blois, Epinal, Evreux, Marseille,
Nancy, Rouen, Toulon, Versailles et Vesoul ; la mise en
sécurité du Palais de justice de Paris restera en outre un
objectif prioritaire.
Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a indiqué devant
l'Assemblée nationale qu'elle avait engagé des discussions avec
le ministère du budget en vue de la construction d'un nouveau tribunal
de grande instance à Paris, dont le coût est estimé
à plus de trois milliards de francs mais qui apparaît
à terme nécessaire pour remédier à l'insuffisance
des locaux affectés aux juridictions parisiennes et notamment à
l'absence de salle d'audience susceptible d'accueillir de " grands "
procès
11(
*
)
.
• En ce qui concerne les
juridictions administratives
, la
superficie des locaux occupés est devenue parfois très
insuffisante en raison de l'augmentation des effectifs mise en oeuvre pour
répondre à l'accroissement du contentieux. En conséquence,
ont été entreprises des opérations de relogement, par
acquisition d'immeubles ou extension des locaux existants.
Les autorisations de programme inscrites dans le projet de loi de finances pour
1999, d'un montant de 51 millions de francs, permettront
l'achèvement de l'exécution de la loi de programme concernant
l'équipement des juridictions administratives.
Après l'achèvement en 1998 des travaux concernant la Cour
administrative d'appel de Lyon, les crédits d'équipement seront
consacrés en 1999 à des aménagements des tribunaux
administratifs de Lille et de Rennes, à l'installation définitive
du tribunal administratif de Melun et la mise en place de la cour
administrative d'appel de Douai. En outre, s'agissant du Conseil d'Etat, les
travaux de modernisation et de restauration du Palais Royal seront
poursuivis.
2. La généralisation progressive de l'informatisation des juridictions
L'équipement informatique des juridictions se poursuit
également.
• En
matière pénale
, les trois applications
informatiques nationales en service dans les juridictions (nouvelle
chaîne pénale en région parisienne, chaîne
micro-pénale ou chaîne mini-pénale selon la dimension des
tribunaux de grande instance) font désormais l'objet d'un renouvellement
régulier. Un logiciel pour le suivi de l'exécution des peines a
été acquis par le ministère et commence à
être déployé dans les premiers tribunaux de grande
instance. Il en est de même pour le logiciel de traitement des
ordonnances pénales déjà utilisé par
200 tribunaux de police.
En outre, un logiciel d'instruction assistée par ordinateur est mis
à la disposition des nouveaux magistrats parisiens ; il constituera un
des principaux outils informatiques mis en place dans le futur pôle
financier du tribunal de grande instance de Paris.
• En
matière civile
, les applications utilisées par
les cours d'appel, tribunaux de grande instance et conseils de prud'hommes
relevaient exclusivement de l'informatique locale jusqu'au début de 1998.
Cependant, ce secteur a été fragilisé par des
défaillances successives des éditeurs de logiciels.
Aussi la Chancellerie a-t-elle lancé un appel d'offres en vue de
l'acquisition de nouveaux logiciels, qui a abouti en avril 1998. Le
programme d'implantation des logiciels retenus privilégie les
juridictions dont les applications informatiques ont été
affectées par la disparition de certaines sociétés
éditrices de logiciels. Les nouveaux logiciels acquis par le
ministère sont désormais pris en charge au niveau central pour ce
qui concerne la maintenance et le développement des nouvelles
fonctionnalités.
Par ailleurs, l'informatisation des tribunaux d'instance est en cours,
grâce au déploiement d'applications développées par
la Chancellerie : 300 tribunaux devraient être
équipés fin 1998.
Enfin, l'expérimentation dans deux cours d'appel du logiciel de suivi de
l'exécution budgétaire " GIBUS " utilisé par le
ministère de l'intérieur ayant été jugé
concluante, la généralisation de cet équipement dans
l'ensemble des cours d'appel est en cours et devrait être effective en
l'an 2000.
• S'agissant des
juridictions administratives
, une
opération de rénovation complète des applications
existantes pour le traitement du contentieux a été lancée
fin 1994. Cette opération, baptisée " Skipper ",
devrait être achevée d'ici la fin de l'année 1999.
L'ensemble des tribunaux administratifs de métropole
12(
*
)
sont désormais équipés de
Skipper, ce qui représente 1.000 postes de travail installés
dans ces juridictions pour 1.200 personnes, soit un taux
d'équipement de 83 %.
L'adaptation de Skipper aux spécificités des procédures
d'appel est en cours ; les cours administratives d'appel devraient
être équipées dans le courant de l'année prochaine.
L'équipement actuel des cours est de 1420 postes microinformatiques
et 160 terminaux passifs pour 300 personnes.
Enfin, la mise en place d'une version adaptée de Skipper au Conseil
d'Etat est prévue avant la fin de l'année 1998.
Le parc de postes de travail du Conseil d'Etat est de 450 postes dont
150 portables pour les membres.
B. LES ACTIONS MENÉES EN FAVEUR D'UNE RATIONALISATION DE LA GESTION
1. La déconcentration de la gestion au niveau des cours d'appel
La cour
d'appel ayant été retenue comme l'échelon pertinent de
déconcentration des services judiciaires, des
services administratifs
régionaux (SAR)
ont été mis en place, depuis 1996,
sous l'autorité des chefs de cour ; toutes les cours d'appel sont
désormais dotées d'un SAR à l'exception de la cour d'appel
de Papeete.
Dirigé par un coordonnateur, le SAR a pour vocation de préparer,
mettre en oeuvre et contrôler les actes et décisions
administratives nécessaires à la bonne administration du ressort.
Il assure à ce titre deux fonctions essentielles : la gestion des
ressources humaines qui intègre la formation des personnels et la
gestion des moyens qui regroupe la fonction budgétaire et la fonction
informatique.
Depuis le 1er janvier 1998, le SAR gère les décisions
administratives individuelles et les crédits finançant les
activités présentencielles d'aide aux victimes
réalisées par le réseau associatif.
Dans un avenir proche, il assurera également la gestion
déconcentrée de l'équipement immobilier des juridictions.
La création d'un statut d'emploi de chef de SAR est actuellement
à l'étude.
Par ailleurs, en matière de gestion des crédits de fonctionnement
des juridictions
,
une
réforme de la procédure
d'exécution de la dépense à l'échelon
déconcentré
est en cours de généralisation
après avoir été expérimentée dans les cours
d'appel d'Amiens, Rouen, Angers, Bordeaux, Bourges et Nîmes, ainsi que
dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny.
Ce dispositif permet de centraliser au niveau de la cour d'appel les
informations concernant les dépenses de fonctionnement de l'ensemble des
juridictions du ressort, afin d'améliorer la
politique de l'achat
public
et de parvenir à un renforcement du
contrôle de
gestion
.
A cette fin, les juridictions du premier degré du ressort d'un tribunal
de grande instance sont fédérées en centre
dépensier disposant d'une cellule de gestion budgétaire, laquelle
est chargée de tenir la comptabilité de ces juridictions et
constitue l'unique interlocuteur du SAR.
Les juridictions conservent cependant l'initiative de leurs dépenses de
fonctionnement, sous réserve d'une politique d'achat commune
déterminée, après concertation, par les chefs de la cour
d'appel.
C'est également dans le cadre des SAR qu'a été mis en
place le dispositif de suivi de l'évolution des frais de justice en vue
d'une meilleure maîtrise des dépenses.
2. Un effort de maîtrise de l'évolution des frais de justice
Les
dépenses
de frais de justice, qui ont atteint en 1997 un montant
total de 1.536,92 millions de francs,
s'accroissent à un rythme
extrêmement rapide
: +48 % entre 1992 et 1996, +8,22 % de
1996 à 1997 et encore +10 % au 1er semestre 1998 ( par
rapport au 1er semestre 1997).
Cette progression est essentiellement due aux frais de justice pénale,
qui représentent 68 % de la dépense (contre 18 % pour
les frais civils et 12 % pour les frais commerciaux) ; en particulier les
frais de saisie, de fourrière et de scellés, les frais
d'expertises non tarifées, ainsi que les frais de réquisition
à France Télécom, connaissent une progression
particulièrement accentuée.
La Cour des Comptes s'est d'ailleurs alarmée du niveau exorbitant de
certains frais de justice, notamment les frais de garde des objets saisis.
Face à cette évolution, la Chancellerie a mis en place, depuis
1996, un
dispositif semestriel de suivi de la dépense dans chaque
cour d'appel
, mis en oeuvre par les SAR.
Elle a en outre engagé des actions tendant à une meilleure
maîtrise de la dépense, qui viennent d'être rappelées
aux chefs de cour dans le cadre d'une circulaire du 27 octobre 1998.
Des
mesures législatives et réglementaires
sont en effet
prévues pour renforcer les moyens de maîtrise de la dépense.
Sur le plan législatif, le projet de loi relatif aux alternatives aux
poursuites, adopté en première lecture par le Sénat le
18 juin dernier sur le rapport de notre collègue
Pierre Fauchon
13(
*
)
, prévoit une
modification du régime de conservation des scellés qui devrait
permettre d'obtenir une réduction importante de la durée du
gardiennage (et donc des frais correspondants), ainsi qu'une
généralisation de l'utilisation de la télécopie
pour les notifications faites aux avocats en matière pénale.
Sur le plan réglementaire, un avant-projet de décret modifiant le
code de procédure pénale et relatif aux frais de justice a
été élaboré ; ce texte prévoit notamment :
- une tarification par le code de procédure pénale des frais de
garde des véhicules placés sous scellés ou
immobilisés, des frais de recherche de documents et de délivrance
de copies, des réquisitions aux opérateurs de
télécommunications et des frais de mise en oeuvre au profit de
l'autorité judiciaire des conventions secrètes de cryptologie ;
- un contrôle préalable obligatoire du Parquet sur les devis
d'expertises supérieurs à 3.000 F ;
- et la possibilité d'un recouvrement par l'Etat, contre les
condamnés, des frais de garde des véhicules immobilisés.
Par ailleurs, la Chancellerie cherche à organiser les conditions d'une
mise en concurrence des prestataires de services dans les domaines non
tarifés et à parvenir à un meilleur contrôle des
frais commerciaux.
En outre, un complément de dotation de fonctionnement est alloué
aux cours d'appel qui ont fait preuve d'une volonté réelle
d'entrer dans une logique de maîtrise de la dépense des frais de
justice.
Cette
enveloppe complémentaire de crédits de
fonctionnement
a été fixée à 10 millions
de francs pour 1998 et répartie en application de deux critères :
l'existence d'actions innovantes initiées par les chefs de cour et le
respect du taux directeur de 4 % fixé pour l'évolution de
l'ensemble des frais de justice.
Les efforts ainsi engagées en vue d'une meilleure maîtrise de la
dépense permettront sans doute de parvenir à une
rationalisation
de la gestion dans ce domaine.
Cependant, il sera difficile de parvenir à enrayer la progression des
frais de justice car
la poursuite de l'augmentation de certaines
dépenses apparaît inéluctable
. En particulier, les
frais d'expertise (qui représentent 35 % des frais pénaux)
sont appelés à s'accroître en raison de la
technicité croissante des affaires et du recours à des
technologies nouvelles, par exemple pour l'écoute des communications
réalisées à partir de téléphones mobiles ou
pour l'identification des criminels à partir de leurs empreintes
génétiques. Le développement du recours à la
médiation pénale devrait par ailleurs entraîner une
augmentation des frais correspondants.
3. Le perfectionnement de l'outil statistique
La
fiabilité des statistiques élaborées par la Chancellerie
à partir des dispositifs traditionnels que sont le Répertoire
général civil pour les affaires civiles et les Cadres du parquet
ainsi que le Casier judiciaire national pour les affaires pénales,
laisse à désirer, ainsi que l'a récemment souligné
la Cour des Comptes. Celle-ci a en effet dénoncé le
caractère médiocre et peu fiable de ces statistiques pourtant
indispensables pour répartir les effectifs et les moyens entre les
juridictions en fonction des besoins.
Pour améliorer cette situation, une
réforme d'ensemble
du
système statistique de la Chancellerie a été
décidée en 1994 et est actuellement en cours de mise en place, en
liaison avec l'informatisation des juridictions.
• En
matière civile
, des "
tableaux de bord
d'activité des juridictions civiles
" permettront de mesurer
leur activité, par grandes familles de contentieux, d'une manière
plus rapide et exhaustive et selon une norme commune.
Après une expérimentation en 1996 et 1997, leur
généralisation est en cours. A cette fin, les logiciels de
traitement des affaires civiles doivent être dotés de modules de
production automatique des tableaux de bord. Ces modules seront
implantés dans 200 tribunaux d'instance d'ici la fin 1998,
puis dans les cours d'appel et les tribunaux de grande instance à partir
de 1999.
Ces tableaux de bord seront complétés par un dispositif de
"
suivi détaillé des affaires civiles
" qui
permettra d'exploiter au niveau local puis national les bases de données
résultant des fichiers informatiques de gestion des affaires civiles.
Une expérimentation de ce dispositif est prévue en 1999.
• En
matière pénale
, l'automatisation des cadres du
parquet a été généralisée à
l'ensemble des tribunaux de grande instance depuis la fin de 1997.
Cette automatisation sera complétée par un dispositif de
"
suivi de la politique pénale
", en cours de mise au
point et basé, comme en matière civile, sur l'exploitation des
bases de données locales constituées à partir des fichiers
de gestion des affaires pénales. Ce dispositif permettra notamment
d'étudier l'activité pénale selon la nature des affaires
et d'analyser les classements sans suite selon leur motif.
A terme, ces nouveaux outils statistiques devraient permettre, grâce
à la collecte de données homogènes suivant des
procédures comparables, de mesurer plus précisément
l'activité des juridictions, ce qui sera particulièrement utile
en vue d'une répartition plus rationnelle des moyens en fonction de la
charge de travail effective des juridictions.
V. QUELQUES RÉFORMES EN COURS INTÉRESSANT L'ORGANISATION DE LA JUSTICE
Le
premier volet de la réforme de la justice engagée par le
Gouvernement a pour objet l'amélioration du fonctionnement de la justice
au quotidien.
C'est dans ce cadre que s'inscrivent notamment, d'une part, la politique d'aide
à l'accès au droit et de développement des modes de
résolution amiable des litiges, qui fait l'objet d'un projet de loi en
cours de discussion devant le Parlement et, d'autre part, la poursuite des
réflexions sur la carte judiciaire.
A. LA POLITIQUE D'AIDE À L'ACCÈS AU DROIT ET DE DÉVELOPPEMENT DES MODES DE RÉSOLUTION AMIABLE DES LITIGES
Les
citoyens attendent de plus en plus de la justice et il importe de permettre
à chacun de faire valoir ses droits quelles que soient ses ressources.
Cependant, ainsi que se plaît fréquemment à le rappeler
Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, l'accès au droit ne
passe pas nécessairement par l'accès à une juridiction.
C'est pourquoi le projet de loi relatif à l'accès au droit, qui
vient d'être examiné par le Sénat sur le rapport de notre
collègue Luc Dejoie
14(
*
)
, tend à
favoriser le recours aux modes amiables de règlement des litiges
(transaction, conciliation, médiation civile ou pénale) qui
peuvent permettre de parvenir à un règlement rapide de bon nombre
de petits contentieux tout en contribuant à désengorger les
juridictions.
Pour encourager le développement de ces modes alternatifs de
règlement des conflits, le projet de loi élargit le champ
d'application de
l'aide juridictionnelle
à la recherche d'une
transaction avant l'introduction d'une instance devant une juridiction et
instaure un mécanisme d'aide à l'intervention de l'avocat en
matière de médiation pénale. Le coût de ces
élargissements, évalués par la Chancellerie à
respectivement 15 et 18,5 millions de francs seulement par an, devrait
être limité par les économies résultant de la
substitution d'une procédure amiable à une action contentieuse.
Par ailleurs, diverses dispositions sont prévues afin d'améliorer
le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle et de parvenir à
une meilleure maîtrise de la dépense d'aide juridictionnelle qui
augmente rapidement sous l'effet de l'accroissement soutenu du nombre
d'admissions (+ 6,6 % en 1997)
15(
*
)
et atteint désormais près d'1,5 milliard de francs.
Le projet de loi comporte également des dispositions tendant à
faciliter la constitution et le fonctionnement des
conseils
départementaux de l'aide juridique
(CADJ) afin de parvenir à
une généralisation de ces conseils qui n'ont à ce jour
été constitués que dans 28 départements.
La généralisation de ces conseils et le développement de
leurs activités ne pourront cependant être menés à
bien sans les moyens financiers correspondants et en particulier sans un
engagement financier accru de l'Etat.
Une mesure nouvelle de 6 millions de francs
16(
*
)
est inscrite à cette fin dans le projet de loi
de finances pour 1999.
Elle devrait également bénéficier à la poursuite du
programme de développement des
maisons de justice et du droit
qui
voient leur existence consacrées par le projet de loi.
A cet égard, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a
précisé devant votre commission des Lois qu'elle avait pour
objectif de porter de 60 à 80 le nombre de ces maisons de justice.
Le projet de budget pour 1999 prévoit en outre un abondement des
crédits des associations oeuvrant dans les domaines de la
médiation familiale et de l'aide à l'accès au
droit
17(
*
)
.
B. LES RÉFLEXIONS EN VUE D'UNE ÉVOLUTION DE LA CARTE JUDICIAIRE
Constatant que la carte des juridictions correspondait
"
plus aux données du XIXème siècle qu'à
celles de la fin du XXème siècle
", la mission
d'information sur les moyens de la justice constituée par votre
commission des Lois en 1996 avait souligné qu'il ne serait pas possible
d'éluder le problème de la carte judiciaire.
Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a souhaité poursuivre les
réflexions précédemment engagées sur ce sujet.
A cette fin, elle a constitué auprès du directeur des services
judiciaires une "
mission carte judiciaire
"
composée d'un délégué à la réforme de
la carte judiciaire assisté d'une équipe d'experts (statisticien,
informaticien, démographe, géographe-cartographe) et
chargée d'étudier la réalité de la situation sur le
terrain.
Interrogée par votre rapporteur pour avis sur les travaux de cette
mission et sur les intentions du Gouvernement dans ce domaine,
Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a tout d'abord indiqué, au
cours de son audition devant votre commission des Lois, qu'elle avait
abandonné l'idée d'une " départementalisation "
décidée depuis Paris au profit d'une étude approfondie de
la diversité des situations locales.
Après avoir précisé qu'elle entendait mener à bien
la réforme de la carte judiciaire au cours de la durée de la
présente législature, elle a en outre annoncé devant votre
commission des Lois qu'elle commencerait par réformer la carte des
tribunaux de commerce
, la mission ayant déjà
étudié la situation des six cours d'appel comportant le plus de
tribunaux de commerce.
Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a ainsi estimé que la carte
des tribunaux de commerce pourrait être redessinée d'ici la fin
1999
18(
*
)
. Cette opération s'inscrira
dans le cadre d'une réforme plus générale des tribunaux de
commerce qui devrait donner lieu à la présentation d'un projet de
loi au cours de l'année prochaine. Selon les indications données
par le Garde des Sceaux devant votre commission des Lois, les principaux
objectifs de cette réforme devraient être les suivants :
- assurer la mixité au sein des formations de jugement grâce
à la présence de juges professionnels dans les tribunaux de
commerce et inversement de juges consulaires au sein des cours d'appel ;
- renforcer les règles d'incompatibilité afin d'éviter les
risques de conflits d'intérêts ;
- revoir le statut des professions auxiliaires, comme celle des greffiers,
notamment afin de renforcer les contrôles externes ainsi que le
contrôle des tarifs.
En ce qui concerne les autres catégories de juridictions, le calendrier
de la réforme de la carte judiciaire, pourtant indispensable à
une répartition plus rationnelle des moyens, demeure plus incertain.
Dans l'attente de cette réforme, les juridictions sont fortement
incitées à l'organisation de chambres détachées et
d'audiences foraines
qui peuvent contribuer à concilier
spécialisation, regroupements et maintien d'une justice de
proximité.
Par ailleurs, une expérimentation du
guichet unique de greffe
a
été mise en place dans le ressort de cinq cours d'appel sur
les sites pilotes de Nîmes, Angoulême, Compiègne, Rennes et
Limoges ; il s'agit de permettre au justiciable de déposer des
pièces et d'accomplir diverses formalités administratives ou
divers actes de procédure en s'adressant à ce guichet unique,
même si le contentieux n'est pas jugé sur le même lieu que
celui où se trouve physiquement implanté le guichet.
C. DES EFFORTS EN VUE D'UNE MEILLEURE UTILISATION DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES
Outre
les expérimentations effectuées pour mettre en oeuvre une
réforme de la procédure d'exécution de la dépense
à l'échelon déconcentré et les actions
engagées pour une meilleure maîtrise des frais de justice, qui ont
déjà été évoquées
19(
*
)
, votre rapporteur pour avis souhaite enfin souligner
le
développement des travaux
d
'
évaluation
en
vue d'une amélioration qualitative de l'utilisation des moyens
affectés à la justice.
L'Inspection générale des services judiciaires
assure, non
seulement des missions traditionnelles de contrôle de l'activité
des juridictions, mais également des missions thématiques
d'évaluation ; ainsi ont par exemple été conduites en 1998
une mission sur le dispositif de protection des majeurs sous tutelle et une
mission sur les tribunaux de commerce, ou encore une mission
interministérielle relative à la mise en place des contrats
locaux de sécurité.
Le Garde des Sceaux entend développer ces missions afin de disposer
d'études et d'évaluations des politiques judiciaires
déjà mises en place ou à mettre en oeuvre dans le cadre de
la réforme de la justice engagée par le Gouvernement.
C'est pourquoi un renforcement des moyens de l'Inspection
générale a été prévu dans le projet de loi
de finances pour 1999, qui permettra de porter le nombre des inspecteurs de 11
à 16, grâce à la création de cinq emplois.
Des actions de
recherche
sont en outre menées dans le cadre d'un
groupement d'intérêt public (GIP) intitulé " Mission
de Recherche Droit et Justice " créé en 1994 ; des appels
d'offres ont ainsi été lancés en 1998 en vue de travaux de
recherche sur les autorités administratives indépendantes, les
modes de réglement des litiges et la politique pénale des
parquets. Le montant total des crédits prévus pour la recherche
dans le projet de budget du ministère de la justice pour 1999
s'élève à 4,6 millions de francs.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.
1 à structure homogène 1998.
2 Cf. rapport Sénat n° 49 (1996-1997) - M. Charles Jolibois, président - M. Pierre Fauchon, rapporteur.
3
Dernières statistiques complètes
connues
4
Par ailleurs, la durée moyenne des procédures
dépasse deux ans devant les chambres civiles de la Cour de cassation.
5
Les données relatives aux stocks d'affaires en cours ne
sont pas disponibles pour les tribunaux de commerce.
6
Calculé par différence entre la date de la
condamnation définitive et celle des faits.
7
à laquelle s'ajoute la création de
cinq
emplois de magistrats inspecteurs destinée à renforcer les
effectifs de l'Inspection générale des services judiciaires.
8
La durée moyenne de ces vacances serait de l'ordre de 3
mois dans les cours d'appel et de 5 mois dans les tribunaux de grande
instance.
9
Ceux-ci ne sont compensés dans une juridiction que si le
cumul des fractions d'emplois libérés dans une même
catégorie atteint l'unité.
10
dont le nombre ne peut excéder 80 par mois
dans
la limite de 720 par an.
11
Interrogée par votre rapporteur pour avis sur les
difficultés constatées à l'occasion de l'organisation du
" procès Chalabi ", Mme Elisabeth Guigou, Garde des
Sceaux, reconnaissant que le gymnase de l'Ecole nationale pénitentiaire
n'était sans doute pas un lieu idéal pour l'organisation de ce
procès, a indiqué devant votre commission des Lois qu'elle avait
demandé la réalisation d'une étude sur les
possibilités d'accueillir de tels procès dans le cadre du palais
de justice de Paris.
12
Sauf un en raison d'une opération de relogement.
13
Cf. rapport Sénat n° 486 (1997-1998)
14
Cf. rapport Sénat n° 41 (1998-1999).
15 La poursuite de l'accroissement du nombre des admissions devrait entraîner une hausse mécanique des dépenses évaluée à 150 millions de francs pour 1999.
16
En 1998, le montant total des subventions
allouées aux CDAJ par le ministère de la justice a atteint
2,83 millions de francs.
17
A hauteur de respectivement 1,7 et 5,5 millions de francs.
18 Une provision de 5 millions de francs de crédits de paiement et de 10 millions de francs d'autorisations de programme est inscrite dans le projet de loi de finances pour 1999 à titre d'" accompagnement de la réforme de la carte judiciaire ".
19 Cf. p. 27.