C. LA LUTTE CONTRE L'ALCOOLISME ET LE TABAGISME DEMEURE LE PARENT PAUVRE DU BUDGET DE LA SANTÉ
1. Evolution des crédits
La lutte
contre l'alcoolisme et le tabagisme demeure dotée de crédits
indigents, sans commune mesure avec les conséquences sanitaires et
sociales de ces deux fléaux.
Une fois de plus, il convient de dénoncer que, pour faire meilleure
figure, la nomenclature du budget de la santé ne distingue pas les
crédits de la lutte contre le tabagisme de ceux de la lutte contre
l'alcoolisme.
Les crédits du chapitre 47-17 ("
Programmes et dispositif de
lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme
") s'élèvent,
dans le projet de loi de finances pour 1999, à 90 millions de
francs, en régression apparente de 95 millions de francs par
rapport à la loi de finances pour 1998. Cette régression
résulte de la conjonction de :
- la débudgétisation du financement des "
Centres
d'hygiène alimentaire et d'alcoologie
" (CHAA) désormais
intitulés "
Centres ambulatoires de soins en
alcoologie
" (CASEA), à hauteur de 120 millions de francs.
Cette débudgétisation est la conséquence d'une disposition
de la loi relative à la lutte contre les exclusions, qui a donné
à ces centres le statut d'établissement médico-social, et
surtout d'un article du projet de loi de financement de la
sécurité sociale qui prévoit explicitement que leur
financement sera assuré, non plus par l'Etat, mais par l'assurance
maladie ;
- la décision d'accorder une mesure nouvelle de 25 millions de
francs qui permettra la création de consultations d'alcoologie dans les
centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS).
Sur les 90 millions de francs du chapitre 47-17, 88,5 millions de
francs, selon le ministère, seraient affectés à la lutte
contre l'alcoolisme, et 1,5 million de francs seulement à la lutte
contre le tabagisme.
L'an dernier, votre commission avait évoqué le manque de
transparence des actions menées par le Comité national de lutte
contre le tabagisme (CNCT), qui reçoit l'essentiel des crédits de
la lutte contre le tabagisme ouverts chaque année en loi de finances. Un
rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, en cours
d'année, lui a donné raison. Toutefois, le ministère
semble avoir choisi de ne pas reprendre en main, lui-même, la politique
de lutte contre le tabagisme et de continuer à privilégier la
solution CNCT à condition que cette association accepte de renouveler
ses instances dirigeantes.
La réponse au questionnaire budgétaire de votre commission, cette
année, n'est pas plus détaillée que celles des
années précédentes : il ne fait mention d'aucune
précision, ni de délai, ni de contenu, pour décrire
l'exigence ministérielle :
" Une enquête menée par l'Inspection
générale des affaires sociales a mis en évidence un
certain nombre de dysfonctionnements dans la gestion de cette association. Le
relevé des constatations met l'accent sur les
irrégularités commises par l'ancien directeur. Suite à ces
constats, l'Etat a porté plainte contre le directeur du CNCT. En
revanche, l'intérêt des missions du CNCT et l'efficacité de
son action ne sont pas remis en cause par les inspecteurs de l'Inspection
générale des affaires sociales. Afin de permettre à
l'association de poursuivre son action sur des bases saines, l'association a
été incitée à procéder au renouvellement de
ses instances dirigeantes. Ce n'est qu'à l'issue de cette phase que
seront appréciées l'opportunité et les conditions d'un
soutien financier au CNCT. Les subventions allouées au comité
national contre le tabagisme sont récapitulées dans le tableau
ci-après.
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
CNCT |
1.330.000 |
1.370.000 |
1.410.000 |
1.360.000 +
|
1.600.000 |
Outre
la subvention versée en 1996, le CNCT a reçu en 1996, une
subvention exceptionnelle d'un montant d'un million de francs afin de mettre en
place un site internet d'informations sur le tabac. Les subventions annuelles
attribuées par le ministère de l'emploi et de la
solidarité à l'association servent pour moitié au
financement de l'activité judiciaire de l'association qui veille au
respect et à l'application des lois visant à limiter les
méfaits du tabagisme.
L'autre moitié permet à l'association de veiller au respect de
l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif en ce qui
concerne la signalétique ainsi que par une action d'information et de
formation. Le CNCT apporte aussi une aide à l'arrêt du tabac par
une aide téléphonique non médicalisée et
développe des actions de prévention notamment auprès des
jeunes et des femmes enceintes ".
2. Evolution de la consommation de tabac et d'alcool depuis 1991
a) Evolution de la consommation de tabac
Le
marché global du tabac, tous produits confondus, accuse une diminution
en volume et une hausse en valeur depuis l'entrée en vigueur de la loi
du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et
l'alcoolisme, dite loi " Evin ". L'ensemble du marché du tabac
a ainsi enregistré une diminution de 11,2 %.
Par ailleurs, on constate une modification des habitudes de consommation. Deux
tendances opposées pour la consommation de tabac se dégagent
ainsi : les fumeurs ont tendance globalement à se tourner vers des
produits moins nocifs comme les cigarettes légères, mais qui sont
aussi des produits plus onéreux. Par ailleurs, face aux augmentations
successives des prix du tabac, un certain nombre de fumeurs se tournent vers le
tabac à rouler, au coût moindre, mais dont la nocivité est
plus importante. Ainsi, la consommation de tabac en vrac a augmenté,
notamment chez les jeunes, de 43 % depuis 1991 corrélativement aux
augmentations successives des prix des cigarettes. Cependant, le regain de
faveur constaté pour le tabac à rouler depuis plusieurs
années ne compense pas la désaffection enregistrée sur les
cigarettes.
Les hommes sont toujours plus nombreux à fumer que les femmes (un sur
trois contre une femme sur cinq). Néanmoins, la proportion des fumeurs
est en diminution régulière depuis 15 ans (46 % en 1980,
38 % en 1991, 35 % en 1996) environ alors que pour les femmes, la
proportion de fumeuses croît passant de 17 % en 1980 à
20 % en 1991 et 21 % en 1996.
Si l'on observe la consommation de tabac selon la profession, on constate que,
chez les hommes, les ouvriers sont les plus nombreux à fumer (50 %
contre 44 % chez les employés et 30 % chez les cadres). Chez
les femmes, l'on enregistre les plus forts taux de consommatrices de tabac dans
les professions intermédiaires : seules 25 % des ouvrières
fument contre 31 % des femmes occupant des postes
intermédiaires.
b) Evolution de la consommation d'alcool depuis 1990
Le tableau suivant retrace la diminution globale de la consommation d'alcool depuis 1990 :
|
1990 |
1991 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Vin en litres |
72,7 |
66,8 |
63,5 |
62,5 |
63,5 |
60,0 |
Bière en litre |
41,5 |
40,5 |
40,1 |
40 |
39,1 |
39,6 |
Spiritueux en litres d'alcool pur |
2,49 |
2,49 |
2,49 |
2,49 |
2,52 |
2,43 |
Total en litres d'alcool pur |
12,6 |
11,9 |
11,5 |
11,4 |
11,5 |
11,1 |
Source : Produktschap voor gedistilleerde Dranken, Schiedam, Pays-Bas (1997)