B. L'ÉVOLUTION DES CENTRES D'EXPERTISE ET D'ESSAIS ET DES STRUCTURES INDUSTRIELLES DE LA DGA
La DGA a entrepris une délicate adaptation de ses activités industrielles, d'expertise et d'essais, qui se traduit par une forte déflation des effectifs, et qui est dominée par la question de l'avenir de la Direction des constructions navales (DCN).
1. Les centres d'expertise et d'essais
Depuis
1997, les 23 centres de recherche et d'études, d'évaluation,
d'expertise et d'essais qui dépendaient jusqu'alors de diverses
directions ont été regroupés au sein de la Direction des
centres d'expertise et d'essais, qui constitue désormais, en terme
d'effectifs, la principale direction de la DGA dans sa partie étatique.
Cette nouvelle organisation met en relief la mission assignée aux
centres d'expertise et d'essais, qui est celle de jouer le rôle de
prestataire de service au profit des autres directions de la DGA, mais aussi de
développer une activité commerciale d'expertise auprès de
clients extérieurs.
Par son poids en termes d'effectifs, la Direction des centres d'expertise et
d'essais se situe au coeur de l'effort entrepris par la DGA pour réduire
son coût de fonctionnement.
Dans ce cadre, plusieurs orientations ont été retenues :
- développer la "culture du client", généraliser la
contractualisation et renforcer la présence auprès des services
de programmes de la DGA,
- fournir des prestations globales et développer des pôles
d'excellence,
- élargir la clientèle au delà du ministère de la
Défense afin de mieux rentabiliser les moyens d'essais et de s'exercer
à la concurrence : le "chiffre d'affaires" de diversification devrait
atteindre 200 millions de francs en 1998, l'objectif étant d'atteindre
500 millions de francs en 2000.
L'analyse prévisionnelle de l'activité des centres d'expertise et
d'essais pour la période couverte par la loi de programmation a fait
apparaître une
diminution d'environ 20 % de l'activité pour les
besoins de la défense française
, baisse qui atteindrait 30 %
dans le secteur de l'aéronautique.
La DGA a donc entrepris une
forte réduction des effectifs
de la
direction des centres d'expertise et d'essais qui passeront de 12 200 personnes
début 1997 à 10 400 personnes pour 1998. Cette diminution doit se
poursuivre pour atteindre un niveau de près de 9 000 personnes en 2002.
Cette évolution sera normalement réalisée sans fermeture
de site, compte tenu notamment des investissements qui y ont été
réalisés, à l'exception du centre d'essais en vol de
Brétigny, qui disparaîtra en 1999 et dont les activités
seront répartis dans les centres d'Istres et de Cazaux.
Votre rapporteur avait évoqué l'an passé le
projet de
passage sous compte de commerce
des centres d'expertise et d'essais, la DGA
voyant dans cette formule la possibilité de faciliter l'évolution
de leur mode de gestion vers les pratiques d'entreprises. Les études
relatives à cette modification ont été approfondies, sans
que soit arrêtée pour le moment une décision de principe,
les discussions se poursuivant entre les ministères de la Défense
et de l'Economie et des Finances.
Votre rapporteur rappelle toutefois que les centres d'expertise et d'essais
exercent des activités de prestataires de services, mais aussi des
responsabilités de nature étatique, par les moyens d'expertise
qu'ils mettent à la disposition de la défense.
2. Le service de la maintenance aéronautique
Les
trois ateliers industriels de l'aéronautique de la DGA,
spécialisés dans la maintenance aéronautique militaire,
sont regroupés depuis 1997 au sein du service de la maintenance
aéronautique, directement rattaché au
délégué général pour l'armement.
Ils prennent en charge les activités de maintenance qui ne peuvent
être effectuées au sein des armées elles-mêmes,
à l'exclusion de celles qui en raison de leur complexité sont
directement confiées aux constructeurs.
L'atelier de Bordeaux est spécialisé dans la réparation
des moteurs d'aéronefs, celui de Clermont-Ferrand dans la maintenance et
la réparation d'aéronefs et d'équipements des
armées de l'air et de terre, et celui de Cuers-Pierrefeu, dans la
maintenance et la réparation d'aéronefs et d'équipements
de l'aéronautique navale.
Ces activités sont gérées sous
compte de commerce.
Au cours de l'année 1998, les effectifs des trois ateliers industriels
de l'aéronautique ont été ramenés de 3 600 à
3 434 personnes, dont 1 264 à Clermont-Ferrand (- 59), 1 125 à
Bordeaux (- 65) et 1 045 à Cuers-Pierrefeu (- 42).
Leur plan de charge devrait s'établir, pour 1999, à un niveau
sensiblement identique à celui des deux années
précédentes.
3. La Direction des constructions navales
L'adaptation de la Direction des constructions navales (DCN),
demeure la principale source de difficulté, et d'inquiétude, pour
l'avenir de la DGA. En effet, face à la diminution des commandes
nationales, la pérennité de la DCN passe par un
développement des exportations et de la diversification, qui exige une
réorganisation de ses moyens, un accroissement de sa
compétitivité et une adaptation de son format.
Votre rapporteur souhaite ici rappeler les grands axes de la réforme
engagée voici deux ans et faire le point de leur état
d'avancement.
En ce qui concerne tout d'abord
les structures
, les activités
industrielles ont été nettement séparées, depuis
1997, des activités dites "étatiques" de maîtrise
d'ouvrage, qui relèvent désormais du service des programmes
navals de la DGA. Parallèlement, les quatre centres d'expertise et
d'essais de la DCN ont été rattachés à la Direction
des centres d'expertises et d'essais.
La séparation des activités étatiques et industrielles
s'est traduite par un transfert de personnels jusqu'alors inclus dans le compte
de commerce en zone budgétaire. Ce transfert de la DCN vers les
effectifs budgétaires de la DGA a touché 2 026 personnes en 1998.
Il apparaît toutefois que cette délimitation de
périmètre n'est pas évidente à opérer. Pour
1999, un mouvement en sens inverse concernera 125 emplois d'ingénieurs
et cadres, transférés de la zone budgétaire de la DGA au
compte de commerce de la DCN.
S'agissant de la
réorganisation de la DCN
, les orientations
retenues prévoiront un recentrage sur les métiers
stratégiques, avec en particulier une limitation des activités
d'atelier, et la spécialisation des établissements. L'objectif
est aussi de se doter de
nouveaux modes de gestion
de type entreprise,
permettant de mieux cerner les coûts de fonctionnement et d'introduire
une logique de recherche de résultat et de performance économique
qui fait actuellement défaut.
Cette réorganisation est envisagée sans changement de statut de
la DCN, qui continuerait à être
gérée sous compte
de commerce
.
Le changement de mode de gestion est un impératif majeur et urgent
pour la DCN.
Le système actuel pêche par une totale absence de
visibilité sur les coûts réels d'exécution des
opérations industrielles. La DCN fonctionne sur la base d'un coût
constaté, c'est-à-dire qu'elle facture à la Marine
l'ensemble des coûts de revient d'un programme d'équipement, alors
que dans toute relation contractuelle normale entre un industriel et son
client, le prix est déterminé à l'avance dans un contrat
et doit couvrir à la fois les coûts et la marge du constructeur.
Les défauts du mode de gestion actuel pénalisent
déjà fortement la Marine, qui voit les coûts de ses
bâtiments et des opérations d'entretien alourdis. Ils handicapent
surtout la conquête de marchés à l'exportation.
Deux exemples récents les ont mis particulièrement en
lumière :
- tout d'abord, le déficit considérable enregistré sur le
contrat "Mouette ", passé avec l'Arabie saoudite pour la révision
de quatre frégates Sawari I et de deux pétroliers-ravitailleurs.
Selon l'Inspection générale des finances, le contrat passé
pour 3,1 milliards de F en 1994 avait déjà
généré en février 1998, alors que son
exécution se poursuivra jusqu'en 2000, une perte de 1,2 milliard de F,
imputable, pour la plus large part, à une mauvaise appréciation
des coûts et à l'absence de clause protectrice dans le contrat ;
- ensuite, les écarts importants de devis produits par la DCN et par les
chantiers civils pour la réparation du pétrolier ravitailleur
Var, qui a conduit le ministre de la Défense à confier le
marché à un chantier civil.
Indépendamment des progrès qui pourraient être
effectués dans les pratiques de gestion, dont une partie des faiblesses
est sans doute imputable au statut du service industriel de l'Etat qui reste
celui de la DCN et à la formule du compte de commerce, il n'en reste pas
moins que la DCN est confrontée, de manière immédiate,
à un problème d'
adaptation des effectifs au plan de charge.
Selon les informations fournies à votre rapporteur, le plan de charge
prévisible de la DCN évoluera d'ici 2000 comme l'indique le
tableau ci-dessous.
Evolution du plan de charge de la DCN
(en millions d'heures)
|
1997 |
1998 (estimation) |
1999 (prévision) |
2000 (prévision) |
Etudes et constructions neuves |
9 496 |
6 720 |
4 655 |
4 030 |
Entretien |
8 597 |
6 345 |
6 840 |
6 490 |
Export et divers |
4 042 |
5 755 |
5 505 |
3 860 |
Total |
22 135 |
18 820 |
17 000 |
14 380 |
Face
à ces perspectives très difficiles, la DCN a entrepris une
réduction de ses effectifs, qui sont passés de 21 000 agents
début 1997 à 19 200 début 1998, l'effectif
prévisionnel de la fin 1998 étant de 17 200, soit 2 000
postes de moins qu'en début d'année.
Cette réduction des effectifs a été obtenue par trois
types de mesures :
- le dégagement des cadres applicable aux ouvriers ayant atteint
l'âge de 55 ans (414 départs en 1997),
- les départs volontaires indemnisés (225 départs en 1997),
- les mutations dans les armées et les services communs,
particulièrement la Marine (840 départs en 1997).
Ces mesures sont financées par un fonds d'adaptation industrielle
imputé sur le titre V de la Marine. Elles ont représenté
426 millions de F en 1997 et pourraient atteindre 464 millions de F en 1998 et
600 millions de F en 1999. Elles se décomposent comme suit :
- pensions, allocations différentielles et suppléments de
pensions pour des personnels dégagés des cadres,
- indemnités de départ volontaire, allocations chômage,
indemnités diverses d'aide à la création d'entreprises
pour les personnels ayant opté pour le départ volontaire,
- indemnités de mutation, de déménagement, frais de
formation et dépenses correspondant au maintien de la
rémunération pour les personnels volontaires pour une mutation.
Un décret du 12 mai 1998 est venu élargir la possibilité,
pour les ouvriers, d'un départ anticipé dès 52 ans, sur la
base du volontariat de l'intéressé et de l'accord de la DCN de
manière à veiller aux équilibres garantissant le maintien
des compétences. Pour 1998, il était envisagé environ 800
départs à ce titre.
En ce qui concerne les
mutations vers les armées
, les
candidatures se sont surtout manifestées la première année
et
dès 1998
,
les candidatures se sont taries.
En effet,
aux problèmes géographiques s'ajoutent ceux liés aux
profils des postes proposés par les armées, souvent peu
qualifiés puisque destinés à remplacer des appelés.
Enfin, il est probable que la perspective d'un départ anticipé
dès 52 ans a découragé un certain nombre de candidatures.
Compte tenu de ces éléments,
votre rapporteur doute que les
objectifs de réduction d'effectifs pour 1998 puissent être
atteints.
La DCN aura donc de grandes difficultés à rallier
au plus vite le format qui la rendrait compétitive.
Il est d'autre part peu probable que, malgré certains succès, les
activités à l'exportation
permettent de redresser les
prévisions de charge. En effet, après une année 1997 au
cours de laquelle les prises de commandes à l'exportation ont atteint
7,5 milliards de F (dont le contrat Sawari II avec l'Arabie saoudite, la vente
de sous-marins Scorpène au Chili et un contrat de 14 patrouilleurs pour
la Marine norvégienne), le marché devrait se contracter en 1998.
Quant à la diversification, par exemple dans le domaine des
plates-formes offshore ou des matériaux composites, elle doit être
poursuivie et encouragée mais ne constitue pas pour l'instant un apport
suffisamment significatif.