CHAPITRE IV -
LES AUTRES ACTIONS COMMUNES
I. LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE POUR L'ARMEMENT
Les
crédits relevant de l'agrégat Délégation
générale pour l'armement (DGA) s'élèvent à
18 milliards de francs pour 1999 et constituent donc une part importante du
budget de l'ancienne section commune. La seule approche budgétaire ne
rend cependant que très imparfaitement compte du rôle de la DGA
puisque celui-ci s'étend très au-delà de la gestion des
crédits qui lui sont spécifiquement attribués. La DGA, au
travers des programmes d'armement dont elle suit le déroulement, est en
effet appelée à gérer environ 80 % de l'ensemble des
crédits d'équipement de la Défense.
La profonde réforme engagée depuis 2 ans par la DGA est donc au
coeur d'un enjeu majeur pour notre défense, à savoir la
modernisation des équipements des armées dans le cadre de moyens
budgétaires réduits, grâce à une réduction du
coût des programmes d'armement.
Votre rapporteur évoquera l'état d'avancement de cette
réforme, avant d'analyser les évolutions intervenues dans les
structures industrielles relevant de la DGA ainsi que ses centres d'expertise
et d'essais puis de commenter l'évolution des crédits pour
1999.
A. L'ÉTAT D'AVANCEMENT DE LA RÉFORME DE LA DGA
La réorganisation de la DGA s'est poursuivie en 1998, avec la mise en oeuvre de nouvelles méthodes destinées à réduire le coût des programmes d'armement. Parallèlement, un pas significatif a été franchi au mois de septembre dernier avec la signature de la convention dotant l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement de la personnalité juridique.
1. La poursuite de la réorganisation de la DGA
Après avoir mis en place son nouvel organigramme
défini par le décret du 17 janvier 1997, la DGA a
procédé au cours de l'année 1998 à la mise en place
de nouveaux modes de fonctionnement, de nouvelles orientations ayant
été définies et servant désormais de
référence pour chacun des domaines d'activité de la DGA.
La DGA a également instauré un "partenariat stratégique"
avec les entreprises de défense, chacune des grandes entreprises pouvant
débattre de ses orientations stratégiques et discuter des
orientations en matière de programme et d'études.
Au cours de l'année 1998 ont également été
regroupées sous l'autorité de la DGA l'ensemble des études
amont en vue d'en assurer une meilleure cohérence. Celles-ci seront de
plus en plus orientées par les besoins de préparation des
programmes futurs, tels qu'exprimés dans le plan prospectif à 30
ans élaboré par la DGA, et seront subordonnés à la
définition d'objectifs de gestion et à un contrôle de
gestion de manière à arbitrer au plus tôt, en cas de
restriction des ressources budgétaires, les priorités de
préparation des programmes futurs.
La mise en route de ces nouvelles procédures devrait toutefois se
traduire par un niveau d'engagement d'études amont
particulièrement faible en 1998.
Enfin, la DGA entend veiller à ce que la réduction des
crédits d'études amont dans le nouveau contexte
budgétaire, ne se traduise pas, d'une part, par une trop forte
focalisation sur les études intéressant spécifiquement la
défense au détriment des recherches de
complémentarité avec le secteur civil, et d'autre part par un
abandon du souci du long terme au profit de préoccupations plus
immédiates.
L'année 1999 verra par ailleurs la mise en place des systèmes
d'information supportant les grands modes de fonctionnement de la DGA, en
particulier le système de contrôle des coûts des programmes
et le système unique de gestion budgétaire.
2. La politique de réduction des coûts des programmes d'armement
La DGA a
mis en oeuvre une politique destinée à réduire les
coûts des programmes d'armement qui s'appuie sur la limitation des
besoins en matériels et systèmes au juste nécessaire pour
l'exécution de forces armées, sur l'accroissement de
l'efficacité du processus d'acquisition et de conduite des programmes et
sur l'instauration de nouvelles relations contractuelles avec les industriels.
Parallèlement a été mis en oeuvre depuis 1997 un
contrôle de gestion
fondé sur des objectifs de
réduction de coût assignés à chaque programme. Le
nombre de programmes suivis en contrôle de gestion est passé de 45
au début 1997 à 81 au milieu de cette année.
L'une des illustrations les plus significatives de cette démarche est
l'opération baptisée "Minos" qui a permis d'optimiser les
programmes SNLE-NG et M51, en simplifiant le développement du missile et
en aménageant les calendriers, de sorte à permettre une
économie estimée à 5,5 milliards de francs d'ici 2015.
Parmi les voies explorées pour atteindre les objectifs de
réduction des coûts figurent les
commandes pluriannuelles
globales
qui correspondent à l'option volontaire d'engager
simultanément plusieurs tranches de fabrication d'un matériel de
série en maintenant le calendrier de réalisation et un
échelonnement des paiements. Des diminutions de prix peuvent ainsi
être obtenues en contrepartie de l'engagement à plus long terme
contracté par l'Etat vis-à-vis de l'industriel.
Cinq programmes ont fait l'objet à la fin de l'année 1997 de
commandes globales pour un montant, encore modeste, de 11 milliards de francs :
- le missile de croisière air-sol Apache antipiste (1,6 milliard)
- le missile air-air Mica (1,2 milliard de francs)
- la torpille franco-italienne MU 90 (1,8 milliard de francs)
- le missile de croisière air-sol Scalp EG (4,2 milliards de francs)
- et les moyens de transmission de 18 bases aériennes-MTBA (2,2
milliards de francs).
Ces cinq commandes globales auraient permis d'obtenir une économie de
l'ordre de 10 %.
Au cours de l'année 1998, la
procédure a été
étendue
à la commande de 15 dépanneurs et de
88
chars Leclerc
, au développement du missile PAAMS pour la
frégate Horizon et à deux années du développement
du missile M 51.
Ainsi que l'a confirmé le ministre de la Défense, une
commande
pluriannuelle globale d'avions Rafale
devrait être notifiée en
1999 ; elle concernerait 28 appareils pour un montant global de 10 milliards de
francs.
Une nouvelle extension de la procédure des commandes globales à
d'autres programmes est recherchée ; pourraient être
concernés, la poursuite du développement du M51, le missile
antinavire futur, l'hélicoptère Tigre, la modernisation des
chasseurs de mines tripartites et le développement en coopération
de la frégate antiaérienne Horizon.
La DGA envisage également de développer la
démarche
comparative
, consistant, après analyse des prix pratiqués sur
le marché, à déterminer un coût objectif, puis
à demander au fournisseur de réaliser les équipements dans
la limite de ce coût. Cette démarche a été
décidée pour le programme de nouveaux transports de chalands de
débarquement (NTCD), sur lequel une économie de plus de 600
millions de francs est espérée.
Au total, les objectifs que la DGA s'est fixés paraissent
particulièrement ambitieux, puisqu'ils varient de 10 % pour les
programmes qui sont déjà en phase de production à 30 %
pour ceux qui entrent en phase de faisabilité.
Le délégué général pour l'armement a
récemment précisé que sur les 81 programmes placés
sous contrôle de gestion, qui représentaient en 1996 un total de
crédits restant à engager de 537 milliards de francs, un
objectif d'économies de 100 milliards de francs
(soit 18,6 %)
avait été assigné. Les réductions de coûts
d'ores et déjà obtenues se monteraient à
43,5 milliards
de francs
, pour un objectif de réalisation de 47,6 milliards de
francs à la fin de 1998.
3. Les avancées de la coopération européenne en matière d'armement
Tout en
augmentant de manière significative la part des programmes d'armement
conduits en coopération, essentiellement sur une base bilatérale
avec deux partenaires privilégiés, l'Allemagne et le Royaume-Uni,
la France a joué un rôle moteur dans la création, en
novembre 1996, de l'organisme conjoint de coopération en matière
d'armement (OCCAR), dans lequel elle est désormais associée aux
côtés de l'Allemagne, de l'Italie et du Royaume-Uni.
Durant près de deux ans, la
question de la personnalité
juridique
de l'OCCAR, essentielle car elle conditionne sa capacité
à passer des marchés de manière autonome, a fait l'objet
de tergiversations. Après avoir tenté d'ériger l'OCCAR en
organe subsidiaire de l'UEO, ce qui aurait pu en faire l'embryon d'une agence
européenne de l'armement, mais devant les réticences qu'un tel
projet suscitait, c'est finalement une
convention quadrilatérale
qui a été
signée le 9 septembre 1998
à
Farnborough.
Dotée de la personnalité juridique, l'OCCAR mènera sa
politique d'acquisition selon des règles propres, qui se substitueront
aux réglementations nationales. L'OCCAR ne fonctionnera pas
exclusivement sur la base de l'unanimité des pays membres puisque la
convention a prévu la possibilité de décisions à la
majorité qualifiée tenant compte du poids des différents
Etats au sein de l'organisme.
Les principes d'acquisition sur lesquels les quatre pays se sont
accordés sont notamment la mise en concurrence systématique dans
tous les pays européens, l'extension à la concurrence
extra-européenne en cas de réciprocité effective,
l'abandon de la notion de "juste retour" industriel apprécié
programme par programme au profit d'un "juste retour" globalisé sur
plusieurs programmes et sur plusieurs années.
L'OCCAR ayant pour mission de renforcer l'efficacité de la conduite des
programmes menés en coopération, elle a vocation, dans le futur,
à accueillir un nombre grandissant de ces programmes.
Pour le moment, seuls ont été intégrés les
programmes franco-allemands suivants : les missiles Milan, Hot, Roland et
l'hélicoptère Tigre. Sont en cours d'intégration : la
famille de missiles surface-air futurs (FSAF), le radar de contrebatterie
Cobra, le missile antichar de troisième génération
à moyenne portée (AC3G-MP) et le canon automoteur germano-italien
PZH2000. La réflexion se poursuit sur d'autre programmes, en particulier
la frégate antiaérienne Horizon et le système Paams.
L'OCCAR dispose déjà d'une structure réduite (30 personnes
fin 1998) installée à Bonn et dirigée par un
Français. Avec les directions de programmes qui lui sont
rattachées, l'OCCAR dispose aujourd'hui d'un effectif de 120 personnes.