C. PARLEMENT ET RENSEIGNEMENT : UNE INDISPENSABLE ÉVOLUTION
Le souci
de mieux impliquer le Parlement dans le domaine du renseignement est une
préoccupation ancienne de votre commission des affaires
étrangères et de la défense.
Dès 1995, votre rapporteur avait évoqué
l'éventualité de la création d'une
représentation restreinte associant députés et
sénateurs,
tant de la majorité que de l'opposition, qui
serait
habilitée à connaître d'un certain nombre
d'informations touchant au domaine du renseignement
tout en s'engageant
bien entendu à la discrétion indispensable (cf avis n° 80,
tome IV - 1995-1996 pages 81, 82 et 98).
Cette suggestion n'était en rien motivée par une quelconque
volonté inquisitrice ou par le souci de satisfaire une curiosité
qui serait malvenue compte tenu des exigences de confidentialité, de
discrétion et de secret indispensables à l'efficacité de
l'action des services du renseignement et à la protection de leurs
personnels.
Elle répondait au contraire au besoin de
conforter une
activité reconnue à juste titre comme prioritaire
en
évitant que par indifférence, méconnaissance ou
méfiance, un fossé ne s'établisse entre la
communauté nationale et les services de renseignement et en permettant
à la fois une meilleure prise en compte du rôle du renseignement
et l'instauration d'un climat de confiance à l'égard de services
essentiels pour la sécurité nationale.
Au cours de ses précédents rapports, votre rapporteur avait
présenté différentes expériences
étrangères, en particulier celles des Etats-Unis, du Royaume-Uni,
de l'Allemagne ou de l'Italie.
Il a constaté par ailleurs qu'à deux reprises, à
Saint-Mandrier le 3 avril dernier puis à l'IHEDN le 3 septembre, le
Premier ministre a manifesté son souci d'un renforcement de
l'information du Parlement sur la politique du renseignement et que des
réflexions ont été menées au sein de la commission
de la défense de l'Assemblée nationale sur le même sujet.
Il apparaît d'ores et déjà qu'un organisme parlementaire
compétent dans le domaine du renseignement peut difficilement être
créé sans que s'établisse le consensus le plus large
possible au sein du Parlement d'une part, et entre le Parlement et
l'exécutif d'autre part.
Sans anticiper sur le débat qui pourrait s'engager sur une telle
création, votre rapporteur tient à préciser
les grandes
lignes qui,
à son sens et en l'état actuel de sa
réflexion,
pourraient inspirer une éventuelle future structure
parlementaire pour les questions de renseignement.
Il tient une fois encore à souligner combien, sur ce sujet par nature
très délicat, une vision prudente et pragmatique s'impose.
Premièrement, afin de respecter les impératifs de
confidentialité et d'efficacité et de permettre un réel
climat de confiance, il lui semble que
cette structure devrait
, en tout
état de cause,
conserver une dimension très restreinte.
Un
effectif de quelques parlementaires, aussi réduit que possible -par
exemple trois députés et trois sénateurs- pourrait
être de nature à permettre un climat de confiance entre
parlementaires et responsables du renseignement
tout en assurant, ce qui
est tout aussi nécessaire, une représentation de la
majorité comme de l'opposition.
Deuxièmement, cette structure devrait être habilitée
à entendre les responsables des services et à recevoir des
rapports périodiques sur leurs activités mais cet
accès
à des informations secrètes devrait avoir pour contrepartie un
respect absolu de la confidentialité,
ce qui s'oppose en particulier
à la diffusion dans des rapports publics d'informations confidentielles
dont elle aurait eu connaissance.
Troisièmement, les
attributions
de la structure parlementaire
devraient être
clairement délimitées,
par une
définition précise des informations qu'elle peut obtenir, et ce
de manière à éviter que le légitime souci
d'information ne dérive vers un contrôle détaillé
des activités, qui ne pourrait qu'affaiblir l'efficacité des
services. A cet égard, il est nécessaire de préserver les
informations liées au déroulement d'opérations
secrètes des services du renseignement.
Quatrièmement enfin, cette structure devrait, en toute logique, couvrir
un
champ interministériel
comprenant les différents
services qui concourent au renseignement, même s'ils ne relèvent
pas du ministère de la défense.