B. LES CRÉDITS DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE DANS LE PROJET DE BUDGET POUR 1999
Avec 16,6 milliards de francs , les crédits consacrés au nucléaire par le projet de budget pour 1999 se situent à un niveau quasiment inchangé par rapport à 1998, et à environ 2 milliards de francs en dessous du niveau initialement prévu par la loi de programmation .
1. L'évolution générale : un niveau historiquement bas
L'an
passé, votre rapporteur avait souligné le niveau
exceptionnellement bas des crédits consacrés au nucléaire
par le budget 1998. En effet, la décrue des crédits du
nucléaire, prévue par la loi de programmation, avait
été brutalement accélérée sous l'effet de
"l'encoche", si bien qu'en francs constants, votre rapporteur avait
remarqué que
l'enveloppe destinée au nucléaire avait
été divisée par deux en 6 ans
.
Le budget pour 1999 confirme cette tendance puisque les crédits de
paiement du nucléaire se montent à
16,624 milliards de
francs
-contre 16,626 milliards de francs en 1998- cette quasi
stabilité traduisant une diminution en francs constants.
Quand aux
autorisations de programme,
elles enregistrent une
nouvelle
diminution spectaculaire puisqu'elles
passent de 20,1 milliards de
francs en 1997 à 16,5 milliards de francs en 1998 (- 18 %) et
13,3 milliards de francs pour 1999 (- 19,2 %).
Votre rapporteur souhaiterait analyser ces chiffres, en les rapprochant d'une
part des prévisions de la loi de programmation et en les
replaçant d'autre part dans une évolution sur la dernière
dizaine d'années.
Crédits prévus par la loi de programmation
1997-2002
et crédits inscrits en loi de finances
initiale
(montants exprimés en millions de F 1999)
|
1997 |
1998 |
1999 |
Crédits nucléaires
|
19 286 |
19 013 |
18 683 |
Nucléaire/ T V et VI Loi de programmation |
21,4 % |
21,1 % |
20,7 % |
Crédits nucléaires LFI |
19 286 |
16 715 |
16 624 |
Nucléaires/TV et VI LFI |
21,6 % |
20,5 % |
19,3 % |
Le tableau ci-dessus, exprimé en francs constants 1999 afin de permettre des comparaisons pertinentes, illustre le net décrochage opéré à partir de 1998 sur les crédits du nucléaire au regard de la loi de programmation. Ce décrochage est double : en valeur absolue, il représente au bout de 3 années d'application de la loi un "manque à gagner" de 4,3 milliards de francs, et en valeur relative, il signifie que sur un titre V réduit par rapport aux prévisions initiales, le nucléaire diminue plus rapidement que prévu, ce qui revient à dire que le nucléaire a plus que les autres domaines contribué aux réductions de crédits d'équipement en 1998 et 1999.
Évolution des dotations consacrées au nucléaire depuis 1988 dans les lois de finances initiales (en millions de francs courants)
|
Autorisations de programme |
% du titre V |
Crédits de paiement |
% du titre V |
1988 |
30 350 |
28,7 |
30 546 |
33,6 |
1989 |
33 122 |
29,6 |
31 528 |
32,2 |
1990 |
31 320 |
27,0 |
32 089 |
31,4 |
1991 |
31 333 |
27,0 |
31 066 |
30,1 |
1992 |
26 186 |
25,5 |
29 896 |
29,0 |
1993 |
21 824 |
21,2 |
26 447 |
25,7 |
1994 |
20 502 |
22,0 |
21 677 |
22,8 |
1995 |
19 464 |
20,5 |
20 745 |
21,9 |
1996 |
18 479 |
20,8 |
19 452 |
21,9 |
1997 |
20 116 |
22,7 |
19 149 |
21,6 |
1998 |
16 508 |
20,4 |
16 628 |
20,5 |
1999 |
13 336 |
15,5 |
16 624 |
19,3 |
Le tableau ci-dessus illustre pour sa part la décrue très rapide des crédits du nucléaire au cours des 10 dernières années. Il est exprimé en francs courants, mais si l'on tient compte de l'érosion monétaire, c'est-à-dire si l'on raisonne en francs constants, on constate que les crédits de paiement inscrits dans les lois de finances initiales de 1998 et 1999 sont inférieurs de moitié à ceux de 1992. Quant aux autorisations de programme, elles enregistrent coup sur coup en 1998 et 1999 une forte diminution. En francs constants, les autorisations de programme de 1998 ne représentaient que 42 % de celles de 1990. Celles prévues par le projet de budget pour 1999 s'établiront à 32 % seulement du niveau de 1990.
2. Les crédits de la direction des applications militaires du CEA
Les
crédits transférés au Commissariat à l'Energie
Atomique couvrent la réalisation de trois missions
exécutées au profit de la Défense :
-
la conception, la fabrication et la maintenance des armes,
qui
constituent l'essentiel de l'activité militaire du CEA et comportent la
production de la tête nucléaire TN75 équipant les SNLE-NG,
le maintien en condition opérationnelle des têtes équipant
la FOST et la composante aéroportée, le retrait des têtes
de la composante sol-sol et des TN71 des SNLE de génération
actuelle, le développement des futures têtes nucléaires
océanique et aéroportée et enfin le développement
de la simulation et des grands équipements associés (laser
mégajoule, machine radiographique AIRIX),
- la
fourniture de matières
et surtout l'assainissement et le
démantèlement des anciennes usines de production de
matières fissiles de Marcoule et Pierrelatte.
- la mise au point des
systèmes de propulsion nucléaire
équipant les sous-marins et le porte-avions nucléaires.
Globalement, les crédits transférés au CEA en 1999
s'élèveront à 7,4 milliards de francs, mais seuls les
crédits affectés aux missions "armes" et "matières" sont
gérés par la Direction des applications militaires (DAM), dont le
budget avoisinera 6,2 milliards de francs, soit 5 % de plus que le budget
voté de 1998 mais environ 400 millions de moins que le niveau
fixé par la loi de programmation.
On rappellera qu'en 1998, "l'encoche" avait conduit à amputer de 600
millions de francs le budget de la DAM.
La "revue de programmes" a dégagé
près de 1,4 milliard
de francs d'économies supplémentaires
sur la période
1999-2002, dont plus de 700 millions de francs sur les crédits
d'études-amont, 400 millions de francs sur le
démantèlement de l'usine de Pierrelatte, près de 150
millions de francs sur le fonctionnement et 100 millions de francs sur le
maintien en condition opérationnelle des TN71. Pour 1999, ces
décisions représentent des économies de l'ordre de 300
millions de francs et c'est donc une réduction supplémentaire de
100 millions de francs qui a été imposée à la DAM.
La "revue de programmes" n'a pas provoqué de révision des moyens
prévus pour la réalisation des grands programmes sur lesquels
cependant il ne restera guère de marge de manoeuvre :
- le
programme de simulation
et l'ensemble des investissements
associés ont fait l'objet d'un examen approfondi qui a conclu à
la poursuite des projets en cours
, sans modification du
périmètre financier,
- la
réalisation de la TN75
se poursuivra dans les conditions
prévues,
- enfin, les opérations d'assainissement de l'usine de production de
plutonium de Marcoule sont préservées compte tenu des
impératifs de sécurité.
En revanche,
les abattements de crédits touchent toutes les autres
activités
, en particulier le démantèlement de l'usine
de production d'uranium de Pierrelatte, qui sera fortement ralenti et ne
s'achèvera au mieux qu'en 2007, au lieu de 2004, ainsi que les
développements technologiques.
Par ailleurs, la restructuration de la DAM est en voie d'achèvement.
Elle s'est traduite par la fermeture des sites de Montlhéry et de
Vaujours, alors que celui de Limeil-Valenton sera supprimé fin 1999.
Parallèlement, les effectifs ont été ramenés de 5
666 fin 1995 à 4 843 fin 1998, l'objectif étant de les stabiliser
à 4 500 agents à l'horizon 2000.
Ce recentrage sur les sites principaux (Bruyères le Chatel, Valduc, Le
Ripault et Le Barp) permettra de diminuer notablement les charges fixes de la
DAM et la restructuration a déjà permis une économie de
200 millions de francs en 1998, qui atteindra 350 millions de francs par an
à partir de 2000.
Votre rapporteur souhaiterait de nouveau attirer l'attention cette année
sur la part élevée (environ 50 %) des dépenses de
personnel et de fonctionnement dans le budget de la DAM, dépenses qui
correspondent à la mission qu'elle remplit pour le compte de l'Etat dans
le domaine nucléaire. Il est à cet égard
anormal que
l'ensemble du budget de la DAM soit inscrit au titre V
, à l'image
des dépenses réglées aux industriels fournisseurs,
et
ne comporte aucun crédit au titre III
, comme cela est fait pour le
CEA dans le domaine de la recherche civile. Le mode actuel de financement de la
DAM la rend en effet particulièrement sensible aux aléas qui
affectent les crédits d'équipement de la défense alors que
les missions que lui a assignées l'Etat exigent une grande
continuité dans le temps.
3. Les crédits de la FOST et de la composante aéroportée
Les
crédits affectés à la
Force océanique
stratégique
, qui relèvent de la Marine,
s'élèveront à
4,127 milliards de francs
pour 1999,
soit une diminution de 2,5 % et seront principalement consacrés à
la poursuite du programme de construction des SNLE-NG, qui absorbera 2,2
milliards de francs de crédits de paiement en 1999. Les crédits
d'entretien programmé du matériel de la FOST seront identiques
à ceux de 1998, à savoir 1,2 milliard de francs.
Les décisions prises dans le cadre de la "revue de programmes"
aboutissent à une économie globale de près de
650 millions de francs sur les crédits de la FOST de 1999 à
2002. Ces économies produiront peu d'effet dès 1999 (moins de 200
millions de francs) et joueront à plein en 2000 et 2001, alors
qu'à partir de 2002 réapparaîtront les charges relatives
à la construction du Vigilant, qui n'ont été
décalées dans le temps.
Les crédits relevant de l'
Armée de l'Air
et
consacrés au nucléaire se monteront à 823 millions de
francs en 1999, contre 733 millions de francs en 1998. Ces crédits sont
essentiellement consacrés à la maintenance et à
l'adaptation des appareils de la force aérienne stratégique et de
leurs systèmes de transmission, en particulier les Mirage 2000-N. Le
retrait anticipé du système de transmission ASTARTE ne
générera d'économies qu'en 2001.
En ce qui concerne
les systèmes d'armes
(hors têtes
nucléaires), les crédits prévus en 1999 au titre du
missile M 45 s'élèvent à 310 millions de francs alors
qu'une dotation de 1,45 milliard de francs est prévue pour le
développement du M 51 et un crédit de 391 millions de francs pour
l'ASMP amélioré et l'opération VESPA.
Les
crédits d'études-amont de la DGA
consacrés au
nucléaire s'élèvent pour leur part à près de
360 millions de francs, soit
100 millions de francs de moins que le
niveau attendu
, la "revue de programmes" ayant conclu sur ce chapitre
à une
réduction de 20 %
qui permettra de
réaliser plus de 340 millions de francs d'économies de 1999
à 2002.