III. LES CRÉDITS DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE
Pour
mener à bien les objectifs assignés à notre dissuasion
nucléaire -la modernisation et le renouvellement des deux composantes et
la mise en oeuvre de la simulation- la loi de programmation avait défini
un niveau de ressources légèrement décroissant sur la
durée de la période.
Or
dès la deuxième annuité
, c'est-à-dire en
1998,
les crédits de
la dissuasion ont atteint un niveau
inférieur à celui qui avait été fixé pour
2002.
Le nucléaire a en effet constitué l'une des sources
privilégiées des réductions opérées en 1998
dans le cadre de "l'encoche", puis à partir de 1999 dans celui de la
"revue de programmes".
Les abattements très importants opérés sur les
crédits du nucléaire n'ont pas remis en cause les axes
fondamentaux du programme nucléaire militaire. Ils ont toutefois conduit
ces crédits à leur niveau historiquement le plus bas,
réduisant les marges de manoeuvres et imposant des économies
drastiques sur les dépenses non liées aux programmes
majeurs.
A. UNE FORTE RÉVISION À LA BAISSE DES CRÉDITS PRÉVUS PAR LA PROGRAMMATION
Alors que "l'encoche" de 1998 représentait une réduction de 2,3 milliards de francs par rapport à la loi de programmation, la "revue de programmes" a dégagé 3,4 milliards de francs d'économies supplémentaires sur la période 1999-2002.
1. Une "encoche" de 2,3 milliards de francs sur les crédits de la dissuasion nucléaire en 1998
Au cours
de l'exercice 1998, le nucléaire a contribué pour plus du quart
à "l'encoche" opérée dans les crédits de la
Défense. Alors que la dotation prévue par la loi de programmation
s'élevait à 18,9 milliards de francs, les crédits
inscrits en loi de finances initiale se limitaient à 16,6 milliards
de francs. Les crédits du nucléaire ne représentaient plus
que 20,5 % d'un titre V réduit, alors qu'il devait, selon la loi se
situer à 21,1 %.
Cet abattement avait entraîné les conséquences suivantes :
- pour la FOST, le décalage d'un an du 3e SNLE-NG, l'étalement de
l'adaptation opérationnelle des SNLE de génération
actuelle ainsi qu'une réduction des travaux et rechanges, un moratoire
d'un an sur le programme d'adaptation des SNLE-NG au missile M 51 et sur le
développement du missile lui-même,
- pour la direction des applications nucléaires du CEA, le
ralentissement des opérations de démantèlement de l'usine
de production d'uranium enrichi de Pierrelatte et de la
récupération des matières nucléaires, la
réduction des programmes de recherche-amont et des programmes de
simulation effectués avec les matériels actuels, ainsi que le
décalage d'un certain nombre d'expérimentations
(non-nucléaires) liées à la mise au point des charges de
renouvellement.
Tout en reconnaissant que ces économies ne remettaient pas en cause les
grandes orientations du programme nucléaire militaire et la
réalisation de ses objectifs aux échéances prévues,
votre rapporteur avait souligné l'an passé qu'elles
entraînaient des conséquences non négligeables sur le
déroulement des programmes et que pour une partie d'entre elles, elles
ne faisaient que repousser dans le temps des dépenses
inéluctables.
2. Les économies supplémentaires décidées à l'issue de la "revue de programmes".
La
décision a été prise, après la "revue de
programmes", d'une
réduction de crédits
supplémentaire
représentant pour les quatre annuités
restant à courir de la loi de programmation, c'est-à-dire de 1999
à 2002, une
économie globale de 3,4 milliards de
francs
. Cet abattement représente près de 5 % de
l'enveloppe prévue en programmation pour ces quatre annuités, ce
qui ajouté à "l'encoche" pratiquée en 1998 aboutirait
à réduire de 5 % par rapport à la loi sur l'ensemble
de la période 1997-2002, les crédits consacrés au
nucléaire.
L'essentiel des économies sera obtenu par une
optimisation des
programmes SNLE-NG et M 51
, dont les calendriers ont été
aménagés de manière à se rejoindre en 2008, le 4e
SNLE-NG étant directement équipé du M 51, soit deux ans
avant la date prévue.
S'agissant de la FOST, les décisions prises sont les suivantes :
- décalage supplémentaire de 6 mois, jusqu'à
l'été 2004, de l'admission au service actif du 3e SNLE-NG Le
Vigilant,
- décalage d'un an, jusqu'à l'été 2008, de
l'admission du 4e SNLE-NG,
- modification du calendrier de retrait du service actif des SNLE de
génération actuelle, le Tonnant étant retiré
dès 1999 de manière à éviter son grand
carénage qui était prévu en 2000 et anticipation d'une
année, à l'été 2006, du retrait de l'Inflexible.
En ce qui concerne le
programme M 51, la livraison sera anticipée de
2 ans, en 2008 au lieu de 2010
, de manière à équiper
directement le 4e SNLE-NG. La simplification des différentes
étapes de développement et d'industrialisation du M 51
permettra de tenir cette échéance tout en réduisant les
coûts, par exemple en supprimant les essais au sol et en procédant
directement aux essais sous-marins.
L'anticipation de la livraison du M 51 induira plusieurs types
d'économies :
- le programme d'adaptation des SNLE-NG au M 51 se limitera à 3
bâtiments et non à 4, puisque le 4e sous-marin recevra directement
le M 51,
- le retrait deux ans avant l'échéance normale des missiles M 45
et de la TN 71 permettra également d'importants gains financiers, par
exemple en évitant le remplacement pour cause de vieillissement des
propulseurs à poudre d'une partie des missiles.
Au total, la DGA considère que l'économie réalisée
sur la composante océanique de la dissuasion se montera, d'ici 2015,
à 5,5 milliards de francs se décomposant comme suit :
- 2,4 milliards de francs liés à la simplification du
développement et de l'industrialisation du M 51,
- 1,2 milliard de francs sur la construction du 4e SNLE-NG, 1,5 milliards
de francs étant obtenu grâce à l'abandon du programme
d'adaptation au M 51 alors que parallèlement le coût de
construction sera majoré de 300 millions de francs,
- 1,9 milliard de francs obtenu par le retrait anticipé de missiles M 45
et de la TN 71.
Votre rapporteur considère que cet ensemble de décisions
s'inscrit dans une démarche cohérente qui devenait non seulement
possible mais également nécessaire, du fait des décalages
successifs imposés au programme SNLE-NG, qui se trouvait de la sorte
"rattrapé" par le programme M 51. Les conséquences sur les
capacités de notre dissuasion peuvent en outre être
considérés comme positives puisque la FOST sera plus rapidement
dotée du M 51, plus performant que le M 45.
Moins satisfaisantes apparaissent en revanche d'autres décisions
arrêtées dans le cadre de la "revue de programmes". Votre
rapporteur ne vise pas ici les économies de crédits d'entretien
permises par le retrait anticipé du système de transmission
ASTARTE, qui, selon le ministère de la Défense, sera
"rendu
possible par la qualité de l'avancement technique de son successeur
SYDEREC"
(Système de dernier recours destiné à
acheminer les communications nucléaires essentielles). Il
s'inquiète en revanche de la
réduction supplémentaire
imposée aux crédits de maintien en condition
opérationnelle
et surtout une
diminution de 20 % des
crédits d'études amont
consacrées à la
dissuasion.