II. UN IMPÉRATIF : RENFORCER LE SOUTIEN À L'INNOVATION
Le
décalage entre la position satisfaisante de la recherche fondamentale
française et la faiblesse de notre position technologique est
désormais une situation unanimement reconnue.
Ce déséquilibre a été à nouveau
souligné par les études réalisées par
l'Observatoire des sciences et des techniques à la fin de l'année
1997. En effet, si la production scientifique française connaît
une évolution favorable, notamment dans des disciplines comme les
mathématiques, la biologie fondamentale ou encore la physique et la
chimie, la position technologique de la France continue à se
dégrader. Ainsi, entre 1987 et 1996, en dépit d'une augmentation
des dépenses de recherche et développement, la part de la France
a fortement diminué dans le système du brevet européen
passant de 8,5 % à 7 %, cette régression s'observant
également dans le système du brevet américain où la
part de la France passe, sur la même période, de 3,8 %
à 3,1 %.
La France n'utilise pas son potentiel de recherche pour dynamiser le tissu
économique et créer de nouvelles entreprises.
Si l'on veut citer des exemples français de ces " poules aux
oeufs d'or " de l'économie que sont les entreprises à
croissance rapide, on est vite limité à quelques
sociétés, alors qu'aux Etats-Unis elles se comptent par centaines
dans le seul état de Californie.
Or, l'innovation technologique constitue la condition déterminante de la
croissance économique.
Dans un contexte de mondialisation croissante, une forte
réactivité est désormais exigée des entreprises
face à l'accélération de la mise sur le marché de
produits nouveaux.
L'appropriation rapide de l'innovation est la seule
solution pour assurer la rentabilité des entreprises et la
compétitivité de notre économie nationale
.
Votre rapporteur ne peut donc qu'approuver les propos tenus par le Premier
ministre lors des assises de l'innovation qui se sont tenues à la
Villette le 12 mai dernier : "
La croissance est aujourd'hui
tirée par les secteurs des technologies modernes et des nouveaux
services, elle le sera encore plus demain. Toute nation soucieuse de son avenir
se doit d'être présente et ambitieuse sur ces secteurs. Faire en
sorte que par l'innovation, l'investissement et la création de nouvelles
entreprises, le retour à la croissance qui se fait sentir soit durable :
tel est notre objectif.
"
En effet, ces orientations ne font que confirmer celles
préconisées sans relâche par votre rapporteur depuis treize
ans. Le soutien à l'innovation constitue un impératif.
L'intérêt des investisseurs pour notre territoire et la
qualité de notre recherche fondamentale montrent que notre
économie dispose d'un fort potentiel en matière d'innovation.
Pour en tirer partie, l'effort doit s'orienter dans trois directions :
- réorienter le financement public de la recherche vers les PME-PMI
;
- simplifier le dispositif de transfert et de diffusion de la
technologie ;
- créer des conditions financières et fiscales favorables au
développement des entreprises innovantes.
A. RÉORIENTER LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DE RECHERCHE EN FAVEUR DE L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE
1. Un financement public peu adapté
a) Un financement public trop concentré
L'effort
global de recherche et développement français qui
représente 2,32 % du PIB s'inscrit dans la moyenne des pays
industrialisés.
Néanmoins, le système français se distingue par
l'importance de son financement public, comme en témoigne le tableau
ci-dessous.
ANALYSE DES DÉPENSES INTÉRIEURES DE RECHERCHE
ET DE
DÉVELOPPEMENT
EN 1996
en %
|
DIRD/PIB |
Part de
la DIRD financée par :
|
Part de la DIRD exécutée par : (en 1996) |
||||||
|
1991 |
1994 |
1995 |
1996 |
Entreprises |
Adminis-trations |
Étranger |
Entreprises |
Adminis-trations |
États-Unis |
2,81 |
2,52 |
2,61 |
2,62 |
62,5 |
37,5 |
|
73,2 |
26,8 |
Japon (1) |
2,82 |
2,63 |
2,77 |
n.c. |
72,3 |
27,6 |
0,1 |
70,3 |
29,7 |
Allemagne |
2,61 |
2,32 |
2,3 |
2,28 |
60,8 |
37,3 |
1,9 |
66,3 |
33,7 |
France |
2,41 |
2,38 |
2,34 |
2,32 |
48,2 |
43,4 |
8,4 |
61,5 |
38,5 |
Sources : OCDE/MENRT
(1) L'OCDE a ajusté les séries du Japon pour les rendre
comparables à celles des autres pays ; dernière année
disponible : 1995
Ces financements publics ne privilégient pas la diffusion de
l'innovation technologique dans l'ensemble du tissu industriel.
Les études réalisées en 1998 par l'Observatoire des
sciences et des techniques soulignent, en effet, qu'en 1994 les grands groupes
liés à la Défense et leurs filiales
bénéficiaient de 98 % des crédits militaires, de
86,3 % des contrats des grands programmes civils et du quart des
crédits incitatifs. Ces chiffres témoignent donc de la permanence
du modèle français de développement scientifique,
technologique et industriel, caractérisé par l'importance des
grands programmes militaires ou civil mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et
visant à satisfaire des besoins éloignés de ceux du
marché.
b) L'absence d'approche duale
A la différence des États-Unis et de la Grande-Bretagne, les liens entre les recherches militaires et les avancées technologiques civiles ont été insuffisamment développés. Cela est d'autant plus regrettable que les secteurs susceptibles de bénéficier d'une approche duale sont ceux qui sont le plus susceptibles de connaître une croissance rapide au cours des années à venir, qu'il s'agisse de l'électronique, de l'informatique, des télécommunications ou des techniques spatiales.
2. Un financement de la recherche qui ne profite qu'insuffisamment aux petites et moyennes entreprises
Résultat de la concentration des financements sur de
grands
programmes civils et militaires stratégiques, les
petites et moyennes
entreprises sont écartées des procédures de soutien public
à l'effort de recherche et de développement
.
Cette situation dont votre rapporteur ne cesse depuis plusieurs années
de souligner les inconvénients a été à nouveau mise
en lumière par les études statistiques réalisées
à l'occasion de la mission confiée à M. Henri Guillaume.
RÉPARTITION DU FINANCEMENT PUBLIC PAR TAILLE D'ENTREPRISE EN 1995
|
Dépenses de recherche (en MdsF) |
Financement public (en MdsF) |
Taux d'aide moyen estimé (en %) |
Grandes entreprises
|
64, 2 |
11,8 |
18,4 |
dont filiales groupes |
61,6 |
11,8 |
19,1 |
Autres |
2,6 |
0,02 |
0,6 |
Entreprises moyennes
|
32,5 |
2,5 |
7,7 |
dont filiales groupes |
24,3 |
2,0 |
8,4 |
Autres |
8,2 |
0,5 |
5,5 |
Petites entreprises
|
12,6 |
1,1 |
8,8 |
dont filiales groupes |
4,5 |
0,5 |
10,1 |
Autres |
8,1 |
0,7 |
8,1 |
Total |
109,2 |
15,4 |
14,1 |
dont filiales groupes |
90,4 |
14,3 |
15,8 |
Autres |
18,8 |
1,1 |
6,0 |
Source : Enquête recherche MENRT, Financement
communautaire, de l'ESA et du CIR exclus
Le tableau ci-dessus
1(
*
)
fait
apparaître que les entreprises moyennes et les petites entreprises
bénéficient de taux de financement public de leurs
dépenses de recherche très inférieurs à la moyenne
qui s'établit à 14,1 % (soit respectivement 7,7 % et
8,8 %). Par ailleurs, on observe que ces taux sont encore
inférieurs pour les entreprises indépendantes des grands groupes
industriels.
Les résultats des enquêtes réalisées à partir
de l'examen des crédits incitatifs du ministère de
l'économie et des finances, du ministère de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie et de l'ANVAR corroborent ce
constat.
Cette spécificité française se trouve accentuée
par les modalités d'attribution des crédits communautaires
.
En effet, votre rapporteur le soulignait déjà l'an dernier, les
fonds communautaires profitent pour l'essentiel à des grandes
entreprises. Cette situation résulte à l'évidence des
procédures d'appel d'offre suivies par la Commission européenne,
ces entreprises étant les seules à pouvoir constituer des
dossiers susceptibles d'être retenus dans les délais souvent
très courts qu'elles imposent. Par ailleurs, la définition de
grands programmes au sein du PCRD
2(
*
)
privilégie la logique des
grands groupes plus que celle des PME-PMI, qui trouvent mieux leur place dans
des actions comme Eurêka, où la sélection des programmes se
fait non pas par appels d'offre mais sur les dossiers proposés
directement par les entreprises ou les centres de recherche.
C'est la raison pour laquelle votre rapporteur se félicite de la saisine
par le Bureau du Sénat sur proposition du président du groupe du
RDSE et par plusieurs commissions permanentes du Sénat de l'office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
d'une demande d'étude comparative des procédures Eurêka et
des procédures de la Commission européenne.
Moins enclines à raisonner selon la logique de la commande publique,
les petites et moyennes entreprises sont pourtant plus que les grands groupes
susceptibles de s'adapter à l'évolution du marché
.
Rappelons que les entreprises moyennes (entre 200 et 2 000
salariés) représentent le quart des emplois industriels
français. Enfin, elles jouent un rôle déterminant dans
l'animation des économies régionales, contribuant ainsi à
une politique dynamique d'aménagement du territoire.
3. Augmenter les moyens du Fonds de la recherche et de la technologie
Le Fonds
de la recherche et de la technologie (FRT), dont les crédits sont
inscrits au chapitre 66-04 du fascicule recherche et technologie, regroupe des
crédits incitatifs destinés au soutien de la recherche
technologique de base menée par les entreprises industrielles en liaison
avec les laboratoires publics. Sa vocation est donc de servir de catalyseur
entre la recherche fondamentale, la recherche en matière de technologies
génériques et la recherche industrielle finalisée.
Le fonctionnement de ce Fonds n'a pas jusqu'à présent permis
à cet instrument de remplir le rôle qui lui incombait.
En premier lieu, le FRT a subi les conséquences d'une gestion
budgétaire qui s'est traduite par un déséquilibre des
autorisations de programme et des crédits de paiement et par
l'accumulation d'un endettement du FRT auprès des organismes de
recherche et des entreprises qui a nui à son image.
Par ailleurs, les crédits du FRT semblent notoirement
sous-évalués au regard de la mission de soutien à
l'innovation technologique que le ministère de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie lui a assignée.
En effet, l'essentiel des crédits du FRT sont destinés à
financer la participation du ministère de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie à des programmes
interministériels. Le financement de ces programmes représentait,
en 1998, 56 % des autorisations de programme. Il se répartissait en
1998 entre les principaux programmes suivants :
- REACTIF (programme de recherche en entreprise des applications de la chimie
aux techniques industrielles futures, lancé en 1996 pour une
durée de 5 ans) pour 43 millions de francs ;
- PREDIT (programme de recherche dans le domaine des transports terrestres),
lancé en 1995 pour 70 millions de francs ;
- le projet relatif aux biotechnologies en faveur de l'environnement, de la
santé et de l'agro-alimentaire, lancé en 1996 pour 10 millions de
francs ;
- les projets du réseau national de recherche en
télécommunications arrêtés par le conseil des
ministres du 14 mai 1997 pour 60 millions de francs.
Compte tenu de l'importance de ces programmes, les autres actions du FRT sont
réduites à la portion congrue. Cela a été le cas en
particulier des financements destinés aux projets de
la
procédure Eurêka dont les crédits n'ont cessé au
cours des dernières années de diminuer alors que son
efficacité comme dispositif de soutien à l'innovation
technologique est unanimement reconnue
. A ce titre, votre rapporteur se
félicite que la contribution du FRT à cette procédure soit
significativement accrue en 1999 en étant portée à
80 millions de francs, contre 40 millions de francs en 1998
3(
*
)
.
Il est donc essentiel que l'effort consenti par le projet de budget pour 1999
en ce qui concerne le montant des autorisations de programme soit poursuivi et
qu'il ne soit pas compromis par une gestion reproduisant les errements du
passé.
Enfin, il s'avère que
ces crédits incitatifs ne
bénéficient pas suffisamment aux PME-PMI
, ces
dernières bénéficiant en 1996 de 28 % des
crédits du FRT destinés aux entreprises. Si la volonté de
recentrer les financements a été exprimée, elle ne se
traduit pas encore dans l'attribution des crédits, ce que votre
rapporteur ne peut que déplorer une nouvelle fois cette
année.
B. SIMPLIFIER LE DISPOSITIF DE TRANSFERT ET DE DIFFUSION DE LA TECHNOLOGIE
1. Évaluer et rationaliser les structures d'aide au transfert
•
L'ANVAR: un rôle globalement positif mais une dérive
dangereuse
L'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) joue dans ce
dispositif un rôle central. Elle constitue, en effet, l'instrument
principal d'aide à l'innovation dont disposent le ministère de
l'éducation national, de la recherche et de la technologie et le
ministère de l'économie et des finances.
Son action demeure axée sur le soutien aux projets innovants,
l'accompagnement des créations d'entreprises innovantes, l'accroissement
du potentiel de ressources des PME-PMI par l'aide au recrutement de cadres de
recherche et le soutien aux transferts de technologies.
Le bilan de son action s'avère très satisfaisant. Son rôle
est bien connu des PME-PMI et en particulier des sociétés
à croissance rapide et des start-up qui apprécient son
efficacité. Les délégations larges accordées aux
délégués régionaux lui permettent une
rapidité d'action et une souplesse de gestion très rares pour un
organisme dépendant de l'Etat. Par ailleurs, leur pratique du travail en
réseau, qu'il soit régional (directions régionales de
l'industrie, de la recherche et de l'environnement, collectivités
locales...) ou international (procédures Eurêka) confère
souvent aux interventions de l'ANVAR un caractère
fédérateur favorable aux entreprises.
En 1997, l'Agence est intervenue pour un montant total de
1 350 millions de francs et a accordé 4 664 aides
à l'innovation, soit :
- 1 527 mises au point de produits ou procédés nouveaux
(depuis la faisabilité jusqu'à la préparation du lancement
industriel), pour un montant de 1 099 millions de francs ;
- 640 recrutements pour l'innovation, pour un montant de 97 millions
de francs ;
- 1 643 prestations du Réseau interrégional de
diffusion technologique, pour un montant de 49 millions de francs ;
- 47 soutiens à des sociétés de recherche sous
contrat, pour un montant de 86 millions de francs ;
- 726 " projets jeunes " pour un montant de 15 millions de
francs ;
- 81 soutiens à des inventeurs indépendants, pour un
montant de 4 millions de francs.
Au total, 1 900 entreprises ont reçu le soutien direct de l'ANVAR
(hors prestation du Réseau de diffusion technologique). Sur ce nombre,
51 % recouraient à ses services pour la première fois. Ce
résultat témoigne de l'activité de terrain des
chargés d'affaires, qui s'est traduite par plus de 11 000 contacts
avec des entreprises, tant pour les informer sur l'action de l'Agence que pour
accompagner les projets.
Au regard de ce bilan, votre rapporteur considère qu'il serait
opportun de consolider les compétences de l'ANVAR afin de renforcer le
rôle déterminant qu'elle joue dans les processus de diffusion de
l'innovation et de valorisation des résultats de la recherche.
Cette opinion doit être nuancée par le constat d'une
dérive. Les projets sélectionnés par l'ANVAR ne sont pas
toujours ceux qui sont les plus porteurs d'innovations importantes donc les
plus risqués. Pour ces derniers, compte tenu des procédures de
remboursement appliquées, l'intérêt national n'est pas
compatible avec l'intérêt financier de l'ANVAR.
Les procédures de remboursement des aides doivent être
modifiées. En effet, les procédures en vigueur
défavorisent les innovations à haut risque d'échec mais
également à haut risque de gains c'est-à-dire les vraies
innovations de rupture. Un calcul simple montre qu'une saine gestion par les
délégués de l'ANVAR de l'intérêt de leur
organisme les conduit à éviter d'aider les innovations de
rupture. La solution à cette difficulté est simple: en cas de
réussite, un pourcentage du chiffre d'affaires des
sociétés aidées pourrait être reversé dans
les caisses de l'ANVAR.
•
Les autres partenaires
Aux côtés de l'ANVAR existent un grand nombre de structures qui,
sous les statuts les plus divers, proposent aux entreprises une offre de
services très hétérogène. Etre exhaustif
supposerait d'établir une très longue liste des centres
techniques industriels, des diverses cellules d'information des
assemblées consulaires, des centres régionaux d'innovation et de
transfert de technologie (CRITT), des centres de ressources technologiques, des
conseillers technologiques, des réseaux de développement
économique, des réseaux de développement industriel et des
réseaux de diffusion technologique etc.
Les essais de rationalisation entrepris dans le cadre des contrats de plan
Etat-régions (1994-1998) comme les procédures de
labélisation ont été largement évoqués dans
le rapport Guillaume.
Votre rapporteur constate qu'en dépit de tentatives de clarification
partielles, le dispositif d'aide au transfert de technologie demeure encore
trop opaque. Il lui apparaît nécessaire, dans la perspective de la
préparation des nouveaux contrats de plan Etat-régions, de
procéder à une évaluation de toutes les structures en
activité et d'adapter le soutien public à leurs performances
réelles.
2. Simplifier les aides de l'Etat
A la
complexité du dispositif d'aide au transfert technologique s'ajoute le
foisonnement des aides attribuées au niveau régional par l'Etat
que ce soit par l'intermédiaire des DRIRE, de l'ANVAR ou des DRRT
(délégations régionales à la recherche et à
la technologie).
M. Henri Guillaume, dans son rapport précité, a formulé
des propositions destinées à simplifier ces dispositifs.
Distinguant dans le projet industriel deux phases, la première
consacrée à la recherche et au développement et la
seconde, au développement industriel et commercial, il propose de
réorganiser les dispositifs régionaux de soutien aux PME en
suggérant :
- d'une part, la mise en place d'un dispositif de soutien à
l'innovation et au développement technologique géré par
l'ANVAR qui comprendrait une aide aux projets, une aide aux transferts par les
hommes et une aide aux prestations technologiques ; les procédures
d'aide gérées par les DRRT vont dans le même sens et
peuvent abonder;
- et, d'autre part, la mise en place d'un dispositif de soutien au
développement industriel et à l'exportation géré
par les DRIRE et les directions régionales du commerce extérieur
qui comprendrait des aides à l'investissement, au renforcement de
l'encadrement, au conseil et à l'exportation.
Ce schéma correspond à la logique des projets
industriels.
C. CRÉER DES CONDITIONS FINANCIÈRES ET FISCALES FAVORABLES AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES
On
connaît les exemples nombreux d'entreprises technologiques
générant richesses, emplois, dynamisme économique et qui,
en peu d'années, prennent une part importante du marché mondial.
Ce sont les poules aux oeufs d'or de l'économie moderne.
Beaucoup sont localisées en Californie et aussi dans bien d'autres lieux
mais assez peu en France. Pourquoi ?
Répondre à cette question, c'est identifier les obstacles
auxquels se heurtent les idées et les résultats innovants qui
sont nombreux à se faire jour dans tous les organismes publics ou
privés français.
Il y a des obstacles culturels imputables à la sociologie dominante, des
obstacles financiers et des obstacles résultant de structures
constitutionnelles trop figées.
1. Réhabiliter le risque entrepreneurial
a) La trop faible propension à entreprendre
La prise
de risque n'est pas perçue comme essentielle pour la création
d'emplois, de richesse et de satisfaction. Ce phénomène d'ordre
culturel est-il inéluctable ? Certes l'assistanat
généralisé ou la protection systématique du
salariat -au détriment de ceux qui entreprennent- est inscrit dans les
lois et les règlements, comme s'il n'y avait pas d'autres travailleurs
que les travailleurs salariés. Commerçants, artisans,
cultivateurs, entrepreneurs individuels, professions libérales sont
souvent oubliés. Il suffit que telle ou telle catégorie de
fonctionnaires ou d'employés d'entreprises nationales menacent de faire
grève pour que les médias s'émeuvent. Les travailleurs
indépendants savent bien qu'ils n'intéressent pas les
médias et que leur journée de grève ne sera jamais
payée par les contribuables !
Modifier cette donnée de la sociologie française est une
tâche difficile, et néanmoins indispensable. Elle est
réalisable à condition de le vouloir avec continuité et
ténacité. Des micro-cultures locales ont pu ainsi se
développer dans des lieux privilégiés : les technopoles en
particulier, du moins celles qui ont une taille critique et une proportion
suffisante d'installations industrielles en liaison avec le système de
la recherche. Les créations d'entreprises par des chercheurs y sont plus
nombreuses qu'ailleurs, ce qui souligne l'importance de la proposition de loi
en cours de discussion sur la création d'entreprise par les chercheurs
et du projet de loi sur l'innovation qui nous est annoncé par le
ministre en charge de la recherche.
b) De nouvelles mesures destinées à favoriser la création de petites ou moyennes entreprises innovantes
Votre
rapporteur souligne depuis de nombreuses années la
nécessité d'encourager les vocations de créateurs
d'entreprises. Les Français sont, en effet, traditionnellement peu
enclins à cultiver le goût du risque et le désir
d'entreprendre, ces réticences s'expliquant notamment par les
difficultés administratives liées à la création
d'entreprises mais également par la nature de la formation et de
l'enseignement qu'ils reçoivent. En effet, près de deux jeunes
sur trois estiment que le milieu scolaire ne permet pas de développer le
goût pour l'innovation et la recherche et la majorité d'entre eux
considère que le climat n'est pas en France favorable à l'esprit
d'entreprise.
L'encouragement à la création d'entreprises passe notamment par
la reconnaissance fiscale du risque pris par les investisseurs.
La loi de finances pour 1998 a prévu deux dispositifs destinés
à valoriser les compétences : l'un permettant le report
d'imposition des plus-values en cas de réinvestissement dans une
société non côtée et l'autre concernant les bons de
souscription de parts de créateur d'entreprises.
Votre rapporteur qui avait accueilli favorablement la mise en oeuvre de ces
deux dispositifs l'an dernier ne peut que se féliciter que l'article 4
du projet de loi de finances pour 1999 en élargisse le
bénéfice aux sociétés créées depuis
moins de quinze ans, tout en regrettant qu'il ne s'accompagne pas d'une
prorogation de leur application, le terme de cette dernière demeurant
fixé au 31 décembre 1999.
•
Les mesures fiscales destinées à valoriser les
compétences et les savoirs
- le report d'imposition de plus-values en cas de
réinvestissement dans une société non cotée
La loi de finances pour 1998 avait fait un premier pas dans le sens d'une
meilleure prise en compte du capital-compétence, en prévoyant la
possibilité pour des dirigeants de sociétés de
bénéficier d'un avantage fiscal lorsqu'ils vendent les parts de
leurs sociétés et qu'ils en réinvestissent le produit dans
une société non cotée créée depuis moins de
sept ans.
Cette mesure, qui consistait en un report d'imposition des plus-values de
cession de droits sociaux, devait permettre aux nouvelles entreprises de
bénéficier de ressources financières tout en tirant profit
des capacités de dirigeant de leurs investisseurs.
Votre rapporteur avait salué l'an dernier cette initiative susceptible
de susciter des vocations de "
business angels
", encore trop
rares en France aujourd'hui.
Sous ce vocable dont il n'existe pas encore d'équivalent français
-l'angélisme et les affaires ne vont pas dans notre culture facilement
de pair- se cachent des personnalités qui, ayant créé ou
dirigé des entreprises, ont été conduites à
revendre leurs stock-options et disposent donc de capitaux. Leurs
compétences et leur tempérament les amènent à
investir dans de jeunes entreprises et parfois à participer à
leur gestion. Elles apportent donc compétences et réseaux de
relations.
Ce phénomène est absolument capital dans la dynamique
californienne et commence à se développer en Europe. Ainsi, un
réseau de business angels s'est mis en place à partir de 1995 en
France et en Europe. Il regroupe des institutions financières et des
FCPI spécialisés dans le financement de PME innovantes et
d'entreprises à croissance rapide mais aussi quelques " business
angels " personnes physiques. Sa vocation est en quelque sorte de
créer un marché entre les investisseurs et les entrepreneurs
à la recherche de fonds.
UN
EXEMPLE DE L'INTERVENTION DES " BUSINESS ANGELS " :
la
société " REALIZ "
REALIZ,
société créée le 1er mars 1998 avec un capital de
l'ordre d'un million de francs, est un essaimage de l'INRIA de Sophia Antipolis
et des cadres de Medialab (CANAL +). Regroupant six associés
(moyenne d'âge 30 ans), elle a bénéficié d'une
étude de marché cofinancée par l'ANVAR, de
procédures CORTECHS et CIFRE gérée par la DRRT, d'une
licence de brevets déposée par l'INRIA, du savoir faire et de
financements en capital et en avances de trésorerie de " business
angels " tels que MM. Alain Gingaud (ex-PDG de Siemens Nixdorf
France), Jean-Marie Hullot (ancien directeur technique de Next) et de Steve
Jobs (Nikon Itec).
REALIZ, spécialiste de l'image de synthèse, emploiera 17
personnes avant la fin 1998. Elle a investi 3 millions de francs et
augmente son capital d'un million de dollars. Elle a au début de
l'année 1998 une filiale de commercialisation en Californie où
elle trouvera comme clients les grands d'Hollywood. Il importe que le centre de
décision de REALIZ demeure en France et, donc, que cette
société puisse être capitalisée par des
" business angels " français et des institutions
financières françaises et non uniquement par l'entrée sur
le légendaire NASDAQ.
- Les " stocks options " : une mesure indispensable
La loi de finances pour 1998 avait prévu que les sociétés
non cotées créées depuis moins de sept ans pouvaient
proposer à leur personnel des bons de souscription de parts de
créateur d'entreprise à un prix définitivement fixé
lors de leur attribution et donnant le droit de souscrire une part du capital
de la société.
Cette mesure adaptait le système plus connu sous le nom de
" stock-options " aux sociétés innovantes. En effet,
elle permettait à celles dotées d'un fort potentiel de croissance
d'attirer, en les intéressant à leur croissance, des dirigeants,
des cadres ou des scientifiques de haut niveau auxquels elles n'ont pas en
général les moyens d'offrir des salaires élevés.
Ainsi, ces derniers disposent de la faculté de capitaliser leur
investissement personnel et de compenser le risque financier
élevé que représente la participation au capital de
l'entreprise. Pour ces raisons, cette mesure présentait un
caractère stratégique.
Néanmoins, ses modalités de mise en oeuvre n'étaient pas
de nature à garantir sa pleine efficacité, dans la mesure
où cette possibilité n'était ouverte que pendant les sept
premières années d'existence de l'entreprise, période
où l'équipe dirigeante est encore restreinte et le succès
incertain. L'extension de ce dispositif aux sociétés
créées depuis moins de quinze ans prévue par le projet de
loi de finances est donc bienvenue. Il faut s'en féliciter.
•
Encourager fiscalement la prise de risque
Si les dispositifs fiscaux précédemment évoqués
sont indiscutablement favorables aux PME-PMI innovantes, ils ne permettent pas
de répondre à la difficulté première à
laquelle se trouvent confrontés les entrepreneurs qui consiste à
réunir les premiers capitaux
. Depuis longtemps déjà,
votre rapporteur insiste sur la nécessité de drainer
l'épargne de proximité vers les PME. En effet, ce sont souvent
les proches du créateur d'entreprise qui constitueront son premier
actionnariat. Cela implique que les dispositions fiscales reconnaissent le
caractère risqué de ce type d'investissement.
L'article 67 du projet de loi de finances pour 1999 s'inscrit dans cette
perspective en procédant à un
aménagement du dispositif
de déduction du revenu global des pertes au capital de
sociétés en cessation de paiements
.
Les particuliers qui ont souscrit en numéraire au capital d'une
société nouvelle constituée à compter du 1er
janvier 1994 ou à une augmentation de capital réalisée par
une société dans le cadre d'un plan de redressement ordonnant la
continuation de l'entreprise, peuvent déduire de leur revenu imposable
les pertes en capital subies en cas de cessation de paiements de la
société.
La déduction est égale au montant de la souscription, sous
déduction éventuelle des sommes récupérées
par le contribuable. Elle est plafonnée annuellement à
100 000 francs pour une personne seule ou à
200 000 francs pour un couple marié. Elle est notamment
subordonnée à la condition que la cessation des paiements de la
société intervienne dans les cinq ans de sa constitution ou du
plan de redressement. De plus, s'il s'agit de pertes subies à raison de
la souscription au capital d'une société nouvelle, celle-ci ne
doit notamment ni avoir été créée dans le cadre de
la reprise d'une activité préexistante, ni être
détenue pour plus de 50 % de son capital par d'autres
sociétés.
Les assouplissements apportés à ce dispositif par le projet de
loi de finances pour 1999 sont destinés à encourager davantage la
prise de risque que représente pour les particuliers la souscription au
capital de petites et moyennes entreprises, notamment en cas de souscription au
capital de PME innovantes et à fort potentiel de croissance.
Le champ d'application du dispositif est étendu. Le délai pouvant
s'écouler entre la création ou le plan de redressement de la
société et son état de cessation de paiement est
porté de 5 à 8 ans. Par ailleurs, sont incluses dans ce
dispositif les entreprises créées par voie d'essaimage,
c'est-à-dire les entreprises créées par les
salariés d'une société et financées par cette
dernière.
Enfin, les règles de détention du capital de la
société nouvelle sont modifiées dans le sens d'un
assouplissement, les participations détenues par les divers organismes
de capital risque (SCR, SDR, SFI, FCPI, FCPR) n'étant plus
assimilées à des participations d'autres
sociétés.
2. Améliorer le financement de l'innovation
En
France, le financement de l'innovation se heurte traditionnellement à
l'insuffisance relative de l'épargne longue, aggravée par son
insuffisante orientation vers les placements à risque.
Grâce à la création d'instruments nouveaux comme le Nouveau
marché ou de dispositifs fiscaux incitatifs tels les fonds communs de
placement dans l'innovation ou les stocks-options, les mécanismes
financiers de soutien à l'innovation ont pu être
améliorés.
Si les progrès enregistrés jusqu'à présent ont
permis aux entreprises déjà créées de trouver les
moyens financiers nécessaires à leur développement, le
financement de la phase d'amorçage reste encore insuffisant.
a) Orienter l'épargne vers les entreprises innovantes
L'article 102 de la loi de finances pour 1997, répondant
à des demandes formulées par votre commission depuis de
nombreuses années, a créé les fonds communs de placement
dans l'innovation (FCPI).
Un FCPI est une variété de fonds communs de placements à
risques (FCPR) qui a vocation à investir 60 % de ses fonds dans des
entreprises innovantes non cotées, comptant moins de 500
salariés, dont le capital est détenu majoritairement par des
personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des
personnes physiques. Ces sociétés doivent avoir
réalisé, au cours des trois exercices précédents,
des dépenses cumulées de recherche, d'un montant égal au
tiers du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé
au cours de ces trois exercices ou justifier d'une activité dont le
caractère innovant a été reconnu par l'ANVAR pour une
durée de trois ans renouvelable.
A ce jour, on recense 6 FCPI.
Les personnes physiques qui souscrivent aux FCPI peuvent
bénéficier d'une réduction d'impôt de 25 % du
montant investi plafonné à 75 000 francs pour les
personnes seules et à 150 000 francs pour les couples
mariés.
Les FCPI devaient, d'une part, remédier à l'insuffisante
participation des organismes de crédits au financement des entreprises
innovantes et, d'autre part, permettre une mobilisation de l'épargne de
proximité qui joue souvent un rôle déterminant dans la
création de ces entreprises.
Le projet de loi de finances pour 1999 propose dans son article 66 de
proroger la
période d'application de la réduction
d'impôts jusqu'au 31 décembre 2001.
Notons que cette
prorogation concerne également la réduction d'impôts
attachée à la souscription au capital de sociétés
non cotées prévue à l'article 199
terdecies
0A du
code général des impôts.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 1999 propose d'étendre
le champ d'application de la réduction d'impôts accordée au
titre de la souscription au capital de sociétés non cotées
en relevant les seuils de chiffres d'affaires des entreprises pouvant
bénéficier de ce régime et également d'assouplir
les conditions d'éligibilité des sociétés dont les
titres peuvent figurer dans le quota de 60 % des FCPI.
Votre rapporteur se félicite de la prorogation et de l'extension de ces
dispositifs. Toutefois, il regrette que l'avantage fiscal consenti en faveur
des souscripteurs de parts de FCPI ne soit pas plus incitatif compte tenu du
caractère stratégique des investissements privés dans
l'innovation et demeure bien modeste comparé à des dispositifs
tels que les SOFICA. Votre rapporteur estime souhaitable de relever de
150 000 à 200 000 francs le plafonds de la
réduction d'impôt pour les couples mariés et de porter la
réduction d'impôt à 50 % des sommes investies... et
risquées.
Rappelons, par ailleurs, que la loi de finances pour 1998, afin de mobiliser
l'épargne mutualisée en faveur des PME et des entreprises
innovantes, avait prévu que les produits des contrats d'assurance-vie
investis principalement en titres de fonds communs de placement à risque
(FCPR), de FCPI, de sociétés à capital risque (SCR), de
sociétés financières d'innovation (SFI), de
sociétés non cotées ou cotées sur le Nouveau
marché bénéficient de l'exonération d'impôts
sur le revenu. Il est pour l'heure trop tôt pour apprécier
l'impact d'une telle mesure sur l'orientation de cette forme d'épargne
vers le capital-risque et les entreprises innovantes.
b) Encourager les dépenses de recherche des PME-PMI
L'an
dernier, votre rapporteur avait souligné la nécessité de
reconduire le dispositif de crédit d'impôt recherche. Il se
félicite donc que l'article 64 du projet de loi de finances pour 1999
propose de proroger ce dispositif pour une durée de cinq ans et
d'aménager certaines de ses modalités.
En effet, le crédit d'impôt recherche constitue une composante
essentielle de l'aide publique en faveur de la recherche. Du fait de ses
modalités, il substitue à la logique des aides sectorielles celle
du marché et corrige la logique traditionnelle du soutien public
à la recherche. Par ailleurs, il permet la diffusion de la recherche sur
l'ensemble du tissu industriel et non pas dans certains secteurs
sélectionnés. Enfin, dans le cadre de la modulation territoriale
introduite par la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, il
constitue une incitation à la localisation hors de la région
parisienne de la recherche industrielle. Sans doute conviendrait-il d'augmenter
cette modulation afin d'en accroître l'impact.
En effet, ce dispositif, neutre du point de vue de la dépense
engagée et de l'activité de recherche mise en oeuvre, permet
d'orienter la recherche française vers les secteurs les plus profitables
et les plus compétitifs.
Plus de 7 000 entreprises, dont 6 300 PME, ont souscrit une
déclaration de crédit d'impôt recherche (CIR) au titre de
1997. Rappelons que le CIR est attribué sur option à toute
entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale ou
agricole, quelle que soit sa forme juridique. Calculé sur
l'accroissement des dépenses de recherche exposées par
l'entreprise, il est égal à 50 % de l'excédent des
dépenses de l'année par rapport à la moyenne de celles
exposées au cours des deux années précédentes.
Comme l'indique le tableau ci-dessous, le CIR s'avère très
favorable aux PME.
ENTREPRISES BÉNÉFICIAIRES DU C.I.R. EN 1997
|
NOMBRE D'ENTREPRISES (en %) |
R & D EFFECTUÉE (en %) |
C.I.R.
PERÇU
|
Petites entreprises (moins de 20 personnes) |
32 |
4 |
12 |
Entreprises moyennes (20 à 500 personnes) |
58 |
24 |
42 |
Grandes entreprises (plus de 500 personnes) |
10 |
72 |
46 |
Parmi les aménagements apportés par le projet de loi de finances, il importe de noter qu'il est prévu de faire bénéficier les entreprises d'une restitution immédiate du CIR pendant les trois premières années d'activité, ce qui est de nature à renforcer la situation financière des entreprises nouvelles.
3. Développer les moyens de financement des entreprises innovantes
Handicapées par la faiblesse de l'épargne longue
en
France et l'absence de fonds de pension, les entreprises innovantes
éprouvent de grandes difficultés à réunir les
capitaux nécessaires à leur développement. Il faut donc
créer des conditions favorables à un meilleur financement de ces
entreprises à toutes les étapes de leur croissance.
A cet égard, nous rappellerons l'effet de levier essentiel que
constituent les stock-options et l'importance du rôle des
"
business angels
", véritables
anges gardiens
de l'économie moderne.
Nous soulignerons également que les FCPI et les sociétés
de capital-risque devraient mieux tenir compte de la nouvelle
possibilité offerte par leurs équivalents européens, et
par le Nouveau marché.
a) Ouvrir les marchés financiers aux entreprises innovantes : le Nouveau marché
Le
" Nouveau marché ", constitué sous l'égide de la
Société des bourses françaises, fonctionne à Paris
depuis le 1er janvier 1996.
Ce marché, à la création duquel le groupe d'études
" Innovation et entreprises " a contribué de manière
déterminante, est destiné à favoriser l'essor des
entreprises innovantes. Organisé à l'image du NASDAQ
américain, il a pour vocation d'assurer aux investisseurs du
capital-risque la liquidité de leurs placements.
Plus de deux ans après sa création, ce marché
connaît un réel succès : les 50 entreprises qui y sont
cotées y ont levé 4 milliards de francs pour financer leur
développement. D'après une enquête réalisée
par la société du Nouveau marché, les
20 premières entreprises introduites sur ce marché
créaient toutes des emplois, avec une progression moyenne des effectifs
de 35 % sur une période maximale de douze mois.
L'entrée des entreprises sur le Nouveau marché succède en
général à une phase de développement dont le
financement a été assuré par des sociétés de
capital-risque.
Depuis mars 1997, trois autres marchés de ce type ont été
créés en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. Ils sont
organisés au sein d'un réseau dénommé " Euro
NM ", constitué sous la forme d'un GIE. Cette organisation permet
une intégration des marchés, les réglementations
étant harmonisées. Elle représente déjà
10 milliards de francs de capitaux levés.
Appelés à se développer, ces marchés devraient donc
devenir d'ici quelques années des acteurs majeurs du financement des
entreprises innovantes. Il est à souhaiter que les avantages qu'ils
présentent ne soient pas occultés par les difficultés
conjoncturelles liées à la crise financière qu'ils
traversent. Ils font, en effet, encore figure de nains comparés au
NASDAQ dont la dynamique est telle que d'ici peu la bourse de New-York risque
d'être dépassée. En outre, le NASDAQ est en train de mettre
en place un système de bourse mondiale sur internet où les
commissions bancaires sur les achats ou les ventes de titres seront nettement
moins élevées que sur les marchés traditionnels.
b) La création d'un fonds public pour le capital-risque : une initiative encore incertaine
Traduisant la volonté du gouvernement de favoriser
l'émergence de nouveaux capitaux pour financer les entreprises
innovantes, un fonds public pour le capital-risque a été
créé.
Ce fonds, présenté comme " un fonds pour les fonds ",
n'investira pas directement dans les entreprises nouvelles mais fonctionnera
par abondement sous forme d'avances aux fonds de capital-risque privés.
Il devrait permettre d'accroître, par effet de levier, les
capacités d'intervention de ces derniers. En pratique, il apportera des
financements à des sociétés de capital-risque
privées qui, à leur tour, apporteront des fonds propres aux
jeunes entreprises innovantes.
Ces modalités de financement permettent de mettre l'intervention de
l'Etat au service des forces du marché puisque c'est aux
opérateurs privés qu'il appartiendra d'analyser les perspectives
industrielles, financières et commerciales de chaque projet, de
décider l'investissement en fonds propres, et donc de prendre la plus
grande part du risque d'investissement.
La Caisse des dépôts et consignations a été
chargée de la gestion de ce fonds.
Son financement, qui devrait s'élever à 600 millions de
francs, est assuré par l'affectation d'une partie des recettes provenant
de l'ouverture du capital de France Télécom. Votre rapporteur
préférerait des formules fondées sur l'assurance-vie ou
les fonds de pension car les sommes prévues ne paraissent pas à
la hauteur des besoins des entreprises innovantes qui, en période de
croissance, se chiffrent très vite en centaines de millions.
c) Le nécessaire développement des fonds d'amorçage
Comme le
soulignait plus haut votre rapporteur, ce sont les premiers capitaux qui sont
les plus difficiles à réunir.
Aux États-Unis, cet obstacle est levé notamment grâce
à l'intervention des " business angels ", qui sont le plus
souvent des professionnels dont le métier est de soutenir les jeunes
entreprises afin de récolter les fruits de leur placement au fur et
à mesure du développement des sociétés dont ils ont
soutenu le décollage.
En France, ce mécanisme est encore embryonnaire et n'est pas
encouragé par la fiscalité. Il semble nécessaire de
susciter le développement de fonds d'amorçage, à condition
qu'ils soient techniquement bien gérés.
La participation des laboratoires publics à ces fonds apparaît
légitime. C'est, en effet, en leur sein que l'on cherche à
développer des projets de création d'entreprises innovantes et
qu'existent les capacités d'expertise scientifique nécessaires
pour apprécier la pertinence des investissements envisagés. Ces
fonds correspondent à l'évidence à la volonté de
mieux valoriser le résultat de la recherche publique.
L'INRIA, institut national de recherche en informatique et en automatique, a
créé en novembre 1997 sous le nom d'INRIA-Transfert un fonds
commun de placement à risque sur ce modèle. Cette initiative
mérite d'être systématisée, notamment dans le
secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication et
dans celui des biotechnologies.
Il convient aussi d'encourager la création de fonds d'amorçage
locaux, à l'image de celui lancé à la fin de
l'année 1997 par l'Université de Compiègne.
Ces fonds ne sont en fait qu'un signal fort en direction des investisseurs
privés dont l'intervention est essentielle tant en volume financier que
pour les compétences en matière de gestion et de management
qu'ils peuvent apporter.
4. Des structures institutionnelles trop figées
Votre
rapporteur sait que les remarques qui vont suivre vont déplaire. Mais il
est certain que les administrations ou les organismes consulaires,
malgré certaines initiatives récentes, ne sont pas conçus
pour répondre aux besoins des jeunes entrepreneurs aux prises avec des
marchés mondialisés et très concurrentiels et dont
l'énergie est tournée vers la conquête des niches de
marché très pointues et innovantes.
Les entreprises traditionnelles trouvent auprès des institutions et des
administrations des partenaires qui parlent le même langage. Lorsque ces
entreprises sont des PME, elles trouvent facilement d'autres PME qui ont les
mêmes problèmes et des interlocuteurs administratifs capables de
les comprendre.
Une PME innovante qui a besoin de conseils juridiques très
spécifiques pour des exportations aux États-Unis ou au Japon, ou
pour des partenariats complexes de sous-traitance à l'étranger ou
en matière de propriété industrielle, ne trouve pas
toujours auprès de l'administration ou des assemblées consulaires
des personnes à l'écoute et compétentes.
Le problème est difficile à résoudre mais correspond
à un besoin réel.
Une forme de mutualisation des difficultés peut être
trouvée grâce à la formule des clubs. Mais elle implique
l'existence d'une structure pour en organiser les réunions et en fixer
les ordres du jour. Les expériences qui ont été faites,
notamment dans le cadre de l'association " Route des hautes
technologies ", montrent que cette voie mérite d'être
explorée. Bien des handicaps auxquels on ne songe pas a priori se
révèlent et peuvent, par la mise en commun des problèmes,
trouver des solutions.
Cette mutualisation est un des points clés de la nouvelle forme de
l'économie mondiale. Elle peut porter sur la mutualisation des risques,
par exemple grâce à des mécanismes d'assurances. Ainsi, les
problèmes de lutte contre les contrefaçons et de protection de la
propriété industrielle qui sont à cet égard
stratégiques pour les PME pourraient être réglés de
cette façon. Or, il n'existe pas en ce moment
" d'assurance-contrefaçon " et votre rapporteur estime
nécessaire que des actions puissent être engagées dans ce
domaine.
De même, la coopération industrielle dans les projets de recherche
devient un problème essentiel étudié par le remarquable
rapport remis par M. Thierry Gaudin, ingénieur
général des Mines, au ministre chargé de
l'industrie : " coopération inter-entreprises et
innovation " (1998), dont les conclusions sont les suivantes :
" Le paysage mondial de la coopération interentreprises a
fondamentalement changé dans les années 80-90. (...) Une
véritable toile d'araignée d'alliances technologiques s'est
tissée entre les entreprises des pays développés, parfois
incluant les entreprises françaises (matériel électrique),
parfois les contournant (automobile).
" Il n'est pas exagéré de dire que les États-Unis,
qui ont alimenté leur leadership technologique par des commandes
militaires, nourrissent actuellement des visées impérialistes sur
la technologie mondiale et sont prêts à consacrer des moyens d'un
ordre de grandeur militaire pour maintenir et accroître leur domination.
" La " course à l'innovation " dans les technologies de
l'information et de la communication a profondément marqué les
comportements. Une bonne partie de l'innovation se fait sur commande,
programmée, presque mercenaire, et l'on consent plus facilement à
s'allier parce qu'il le faut pour rester dans la course.
" Les entreprises françaises ont une attitude de principe
très favorable à la coopération, comme le montre
l'enquête d'opinion effectuée auprès d'elles par la
DGSI
4(
*
)
. Mais les petites
entreprises disent peiner à trouver des partenaires auxquels s'allier.
Leur proposer une aide ne changerait sans doute pas grand chose. Par contre, il
y a beaucoup à faire dans le développement de formes nouvelles
d'intermédiation et d'" échanges culturels " dans le
registre de la technologie.
" Il s'agit là, pour l'essentiel, d'un
volet régional
de la politique d'innovation qui comprend lui-même plusieurs aspects :
réseaux d'information, infrastructures et activités d'animation
proprement dites. Pour mener à bien les actions nécessaires qui
doivent être appréciées au cas par cas et région par
région, les DRIRE devraient disposer d'un fonds d'aménagement de
l'environnement de l'innovation dont les modalités d'utilisation
seraient évolutives et définies régionalement.
" Par ailleurs, la coopération et le processus d'innovation,
lorsqu'on les examine au niveau international, soulèvent des questions
très délicates de droit de la concurrence et plus
généralement d'identification et de lutte contre les obstacles
à l'innovation. Les nouvelles technologies, notamment les logiciels,
sont plus encore que les anciennes sujettes à des confiscations
abusives. Il est indispensable que les
obstacles à l'innovation
soient l'objet d'un processus continu
d'évaluation
et
d'élimination
. Un groupe de travail DGSI-DGCCRF
5(
*
)
, associant l'INPI
6(
*
)
et l'AFNOR
7(
*
)
, devrait être constitué
afin de proposer au gouvernement les textes nécessaires.
" Enfin, l'outil principal permettant à l'administration de
renforcer les liens de coopération et d'améliorer la
capitalisation du savoir-faire nécessaire aux innovations de niveau
mondial n'est pas la gestion de procédures d'aide. C'est un maniement
plus orienté vers l'innovation des
marchés publics
. Il est
possible, en s'inspirant de la procédure des concours d'architecture, de
trouver une approche qui, tout en ménageant l'orthodoxie de la
réglementation, permette une orientation plus innovatrice. Un travail de
définition des modalités pourrait être entrepris dans cette
direction en collaboration avec la commission centrale des marchés.
" Compte tenu de la détermination et de l'ampleur des moyens
mobilisés par les concurrents américains et asiatiques, il faut
aussi se demander si
l'ordre de grandeur
des actions menées par
la France et l'Europe est bien suffisant.
" En définitive, la coopération interentreprises est la
conséquence de l'évolution de la situation objective dans
laquelle se trouvent les entreprises. Elle a connu un accroissement
spectaculaire international depuis 15 ans, aboutissant à la formation de
" clusters " mondiaux (...).
" Mais, si l'administration peut accompagner ce mouvement
général et venir à l'appui de cette nouvelle façon
de faire des entreprises, il ne paraît ni possible, ni opportun qu'elle
envisage de l'infléchir. "