Projet de loi de finances pour 1999
LAFFITTE (Pierre)
AVIS 67 (98-99), Tome VIII - COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
Table des matières
-
I. PRÉSENTATION DU BUDGET DE LA RECHERCHE POUR 1999
- A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS : UNE PROGRESSION QUI DEMEURE MODESTE
- B. LES PRIORITÉS DU BUDGET POUR 1999 SE TRADUISENT DE MANIÈRE CONTRASTÉE DANS LES CHIFFRES
-
II. UN IMPÉRATIF : RENFORCER LE SOUTIEN À L'INNOVATION
- A. RÉORIENTER LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DE RECHERCHE EN FAVEUR DE L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE
- B. SIMPLIFIER LE DISPOSITIF DE TRANSFERT ET DE DIFFUSION DE LA TECHNOLOGIE
- C. CRÉER DES CONDITIONS FINANCIÈRES ET FISCALES FAVORABLES AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES
- III. UNE PRIORITÉ : AFFIRMER LA POSITION DE LA FRANCE DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
- IV. PROMOUVOIR LE RAPPROCHEMENT DE LA SCIENCE ET DE LA SOCIÉTÉ
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 67
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VIII
RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
Par M. Pierre LAFFITTE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Adrien Gouteyron,
président
; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis
Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar,
vice-présidents
; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André
Maman, Mme Danièle Pourtaud,
secrétaires
;
MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean
Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel
Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel
Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre
Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger
Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre,
Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc,
MM. Pierre Martin
,
Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar,
Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux,
Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat,
René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
et
66
(annexe n°
17
)
(1998-1999).
Lois de finances
.
Mesdames, Messieurs,
Le budget civil de recherche et de développement (BRCD) qui retrace
l'ensemble des crédits affectés par l'Etat à la recherche
civile, s'établira en 1999 à 53 915 millions de francs
en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une
progression de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour
1998.
Comme chaque année, votre rapporteur s'attachera à
apprécier l'opportunité des choix gouvernementaux que traduit le
projet de budget pour 1999.
Au cours de l'année 1998, le gouvernement a exprimé la
volonté de redéfinir les orientations de la politique de la
recherche, en tenant compte des nouveaux mécanismes de la croissance
économique fortement liés à l'innovation, ce qui
correspond à une nécessité que votre rapporteur n'a
cessé de souligner au fil des ans.
En effet, le point essentiel dans la politique de recherche d'une nation
moderne est certes de consacrer une part de son budget à la recherche de
base et de soutenir l'effort sur les recherches qui ne sont pas encore
financées par des demandes du marché mais qui ont un
intérêt stratégique pour le futur. Mais c'est
également de mettre en place les conditions d'une bonne interface entre,
d'une part, les compétences et le savoir, et d'autre part, l'utilisation
des compétences et du savoir par les acteurs économiques. Lier le
savoir au savoir-faire, les compétences scientifiques à la
création d'entreprises est aussi important que d'augmenter les
crédits de la recherche.
Le projet de budget pour 1999 affiche des intentions en ce sens et votre
rapporteur s'en réjouit. On s'oriente dans la bonne direction mais avec
moins de vigueur que l'on aurait pu l'espérer en écoutant les
pertinentes analyses du ministre en la matière. Sans doute, les forces
de résistance des institutions et la bureaucratisation d'une partie du
système de recherche sont-elles en partie cause de cette timidité
dans l'évolution. Il est certes facile pour un observateur
extérieur de critiquer mais il est bon de montrer quelque impatience.
Par ailleurs, votre rapporteur regrettera l'opacité de la
présentation des crédits consacrés à la recherche
militaire. On sait qu'aux États-Unis, elle profite largement au
développement de la puissance militaire américaine mais aussi,
par le canal de la recherche duale, à l'économie et notamment
à la dynamique des nouvelles technologies de l'information et de la
communication. Ainsi, la recherche en logiciels nécessaires à la
mise en oeuvre des projets de constellation de satellites de
télécommunications est largement financée par les
crédits du pentagone. En France, le BCRD ne permet pas d'avoir une
vision exacte des crédits affectés à la recherche par le
ministère de la défense ; en effet, il ne prend en compte
que la dotation versée par le ministère de la défense au
Centre national d'études spatiales qui s'élève à
900 millions de francs. Les crédits du ministère de la
défense consacrés aux " développements " et aux
études dont la stagnation inquiète le rapporteur de la commission
des finances s'établissent à 21 085 millions de francs en 1999.
Cet écart laisse songeur, en particulier sur la part de la recherche qui
pourrait être consacrée à la recherche duale. Votre
rapporteur, sans revendiquer une transparence totale, compte tenu de la notion
de secret militaire, souhaite qu'un effort d'information du Parlement puisse
être accompli en ce domaine.
La priorité que le ministre souhaite, à juste titre,
conférer à la politique en faveur de l'innovation n'exige pas
seulement des moyens d'ordre budgétaires. L'innovation dans les PME,
principale source d'emplois stables et de bon niveau, est handicapée par
divers facteurs mais surtout par la lenteur de réaction des pouvoirs
publics. Alors que la réussite des sociétés à
croissance rapide, liée à la conquête de parts de
marché, exige une très grande réactivité donc une
vitesse de réaction se mesurant en jours, l'administration par inertie
ou, plus grave encore, par des débats stériles entre des
ministères qui défendent leur pré carré retarde de
plusieurs semaines, mois voire années des décisions
nécessaires. A titre d'exemple, on citera l'exemple de la RATP et des
projets Icare et Calypso. Ces projets qui, lancés voilà cinq ans,
reposaient sur un système de porte monnaie électronique et
permettaient alors à la France de bénéficier d'une avance
par rapport à ses concurrents ne sont pas encore mis en oeuvre par la
RATP alors qu'ils le sont déjà dans d'autres pays. Dans ce
contexte, votre rapporteur plaide pour un recours systématique aux
nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les
administrations afin de leur imposer des délais de réponse bien
inférieurs à ceux que l'on constate aujourd'hui. Sans doute
faudra-t-il modifier les réglementations dans ce sens.
I. PRÉSENTATION DU BUDGET DE LA RECHERCHE POUR 1999
Votre rapporteur ne présentera que succintement les évolutions budgétaires qui sont excellemment analysées par son collègue de la commission des finances.
A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS : UNE PROGRESSION QUI DEMEURE MODESTE
Le
budget civil de recherche et de développement
(BCRD)
connaît en 1999 une augmentation inférieure à la croissance
de l'ensemble des budgets civils (+ 2,3 %). Il s'élève
à 53 915 millions de francs en dépenses ordinaires et
crédits de paiement, soit une progression de
1,6 %
par
rapport à la loi de finances initiale pour 1998.
Le budget du fascicule " recherche et technologie ", dont les
dotations représentent 72,2 % du total du BCRD, connaît une
évolution comparable. Il progresse de 1 % en dépenses
ordinaires et crédits de paiement par rapport à 1998 (soit
40 008 millions de francs) et de 1,8 % en autorisations de
programme (soit 14 033 millions de francs).
B. LES PRIORITÉS DU BUDGET POUR 1999 SE TRADUISENT DE MANIÈRE CONTRASTÉE DANS LES CHIFFRES
La
recherche et le développement technologique constituent désormais
un des éléments déterminants de la croissance
économique. Votre rapporteur considère qu'outre le volume des
crédits, les priorités affichées et
réalisées sont déterminantes dans l'avis qu'il convient de
donner sur le budget.
Le BCRD pour 1999 est ordonné autour de quatre thèmes: l'emploi
scientifique, la restauration des moyens des laboratoires, le
développement du soutien à l'innovation technologique et le
renforcement de la cohérence de la politique nationale de la
recherche.
1. La poursuite de l'effort en faveur de l'emploi scientifique
a) Un ralentissement du rythme des créations d'emplois
Le BCRD
prévoit la création de 150 emplois qui se répartissent de
la manière suivante :
- 100 emplois de chercheurs dont 98 dans les établissements publics
à caractère scientifique et technologique (EPST) ;
- et 50 emplois d'ITA (ingénieurs, techniciens et administratifs) dont
34 dans les EPST.
Ces créations d'emplois ne bénéficient pas
également à tous les établissements publics à
caractère scientifique et technique. Les deux principaux
bénéficiaires de cet effort de création d'emplois sont,
comme en 1998, l'INSERM et le CNRS qui se voient attribuer, respectivement, 37
et 40 emplois de chercheurs et 7 et 8 emplois d'ITA.
Le tableau ci-dessus indique la répartition des créations
d'emplois dans les établissements publics à caractère
scientifique et technique en 1999 :
EPST |
Effectifs totaux 1998 |
Créations d'emplois de chercheurs en 1999 |
Effectifs totaux 1999 |
Augmentation 1999/1998
|
INRA |
1 788 |
1 (1) |
1 789 |
0,05 |
CEMAGREF |
76 |
- |
76 |
- |
INRETS |
152 |
- |
152 |
- |
INRIA |
341 |
5 |
346 |
1,4 |
CNRS |
11 693 |
40 |
11 733 |
0,34 |
INSERM |
2 165 |
37 |
2 202 |
1,7 |
ORSTOM |
829 |
1 |
830 |
0,12 |
INED |
57 |
- |
57 |
- |
LCPC (2) |
98 |
- |
98 |
- |
(1)
L'INRA a bénéficié de la création de trois emplois
de chercheurs, dont deux sont transférés au CIRAD d'où un
solde net d'une création d'emploi.
(2) Le laboratoire central des Ponts et Chaussées a été
transformé à compter du 1er juin 1998 en EPST.
Cette politique de créations d'emplois appelle, de la part de votre
rapporteur, plusieurs remarques :
- en premier lieu,
l'effort de création d'emplois pour 1999 est
très inférieur à celui consenti en 1998
. Rappelons, en
effet, que la loi de finances pour 1998 prévoyait la création de
400 emplois de chercheurs et de 200 emplois d'ITA, soit un rythme de
créations d'emplois près de quatre fois supérieur à
celui prévu pour 1999.
Votre rapporteur ne regrette pas ce ralentissement.
- en second lieu, dans un contexte de rigueur budgétaire,
la
souplesse de gestion est essentielle pour les organismes de recherche
. Or,
les dépenses de personnel représentent déjà
près de 80% du total des dotations que leur verse l'Etat. Le
fonctionnement courant et les investissements sont donc réduits à
la portion congrue. Dans ce contexte, une augmentation du personnel aggraverait
encore la pénurie qui frappe les établissements publics de
recherche.
Pour éviter le vieillissement des équipes de recherche et
augmenter le nécessaire recrutement des jeunes, il faut donc que la
mobilité s'accroisse. Cette mobilité a été
officiellement souhaitée par tous les ministres successifs. Mais les
données budgétaires ne la facilitent pas et, au contraire,
l'entravent.
Un principe simple a été proposé à plusieurs
reprises par votre rapporteur : il faut aider les équipes qui
organisent effectivement la mobilité et pénaliser celles qui s'y
refusent.
Qu'est-ce que signifie une forte mobilité du personnel pour un
laboratoire ou un organisme dans le contexte bureaucratique où la
recherche a été enfermée depuis la fonctionnarisation des
chercheurs ?
C'est organiser de nombreux concours de recrutement avec tous les délais
que cela implique, perdre des collaborateurs pendant près d'un an, ne
pas être assuré qu'ils s'adapteront aux postes, forcer les
responsables directs à les former, bref perdre une partie de
l'énergie créatrice.
Selon l'expression triviale mais éclairante, une saine politique en
faveur de la mobilité consiste à manier la carotte et le
bâton. La carotte, c'est donner plus de postes et plus de crédits
aux organismes, et au sein des organismes, aux laboratoires qui pratiquent et
organisent la mobilité ; le bâton, c'est diminuer les moyens
de ceux qui pouvant le faire, ne l'organisent pas. L'évaluation de la
mobilité et sa notation sont faciles à déterminer. Ceux
qui ont une mauvaise note, c'est-à-dire ceux qui organisent trop peu la
mobilité doivent passer, comme les équipes sportives, dans une
division inférieure moins bien pourvue en postes, voire
disparaître avec répartition de leurs moyens dans d'autres
équipes.
Or, le projet de budget pour 1999 crée 77 emplois de chercheurs pour le
CNRS et l'INSERM et 5 pour l'INRIA. Bien que l'INRIA soit un organisme plus
petit, il a un taux de mobilité élevé notamment par
créations d'entreprise. De plus, il se trouve placé dans un
secteur fortement dynamique et le taux de départ à la retraite y
est très faible. Certes, c'est un organisme moins turbulent...
b) La reconduction des dispositions favorisant le recrutement des chercheurs par les entreprises
•
Le dispositif d'accueil des post-doctorants en entreprise est reconduit pour
l'année 1999. Mis en place en 1998, ce dispositif prévoit
l'octroi d'aides financières aux PME-PMI qui s'engagent à
recruter un jeune docteur appelé à participer à la
réalisation d'un projet scientifique et technologique en liaison avec un
laboratoire relevant d'un établissement public pour une durée
maximale de 18 mois. Les crédits qui y étaient consacrés
s'élevaient en 1998 à 50 millions de francs et sont
reconduits en francs courants en 1999.
Votre rapporteur considère cette mesure comme opportune. Bon nombre de
PME devraient, en effet, recruter de jeunes chercheurs, car l'innovation est
indispensable à leur développement.
• 800 conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE)
seront financées en 1999, soit le même nombre qu'en 1998. Les
crédits correspondants s'élèvent à 218 millions de
francs.
• Les crédits consacrés au financement des
conventions de formation par la recherche des techniciens supérieurs
(CORTECHS) s'établissent en 1999 à 45 millions de francs, soit
une augmentation de 28,5 %. Ils permettront l'attribution de 150
conventions supplémentaires.
Ces mesures apparaissent comme positives.
2. Le renforcement des moyens de la recherche publique
L'effort
louable accompli en vue de renforcer les moyens de base de la recherche
publique doit s'analyser au regard du ratio entre le montant total des
crédits de paiement dont dispose un organisme et le nombre des
chercheurs qu'il emploie.
Le tableau ci-dessous retrace l'évolution du montant des crédits
de paiement alloués aux établissements publics à
caractère scientifique et technologique rapporté au nombre de
chercheurs qu'ils emploient.
ETABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE
SCIENTIFIQUE ET
TECHNOLOGIQUE
Montant des crédits de paiement par
chercheur
(à structure budgétaire constante)
|
Montant des crédits
|
|
Montant des crédits de paiement par chercheur (en francs) |
1996 |
4 188,5 |
16 726 |
250 418 |
1997 |
4 020,92 |
16 703 |
240 700 |
1998 |
4 072,03 |
17 080 |
238 400 |
1999 |
4 118,2 |
17 283 |
238 280 |
Après une diminution du montant des crédits de
paiement par chercheur entre 1996 et 1998 de 4,79 %,
le ralentissement
du rythme des créations d'emplois conjugué à une
progression des crédits de paiement permet au ratio de se stabiliser en
1999, ce dernier n'enregistrant qu'une faible diminution de 0,05 % par
rapport à 1998.
Cette évolution mérite d'être relevée dans la mesure
où elle rompt avec la tendance à la dégradation des
conditions de travail des chercheurs constatée au cours des
années précédentes.
Il convient, par ailleurs, d'indiquer que l'augmentation de 7,7 % des
crédits de soutien de programmes prévue par le projet de budget
pour 1999 permettra aux meilleures équipes d'améliorer leur
situation.
Les mesures d'augmentation des crédits de paiement
décidées en 1999 devront être toutefois reconduites et
sensiblement accrues au cours des années à venir. On estime, en
effet, à 3 % par an l'augmentation des investissements et des frais
de fonctionnement hors salaires nécessaire pour répondre aux
besoins nés de la sophistication croissante des équipements de
recherche.
•
La dotation des établissements publics de recherche à
caractère industriel et commercial
, qui représente en moyenne
56 % des ressources de ces établissements, ne connaît pas une
évolution comparable à celle des EPST. Elle diminue de 1,7 %
en dépenses ordinaires et crédits de paiement, les seuls
crédits de paiement reculant de 3,5 %.
3. Le soutien à l'innovation technologique
Bien
qu'affichée, cette priorité ne trouve pas dans le projet de
budget pour 1999 une traduction significative. Certes, le budget civil de
recherche et de développement marque une rupture avec la
dégradation enregistrée au cours des années
antérieures, mais
il ne constitue qu'une première étape
vers une réelle impulsion donnée au développement
technologique
. En effet, les crédits incitatifs inscrits au budget
de la recherche n'enregistrent pas une progression en rapport avec la
priorité conférée par le gouvernement à la
diffusion de la technologie et s'avèrent insuffisants pour garantir
l'avenir scientifique et technologique des entreprises.
• En premier lieu, votre rapporteur note, pour le regretter, que les
subventions d'investissements consacrées à la diffusion des
technologies du secteur spatial, enjeu essentiel dans les années
à venir, diminuent de 14,5 % en crédits de paiement et de
34,1 % en autorisations de programme.
• La dotation budgétaire du Fonds de la recherche et de la
technologie prévue pour 1999 s'élève à
669,5 millions de francs en crédits de paiement
(- 7,76 %) et à 630 millions de francs en autorisations
de programme pour 1999 (+ 52,76 %).
Le plan de redressement du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT),
conduit depuis 1994 et poursuivi en 1999, permet de rétablir un
équilibre satisfaisant des autorisations de programme et des
crédits de paiement et de restaurer les capacités incitatives de
cet instrument de la politique de recherche. L'écart entre les
autorisations de programme et les crédits de paiement en compte qui
était de plus de 3 000 millions de francs en 1998 est
ramené à 860 millions de francs en 1999.
Mais l'effort consenti demeure encore insuffisant pour doter le
ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie d'un véritable instrument d'orientation de la politique de
recherche industrielle.
L'augmentation significative des autorisations de programme inscrite dans le
projet de loi de finances pour 1999, si elle mérite d'être
saluée, s'accompagne d'un accroissement des missions du Fonds
(participation au financement du réseau national de recherche en
télécommunications, création et développement de
réseaux technologiques).
Le changement d'échelle préconisé par votre rapporteur
dans les crédits du FRT n'est pas encore intervenu. Par ailleurs, France
Télécom consacrait par le biais, d'une part, du CNET et, d'autre
part, de contrats industriels à ce qui est désormais dans les
compétences du Réseau national de recherche en
télécommunications des sommes évaluées à 4
milliards de francs, il y a trois ans. Les objectifs nationaux du CNET, devenu
depuis centre de recherche de l'opérateur historique, ont disparu. Votre
rapporteur estimait, il y a deux ans, qu'il manquait deux milliards pour la
recherche fondamentale en télécommunications
éventuellement affectés au RNRT. Cette année, on peut
estimer avec l'explosion des activités de recherche liées aux
nouvelles technologies de l'information et de la communication et compte tenu
de leur importance stratégique, qu'il faudrait un sursaut national
auquel le gouvernement et sans doute le Parlement et l'opinion ne sont
manifestement pas prêts, alors qu'ils admettent que des sommes analogues
soient dépensées pour d'autres sujets, importants certes, mais de
bien moins grand intérêt pour la construction de l'avenir de notre
pays.
4. Le renforcement de la cohérence de la politique nationale de recherche
La
volonté affichée par le gouvernement de restaurer la
capacité d'orientation de la politique nationale de la recherche se
traduit par trois mesures.
• En premier lieu, a été annoncée par le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie,
la création d'un
conseil national de la science
. Cette nouvelle
instance, composée d'une vingtaine de personnalités scientifiques
françaises et européennes et de représentants du monde
économique, aura la charge de conseiller le gouvernement sur les
orientations de la politique de la recherche et de la technologie.
Votre rapporteur souhaite vivement que cette nouvelle structure contribue
efficacement à la définition des orientations stratégiques
de la politique de recherche. Cela implique que ses compétences soient
précisées par rapport à celles d'autres organismes
consultatifs comme le comité stratégique pour l'enseignement
supérieur et la recherche ou encore le comité
interministériel de la recherche scientifique et technique soit
précisée.
• En second lieu, est créé un
fonds national pour la
science
. Ce nouvel instrument financier -dont la finalité exacte
reste encore à définir- doit contribuer au pilotage du dispositif
français de recherche. Il permettra de mobiliser les universités
et les organismes publics de recherche autour de thèmes prioritaires,
grâce à des actions concertées, les crédits qui y
seront affectés venant s'ajouter aux moyens des équipes de
recherche.
Outre des crédits consacrés à des actions incitatives
à hauteur de 188,42 millions de francs en crédits de
paiement et 370 millions de francs en autorisations de programme, la dotation
du fonds national de la science, inscrite sur un nouveau chapitre
budgétaire, regroupe celles du centre national de
séquençage et du centre national de génotypage. Elle
s'élève au total à 318,42 millions de francs en
crédits de paiement et à 500 millions de francs en
autorisations de programme. Les crédits de ce fonds devraient permettre
la mise en place d'actions incitatives dans des secteurs prioritaires (sciences
de la vie, sciences pour l'ingénieur, chimie, sciences humaines et
sociales). Conduites pendant une période maximum de quatre ans, ces
actions auront vocation à être poursuivies au sein des organismes
de recherche et des universités.
Sans vouloir se prononcer sur l'opportunité de la création d'un
nouvel instrument de pilotage de la politique de recherche et sans
préjuger de l'efficacité d'un tel fonds, votre rapporteur note
que le montant des dotations affectées à ce fonds, ainsi qu'un
certain risque de saupoudrage des crédits laissent craindre que
l'objectif de réorientation du dispositif de recherche ainsi poursuivi
-aussi légitime soit-il- ne puisse être atteint.
• Enfin, pour la deuxième année consécutive, une
part des créations d'emplois inscrites au budget de la recherche n'est
pas affectée par le projet de loi de finances initiale à des
EPST, la réserve ainsi constituée devant être
répartie au cours de l'exercice budgétaire entre les
différents établissements. En 1999, ces créations
d'emplois non affectées sont au nombre de 12, contre 21 en 1998.
Ce " volant " d'emplois sera destiné à soutenir les
regroupements thématiques et accompagner les mesures de rationalisation
des structures de la recherche. Votre rapporteur, favorable à la
souplesse de gestion introduite par une telle mesure, considère qu'elle
doit être le moyen de renforcer des centres d'excellence.
Le tableau ci-dessous indique l'affectation de la réserve de
créations d'emplois en 1998 :
EPST |
Affectation
|
INRA
|
4
|
TOTAL |
21 |
Il serait souhaitable à l'avenir de disposer d'un suivi de la gestion de ces personnels et notamment de pouvoir examiner s'ils sont affectés à des équipes qui démontrent leur volonté de contribuer à la nécessaire mobilité des chercheurs et à la création d'entreprises innovantes. L'absence de l'INRIA dans la liste des EPST ayant reçu des affectations au titre de cette réserve est à cet égard étonnante.
II. UN IMPÉRATIF : RENFORCER LE SOUTIEN À L'INNOVATION
Le
décalage entre la position satisfaisante de la recherche fondamentale
française et la faiblesse de notre position technologique est
désormais une situation unanimement reconnue.
Ce déséquilibre a été à nouveau
souligné par les études réalisées par
l'Observatoire des sciences et des techniques à la fin de l'année
1997. En effet, si la production scientifique française connaît
une évolution favorable, notamment dans des disciplines comme les
mathématiques, la biologie fondamentale ou encore la physique et la
chimie, la position technologique de la France continue à se
dégrader. Ainsi, entre 1987 et 1996, en dépit d'une augmentation
des dépenses de recherche et développement, la part de la France
a fortement diminué dans le système du brevet européen
passant de 8,5 % à 7 %, cette régression s'observant
également dans le système du brevet américain où la
part de la France passe, sur la même période, de 3,8 %
à 3,1 %.
La France n'utilise pas son potentiel de recherche pour dynamiser le tissu
économique et créer de nouvelles entreprises.
Si l'on veut citer des exemples français de ces " poules aux
oeufs d'or " de l'économie que sont les entreprises à
croissance rapide, on est vite limité à quelques
sociétés, alors qu'aux Etats-Unis elles se comptent par centaines
dans le seul état de Californie.
Or, l'innovation technologique constitue la condition déterminante de la
croissance économique.
Dans un contexte de mondialisation croissante, une forte
réactivité est désormais exigée des entreprises
face à l'accélération de la mise sur le marché de
produits nouveaux.
L'appropriation rapide de l'innovation est la seule
solution pour assurer la rentabilité des entreprises et la
compétitivité de notre économie nationale
.
Votre rapporteur ne peut donc qu'approuver les propos tenus par le Premier
ministre lors des assises de l'innovation qui se sont tenues à la
Villette le 12 mai dernier : "
La croissance est aujourd'hui
tirée par les secteurs des technologies modernes et des nouveaux
services, elle le sera encore plus demain. Toute nation soucieuse de son avenir
se doit d'être présente et ambitieuse sur ces secteurs. Faire en
sorte que par l'innovation, l'investissement et la création de nouvelles
entreprises, le retour à la croissance qui se fait sentir soit durable :
tel est notre objectif.
"
En effet, ces orientations ne font que confirmer celles
préconisées sans relâche par votre rapporteur depuis treize
ans. Le soutien à l'innovation constitue un impératif.
L'intérêt des investisseurs pour notre territoire et la
qualité de notre recherche fondamentale montrent que notre
économie dispose d'un fort potentiel en matière d'innovation.
Pour en tirer partie, l'effort doit s'orienter dans trois directions :
- réorienter le financement public de la recherche vers les PME-PMI
;
- simplifier le dispositif de transfert et de diffusion de la
technologie ;
- créer des conditions financières et fiscales favorables au
développement des entreprises innovantes.
A. RÉORIENTER LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DE RECHERCHE EN FAVEUR DE L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE
1. Un financement public peu adapté
a) Un financement public trop concentré
L'effort
global de recherche et développement français qui
représente 2,32 % du PIB s'inscrit dans la moyenne des pays
industrialisés.
Néanmoins, le système français se distingue par
l'importance de son financement public, comme en témoigne le tableau
ci-dessous.
ANALYSE DES DÉPENSES INTÉRIEURES DE RECHERCHE
ET DE
DÉVELOPPEMENT
EN 1996
en %
|
DIRD/PIB |
Part de
la DIRD financée par :
|
Part de la DIRD exécutée par : (en 1996) |
||||||
|
1991 |
1994 |
1995 |
1996 |
Entreprises |
Adminis-trations |
Étranger |
Entreprises |
Adminis-trations |
États-Unis |
2,81 |
2,52 |
2,61 |
2,62 |
62,5 |
37,5 |
|
73,2 |
26,8 |
Japon (1) |
2,82 |
2,63 |
2,77 |
n.c. |
72,3 |
27,6 |
0,1 |
70,3 |
29,7 |
Allemagne |
2,61 |
2,32 |
2,3 |
2,28 |
60,8 |
37,3 |
1,9 |
66,3 |
33,7 |
France |
2,41 |
2,38 |
2,34 |
2,32 |
48,2 |
43,4 |
8,4 |
61,5 |
38,5 |
Sources : OCDE/MENRT
(1) L'OCDE a ajusté les séries du Japon pour les rendre
comparables à celles des autres pays ; dernière année
disponible : 1995
Ces financements publics ne privilégient pas la diffusion de
l'innovation technologique dans l'ensemble du tissu industriel.
Les études réalisées en 1998 par l'Observatoire des
sciences et des techniques soulignent, en effet, qu'en 1994 les grands groupes
liés à la Défense et leurs filiales
bénéficiaient de 98 % des crédits militaires, de
86,3 % des contrats des grands programmes civils et du quart des
crédits incitatifs. Ces chiffres témoignent donc de la permanence
du modèle français de développement scientifique,
technologique et industriel, caractérisé par l'importance des
grands programmes militaires ou civil mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et
visant à satisfaire des besoins éloignés de ceux du
marché.
b) L'absence d'approche duale
A la différence des États-Unis et de la Grande-Bretagne, les liens entre les recherches militaires et les avancées technologiques civiles ont été insuffisamment développés. Cela est d'autant plus regrettable que les secteurs susceptibles de bénéficier d'une approche duale sont ceux qui sont le plus susceptibles de connaître une croissance rapide au cours des années à venir, qu'il s'agisse de l'électronique, de l'informatique, des télécommunications ou des techniques spatiales.
2. Un financement de la recherche qui ne profite qu'insuffisamment aux petites et moyennes entreprises
Résultat de la concentration des financements sur de
grands
programmes civils et militaires stratégiques, les
petites et moyennes
entreprises sont écartées des procédures de soutien public
à l'effort de recherche et de développement
.
Cette situation dont votre rapporteur ne cesse depuis plusieurs années
de souligner les inconvénients a été à nouveau mise
en lumière par les études statistiques réalisées
à l'occasion de la mission confiée à M. Henri Guillaume.
RÉPARTITION DU FINANCEMENT PUBLIC PAR TAILLE D'ENTREPRISE EN 1995
|
Dépenses de recherche (en MdsF) |
Financement public (en MdsF) |
Taux d'aide moyen estimé (en %) |
Grandes entreprises
|
64, 2 |
11,8 |
18,4 |
dont filiales groupes |
61,6 |
11,8 |
19,1 |
Autres |
2,6 |
0,02 |
0,6 |
Entreprises moyennes
|
32,5 |
2,5 |
7,7 |
dont filiales groupes |
24,3 |
2,0 |
8,4 |
Autres |
8,2 |
0,5 |
5,5 |
Petites entreprises
|
12,6 |
1,1 |
8,8 |
dont filiales groupes |
4,5 |
0,5 |
10,1 |
Autres |
8,1 |
0,7 |
8,1 |
Total |
109,2 |
15,4 |
14,1 |
dont filiales groupes |
90,4 |
14,3 |
15,8 |
Autres |
18,8 |
1,1 |
6,0 |
Source : Enquête recherche MENRT, Financement
communautaire, de l'ESA et du CIR exclus
Le tableau ci-dessus
1(
*
)
fait apparaître
que les entreprises moyennes et les petites entreprises
bénéficient de taux de financement public de leurs
dépenses de recherche très inférieurs à la moyenne
qui s'établit à 14,1 % (soit respectivement 7,7 % et
8,8 %). Par ailleurs, on observe que ces taux sont encore
inférieurs pour les entreprises indépendantes des grands groupes
industriels.
Les résultats des enquêtes réalisées à partir
de l'examen des crédits incitatifs du ministère de
l'économie et des finances, du ministère de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie et de l'ANVAR corroborent ce
constat.
Cette spécificité française se trouve accentuée
par les modalités d'attribution des crédits communautaires
.
En effet, votre rapporteur le soulignait déjà l'an dernier, les
fonds communautaires profitent pour l'essentiel à des grandes
entreprises. Cette situation résulte à l'évidence des
procédures d'appel d'offre suivies par la Commission européenne,
ces entreprises étant les seules à pouvoir constituer des
dossiers susceptibles d'être retenus dans les délais souvent
très courts qu'elles imposent. Par ailleurs, la définition de
grands programmes au sein du PCRD
2(
*
)
privilégie la logique des grands groupes plus que celle des PME-PMI, qui
trouvent mieux leur place dans des actions comme Eurêka, où la
sélection des programmes se fait non pas par appels d'offre mais sur les
dossiers proposés directement par les entreprises ou les centres de
recherche.
C'est la raison pour laquelle votre rapporteur se félicite de la saisine
par le Bureau du Sénat sur proposition du président du groupe du
RDSE et par plusieurs commissions permanentes du Sénat de l'office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
d'une demande d'étude comparative des procédures Eurêka et
des procédures de la Commission européenne.
Moins enclines à raisonner selon la logique de la commande publique,
les petites et moyennes entreprises sont pourtant plus que les grands groupes
susceptibles de s'adapter à l'évolution du marché
.
Rappelons que les entreprises moyennes (entre 200 et 2 000
salariés) représentent le quart des emplois industriels
français. Enfin, elles jouent un rôle déterminant dans
l'animation des économies régionales, contribuant ainsi à
une politique dynamique d'aménagement du territoire.
3. Augmenter les moyens du Fonds de la recherche et de la technologie
Le Fonds
de la recherche et de la technologie (FRT), dont les crédits sont
inscrits au chapitre 66-04 du fascicule recherche et technologie, regroupe des
crédits incitatifs destinés au soutien de la recherche
technologique de base menée par les entreprises industrielles en liaison
avec les laboratoires publics. Sa vocation est donc de servir de catalyseur
entre la recherche fondamentale, la recherche en matière de technologies
génériques et la recherche industrielle finalisée.
Le fonctionnement de ce Fonds n'a pas jusqu'à présent permis
à cet instrument de remplir le rôle qui lui incombait.
En premier lieu, le FRT a subi les conséquences d'une gestion
budgétaire qui s'est traduite par un déséquilibre des
autorisations de programme et des crédits de paiement et par
l'accumulation d'un endettement du FRT auprès des organismes de
recherche et des entreprises qui a nui à son image.
Par ailleurs, les crédits du FRT semblent notoirement
sous-évalués au regard de la mission de soutien à
l'innovation technologique que le ministère de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie lui a assignée.
En effet, l'essentiel des crédits du FRT sont destinés à
financer la participation du ministère de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie à des programmes
interministériels. Le financement de ces programmes représentait,
en 1998, 56 % des autorisations de programme. Il se répartissait en
1998 entre les principaux programmes suivants :
- REACTIF (programme de recherche en entreprise des applications de la chimie
aux techniques industrielles futures, lancé en 1996 pour une
durée de 5 ans) pour 43 millions de francs ;
- PREDIT (programme de recherche dans le domaine des transports terrestres),
lancé en 1995 pour 70 millions de francs ;
- le projet relatif aux biotechnologies en faveur de l'environnement, de la
santé et de l'agro-alimentaire, lancé en 1996 pour 10 millions de
francs ;
- les projets du réseau national de recherche en
télécommunications arrêtés par le conseil des
ministres du 14 mai 1997 pour 60 millions de francs.
Compte tenu de l'importance de ces programmes, les autres actions du FRT sont
réduites à la portion congrue. Cela a été le cas en
particulier des financements destinés aux projets de
la
procédure Eurêka dont les crédits n'ont cessé au
cours des dernières années de diminuer alors que son
efficacité comme dispositif de soutien à l'innovation
technologique est unanimement reconnue
. A ce titre, votre rapporteur se
félicite que la contribution du FRT à cette procédure soit
significativement accrue en 1999 en étant portée à
80 millions de francs, contre 40 millions de francs en 1998
3(
*
)
.
Il est donc essentiel que l'effort consenti par le projet de budget pour 1999
en ce qui concerne le montant des autorisations de programme soit poursuivi et
qu'il ne soit pas compromis par une gestion reproduisant les errements du
passé.
Enfin, il s'avère que
ces crédits incitatifs ne
bénéficient pas suffisamment aux PME-PMI
, ces
dernières bénéficiant en 1996 de 28 % des
crédits du FRT destinés aux entreprises. Si la volonté de
recentrer les financements a été exprimée, elle ne se
traduit pas encore dans l'attribution des crédits, ce que votre
rapporteur ne peut que déplorer une nouvelle fois cette
année.
B. SIMPLIFIER LE DISPOSITIF DE TRANSFERT ET DE DIFFUSION DE LA TECHNOLOGIE
1. Évaluer et rationaliser les structures d'aide au transfert
•
L'ANVAR: un rôle globalement positif mais une dérive
dangereuse
L'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) joue dans ce
dispositif un rôle central. Elle constitue, en effet, l'instrument
principal d'aide à l'innovation dont disposent le ministère de
l'éducation national, de la recherche et de la technologie et le
ministère de l'économie et des finances.
Son action demeure axée sur le soutien aux projets innovants,
l'accompagnement des créations d'entreprises innovantes, l'accroissement
du potentiel de ressources des PME-PMI par l'aide au recrutement de cadres de
recherche et le soutien aux transferts de technologies.
Le bilan de son action s'avère très satisfaisant. Son rôle
est bien connu des PME-PMI et en particulier des sociétés
à croissance rapide et des start-up qui apprécient son
efficacité. Les délégations larges accordées aux
délégués régionaux lui permettent une
rapidité d'action et une souplesse de gestion très rares pour un
organisme dépendant de l'Etat. Par ailleurs, leur pratique du travail en
réseau, qu'il soit régional (directions régionales de
l'industrie, de la recherche et de l'environnement, collectivités
locales...) ou international (procédures Eurêka) confère
souvent aux interventions de l'ANVAR un caractère
fédérateur favorable aux entreprises.
En 1997, l'Agence est intervenue pour un montant total de
1 350 millions de francs et a accordé 4 664 aides
à l'innovation, soit :
- 1 527 mises au point de produits ou procédés nouveaux
(depuis la faisabilité jusqu'à la préparation du lancement
industriel), pour un montant de 1 099 millions de francs ;
- 640 recrutements pour l'innovation, pour un montant de 97 millions
de francs ;
- 1 643 prestations du Réseau interrégional de
diffusion technologique, pour un montant de 49 millions de francs ;
- 47 soutiens à des sociétés de recherche sous
contrat, pour un montant de 86 millions de francs ;
- 726 " projets jeunes " pour un montant de 15 millions de
francs ;
- 81 soutiens à des inventeurs indépendants, pour un
montant de 4 millions de francs.
Au total, 1 900 entreprises ont reçu le soutien direct de l'ANVAR
(hors prestation du Réseau de diffusion technologique). Sur ce nombre,
51 % recouraient à ses services pour la première fois. Ce
résultat témoigne de l'activité de terrain des
chargés d'affaires, qui s'est traduite par plus de 11 000 contacts
avec des entreprises, tant pour les informer sur l'action de l'Agence que pour
accompagner les projets.
Au regard de ce bilan, votre rapporteur considère qu'il serait
opportun de consolider les compétences de l'ANVAR afin de renforcer le
rôle déterminant qu'elle joue dans les processus de diffusion de
l'innovation et de valorisation des résultats de la recherche.
Cette opinion doit être nuancée par le constat d'une
dérive. Les projets sélectionnés par l'ANVAR ne sont pas
toujours ceux qui sont les plus porteurs d'innovations importantes donc les
plus risqués. Pour ces derniers, compte tenu des procédures de
remboursement appliquées, l'intérêt national n'est pas
compatible avec l'intérêt financier de l'ANVAR.
Les procédures de remboursement des aides doivent être
modifiées. En effet, les procédures en vigueur
défavorisent les innovations à haut risque d'échec mais
également à haut risque de gains c'est-à-dire les vraies
innovations de rupture. Un calcul simple montre qu'une saine gestion par les
délégués de l'ANVAR de l'intérêt de leur
organisme les conduit à éviter d'aider les innovations de
rupture. La solution à cette difficulté est simple: en cas de
réussite, un pourcentage du chiffre d'affaires des
sociétés aidées pourrait être reversé dans
les caisses de l'ANVAR.
•
Les autres partenaires
Aux côtés de l'ANVAR existent un grand nombre de structures qui,
sous les statuts les plus divers, proposent aux entreprises une offre de
services très hétérogène. Etre exhaustif
supposerait d'établir une très longue liste des centres
techniques industriels, des diverses cellules d'information des
assemblées consulaires, des centres régionaux d'innovation et de
transfert de technologie (CRITT), des centres de ressources technologiques, des
conseillers technologiques, des réseaux de développement
économique, des réseaux de développement industriel et des
réseaux de diffusion technologique etc.
Les essais de rationalisation entrepris dans le cadre des contrats de plan
Etat-régions (1994-1998) comme les procédures de
labélisation ont été largement évoqués dans
le rapport Guillaume.
Votre rapporteur constate qu'en dépit de tentatives de clarification
partielles, le dispositif d'aide au transfert de technologie demeure encore
trop opaque. Il lui apparaît nécessaire, dans la perspective de la
préparation des nouveaux contrats de plan Etat-régions, de
procéder à une évaluation de toutes les structures en
activité et d'adapter le soutien public à leurs performances
réelles.
2. Simplifier les aides de l'Etat
A la
complexité du dispositif d'aide au transfert technologique s'ajoute le
foisonnement des aides attribuées au niveau régional par l'Etat
que ce soit par l'intermédiaire des DRIRE, de l'ANVAR ou des DRRT
(délégations régionales à la recherche et à
la technologie).
M. Henri Guillaume, dans son rapport précité, a formulé
des propositions destinées à simplifier ces dispositifs.
Distinguant dans le projet industriel deux phases, la première
consacrée à la recherche et au développement et la
seconde, au développement industriel et commercial, il propose de
réorganiser les dispositifs régionaux de soutien aux PME en
suggérant :
- d'une part, la mise en place d'un dispositif de soutien à
l'innovation et au développement technologique géré par
l'ANVAR qui comprendrait une aide aux projets, une aide aux transferts par les
hommes et une aide aux prestations technologiques ; les procédures
d'aide gérées par les DRRT vont dans le même sens et
peuvent abonder;
- et, d'autre part, la mise en place d'un dispositif de soutien au
développement industriel et à l'exportation géré
par les DRIRE et les directions régionales du commerce extérieur
qui comprendrait des aides à l'investissement, au renforcement de
l'encadrement, au conseil et à l'exportation.
Ce schéma correspond à la logique des projets
industriels.
C. CRÉER DES CONDITIONS FINANCIÈRES ET FISCALES FAVORABLES AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES
On
connaît les exemples nombreux d'entreprises technologiques
générant richesses, emplois, dynamisme économique et qui,
en peu d'années, prennent une part importante du marché mondial.
Ce sont les poules aux oeufs d'or de l'économie moderne.
Beaucoup sont localisées en Californie et aussi dans bien d'autres lieux
mais assez peu en France. Pourquoi ?
Répondre à cette question, c'est identifier les obstacles
auxquels se heurtent les idées et les résultats innovants qui
sont nombreux à se faire jour dans tous les organismes publics ou
privés français.
Il y a des obstacles culturels imputables à la sociologie dominante, des
obstacles financiers et des obstacles résultant de structures
constitutionnelles trop figées.
1. Réhabiliter le risque entrepreneurial
a) La trop faible propension à entreprendre
La prise
de risque n'est pas perçue comme essentielle pour la création
d'emplois, de richesse et de satisfaction. Ce phénomène d'ordre
culturel est-il inéluctable ? Certes l'assistanat
généralisé ou la protection systématique du
salariat -au détriment de ceux qui entreprennent- est inscrit dans les
lois et les règlements, comme s'il n'y avait pas d'autres travailleurs
que les travailleurs salariés. Commerçants, artisans,
cultivateurs, entrepreneurs individuels, professions libérales sont
souvent oubliés. Il suffit que telle ou telle catégorie de
fonctionnaires ou d'employés d'entreprises nationales menacent de faire
grève pour que les médias s'émeuvent. Les travailleurs
indépendants savent bien qu'ils n'intéressent pas les
médias et que leur journée de grève ne sera jamais
payée par les contribuables !
Modifier cette donnée de la sociologie française est une
tâche difficile, et néanmoins indispensable. Elle est
réalisable à condition de le vouloir avec continuité et
ténacité. Des micro-cultures locales ont pu ainsi se
développer dans des lieux privilégiés : les technopoles en
particulier, du moins celles qui ont une taille critique et une proportion
suffisante d'installations industrielles en liaison avec le système de
la recherche. Les créations d'entreprises par des chercheurs y sont plus
nombreuses qu'ailleurs, ce qui souligne l'importance de la proposition de loi
en cours de discussion sur la création d'entreprise par les chercheurs
et du projet de loi sur l'innovation qui nous est annoncé par le
ministre en charge de la recherche.
b) De nouvelles mesures destinées à favoriser la création de petites ou moyennes entreprises innovantes
Votre
rapporteur souligne depuis de nombreuses années la
nécessité d'encourager les vocations de créateurs
d'entreprises. Les Français sont, en effet, traditionnellement peu
enclins à cultiver le goût du risque et le désir
d'entreprendre, ces réticences s'expliquant notamment par les
difficultés administratives liées à la création
d'entreprises mais également par la nature de la formation et de
l'enseignement qu'ils reçoivent. En effet, près de deux jeunes
sur trois estiment que le milieu scolaire ne permet pas de développer le
goût pour l'innovation et la recherche et la majorité d'entre eux
considère que le climat n'est pas en France favorable à l'esprit
d'entreprise.
L'encouragement à la création d'entreprises passe notamment par
la reconnaissance fiscale du risque pris par les investisseurs.
La loi de finances pour 1998 a prévu deux dispositifs destinés
à valoriser les compétences : l'un permettant le report
d'imposition des plus-values en cas de réinvestissement dans une
société non côtée et l'autre concernant les bons de
souscription de parts de créateur d'entreprises.
Votre rapporteur qui avait accueilli favorablement la mise en oeuvre de ces
deux dispositifs l'an dernier ne peut que se féliciter que l'article 4
du projet de loi de finances pour 1999 en élargisse le
bénéfice aux sociétés créées depuis
moins de quinze ans, tout en regrettant qu'il ne s'accompagne pas d'une
prorogation de leur application, le terme de cette dernière demeurant
fixé au 31 décembre 1999.
•
Les mesures fiscales destinées à valoriser les
compétences et les savoirs
- le report d'imposition de plus-values en cas de
réinvestissement dans une société non cotée
La loi de finances pour 1998 avait fait un premier pas dans le sens d'une
meilleure prise en compte du capital-compétence, en prévoyant la
possibilité pour des dirigeants de sociétés de
bénéficier d'un avantage fiscal lorsqu'ils vendent les parts de
leurs sociétés et qu'ils en réinvestissent le produit dans
une société non cotée créée depuis moins de
sept ans.
Cette mesure, qui consistait en un report d'imposition des plus-values de
cession de droits sociaux, devait permettre aux nouvelles entreprises de
bénéficier de ressources financières tout en tirant profit
des capacités de dirigeant de leurs investisseurs.
Votre rapporteur avait salué l'an dernier cette initiative susceptible
de susciter des vocations de "
business angels
", encore trop
rares en France aujourd'hui.
Sous ce vocable dont il n'existe pas encore d'équivalent français
-l'angélisme et les affaires ne vont pas dans notre culture facilement
de pair- se cachent des personnalités qui, ayant créé ou
dirigé des entreprises, ont été conduites à
revendre leurs stock-options et disposent donc de capitaux. Leurs
compétences et leur tempérament les amènent à
investir dans de jeunes entreprises et parfois à participer à
leur gestion. Elles apportent donc compétences et réseaux de
relations.
Ce phénomène est absolument capital dans la dynamique
californienne et commence à se développer en Europe. Ainsi, un
réseau de business angels s'est mis en place à partir de 1995 en
France et en Europe. Il regroupe des institutions financières et des
FCPI spécialisés dans le financement de PME innovantes et
d'entreprises à croissance rapide mais aussi quelques " business
angels " personnes physiques. Sa vocation est en quelque sorte de
créer un marché entre les investisseurs et les entrepreneurs
à la recherche de fonds.
UN
EXEMPLE DE L'INTERVENTION DES " BUSINESS ANGELS " :
la
société " REALIZ "
REALIZ,
société créée le 1er mars 1998 avec un capital de
l'ordre d'un million de francs, est un essaimage de l'INRIA de Sophia Antipolis
et des cadres de Medialab (CANAL +). Regroupant six associés
(moyenne d'âge 30 ans), elle a bénéficié d'une
étude de marché cofinancée par l'ANVAR, de
procédures CORTECHS et CIFRE gérée par la DRRT, d'une
licence de brevets déposée par l'INRIA, du savoir faire et de
financements en capital et en avances de trésorerie de " business
angels " tels que MM. Alain Gingaud (ex-PDG de Siemens Nixdorf
France), Jean-Marie Hullot (ancien directeur technique de Next) et de Steve
Jobs (Nikon Itec).
REALIZ, spécialiste de l'image de synthèse, emploiera 17
personnes avant la fin 1998. Elle a investi 3 millions de francs et
augmente son capital d'un million de dollars. Elle a au début de
l'année 1998 une filiale de commercialisation en Californie où
elle trouvera comme clients les grands d'Hollywood. Il importe que le centre de
décision de REALIZ demeure en France et, donc, que cette
société puisse être capitalisée par des
" business angels " français et des institutions
financières françaises et non uniquement par l'entrée sur
le légendaire NASDAQ.
- Les " stocks options " : une mesure indispensable
La loi de finances pour 1998 avait prévu que les sociétés
non cotées créées depuis moins de sept ans pouvaient
proposer à leur personnel des bons de souscription de parts de
créateur d'entreprise à un prix définitivement fixé
lors de leur attribution et donnant le droit de souscrire une part du capital
de la société.
Cette mesure adaptait le système plus connu sous le nom de
" stock-options " aux sociétés innovantes. En effet,
elle permettait à celles dotées d'un fort potentiel de croissance
d'attirer, en les intéressant à leur croissance, des dirigeants,
des cadres ou des scientifiques de haut niveau auxquels elles n'ont pas en
général les moyens d'offrir des salaires élevés.
Ainsi, ces derniers disposent de la faculté de capitaliser leur
investissement personnel et de compenser le risque financier
élevé que représente la participation au capital de
l'entreprise. Pour ces raisons, cette mesure présentait un
caractère stratégique.
Néanmoins, ses modalités de mise en oeuvre n'étaient pas
de nature à garantir sa pleine efficacité, dans la mesure
où cette possibilité n'était ouverte que pendant les sept
premières années d'existence de l'entreprise, période
où l'équipe dirigeante est encore restreinte et le succès
incertain. L'extension de ce dispositif aux sociétés
créées depuis moins de quinze ans prévue par le projet de
loi de finances est donc bienvenue. Il faut s'en féliciter.
•
Encourager fiscalement la prise de risque
Si les dispositifs fiscaux précédemment évoqués
sont indiscutablement favorables aux PME-PMI innovantes, ils ne permettent pas
de répondre à la difficulté première à
laquelle se trouvent confrontés les entrepreneurs qui consiste à
réunir les premiers capitaux
. Depuis longtemps déjà,
votre rapporteur insiste sur la nécessité de drainer
l'épargne de proximité vers les PME. En effet, ce sont souvent
les proches du créateur d'entreprise qui constitueront son premier
actionnariat. Cela implique que les dispositions fiscales reconnaissent le
caractère risqué de ce type d'investissement.
L'article 67 du projet de loi de finances pour 1999 s'inscrit dans cette
perspective en procédant à un
aménagement du dispositif
de déduction du revenu global des pertes au capital de
sociétés en cessation de paiements
.
Les particuliers qui ont souscrit en numéraire au capital d'une
société nouvelle constituée à compter du 1er
janvier 1994 ou à une augmentation de capital réalisée par
une société dans le cadre d'un plan de redressement ordonnant la
continuation de l'entreprise, peuvent déduire de leur revenu imposable
les pertes en capital subies en cas de cessation de paiements de la
société.
La déduction est égale au montant de la souscription, sous
déduction éventuelle des sommes récupérées
par le contribuable. Elle est plafonnée annuellement à
100 000 francs pour une personne seule ou à
200 000 francs pour un couple marié. Elle est notamment
subordonnée à la condition que la cessation des paiements de la
société intervienne dans les cinq ans de sa constitution ou du
plan de redressement. De plus, s'il s'agit de pertes subies à raison de
la souscription au capital d'une société nouvelle, celle-ci ne
doit notamment ni avoir été créée dans le cadre de
la reprise d'une activité préexistante, ni être
détenue pour plus de 50 % de son capital par d'autres
sociétés.
Les assouplissements apportés à ce dispositif par le projet de
loi de finances pour 1999 sont destinés à encourager davantage la
prise de risque que représente pour les particuliers la souscription au
capital de petites et moyennes entreprises, notamment en cas de souscription au
capital de PME innovantes et à fort potentiel de croissance.
Le champ d'application du dispositif est étendu. Le délai pouvant
s'écouler entre la création ou le plan de redressement de la
société et son état de cessation de paiement est
porté de 5 à 8 ans. Par ailleurs, sont incluses dans ce
dispositif les entreprises créées par voie d'essaimage,
c'est-à-dire les entreprises créées par les
salariés d'une société et financées par cette
dernière.
Enfin, les règles de détention du capital de la
société nouvelle sont modifiées dans le sens d'un
assouplissement, les participations détenues par les divers organismes
de capital risque (SCR, SDR, SFI, FCPI, FCPR) n'étant plus
assimilées à des participations d'autres
sociétés.
2. Améliorer le financement de l'innovation
En
France, le financement de l'innovation se heurte traditionnellement à
l'insuffisance relative de l'épargne longue, aggravée par son
insuffisante orientation vers les placements à risque.
Grâce à la création d'instruments nouveaux comme le Nouveau
marché ou de dispositifs fiscaux incitatifs tels les fonds communs de
placement dans l'innovation ou les stocks-options, les mécanismes
financiers de soutien à l'innovation ont pu être
améliorés.
Si les progrès enregistrés jusqu'à présent ont
permis aux entreprises déjà créées de trouver les
moyens financiers nécessaires à leur développement, le
financement de la phase d'amorçage reste encore insuffisant.
a) Orienter l'épargne vers les entreprises innovantes
L'article 102 de la loi de finances pour 1997, répondant
à des demandes formulées par votre commission depuis de
nombreuses années, a créé les fonds communs de placement
dans l'innovation (FCPI).
Un FCPI est une variété de fonds communs de placements à
risques (FCPR) qui a vocation à investir 60 % de ses fonds dans des
entreprises innovantes non cotées, comptant moins de 500
salariés, dont le capital est détenu majoritairement par des
personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des
personnes physiques. Ces sociétés doivent avoir
réalisé, au cours des trois exercices précédents,
des dépenses cumulées de recherche, d'un montant égal au
tiers du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé
au cours de ces trois exercices ou justifier d'une activité dont le
caractère innovant a été reconnu par l'ANVAR pour une
durée de trois ans renouvelable.
A ce jour, on recense 6 FCPI.
Les personnes physiques qui souscrivent aux FCPI peuvent
bénéficier d'une réduction d'impôt de 25 % du
montant investi plafonné à 75 000 francs pour les
personnes seules et à 150 000 francs pour les couples
mariés.
Les FCPI devaient, d'une part, remédier à l'insuffisante
participation des organismes de crédits au financement des entreprises
innovantes et, d'autre part, permettre une mobilisation de l'épargne de
proximité qui joue souvent un rôle déterminant dans la
création de ces entreprises.
Le projet de loi de finances pour 1999 propose dans son article 66 de
proroger la
période d'application de la réduction
d'impôts jusqu'au 31 décembre 2001.
Notons que cette
prorogation concerne également la réduction d'impôts
attachée à la souscription au capital de sociétés
non cotées prévue à l'article 199
terdecies
0A du
code général des impôts.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 1999 propose d'étendre
le champ d'application de la réduction d'impôts accordée au
titre de la souscription au capital de sociétés non cotées
en relevant les seuils de chiffres d'affaires des entreprises pouvant
bénéficier de ce régime et également d'assouplir
les conditions d'éligibilité des sociétés dont les
titres peuvent figurer dans le quota de 60 % des FCPI.
Votre rapporteur se félicite de la prorogation et de l'extension de ces
dispositifs. Toutefois, il regrette que l'avantage fiscal consenti en faveur
des souscripteurs de parts de FCPI ne soit pas plus incitatif compte tenu du
caractère stratégique des investissements privés dans
l'innovation et demeure bien modeste comparé à des dispositifs
tels que les SOFICA. Votre rapporteur estime souhaitable de relever de
150 000 à 200 000 francs le plafonds de la
réduction d'impôt pour les couples mariés et de porter la
réduction d'impôt à 50 % des sommes investies... et
risquées.
Rappelons, par ailleurs, que la loi de finances pour 1998, afin de mobiliser
l'épargne mutualisée en faveur des PME et des entreprises
innovantes, avait prévu que les produits des contrats d'assurance-vie
investis principalement en titres de fonds communs de placement à risque
(FCPR), de FCPI, de sociétés à capital risque (SCR), de
sociétés financières d'innovation (SFI), de
sociétés non cotées ou cotées sur le Nouveau
marché bénéficient de l'exonération d'impôts
sur le revenu. Il est pour l'heure trop tôt pour apprécier
l'impact d'une telle mesure sur l'orientation de cette forme d'épargne
vers le capital-risque et les entreprises innovantes.
b) Encourager les dépenses de recherche des PME-PMI
L'an
dernier, votre rapporteur avait souligné la nécessité de
reconduire le dispositif de crédit d'impôt recherche. Il se
félicite donc que l'article 64 du projet de loi de finances pour 1999
propose de proroger ce dispositif pour une durée de cinq ans et
d'aménager certaines de ses modalités.
En effet, le crédit d'impôt recherche constitue une composante
essentielle de l'aide publique en faveur de la recherche. Du fait de ses
modalités, il substitue à la logique des aides sectorielles celle
du marché et corrige la logique traditionnelle du soutien public
à la recherche. Par ailleurs, il permet la diffusion de la recherche sur
l'ensemble du tissu industriel et non pas dans certains secteurs
sélectionnés. Enfin, dans le cadre de la modulation territoriale
introduite par la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, il
constitue une incitation à la localisation hors de la région
parisienne de la recherche industrielle. Sans doute conviendrait-il d'augmenter
cette modulation afin d'en accroître l'impact.
En effet, ce dispositif, neutre du point de vue de la dépense
engagée et de l'activité de recherche mise en oeuvre, permet
d'orienter la recherche française vers les secteurs les plus profitables
et les plus compétitifs.
Plus de 7 000 entreprises, dont 6 300 PME, ont souscrit une
déclaration de crédit d'impôt recherche (CIR) au titre de
1997. Rappelons que le CIR est attribué sur option à toute
entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale ou
agricole, quelle que soit sa forme juridique. Calculé sur
l'accroissement des dépenses de recherche exposées par
l'entreprise, il est égal à 50 % de l'excédent des
dépenses de l'année par rapport à la moyenne de celles
exposées au cours des deux années précédentes.
Comme l'indique le tableau ci-dessous, le CIR s'avère très
favorable aux PME.
ENTREPRISES BÉNÉFICIAIRES DU C.I.R. EN 1997
|
NOMBRE D'ENTREPRISES (en %) |
R & D EFFECTUÉE (en %) |
C.I.R.
PERÇU
|
Petites entreprises (moins de 20 personnes) |
32 |
4 |
12 |
Entreprises moyennes (20 à 500 personnes) |
58 |
24 |
42 |
Grandes entreprises (plus de 500 personnes) |
10 |
72 |
46 |
Parmi les aménagements apportés par le projet de loi de finances, il importe de noter qu'il est prévu de faire bénéficier les entreprises d'une restitution immédiate du CIR pendant les trois premières années d'activité, ce qui est de nature à renforcer la situation financière des entreprises nouvelles.
3. Développer les moyens de financement des entreprises innovantes
Handicapées par la faiblesse de l'épargne longue
en
France et l'absence de fonds de pension, les entreprises innovantes
éprouvent de grandes difficultés à réunir les
capitaux nécessaires à leur développement. Il faut donc
créer des conditions favorables à un meilleur financement de ces
entreprises à toutes les étapes de leur croissance.
A cet égard, nous rappellerons l'effet de levier essentiel que
constituent les stock-options et l'importance du rôle des
"
business angels
", véritables
anges gardiens
de l'économie moderne.
Nous soulignerons également que les FCPI et les sociétés
de capital-risque devraient mieux tenir compte de la nouvelle
possibilité offerte par leurs équivalents européens, et
par le Nouveau marché.
a) Ouvrir les marchés financiers aux entreprises innovantes : le Nouveau marché
Le
" Nouveau marché ", constitué sous l'égide de la
Société des bourses françaises, fonctionne à Paris
depuis le 1er janvier 1996.
Ce marché, à la création duquel le groupe d'études
" Innovation et entreprises " a contribué de manière
déterminante, est destiné à favoriser l'essor des
entreprises innovantes. Organisé à l'image du NASDAQ
américain, il a pour vocation d'assurer aux investisseurs du
capital-risque la liquidité de leurs placements.
Plus de deux ans après sa création, ce marché
connaît un réel succès : les 50 entreprises qui y sont
cotées y ont levé 4 milliards de francs pour financer leur
développement. D'après une enquête réalisée
par la société du Nouveau marché, les
20 premières entreprises introduites sur ce marché
créaient toutes des emplois, avec une progression moyenne des effectifs
de 35 % sur une période maximale de douze mois.
L'entrée des entreprises sur le Nouveau marché succède en
général à une phase de développement dont le
financement a été assuré par des sociétés de
capital-risque.
Depuis mars 1997, trois autres marchés de ce type ont été
créés en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. Ils sont
organisés au sein d'un réseau dénommé " Euro
NM ", constitué sous la forme d'un GIE. Cette organisation permet
une intégration des marchés, les réglementations
étant harmonisées. Elle représente déjà
10 milliards de francs de capitaux levés.
Appelés à se développer, ces marchés devraient donc
devenir d'ici quelques années des acteurs majeurs du financement des
entreprises innovantes. Il est à souhaiter que les avantages qu'ils
présentent ne soient pas occultés par les difficultés
conjoncturelles liées à la crise financière qu'ils
traversent. Ils font, en effet, encore figure de nains comparés au
NASDAQ dont la dynamique est telle que d'ici peu la bourse de New-York risque
d'être dépassée. En outre, le NASDAQ est en train de mettre
en place un système de bourse mondiale sur internet où les
commissions bancaires sur les achats ou les ventes de titres seront nettement
moins élevées que sur les marchés traditionnels.
b) La création d'un fonds public pour le capital-risque : une initiative encore incertaine
Traduisant la volonté du gouvernement de favoriser
l'émergence de nouveaux capitaux pour financer les entreprises
innovantes, un fonds public pour le capital-risque a été
créé.
Ce fonds, présenté comme " un fonds pour les fonds ",
n'investira pas directement dans les entreprises nouvelles mais fonctionnera
par abondement sous forme d'avances aux fonds de capital-risque privés.
Il devrait permettre d'accroître, par effet de levier, les
capacités d'intervention de ces derniers. En pratique, il apportera des
financements à des sociétés de capital-risque
privées qui, à leur tour, apporteront des fonds propres aux
jeunes entreprises innovantes.
Ces modalités de financement permettent de mettre l'intervention de
l'Etat au service des forces du marché puisque c'est aux
opérateurs privés qu'il appartiendra d'analyser les perspectives
industrielles, financières et commerciales de chaque projet, de
décider l'investissement en fonds propres, et donc de prendre la plus
grande part du risque d'investissement.
La Caisse des dépôts et consignations a été
chargée de la gestion de ce fonds.
Son financement, qui devrait s'élever à 600 millions de
francs, est assuré par l'affectation d'une partie des recettes provenant
de l'ouverture du capital de France Télécom. Votre rapporteur
préférerait des formules fondées sur l'assurance-vie ou
les fonds de pension car les sommes prévues ne paraissent pas à
la hauteur des besoins des entreprises innovantes qui, en période de
croissance, se chiffrent très vite en centaines de millions.
c) Le nécessaire développement des fonds d'amorçage
Comme le
soulignait plus haut votre rapporteur, ce sont les premiers capitaux qui sont
les plus difficiles à réunir.
Aux États-Unis, cet obstacle est levé notamment grâce
à l'intervention des " business angels ", qui sont le plus
souvent des professionnels dont le métier est de soutenir les jeunes
entreprises afin de récolter les fruits de leur placement au fur et
à mesure du développement des sociétés dont ils ont
soutenu le décollage.
En France, ce mécanisme est encore embryonnaire et n'est pas
encouragé par la fiscalité. Il semble nécessaire de
susciter le développement de fonds d'amorçage, à condition
qu'ils soient techniquement bien gérés.
La participation des laboratoires publics à ces fonds apparaît
légitime. C'est, en effet, en leur sein que l'on cherche à
développer des projets de création d'entreprises innovantes et
qu'existent les capacités d'expertise scientifique nécessaires
pour apprécier la pertinence des investissements envisagés. Ces
fonds correspondent à l'évidence à la volonté de
mieux valoriser le résultat de la recherche publique.
L'INRIA, institut national de recherche en informatique et en automatique, a
créé en novembre 1997 sous le nom d'INRIA-Transfert un fonds
commun de placement à risque sur ce modèle. Cette initiative
mérite d'être systématisée, notamment dans le
secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication et
dans celui des biotechnologies.
Il convient aussi d'encourager la création de fonds d'amorçage
locaux, à l'image de celui lancé à la fin de
l'année 1997 par l'Université de Compiègne.
Ces fonds ne sont en fait qu'un signal fort en direction des investisseurs
privés dont l'intervention est essentielle tant en volume financier que
pour les compétences en matière de gestion et de management
qu'ils peuvent apporter.
4. Des structures institutionnelles trop figées
Votre
rapporteur sait que les remarques qui vont suivre vont déplaire. Mais il
est certain que les administrations ou les organismes consulaires,
malgré certaines initiatives récentes, ne sont pas conçus
pour répondre aux besoins des jeunes entrepreneurs aux prises avec des
marchés mondialisés et très concurrentiels et dont
l'énergie est tournée vers la conquête des niches de
marché très pointues et innovantes.
Les entreprises traditionnelles trouvent auprès des institutions et des
administrations des partenaires qui parlent le même langage. Lorsque ces
entreprises sont des PME, elles trouvent facilement d'autres PME qui ont les
mêmes problèmes et des interlocuteurs administratifs capables de
les comprendre.
Une PME innovante qui a besoin de conseils juridiques très
spécifiques pour des exportations aux États-Unis ou au Japon, ou
pour des partenariats complexes de sous-traitance à l'étranger ou
en matière de propriété industrielle, ne trouve pas
toujours auprès de l'administration ou des assemblées consulaires
des personnes à l'écoute et compétentes.
Le problème est difficile à résoudre mais correspond
à un besoin réel.
Une forme de mutualisation des difficultés peut être
trouvée grâce à la formule des clubs. Mais elle implique
l'existence d'une structure pour en organiser les réunions et en fixer
les ordres du jour. Les expériences qui ont été faites,
notamment dans le cadre de l'association " Route des hautes
technologies ", montrent que cette voie mérite d'être
explorée. Bien des handicaps auxquels on ne songe pas a priori se
révèlent et peuvent, par la mise en commun des problèmes,
trouver des solutions.
Cette mutualisation est un des points clés de la nouvelle forme de
l'économie mondiale. Elle peut porter sur la mutualisation des risques,
par exemple grâce à des mécanismes d'assurances. Ainsi, les
problèmes de lutte contre les contrefaçons et de protection de la
propriété industrielle qui sont à cet égard
stratégiques pour les PME pourraient être réglés de
cette façon. Or, il n'existe pas en ce moment
" d'assurance-contrefaçon " et votre rapporteur estime
nécessaire que des actions puissent être engagées dans ce
domaine.
De même, la coopération industrielle dans les projets de recherche
devient un problème essentiel étudié par le remarquable
rapport remis par M. Thierry Gaudin, ingénieur
général des Mines, au ministre chargé de
l'industrie : " coopération inter-entreprises et
innovation " (1998), dont les conclusions sont les suivantes :
" Le paysage mondial de la coopération interentreprises a
fondamentalement changé dans les années 80-90. (...) Une
véritable toile d'araignée d'alliances technologiques s'est
tissée entre les entreprises des pays développés, parfois
incluant les entreprises françaises (matériel électrique),
parfois les contournant (automobile).
" Il n'est pas exagéré de dire que les États-Unis,
qui ont alimenté leur leadership technologique par des commandes
militaires, nourrissent actuellement des visées impérialistes sur
la technologie mondiale et sont prêts à consacrer des moyens d'un
ordre de grandeur militaire pour maintenir et accroître leur domination.
" La " course à l'innovation " dans les technologies de
l'information et de la communication a profondément marqué les
comportements. Une bonne partie de l'innovation se fait sur commande,
programmée, presque mercenaire, et l'on consent plus facilement à
s'allier parce qu'il le faut pour rester dans la course.
" Les entreprises françaises ont une attitude de principe
très favorable à la coopération, comme le montre
l'enquête d'opinion effectuée auprès d'elles par la
DGSI
4(
*
)
. Mais les petites entreprises disent
peiner à trouver des partenaires auxquels s'allier. Leur proposer une
aide ne changerait sans doute pas grand chose. Par contre, il y a beaucoup
à faire dans le développement de formes nouvelles
d'intermédiation et d'" échanges culturels " dans le
registre de la technologie.
" Il s'agit là, pour l'essentiel, d'un
volet régional
de la politique d'innovation qui comprend lui-même plusieurs aspects :
réseaux d'information, infrastructures et activités d'animation
proprement dites. Pour mener à bien les actions nécessaires qui
doivent être appréciées au cas par cas et région par
région, les DRIRE devraient disposer d'un fonds d'aménagement de
l'environnement de l'innovation dont les modalités d'utilisation
seraient évolutives et définies régionalement.
" Par ailleurs, la coopération et le processus d'innovation,
lorsqu'on les examine au niveau international, soulèvent des questions
très délicates de droit de la concurrence et plus
généralement d'identification et de lutte contre les obstacles
à l'innovation. Les nouvelles technologies, notamment les logiciels,
sont plus encore que les anciennes sujettes à des confiscations
abusives. Il est indispensable que les
obstacles à l'innovation
soient l'objet d'un processus continu
d'évaluation
et
d'élimination
. Un groupe de travail DGSI-DGCCRF
5(
*
)
, associant l'INPI
6(
*
)
et
l'AFNOR
7(
*
)
, devrait être constitué
afin de proposer au gouvernement les textes nécessaires.
" Enfin, l'outil principal permettant à l'administration de
renforcer les liens de coopération et d'améliorer la
capitalisation du savoir-faire nécessaire aux innovations de niveau
mondial n'est pas la gestion de procédures d'aide. C'est un maniement
plus orienté vers l'innovation des
marchés publics
. Il est
possible, en s'inspirant de la procédure des concours d'architecture, de
trouver une approche qui, tout en ménageant l'orthodoxie de la
réglementation, permette une orientation plus innovatrice. Un travail de
définition des modalités pourrait être entrepris dans cette
direction en collaboration avec la commission centrale des marchés.
" Compte tenu de la détermination et de l'ampleur des moyens
mobilisés par les concurrents américains et asiatiques, il faut
aussi se demander si
l'ordre de grandeur
des actions menées par
la France et l'Europe est bien suffisant.
" En définitive, la coopération interentreprises est la
conséquence de l'évolution de la situation objective dans
laquelle se trouvent les entreprises. Elle a connu un accroissement
spectaculaire international depuis 15 ans, aboutissant à la formation de
" clusters " mondiaux (...).
" Mais, si l'administration peut accompagner ce mouvement
général et venir à l'appui de cette nouvelle façon
de faire des entreprises, il ne paraît ni possible, ni opportun qu'elle
envisage de l'infléchir. "
III. UNE PRIORITÉ : AFFIRMER LA POSITION DE LA FRANCE DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
Il ne s'agit pas, précisons-le, d'affirmer que ce domaine est le seul qui nécessite un effort de recherche. Bien entendu les recherches dans les domaines des biotechnologies, de la santé, de l'environnement, de l'énergie sont importantes. Mais le secteur de l'informatique et de la communication, par son caractère transversal, recouvre tous les autres et les progrès y sont à la fois fulgurants et déterminants pour l'avenir.
A. UN DÉFI À RELEVER
1. Une condition de la croissance économique pour les années à venir
•
Un potentiel de croissance
Depuis longtemps déjà, les travaux du Sénat et de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
soulignent que dans les années à venir la croissance
économique de la France dépendra du succès de son
entrée dans la société de l'information
8(
*
)
.
En effet, il importe que notre pays ne soit pas réduit au statut de
consommateur de nouvelles technologies mais qu'il participe en tant qu'acteur
à la croissance industrielle qui découlera du
développement de la société de l'information.
La maîtrise de ces technologies constitue désormais
un enjeu
stratégique majeur
. Elle déterminera, en effet, pour une
large part la compétitivité des économies, la
qualité des réseaux de communication, l'efficacité
administrative et donc l'attractivité du territoire national pour les
investisseurs étrangers.
Il s'agit donc de déjouer un risque
de sujétion non seulement économique mais également
scientifique et culturelle
.
Il n'est plus un secteur de l'ingénierie ou de la production, des plus
traditionnels aux industries de pointe, où les technologies de
l'information n'aient pas pénétré de manière
massive, transformant les processus de conception et de fabrication et ouvrant
de nouveaux marchés. On estime par exemple que 40 à 50 % de
la valeur d'un avion moderne est faite d'électronique et de logiciel, et
certaines voitures de série actuelles contiennent plus d'informatique
que le module lunaire utilisé par Neil Amstrong en 1969. La
pénétration des ordinateurs personnels, la combinaison de la
micro-informatique et des télécommunications modifient
l'organisation des rapports commerciaux comme les relations entre les individus
ou les rapports entre les citoyens et les services publics.
Le rythme de l'innovation technologique qui dicte ces mutations est de plus en
plus rapide et suscite une demande économique et sociale
extrêmement forte. Le marché mondial des technologies de
l'information et de la communication croit de 10 % par an et le nombre des
ménages reliés aux réseaux électroniques triplera
dans les cinq ans à venir. Plus largement, les technologies utilisant
l'informatique, l'automatique et le calcul scientifique ouvrent des
perspectives d'innovation considérables dans presque tous les secteurs
qu'il s'agisse de l'ingénierie, de l'éducation, de la
médecine, des transports ou encore du commerce ou de la finance.
Un colloque tenu au Sénat les 16 et 17 novembre dernier sous
l'égide du groupe d'études " Innovation et
entreprises ", auquel ont participé plus de 200 personnes, dont les
plus grands spécialistes internationaux, sous le titre
" Forum
global : donner forme à l'avenir ",
a confirmé que le
mouvement mondial en la matière s'accélérait.
Les secteurs impliqués dans ces évolutions représentent un
important potentiel de création d'emplois. Aux Etats-Unis, on estime que
l'essor des technologies de l'information et de la communication a
contribué à créer directement le tiers des nouveaux
emplois. Un constat analogue peut être fait en Europe : une
étude récente de la Commission européenne indique que le
nombre d'emplois créés dans les services est directement
lié au volume des investissements dans les nouvelles technologies.
La France et l'Europe ont des atouts non négligeables pour
réussir leur entrée dans la société de
l'information et s'affirmer dans la compétition économique et
technologique qu'elle entraîne. Outre l'expérience du Minitel, qui
a permis à un très large public d'avoir accès à une
gamme étendue de téléservices, la France dispose d'atouts
technologiques comme la carte à puce. Par ailleurs, elle compte
plusieurs grands acteurs industriels très bien placés au niveau
international qu'il s'agisse d'opérateurs de
télécommunications, de constructeurs ou d'équipementiers.
Enfin, elle bénéficie de la qualité de son dispositif de
recherche.
2. Une prise de conscience salutaire
•
Un programme d'action gouvernemental
Annoncé en août 1997 à Hourtin par le Premier ministre, le
programme d'action gouvernemental pour préparer l'entrée de la
France dans la société de l'information a été rendu
public le 16 janvier 1998 à l'issue du comité
interministériel pour la société de l'information. Il
détermine pour les années à venir les grandes orientations
de l'action publique à conduire dans ce domaine.
L'affirmation du caractère prioritaire de cet enjeu, que votre
rapporteur ne peut que soutenir, est nette. En effet, il y a deux ans
déjà, il avait observé que
" tant qu'il n'y aura
pas des programmes d'une ampleur comparable au programme nucléaire et au
programme spatial, programmes intégrant la sensibilisation des usagers
et le financement massif des expérimentations, la France ne pourra
prendre le leadership auquel la pratique du Minitel lui permet de
prétendre ".
Force est de constater une nouvelle fois que s'il y a des
infléchissements, ils ne semblent pas encore suffisants.
Le programme gouvernemental, qui comprend à la fois des orientations et
des propositions, s'articule autour de six priorités :
1. renforcer le rôle des nouvelles technologies de l'information et de
la communication dans l'enseignement ;
2. définir une politique culturelle pour les nouveaux
réseaux ;
3. mettre les technologies de l'information au service de la modernisation des
services publics ;
4. faire des technologies de l'information un outil primordial pour les
entreprises ;
5. encourager l'innovation industrielle et technologique ;
6. instituer une régulation efficace et un cadre protecteur pour
l'information.
•
Un suivi budgétaire difficile
Le programme présenté par le gouvernement se veut plus incitatif
que directif. Il tend à créer les conditions favorables au
développement de la demande de nouvelles technologies, rompant ainsi
avec la logique des politiques sectorielles et des commandes publiques
massives. Il intéresse l'ensemble des ministères bien que
certains soient plus particulièrement concernés, tels le
ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie ou le ministère de l'économie et des finances. Par
ailleurs, il met en jeu des crédits incitatifs mais comporte
également des mesures financées sur le budget des
établissements de recherche.
Mais en l'absence de présentation synthétique, le contrôle
du Parlement sur les modalités budgétaires de la mise en oeuvre
de ce programme ne peut que dépendre des informations
communiquées par le gouvernement.
D'après les indications fournies par le BCRD, 2,7 milliards de
francs ont été engagés en 1998 pour les recherches
conduites dans le domaine des technologies de l'information et de la
communication, principalement par le biais de soutiens incitatifs du
ministère chargé de l'industrie (1,5 milliard de francs), de
l'ANVAR (400 millions de francs) et du ministère chargé de
la recherche (200 millions de francs)
B. DES INCERTITUDES SUR LES PROGRAMMES DE RECHERCHE NÉCESSAIRES
Si votre rapporteur approuve les propositions destinées à créer un cadre favorable au développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment en incitant les entreprises à tirer profit des opportunités qu'elles offrent, il considère comme encore trop incertaines les orientations données en la matière à la politique de la recherche.
1. Le nécessaire développement de l'effort de recherche
La
plupart des succès technologiques de ces dernières années
résultent d'une heureuse combinaison entre la recherche fondamentale,
les compétences nécessaires à la mise au point de
prototypes convaincants, l'esprit d'entreprise et le soutien massif des
pouvoirs publics.
Ainsi, la commutation par paquets, qui est à l'origine d'Internet, a
été initiée vers la fin des années 60 par des
universitaires puis soutenue par les pouvoirs publics américains avant
de connaître le succès. De même, le succès de
SGS-Thomson a été fondé sur des acquis de la recherche
publique, en particulier du laboratoire d'électronique et des
technologies de l'instrumentation (LETI), qui ont ensuite fait l'objet de
programmes européens et nationaux massifs.
Dans le secteur des technologies de l'information, le succès
économique repose sur l'efficacité du transfert des connaissances
entre la recherche et l'industrie
. En effet, dans ce secteur plus que dans
beaucoup d'autres, le cercle " vertueux " liant la recherche de base
et ses applications trouve à s'appliquer. En effet, des entreprises
comme Digital Equipment Corporation ou Hewlett-Packard ou encore Cisco
n'existeraient pas sans le MIT
9(
*
)
,
Berkeley ou Stanford.
Les recherches menées dans les laboratoires publics, et dans certains
cas les plus fondamentales d'entre elles, sont utilisées pour
développer de nouveaux produits tandis que les perspectives et les
marchés ouverts par les nouvelles technologies renouvellent, très
souvent, les problématiques de recherche.
Ce processus est d'autant plus nécessaire que les recherches
fondamentales permettant la mise au point des nouvelles technologies ne peuvent
être conduites par les seules entreprises, ces dernières ayant
tendance à externaliser leurs activités de recherche et
développement au profit des laboratoires publics, qui développent
des travaux dont le champ est suffisamment large pour répondre à
long terme aux demandes du marché.
Par ailleurs, il faut souligner que le développement des recherches dans
d'autres domaines scientifiques (physique, chimie, mécanique, mais aussi
biologie ou sciences sociales) implique des recherches nouvelles en
informatique et en modélisation.
Il est donc certain que
la recherche dans les domaines des technologies de
l'information et de la communication revêtira dans les prochaines
décennies un rôle stratégique.
Le succès de l'entrée de la France dans la société
de l'information dépend donc de deux conditions :
- la première réside dans la capacité des entreprises
à innover : une action a été engagée et doit
être poursuivie en ce sens ;
- la seconde, qui apparaît largement comme un préalable à
la première, tient dans la conduite d'une politique de la recherche
appropriée, qui pour l'heure n'est pas encore mise en oeuvre.
2. Des orientations encore incertaines
•
La recherche en télécommunications
La dérégulation des télécommunications conduit
France Télécom, malgré son rôle spécifique
lié au service public à réorienter les activités de
recherche du Centre national d'études en
télécommunication(CNET).
La recherche fondamentale dans le
domaine des télécommunications et de leurs applications perd
à la fois son financement et pour une grande part son maître
d'ouvrage.
Les recherches effectuées au sein de l'opérateur
historique s'orienteront vers la seule satisfaction de ses besoins propres.
Dans ce contexte, votre rappporteur se demande si les autres activités
du CNET seront poursuivies et si c'est le cas par quel organisme.
La proposition formulée l'an dernier par votre rapporteur de
créer une agence chargée d'orienter la recherche fondamentale en
télécommunications, de coordonner les actions conduites en ce
domaine et d'assurer le financement des activités de recherche
correspondantes par des moyens budgétaires ou contractuels n'a pas
été retenue.
La décision prise par le gouvernement de créer un Réseau
National de recherche en télécommunication n'y répond que
partiellement.
Préconisé par le rapport de MM. Lombard et Kahn sur
"
la recherche et développement, clé d'un nouvel essor
des télécommunications en France
", le Réseau
national de recherche en télécommunications (RNRT) a
été mis en place le 1er janvier 1998 pour une durée de
cinq ans. Il a pour vocation de coordonner les efforts des laboratoires publics
existants (CNET, INRIA, CNRS, écoles et universités...) en
associant à leurs travaux les industriels du secteur et les
opérateurs de télécommunications.
L'organisation du RNRT comporte trois niveaux : le comité d'orientation,
un bureau exécutif dont les membres sont nommés par le
gouvernement et qui est chargé de préparer les travaux du
comité d'orientation et, enfin, cinq commissions thématiques
regroupant plus de 70 experts qui assistent le bureau exécutif dans
la définition des priorités, l'évaluation des dossiers
présentés et le suivi des projets financés. Pour 1998, les
crédits affectés au RNRT s'élevaient à 260 millions
de francs, 200 millions de francs provenant du budget du ministère
de l'industrie et 60 millions du budget du ministère de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (chapitre
66-04 - Fonds de la recherche et de la technologie).
Les grands thèmes du premier appel à candidatures, ouvert du
20 avril au 21 septembre 1998, devaient susciter deux types de
projets coopératifs :
- d'une part, des projets exploratoires (à échéance de 3
à 5 ans avant pré-industrialisation), visant à
remédier à des " verrous " technologiques et
démontrant de nouvelles fonctionnalités pour les
télécommunications ;
- et d'autre part, des projets précompétitifs (à
échéance de 2 à 3 ans avant pré-industrialisation)
intégrant des technologies pluridisciplinaires pour aboutir à des
modèles de démonstration préparant l'émergence de
nouveaux services de télécommunications.
Une enveloppe de 210 millions de francs a été affectée en
1998 au financement de ces projets.
Par ailleurs, devaient être également soutenus des projets
compétitifs, issus de PME, dans le cadre des procédures
d'instruction de l'ANVAR. Un appel à projets spécifiques a
été ouvert le 21 septembre dernier ; 50 millions de francs
devaient leur être consacrés en 1998.
L'efficacité de ce dispositif pour gérer une telle
priorité reste incertaine. Un comité et un réseau aux
contours et à la composition flous pour piloter de façon continue
des actions décisives et fédératrices ne seraient
crédibles que si cette structure disposait de crédits très
importants. Or, les crédits mis à sa disposition, eu égard
aux besoins exprimés par le marché, sont insuffisants.
Par ailleurs, il faut bien savoir que la culture interne d'une organisation est
moins dynamisée par l'éventualité d'obtenir des subsides
à la suite d'un appel à proposition que par la volonté
d'aboutir à réaliser un projet pluriannuel clair et doté
de moyens.
•
La recherche en informatique
Parmi les organismes qui concourent à la recherche dans ce secteur, il
importe de souligner le rôle déterminant joué par
l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA).
Par ailleurs, au delà de sa mission de recherche, l'INRIA mène
une politique active de valorisation en prenant part au transfert de
technologies vers les entreprises, en particulier les petites et moyennes
entreprises. Faisant figure d'exception parmi les EPST, il a mené une
politique réussie d'essaimage. Au cours des dix dernières
années, 30 entreprises ont été créées
par des chercheurs issus de cet organisme, 25 d'entre elles sont toujours
en activité, représentant 850 salariés et
600 millions de francs de chiffre d'affaires. Le rôle joué en
ce domaine par l'INRIA a été reconnu par le gouvernement, qui en
novembre 1997 a autorisé la création d'INRIA-Transfert, premier
fonds d'amorçage à être constitué au sein d'un EPST.
Votre rapporteur s'est déjà, à diverses reprises,
étonné que la qualité des recherches effectuées au
sein de cet organisme comme le succès de sa politique de valorisation,
désormais unanimement reconnus, ne conduisent pas à
décider une augmentation massive, de l'ordre de 30 à 50 %,
de ses moyens budgétaires.
Les moyens de fonctionnement de cet organisme s'établissent pour 1999
à 331,96 millions de francs, en progression de 3,23 %. Les
subventions d'investissement s'élèvent en crédits de
paiement à 161,83 millions de francs (soit + 1,9 %) et
à 164,46 millions de francs en autorisations de programme (soit +
0,48 %). Au sein des subventions d'équipement, sont prévus
au titre des soutiens de programme 81,16 millions de francs contre
80,36 millions de francs en 1998.
En ce qui concerne les créations d'emplois, l'INRIA
bénéficiera de 5 créations d'emplois de chercheurs
sur les 86 créés dans les EPST en 1999.
A l'évidence, la priorité affirmée par le gouvernement
en faveur des recherches nécessaires au développement des
technologies de la société de l'information ne se traduit pas
dans les crédits qui leur sont affectés.
Les
redéploiements nécessaires au sein du budget de la recherche
n'ont pas encore été effectués.
Les programmes conduits au sein de l'INRIA, notamment en ce qui concerne les
domaines du développement logiciel, de la modélisation et du
calcul haute performance s'avèrent, pour bon nombre d'entre eux
déterminants pour le secteur des nouvelles technologies de l'information
et de la communication. Il faut rappeler qu'aujourd'hui, le
développement des télécommunications repose
désormais à 80 % sur le logiciel.
Un seul des nouveaux programmes lancés par l'INRIA qui consiste dans
l'utilisation d'une artère montante partagée en protocole IP pour
la diffusion de téléservices à plusieurs mégabits
sur un canal satellitaire nécessiterait 6 créations de postes et
5 millions de francs. Il s'agit là d'une technique de grand avenir
où la France n'est pas en retard... Comment parler de priorité si
elle n'est pas financée initialement par l'organisme qui dispose d'une
avance mondiale ? Espérons qu'elle le sera dans le cadre d'une
procédure d'appel d'offres du ministère de l'industrie ou du
RNRT.
C. LES TÉLÉCOMMUNICATIONS SPATIALES : UN ENJEU STRATÉGIQUE NÉGLIGÉ
1. Le développement exponentiel des technologies spatiales : un enjeu géopolitique majeur.
Le
secteur spatial a connu, au cours des dernières années, des
mutations qui modifient profondément ses enjeux stratégiques.
•
Le développement des
télécommunications
Perçu à l'origine comme un mode d'expression de la puissance
stratégique et militaire, l'espace est devenu aujourd'hui un instrument
de domination économique et culturelle.
L'élément déterminant ayant participé à
cette évolution est sans conteste le recours de plus en plus
fréquent à l'espace pour les télécommunications et
l'audiovisuel grâce aux nouvelles possibilités techniques offertes
par les satellites.
De nombreux progrès technologiques ont, en effet, amélioré
les performances des satellites, leur permettant de prendre une place
déterminante dans les télécommunications mondiales.
Ces évolutions technologiques ont concerné tant les satellites
eux-mêmes, dont la masse a été allégée et la
puissance augmentée, que les modes d'acheminement des données
grâce à la numérisation de l'information.
En effet, en matière de diffusion directe de programmes de
télévision, les satellites -en particulier les satellites
géostationnaires- prennent une importance croissante à
côté des moyens de diffusion terrestre, réseaux hertziens
ou réseaux câblés. D'ores et déjà, 6 %
des habitants munis d'un récepteur TV dans le monde reçoivent
celle-ci au moyen d'antennes paraboliques, et 25 % des programmes
câblés utilisent les programmes diffusés par satellites.
Dans le domaine de la téléphonie mobile, les satellites offrent
de multiples services grâce au développement des systèmes
personnels de communication. Ces systèmes, capables d'offrir des
services de téléphonie, fax et transmissions de données
à bas débit, sont proposés par les premières
constellations de satellites à orbite basse ou moyenne, à l'image
de celles mises en oeuvre par Motorola (système Iridium) et Loral
(système Globalstar).
Enfin, les constellations de satellites de la seconde génération
permettant d'acheminer des communications interactives multimédia
(c'est-à-dire la transmission simultanée, sur un même canal
et à grande vitesse, d'un nombre considérable de signaux
transportant la voix, les données et les images) répondent aux
importants besoins liés à l'entrée dans la
société de l'information, avant que les câbles à
fibre optique ne puissent remplacer les câbles
téléphoniques classiques.
L'ouverture à la concurrence du marché mondial des
télécommunications confère à ces progrès
technologiques une importance économique déterminante, dans un
contexte d'explosion des nouveaux services qui a conduit entre 1990 et 1995
à un doublement des opérations de
télécommunications dans le monde, et d'émergence de
nouveaux marchés, en particulier en Asie et en Amérique latine.
Le marché des télécommunications spatiales devrait en
effet connaître, au cours des années à venir, un
développement considérable.
Selon les estimations de la banque Meryll Lynch, le secteur qui connaîtra
l'augmentation la plus forte sera celui de la diffusion audiovisuelle.
Les abonnés à des services de télévision devraient
en effet être, dans dix ans, 62 millions contre 37 millions
aujourd'hui et le chiffre d'affaires dégagé par ce secteur
devrait passer de 60 milliards à 150 milliards.
Les services multimédia (infrastructure Internet et accès
à Internet) qui n'en sont qu'à leur début devraient
avoisiner un chiffre d'affaires de 7 milliards de francs d'ici 2002,
contre 600 millions de francs aujourd'hui. La demande est en ce domaine
exponentielle, les analyses de marché indiquant que 200 millions
d'utilisateurs pourraient être concernés, en 2000, leur nombre
pouvant atteindre 400 à 500 millions en 2005.
Les télécommunications mobiles, secteur encore assez modeste,
représenteraient un chiffre d'affaires de 84 milliards de francs.
Il importe de souligner que, pour ces deux derniers secteurs, l'accroissement
de l'activité résultera en partie de la mise en service des
systèmes satellitaires en orbite basse.
Votre rapporteur estime que ces chiffres sont sous-évalués car
les évolutions seront plus rapides pour les services multimédia
interactifs (télé-enseignement, téléformation,
télécommerce, télé-tourisme,
télémédecine)
•
Une relative faiblesse des projets français et
européens, à l'exception de Skybridge
Si les européens conservent une position relativement satisfaisante dans
le domaine des satellites géostationnaires, celle-ci apparaît
nettement plus fragile en ce qui concerne les systèmes satellitaires
multimédia en orbite basse qui sont appelés à jouer un
rôle déterminant dans le développement des
télécommunications mondiales.
En effet, à côté du projet américain Teledesic,
fortement appuyé par Motorola, Boeing et les programmes de recherche
duale du Pentagone, il n'existe qu'un seul projet européen, le programme
Skybridge, mis en oeuvre par une société composée de neuf
actionnaires : Alcatel, qui en est principal actionnaire, Sharp, Mitsubishi,
Toshiba, Loral, Spar, SRIW, le CNES et l'Aérospatiale. La mise en place
de ce programme représente un investissement de l'ordre de
4,2 milliards de francs, pour un nombre estimé de 20 millions
d'utilisateurs.
Ce projet a eu de très grandes difficultés à obtenir
l'affectation des fréquences nécessaires lors des débats
internationaux au sein de l'UIT, agence spécialisée
chargée de gérer la répartition des fréquences, du
fait de la pression exercée par les Etats-Unis qui s'est
révélée à la limite de la courtoisie d'usage.
Par ailleurs, son financement, comme sa réalisation technique,
comportent encore de nombreuses incertitudes.
Or, la concurrence est en ce domaine particulièrement vive et le projet
américain Teledesic constitue une menace de monopole mondial.
En effet, ayant vocation à couvrir l'ensemble du globe, cette
constellation composée de 196 satellites se caractérise par un
système de routage entièrement intersatellite et adaptatif sur la
constellation ainsi qu'un accès direct à Internet sans passer par
une quelconque station terrestre. Ce programme, du fait de ses
caractéristiques techniques, permettrait de construire un réseau
mondial autonome totalement indépendant des opérateurs nationaux.
Rappelons ici qu'il s'agit d'un domaine qui concerne à terme 50 %
du PIB mondial. Il est inconcevable que l'Europe ne prenne pas en ce domaine
des initiatives alors qu'une stratégie efficace et
déterminée est soutenue par la puissance publique
américaine. En effet, l'essentiel des dépenses liées aux
logiciels du projet Télédesic est financé par des contrats
militaires et les retombées civiles des projets liés au programme
désigné sous l'appellation " guerre des
étoiles ".
Face à de tels projets, une politique d'expérimentation et de
veille technologique ne peut suffire. Une initiative politique forte de la
France au Conseil européen s'impose pour qu'un programme
stratégique doté d'un budget de plusieurs milliards d'euros soit
mis en place.
2. Un effort de recherche notoirement insuffisant
Il est
heureux qu'une réorientation de la politique spatiale française
permette de concentrer les moyens budgétaires sur les applications au
sol. Néanmoins, l'effort de recherche français demeure encore
notoirement insuffisant.
•
Une insuffisance du soutien public
La mise en oeuvre des nouveaux systèmes de
télécommunications spatiales exige d'importants programmes de
recherche, notamment dans le domaine des logiciels, dont le financement ne peut
être assuré par les seuls opérateurs privés.
Aux Etats-Unis, la recherche est financée pour une large part par le
gouvernement fédéral, le secteur spatial
bénéficiant massivement des crédits militaires et de leurs
retombées civiles. En Europe, les Etats n'ont pas relayé l'effort
qui était auparavant consenti par les opérateurs publics
désormais privatisés. Dans un domaine aussi évolutif et en
forte croissance, il conviendrait de consacrer plus de 5 % du chiffre
d'affaires de l'industrie des télécommunications au financement
d'activités de recherche fondamentale et notamment dans le domaine du
logiciel.
Pour l'heure, les crédits consacrés à la politique
spatiale ne connaissent pas une évolution de nature à permettre
à la France de relever ce nouveau défi technologique.
Les crédits du Centre national d'études spatiales, après
la forte diminution enregistrée en 1998, ne connaissent en 1999 qu'une
faible progression. Ils s'élèvent, en dépenses ordinaires
et crédits de paiement à 9 135 millions de francs (soit +
0,8 %).
Les crédits d'intervention inscrits au budget du ministère de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
bénéficiant à l'industrie spatiale (chapitre 66-01)
enregistrent en 1999 une diminution de 31,5 % en crédits de
paiement et de 14,5 % en autorisations de programme.
Considérant par ailleurs la progression très modeste des
crédits consacrés aux recherches dans le domaine des
télécommunications et des logiciels, votre rapporteur ne peut que
conclure à l'insuffisance de l'effort de recherche publique en ce
domaine.
Il est clair qu'il s'agit là d'une critique qui est adressée
moins aux ministères concernés qu'à l'ensemble du corps
social. En effet ni les milieux politiques, ni les médias, ni les
industriels concernés, ni les structures européennes ne semblent
avoir pris conscience de l'importance des enjeux.
•
La nécessité d'une prise de conscience politique
Le groupe d'études " Innovation et entreprises ",
présidé par votre rapporteur, a organisé, le 17 juin
dernier, un colloque sur le thème
" satellites et
télécommunications ".
Les interventions des industriels
et des représentants des organismes publics de recherche ont
appelé à une prise de conscience politique concernant la
nécessité de dégager un financement significatif en faveur
des recherches liées aux télécommunications spatiales.
Ces recherches revêtent un caractère stratégique. En effet,
les projets industriels -compte tenu de leur complexité technique et des
inconnues scientifiques qui subsistent encore- ne pourront voir le jour sans un
soutien public substantiel. A cet égard, il importe de combattre le
libéralisme dogmatique prôné en matière de politique
industrielle par la Commission européenne, au mépris de la
réalité des politiques industrielles conduites par les
gouvernements américain et japonais.
•
Une présence dans les organismes internationaux de
régulation
Votre rapporteur souhaite aussi insister sur la nécessité pour la
France d'être présente dans les instances internationales de
régulation des télécommunications.
En effet, seule une présence active des pays européens au sein de
l'UIT leur permettra de bénéficier des fréquences
nécessaires à la mise en oeuvre des projets européens de
constellation de satellites.
Par ailleurs, la France se doit de participer aux travaux des instances de
standardisation, en particulier celles gérant les processus Internet
à l'image de l'IAB (Internet architecture Board) ou du W3C (World Wide
Wels Consortium). Ces organismes ont un rôle considérable dans la
mesure où l'existence de standards ouverts constitue une exigence
essentielle du marché des nouvelles technologies et où il est
nécessaire pour les entreprises de traduire le plus rapidement possible
leurs innovations technologiques en standard. Or, malgré la mobilisation
de certains acteurs comme l'INRIA, la contribution française aux travaux
de ces instances demeure encore trop faible.
IV. PROMOUVOIR LE RAPPROCHEMENT DE LA SCIENCE ET DE LA SOCIÉTÉ
A. ENCOURAGER LA VALORISATION DE LA RECHERCHE PUBLIQUE GRÂCE À UNE PLUS GRANDE MOBILITÉ DES CHERCHEURS VERS L'INDUSTRIE
L'article 14 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982
d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement
technologique de la France dispose que la valorisation des résultats de
la recherche constitue un des objectifs de la recherche publique. Or, cette
mission est encore souvent considérée par le monde de la
recherche comme une activité secondaire, un cloisonnement étroit
entre les organismes publics de recherche et les entreprises prévalant
le plus souvent.
Si des structures de coopération existent, qu'il s'agisse des
groupements d'intérêt public, des filiales, des prises de
participation ou des contrats de recherche, elles demeurent largement
sous-utilisées. Les indicateurs de cette absence de couplage entre
recherche et économie sont nombreux, et le plus significatif d'entre eux
est sans aucun doute le fait que les établissements scientifiques
eux-mêmes n'ont pas une connaissance exhaustive des ressources
résultant des activités de valorisation dont peuvent
bénéficier leurs laboratoires.
L'insuffisante mobilité des hommes entre les organismes publics de
recherche et les entreprises explique pour une large part cette
situation.
1. Développer la mobilité des chercheurs vers les entreprises
•
Une situation préoccupante
La mobilité des hommes entre le système de formation et de
recherche et les entreprises constitue à l'évidence le vecteur le
plus efficace du transfert des connaissances.
Quelle que soit la forme qu'elle revêt, cette mobilité ne peut que
générer des gains réciproques pour les entreprises et la
recherche publique. En effet, l'entreprise bénéficiera d'un
apport de compétences scientifiques de haut niveau qui lui permettront
de préciser ses besoins de recherche et de faciliter ses relations avec
les laboratoires publics, ces derniers ayant quant à eux
l'opportunité de nouer des relations contractuelles et de définir
des axes de recherche plus proches des besoins du marché.
Or, force est de constater la faiblesse des mouvements de mobilité,
faiblesse qui s'est au demeurant accentuée au cours des dernières
années.
Le tableau ci-dessous indique, pour l'année 1997, les flux de
mobilité pour chacun des établissements publics à
caractère scientifique et technologique vers le secteur
privé.
|
Effectif
|
Mobilité des chercheurs |
|
|
LFI
|
vers le secteur privé |
en % de l'effectif budgétaire |
INRA |
1 771 |
3 |
0,16 % |
CEMAGREF |
73 |
1 |
1,3 % |
INRETS |
150 |
2 |
1,3 % |
INRIA |
327 |
7 |
2,1 % |
CNRS et Instituts |
11 386 |
4 |
0,03 % |
INSERM |
2 115 |
6 |
0,2 % |
ORSTOM |
824 |
- |
- |
INED |
57 |
- |
- |
TOTAL |
16 703 |
23 |
0,13 % |
Le
nombre de chercheurs en mobilité dans les entreprises ne
représente donc que 1,3 pour mille de l'effectif budgétaire de
l'ensemble des établissements publics à caractère
scientifique et technologique.
Il faut souligner, en outre, que les mouvements de mobilité sont parfois
temporaires, la réintégration dans l'établissement public
succédant à la mise à disposition ou au détachement.
Par ailleurs, on relèvera que le secteur des sciences humaines, dont les
effectifs représentent près de la moitié de la recherche
publique demeure à l'écart des mouvements de mobilité.
Cela semble particulièrement regrettable dans la mesure où la
contribution des chercheurs de ce secteur à l'essor des nouvelles
technologies de la communication peut s'avérer décisive.
La volonté d'encourager la mobilité des chercheurs, pourtant
affirmée dans la loi, se heurte aux réticences des organismes
publics de recherche qui y voient à juste titre une source de
complications. Par ailleurs, les critères de notation appliqués
aux responsables des équipes de recherche ne prennent pas en compte les
activités de valorisation et ne les incitent guère à
pousser leurs chercheurs vers de telles expériences.
Votre rapporteur considère qu'un changement radical de mentalités
doit s'effectuer dans les organismes publics de recherche afin de faire entrer
la mobilité des chercheurs dans les moeurs.
A cette fin, il semble nécessaire que le ministère de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie comme les
directions des organismes en fassent une priorité et l'encouragent de
manière systématique. De ce point de vue, rééditant
une remarque faite l'an dernier, votre rapporteur observera à nouveau
qu'il ne lui paraît pas totalement absurde que les organismes dont les
taux de mobilité sont les plus faibles soient ceux qui
bénéficient le moins des créations d'emplois.
Une modification des critères de notation serait, sans aucun doute, de
nature à encourager une évolution en faveur d'un
développement plus systématique de la mobilité. En
même temps, une meilleure information des chercheurs sur les
possibilités ouvertes par leurs statuts, en réalité
très protecteurs, un effort de prospection des besoins des entreprises
par les organismes de recherche, une clarification des règles concernant
la création d'entreprises par des chercheurs y contribueraient
également.
2. Favoriser l'essaimage
•
Des résultats encore insuffisants
L'essaimage est depuis longtemps considéré comme la voie la plus
prometteuse de la valorisation des résultats de la recherche publique. A
l'étranger, le dynamisme du secteur des nouvelles technologies de
l'information et la communication est, pour une large part, imputable à
l'activité des multiples petites et moyennes entreprises
créées dans l'orbite ou à partir des grandes
universités.
Cependant, en dépit d'un potentiel remarquable, la France ne s'est pas
lancée dans cette voie. On peut estimer en l'absence de données
chiffrées précises qu'il se crée chaque année
environ une trentaine d'entreprises par essaimage de chercheurs issus de la
recherche publique. D'après les résultats des enquêtes
réalisées sur ce sujet, il apparaît que ces entreprises ont
un taux d'échec remarquablement faible et affichent des performances
supérieures à la moyenne en termes de chiffre d'affaires et de
créations d'emplois.
Certains organismes de recherche -mais ils constituent des exceptions-
encouragent leurs personnels à créer de telles entreprises. Nous
avons cité l'exemple de l'INRIA dans le cadre duquel ont
été créées, au cours des dix dernières
années, 28 entreprises -dont 5 seulement ont désormais
disparu- et qui représentent aujourd'hui un effectif de près de
850 salariés, soit bien plus important que celui de l'Institut
lui-même. Il en est de même des équipes de recherche de
certaines écoles d'ingénieurs notamment celles de l'école
des mines de Paris.
Néanmoins, cette démarche n'est pas partagée par
l'ensemble des établissements de recherche.
•
Adapter les règles statutaires
Les règles générales de la fonction publique comme celles
applicables plus spécifiquement aux personnels de recherche reposent sur
l'interdiction faite à un chercheur d'appartenir au service public et en
même temps de participer à la création d'une entreprise.
Or, le succès des entreprises créées par essaimage tient
précisément dans l'imbrication de ces deux activités.
La création d'une entreprise de valorisation nécessite une phase
d'adaptation d'une innovation potentielle à une innovation viable,
c'est-à-dire un bien ou un service commercialisable. Durant cette
période, il est nécessaire que le chercheur puisse
bénéficier d'une aide qui peut prendre la forme d'une mise
à disposition de locaux, de matériels ou de personnels. L'absence
de position intermédiaire entre le départ vers l'entreprise, qui
bien souvent n'est créée qu'au terme du processus de mise au
point du procédé de fabrication, et la simple consultance ne
permet pas de clarifier de manière appropriée la situation du
chercheur et de l'organisme qui l'emploie.
Le Sénat a adopté le 22 octobre dernier une proposition de loi
déposée par votre rapporteur dont l'objectif était de
lever cette difficulté juridique. Ses dispositions répondent
à une nécessité qui avait été
soulignée par le rapport de M. Henri Guillaume et s'inspirent d'un
projet de loi déposé par le précédent gouvernement.
Le dispositif retenu par la Haute Assemblée répond à la
nécessité de clarifier la situation juridique du chercheur qui
quitte son laboratoire pour créer une entreprise valorisant les
résultats de ses travaux de recherche.
Par ailleurs, elle détermine les conditions dans lesquelles un
fonctionnaire peut accorder son concours scientifique à une entreprise
assurant, en vertu d'un contrat conclu avec la personne publique dont il
relève, la valorisation des travaux qu'il a réalisés dans
l'exercice de ses fonctions.
L'adoption définitive de telles dispositions par le Parlement serait
à l'évidence de nature à encourager l'essaimage.
•
Créer les conditions favorables à la création
d'entreprises au sein des organismes de recherche et des établissements
d'enseignement supérieur ou en coopération entre divers
organismes
Au-delà d'une évolution des mentalités des chercheurs et
des responsables des organismes de recherche, le développement de
l'essaimage dépend de la mise en place de structures susceptibles de
soutenir le chercheur dans son projet en lui apportant les compétences
financières, juridiques ou commerciales qui peuvent lui faire
défaut. En effet, il n'existe pas en France, sauf dans certaines
écoles d'ingénieurs et de très rares universités
technologiques, d'"
incubateurs
" offrant aux
chercheurs un espace de travail à proximité des laboratoires et
un appui à l'élaboration de leur projet de création
d'entreprises notamment par des compétences liées à la
gestion, au marketing, au financement et à la conduite effective des
projets d'entreprises. Un effort doit être accompli en ce sens par les
organismes de recherche et les établissements d'enseignement
supérieur.
B. AMÉLIORER LA DIFFUSION DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES
La diffusion de la culture scientifique et technique doit être aujourd'hui au coeur des préoccupations d'un Etat moderne. En effet, elle s'avère être une condition nécessaire pour permettre au citoyen de trouver sa place dans une société qui se caractérise par une accélération croissante des évolutions technologiques. L'égal accès à la connaissance des progrès de la science apparaît comme un vecteur essentiel de lutte contre l'exclusion. Par ailleurs, elle permet de conforter la légitimité d'une politique ambitieuse de la recherche.
1. Favoriser la compréhension des avancées que le progrès peut apporter.
L'opinion publique reste fascinée par la science, mais
elle
doute souvent des progrès que ses avancées engendrent. Et les
milieux décisionnels, qu'ils soient politiques, sociaux,
économiques ou qu'ils aient pour métier d'informer, comme les
journalistes, n'ont pas toujours compris que l'économie mondiale est
désormais une économie tirée par l'innovation, la
matière grise et l'interaction entre savoir, savoir-faire et financement
de l'innovation.
Seule la santé échappe à cette méconnaissance et
relative indifférence manifestées par ceux qui devraient
être au courant. Il faut réagir.
En France, aujourd'hui, seuls les prix de la culture scientifique et technique
remis par l'académie des sciences visent à récompenser les
chercheurs qui s'attachent à sa diffusion.
Il conviendrait de créer un événement annuel à fort
retentissement social et médiatique symbolisant la rencontre entre la
société et la science et faisant le point de l'état des
connaissances dans le monde et en France. Votre rapporteur, depuis des
années, estime que l'exemple suédois est particulièrement
digne d'intérêt et devrait être suivi.
Chaque année, l'académie suédoise des sciences de
l'ingénieur, à laquelle votre rapporteur a le grand honneur
d'appartenir, dresse un état des progrès de la science, des
techniques et de l'économie dans le monde en général, et
en Suède en particulier.
La rédaction du rapport, qui mobilise les acteurs principaux de la
recherche, du développement, de l'industrie et des finances, constitue
une première occasion de pratiquer le transfert de technologie au plus
haut niveau décisionnel.
La remise du rapport s'effectue à l'occasion d'une
cérémonie présidée par le couple royal. Tous les
décideurs du Royaume (académiciens, présidents et
directeurs d'entreprises, banquiers, scientifiques, hommes politiques
influents, journalistes) se doivent d'être présents. Cet
événement permet de mettre en lumière les
évolutions scientifiques et techniques les plus récentes et leurs
implications économiques.
Tous les acteurs économiques et scientifiques du pays sont
associés à la préparation du rapport.
L'événement permet de médiatiser l'utilisation des
progrès de la science pour le bien-être de la population.
Il serait opportun qu'un tel événement soit également
organisé en France.
Il devrait être organisé conjointement par le comité
d'application de l'académie des sciences (CADAS), embryon de
l'académie des sciences de l'ingénieur qui reste à
créer, l'ensemble de l'Institut et de la communauté scientifique
ainsi que les représentants du monde économique (MEDEF, Chambres
de commerce, syndicats). Le Président de la République, le
Gouvernement, le Parlement et les présidents des conseils
régionaux et généraux y seraient également
conviés, ainsi que les forces économiques, sociales et morales du
pays.
2. Assurer la diffusion de la culture scientifique et technique sur l'ensemble du territoire
Quatre
grands organismes contribuent à la diffusion de la culture scientifique
et technique. Il s'agit :
- du Muséum national d'histoire naturelle, créé sous
l'ancien régime ;
- du Conservatoire national des arts et métiers, créé par
la Convention ;
- du Palais de la découverte, créé en 1936 ;
- et de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette,
créée en 1985.
Ces organismes connaissent des sorts très divers. Si le Muséum
national d'histoire naturelle et le Conservatoire des arts et métiers
ont pu entamer des programmes de rénovation qui, pour certains,
correspondent à une urgence que nul ne songerait à contester,
l'avenir du Palais de la Découverte demeure incertain du fait des
interrogations liées à la rénovation et à
l'affectation des locaux du Grand-Palais.
On constate que tous ces moyens demeurent concentrés à Paris
à l'exception de ceux du Muséum national d'histoire naturelle qui
possède des implantations en province. Votre rapporteur a
déjà insisté sur la nécessité de
développer d'autres pôles et d'affecter une partie des moyens
parisiens à des antennes placées dans ces pôles.
A cet égard, le projet de coopération entre la Villette, le
Futuroscope et Sophia-Antipolis mériterait d'être finalisé
de façon à montrer l'intérêt pour tous de ce type
d'opérations et d'engager d'autres projets similaires. De même
dans chaque zone technopolitaine, il serait, en effet, souhaitable que soit
conduite une action significative en faveur de la diffusion de la culture
industrielle moderne.
Les interventions en faveur de la diffusion des connaissances scientifiques ne
peuvent prétendre à l'efficacité que si elles s'inscrivent
sur l'ensemble du territoire. Le développement des nouvelles
technologies, qui permet de toucher l'ensemble des points du territoire, doit
être mis à profit pour accroître l'audience des actions que
conduisent les institutions parisiennes. Pour ce faire, il importe qu'elles
recourent massivement aux réseaux large bande, aux lignes
spécialisées Telecom et aux canaux satellitaires
numérisés. L'accès du plus grand nombre à
l'information scientifique et technologique, et en particulier du public
scolaire concerné dans les établissements d'enseignement, est une
nécessité démocratique ; des pôles
régionaux actifs et interconnectés permettraient de mettre en
place une culture de la modernité.
Par ailleurs, il importe de souligner la part prise par les
collectivités locales dans l'effort de diffusion de la culture
scientifique notamment au travers des centres de culture scientifique et
technique ou des technopôles ou des réseaux de
technopôles.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission a examiné le
rapport pour avis de M. Pierre Laffitte
sur les crédits de la recherche scientifique et technique
inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999
, au cours d'une
séance tenue le mercredi 18 novembre 1998, sous la
présidence de M. Adrien Gouteyron.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Ivan Renar
a souhaité savoir si le projet de budget pour
1999 tenait compte de la contribution de la recherche à la politique
d'aménagement du territoire. Il a rappelé que la présence
d'activités de recherche qui, pour des raisons historiques, demeuraient
encore trop concentrées, constituait une condition nécessaire du
dynamisme des économies régionales et a plaidé pour que le
Sénat veille à une meilleure prise en compte des exigences du
développement local dans la politique de recherche. Par ailleurs, il
s'est interrogé sur les incidences budgétaires de la
réforme du centre national de la recherche scientifique (CNRS).
M. André Maman
s'est interrogé sur les moyens dont
disposait le Parlement pour contrôler les crédits consacrés
à la recherche duale.
M. Albert Vecten
, relevant à son tour l'importance des
activités de recherche pour assurer la vitalité de
l'économie locale, a souligné les difficultés
rencontrées par les collectivités locales pour attirer les
chercheurs et la nécessité de faire évoluer les
mentalités de la communauté scientifique.
M. Ivan Renar,
reprenant la parole, a souligné qu'en ce domaine,
la création d'un environnement favorable ne constituait pas une
condition suffisante et que des actions volontaristes devaient être
entreprises pour délocaliser les activités de recherche.
En réponse aux intervenants,
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour
avis,
a apporté les réponses suivantes :
- un des objectifs de la réforme du CNRS, notamment grâce au
rapprochement avec les universités qui sont implantées sur
l'ensemble du territoire, est de contribuer à une meilleure
répartition des activités de recherche sur le territoire ;
- la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement
et le développement du territoire a introduit une modulation
territoriale du crédit d'impôt-recherche qui est encore peu connue
des entreprises ; ce dispositif constitue une incitation à la
localisation d'activités de recherche industrielle en province ;
- l'évolution des mentalités des chercheurs ne peut être
que lente ; la création d'un environnement humain et universitaire
favorable est susceptible d'y contribuer ;
- le Parlement sera en mesure d'exercer un contrôle de la recherche duale
s'il dispose d'indications fiables et précises concernant le montant des
crédits dont elle bénéficie.
A l'issue de ce débat, la commission, suivant les propositions de son
rapporteur, a décidé de
s'en remettre à la sagesse du
Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de la recherche
scientifique et technique pour 1999
, les commissaires socialistes et
communistes ne prenant pas part au vote.
1
Ce tableau ne prend pas en compte les
dépenses liées au crédit d'impôt-recherche.
2
Programme cadre de recherche et développement
3
Il est vrai que les hésitations d'autres grands pays et en
particulier de l'Allemagne sont encore plus importantes.
4
Direction générale des stratégies
industrielles
5
Direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes
6
Institut national de la propriété industrielle
7
Association française de normalisation
8
cf., par exemple, le rapport (n° 213, 1996-1997) de
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques sur les réseaux grands débits et l'entrée
dans la société de l'information et le rapport d'information
(n° 436, 1996-1997) fait au nom de la mission commune d'information
sur l'entrée dans la société de l'information.
9
Massachussetts Institute of Technology