III. LES ENJEUX DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN À L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE

A. LA POURSUITE DE L'ADAPTATION DU DISPOSITIF DE SOUTIEN AU CINÉMA

1. La modification de l'assiette de la taxe sur les services de communication audiovisuelle destinée au compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles

L'article 28 de la loi de finances rectificative pour 1997 n° 97-1239 a procédé à la modification, longtemps attendue, de l'assiette de la taxe sur les services de communication audiovisuelle destinée à alimenter le compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles.

L'objectif de cette réforme, entrée en vigueur le 1er janvier 1998, était double .

Il s'agissait, en premier lieu, d'adapter le dispositif du compte de soutien au développement des chaînes thématiques en intégrant l'ensemble de ces dernières, qu'elles soient françaises ou étrangères, au mécanisme de soutien à la production nationale. En effet, depuis son instauration en 1984, la taxe sur les services de communication audiovisuelle a permis de soutenir l'industrie française de production en imposant aux chaînes une épargne forcée qui les incite à investir dans la production française. Il était donc important d'intégrer l'ensemble des chaînes thématiques françaises et étrangères à cette logique de façon à ce que le développement des bouquets numériques profite pleinement à la production nationale.

En second lieu, cette réforme devait éliminer les discriminations existant jusqu'alors entre les chaînes thématiques selon leur mode de diffusion et leur lieu d'émission. En effet, jusqu'alors, les chaînes diffusées simultanément par câble et par satellite n'étaient assujetties que pour les recettes tirées du premier mode d'exploitation et les chaînes diffusées exclusivement par satellite échappaient totalement à la taxe.

Afin d'assurer une égalité de traitement fiscal entre les deux modes de distribution, le nouveau dispositif prévoit que les recettes tirées de l'exploitation par satellite entrent dans le champ d'application de la taxe. De même, les recettes des chaînes thématiques étrangères diffusées par câble ou par satellite, tirées de leur réception en France, sont assujetties dès lors que ces chaînes programment des oeuvres éligibles au compte de soutien, ce qui vise les chaînes étrangères francophones.

Afin de tenir compte des caractères propres de l'activité des chaînes thématiques et de leur équilibre d'exploitation encore fragile ne sont assujetties à la taxe que les chaînes dont le chiffre d'affaires est supérieur à 24 millions de francs. Par ailleurs, la taxe ne s'applique qu'aux ressources d'abonnement des chaînes, les recettes publicitaires étant exclues de l'assiette de la taxe. Cette exclusion se justifiait pour deux raisons : d'une part, les recettes de publicité de ces chaînes sont encore relativement modestes, se limitant à environ 5 % de leur chiffre d'affaires ; d'autre part, le calcul du montant des recettes à prendre en compte aurait pu se révéler difficile dans le cas de chaînes à diffusion multinationale.

Parallèlement à l'élargissement de l'assujettissement à la taxe sur les services de télévision, les modalités d'accès aux mécanismes de soutien des programmes commandés par les chaînes thématiques devaient être aménagées afin de mieux prendre en compte leurs spécificités .

Rappelons, enfin, que le nouveau dispositif, répondant à un souhait de la Cour des comptes, a clarifié la définition de l'assiette de la taxe pour les télévisions hertziennes en précisant qu'y étaient inclus les frais de régie.

2. La poursuite du processus de modernisation des aides attribuées par le compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles

Les évolutions qui affectent depuis une dizaine d'années le cinéma français ont entraîné de profondes mutations dans l'économie de ce secteur. Dans ce contexte, les dispositifs d'aides versées par le compte de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle, conçus pour certains dans les années 60, se sont révélés inadaptés. La prise en compte de ces évolutions exigeait donc une refonte des mécanismes de soutien à la production, à la distribution et à l'exploitation.

Ce processus est désormais engagé . Les principaux dispositifs de soutien à la production cinématographique ont été refondus. Après la modification des mécanismes de l'avance sur recettes réalisée en 1997, la réforme du soutien automatique à l'exploitation et celle concernant l'agrément ont été menées à bien en 1998. Au cours de l'année 1999, les aides sélectives à l'exploitation et à la distribution devraient être à leur tour adaptées.

Le soutien à la production

La concentration progressive des principales entreprises de production, l'évolution des modes de financement des productions cinématographiques, comme le rôle croissant joué par les chaînes de télévision ont profondément transformé les conditions de production des films et impliquaient un ajustement des mécanismes de soutien à la production.

La réforme de soutien sélectif à la production a été opérée par le décret n° 97-449 du 29 avril 1997. On rappellera qu'elle repose sur trois mesures :

- une modification du fonctionnement de la commission d'avance sur recettes, dont les membres sont désormais nommés par décision du directeur général du CNC ;

- une adaptation du système de remboursement des avances ;

- et la mise en place d'un système plus élaboré d'aide à la réécriture sous forme de subventions accordées aux auteurs ou aux producteurs après avis de la commission d'aide sélective au sein de laquelle un quatrième collège a été créé à cet effet.

Chaque année 40 à 50 films bénéficient de l'avance sur recettes et que les deux tiers de ces films sont des premiers ou des deuxièmes films.

S'il est encore trop tôt pour tirer un bilan de la réforme de cette forme de soutien, on relèvera que la modification des conditions de remboursement s'est traduite par une augmentation du montant des remboursements.

En ce qui concerne le soutien automatique , une réflexion a été engagée sur les conclusions du rapport Bonnell-Mennegoz dès l'automne 1996 afin de réformer la procédure de l'agrément.

L'agrément constitue la clé de voûte de l'ensemble du système français d'aide au cinéma. Délivré par le directeur du CNC, après avis d'une commission, il permet à un film d'avoir accès aux aides automatiques et, partant à l'ensemble des financements encadrés tels que les SOFICA, l'avance sur recettes ou les obligations de production des chaînes de télévision.

La réforme s'appuie sur les principes dégagés par le rapport Bonnell-Mennegoz : simplifier et clarifier les procédures administratives d'octroi du soutien financier, accroître le rôle du producteur délégué, encourager le recours aux tournages en France et aux industries techniques françaises et assouplir le régime des coproductions.

Dans cette perspective, les textes réglementaires épars seront mis à jour et les procédures simplifiées. Le rôle du producteur délégué est revalorisé notamment en ce qui concerne la répartition des droits au soutien financier. Un nouveau barème déterminera l'importance de l'aide publique, en fonction notamment des dépenses effectuées en France. Par ailleurs, afin de favoriser les coproductions internationales, la part minimale de coproduction donnant accès au soutien sera abaissée à 10 % du devis -au lieu de 20 % actuellement.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, cette réforme, qui a obtenu l'accord de la Commission européenne, devrait aboutir d'ici le début de l'année 1999.

Le soutien à l'exploitation

La réforme des mécanismes de soutien automatique qui résulte du décret n° 98-750 du 24 août 1998 a pour principal objectif de corriger les effets d'un dispositif qui avait été conçu au début des années 60 avec le souci d'aider à la transformation des salles uniques en complexes de plusieurs salles.

Ce système qui a rempli son office en permettant la modernisation du parc français des salles de cinéma avait désormais tendance à défavoriser les établissements de petite taille et à encourager le mouvement de concentration de la distribution. En effet, le pourcentage des recettes de la taxe sur les places de cinéma susceptible d'être mobilisé par les exploitants au titre du soutien automatique (dit " taux de retour ") était calculé écran par écran, ce pourcentage étant d'autant plus élevé que le nombre d'entrées était modeste. Ainsi, une salle enregistrant en moyenne 2 400 entrées par semaine pouvait bénéficier d'une aide moins importante qu'un complexe de deux salles qui réalisaient chacune 1 200 entrées.

Ce mode de calcul favorisait donc les établissements ayant un nombre important d'écrans et avait abouti à ce que le " taux de retour " des multiplexes soit en moyenne de 40 %.

Par ailleurs, la possibilité de mobiliser l'aide pour des investissements dans l'ensemble des salles dépendant du même circuit d'exploitation encourageait le mouvement de concentration.

La réforme, entrée en vigueur le 2 septembre 1998, a pour objectif d'accroître l'effet redistributif du soutien automatique à l'exploitation, tout en préservant les droits des exploitants de taille intermédiaire.

Une des modifications les plus importantes consiste dans la substitution du calcul par établissement au calcul par écran. Le principe du barème progressif est maintenu : les droits à soutien sont, en effet, fixés en fonction de la taille des établissements. Ils représenteront jusqu'à 90 % de la TSA acquittée pour les établissements de taille modeste, un taux de retour minimum de 28 % sur l'ensemble de la taxe acquittée étant garanti. Les droits sont néanmoins modulés pour tenir compte des frais supplémentaires qu'implique la gestion des établissements comportant de 3 à 9 écrans.

Cette refonte du mode de calcul des droits à soutien ne s'accompagne pas d'une modification des règles définissant les travaux éligibles au titre du soutien automatique, celui-ci ne pouvant excéder 90 % du coût total des travaux de rénovation ou de création de salles.

Le succès de cette réforme devra être mesuré à l'aune de ses effets sur l'investissement des exploitants indépendants dont elle est censé favoriser les efforts de création et de rénovation.

Les aides sélectives à l'exploitation instituées pour compenser les rigidités du soutien automatique, telles le mécanisme d'aide en faveur des salles dites d'" art et essai " ou l'aide aux salles dans les zones insuffisamment équipées, exigeaient également une clarification de leurs modalités d'attribution dans le nouveau contexte du secteur de la distribution. En effet, leur économie complexe révèle l'enchevêtrement d'initiatives qui se sont juxtaposées pour répondre aux besoins du moment. Dans le souci de les refondre dans une politique d'ensemble, la ministre de la culture a confié à Mme Francine Mariani-Ducray, inspecteur général de l'administration au ministère de la culture et à M. Didier Motchane, conseiller maître à la Cour des comptes une mission dont les conclusions devraient être connues d'ici la fin de l'année.

Le soutien à la distribution

Le secteur de la distribution étant soumis à un fort mouvement de concentration, l'objectif visé par le soutien public est de préserver l'existence de distributeurs indépendants, afin de garantir une offre cinématographique diversifiée mais également d'améliorer la distribution des films français.

Une concertation est engagée avec les professionnels pour définir les modalités d'une réforme du soutien automatique à la distribution. Cette réforme aurait pour objet de mieux prendre en compte les risques pris par les professionnels et d'assurer une meilleure distribution des films français.

En ce qui concerne les aides sélectives qui, à l'image des aides au secteur de l'exploitation, ont donné lieu au fil du temps à de multiples aménagements, elles devraient également faire l'objet d'une réforme d'ensemble. La mission confiée à Mme Francine Mariani-Ducray et à M. Didier Motchane, qui concerne également ces aides, contribuera à en définir les modalités.

Il faut souligner que la mesure prise à titre provisoire en 1998 afin d'encourager la sortie des films français pendant la période estivale sera reconduite en 1999.

B. ENCOURAGER LES INITIATIVES LOCALES EN FAVEUR DU CINÉMA

Bien qu'elles aient investi ce domaine de l'action culturelle plus tardivement que d'autres, les collectivités locales constituent des partenaires actifs de la politique du cinéma.

1. La politique de partenariat conduite par le CNC

L'action conduite en ce domaine par le CNC vise à développer la coopération entre les collectivités locales et l'Etat afin de faire du secteur cinématographique un véritable pôle de développement économique.

La politique contractuelle du CNC

Depuis 1989, 133 accords ont été signés avec 126 collectivités territoriales mobilisant un budget global de 38,5 millions de francs pour les interventions du CNC, qui peut prendre en charge jusqu'à 50 % du financement des opérations envisagées. Cette coopération qui s'est établie en premier lieu avec les communes et les départements concerne désormais également les régions qui sont aujourd'hui douze à avoir signé une convention avec le CNC. Afin de se rapprocher des initiatives locales, le CNC a, à partir de 1995, largement déconcentré cette politique.

Ces conventions ont permis de développer des opérations de promotion du cinéma et de soutien à l'exploitation cinématographique mais également des actions d'initiation du jeune public, objectif qui constitue une préoccupation constante des collectivités territoriales. Ainsi, les programmes " Ecole et cinéma ", " collège au cinéma " ou " lycéens au cinéma " ont été mis en oeuvre dans le cadre de ces conventions.

Depuis 1996, le CNC a élargi les domaines de cette politique conventionnelle : actions de soutien à la production, programmes de formation professionnelle, accueil de tournages en région ou encore mise en valeur du patrimoine cinématographique.

L'action de l'Agence pour le développement régional du cinéma

L'Agence pour le développement régional du cinéma
, par sa mission de soutien à la diffusion et à l'exploitation, concourt également à l'animation des politiques locales en faveur du cinéma. Cette association a reçu en 1998 à ce titre une subvention du CNC de 6,73 millions de francs.

La répartition des compétences entre cette association et le CNC est en voie de clarification. L'ADRC était auparavant chargée d'une double mission qui consistait, d'une part, à procéder à l'instruction des demandes de subventions pour la création et la rénovation des salles de cinéma et, d'autre part, à soutenir, par la mise en circulation de copies de films et l'organisation d'opérations d'animation, l'activité de diffusion des salles de cinéma des zones rurales et des villes petites et moyennes. Dorénavant, l'instruction des dossiers de demande de subventions d'équipement destinées à la création ou à la rénovation de salles de cinéma relève directement du CNC. En revanche, l'ADRC centrera ses activités sur le soutien à la diffusion des films qui s'appuiera sur l'action de deux aides à l'édition de copies de films, l'une destinée aux salles des zones rurales et des petites villes qui réalisent moins de 35 000 entrées par an, et l'autre bénéficiant aux établissements des villes moyennes enregistrant entre 35 000 et 215 000 entrées par an. L'objectif poursuivi par ces aides est de permettre aux petites salles de disposer plus rapidement des copies de films récents afin qu'elles puissent attirer un public plus nombreux et contribuer à une diffusion plus large des oeuvres cinématographiques. Par ailleurs, l'ADRC devrait voir sa mission de soutien à la diffusion élargie aux oeuvres du patrimoine cinématographique.

2. Vers une décentralisation cinématographique ?

La mise en oeuvre d'une politique décentralisée du cinéma se heurte à deux types d'obstacles. Les premiers sont liés à la concentration des industries du cinéma dans la région parisienne et les seconds découlent des règles juridiques régissant les interventions économiques des collectivités locales.

Le soutien à la production

En ce qui concerne les interventions des collectivités locales en matière de production cinématographique, leur régime juridique dépend du caractère économique ou culturel de l'intervention. En effet, si les lois de 1982 et de 1983 ont opéré une décentralisation culturelle, elles n'ont conféré aux collectivités locales qu'une compétence limitée en matière économique, l'Etat restant " responsable de la conduite de la politique économique et sociale ". La difficulté tient donc dans la qualification des actions conduites par les collectivités locales.

Jusqu'à présent, les aides financières à la production cinématographique ont été considérées comme des interventions économiques et ne figurent pas au nombre des aides directes que les collectivités sont autorisées à accorder.

Le cadre juridique existant permet donc difficilement aux collectivités locales de trouver une forme comptable légale pour les aides qu'elles seraient amenées à verser aux sociétés de production, sauf à conclure une convention avec l'Etat.

Ainsi, c'est dans le cadre d'une convention avec l'Etat que la région Rhône-Alpes a été autorisée par un décret en Conseil d'Etat à verser une aide directe à la production au Centre européen cinématographique dont l'activité est orientée vers la coproduction, l'aide à l'écriture et la participation à la distribution et à la promotion de films coproduits en région Rhône-Alpes.

Ces contraintes seraient susceptibles d'être levées dans le cadre des dispositions du projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales qui doit être déposé sur le bureau des assemblées en 1999.

Le soutien à la distribution

L'intervention des collectivités locales en faveur de la distribution de films se développe également.


Si l'aide directe des collectivités territoriales à des sociétés de distribution n'est pas explicitement prévue par la loi, certaines collectivités mettent en oeuvre dans le cadre de leur politique culturelle en faveur du cinéma des aides indirectes à la distribution en favorisant la diffusion des films, par la prise en charge du tirage de copies supplémentaires ou par des aides apportées à la promotion, à la diffusion et à l'animation des projections de films.

Le soutien à l'exploitation

Les collectivités locales ont, par ailleurs, pris une part croissante dans le soutien à l'exploitation .

Bon nombre de collectivités locales exploitent des salles de cinéma soit en régie directe, soit à travers une gestion associative : ces salles municipales représentent, en effet, plus de 20 % des salles actives.

Par ailleurs, les articles 7 et 8 de la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992 relative à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacle cinématographique permettent aux collectivités locales d'attribuer des subventions de fonctionnement ou d'investissement à des entreprises d'exploitation cinématographique constituées sous forme d'entreprise en nom personnel ou de société. Ce dispositif, qui complète les aides versées par l'Etat, concerne les établissements qui réalisent moins de 2 200 entrées par semaine et permet aux collectivités locales de soutenir le fonctionnement, voire la rénovation d'une salle. A l'appui de sa demande, l'exploitant doit fournir un projet précisant les actions qu'il envisage en matière de programmation en direction de publics déterminés, d'initiation à la culture cinématographique et de sensibilisation de nouveaux publics.

Cette disposition, adoptée dans un contexte historique où la baisse de la fréquentation cinématographique affectait particulièrement les petites salles, devait permettre d'éviter la fermeture de salles qui n'auraient pu continuer à fonctionner sans le soutien des collectivités locales. Aujourd'hui le contexte a évolué. Ne sont plus désormais menacées les seules salles enregistrant moins de 2 200 entrées par semaine. Il serait donc souhaitable d'étendre le champ d'intervention des collectivités locales au delà du seuil fixé par la loi de 1992.

On soulignera qu'en outre ces interventions directes, certaines collectivités locales apportent à leur salle de cinéma des aides indirectes, qu'il s'agisse de politique d'incitation tarifaire en faveur de publics spécifiques ou d'organisation de manifestations de promotion.

C. DÉFENDRE LE DISPOSITIF FRANÇAIS DE SOUTIEN AU CINÉMA DANS LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES

1. Les négociations sur l'accord multilatéral sur les investissements et le principe de l'exception culturelle : une issue encore en suspens

L'insertion d'une clause d'exception culturelle dans les accords du GATT avait, grâce à la mobilisation du gouvernement, permis de maintenir la spécificité de la politique culturelle française. Or, cette dernière s'est trouvée à nouveau menacée par la négociation au sein de l'OCDE sur l'Accord multilatéral sur les investissements.

Cet accord avait pour objectif de favoriser les mouvements de capitaux et les investissements directs en assurant dans ce domaine le respect des principes de la clause de la nation la plus favorisée, du traitement national et de la non-discrimination par une procédure de règlement des différends contraignante. Les Etats parties au traité s'engageraient à supprimer toutes les mesures de restriction à l'investissement. Ils conserveraient toutefois à certaines conditions la possibilité de déroger à l'accord.

Un tel accord représente un enjeu majeur pour la politique culturelle française qui, sur plusieurs points, est en contradiction avec les objectifs de la négociation. D'une part, il existe des restrictions directes à l'investissement dans les domaines de la presse, de la radio et de la télévision. D'autre part, des mécanismes tel que le compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles qui, financé pour partie par un prélèvement sur l'ensemble des tickets de cinéma ne bénéficie qu'aux films français constitue une restriction indirecte incompatible avec la clause du traitement national.

La France a demandé, comme elle l'avait fait lors des négociations du GATT, l'insertion d'une clause d'exception culturelle dans l'accord.

La table ronde organisée par votre commission dans sa réunion du 1er avril dernier avec des représentants des professionnels concernés a été l'occasion de réaffirmer la légitimité de la position adoptée en ce domaine par les gouvernements français successifs. En effet, les débats ont fait apparaître que du sort réservé à cette question dans ce cadre dépendrait le maintien de la faculté pour les Etats de mener des politiques culturelles et de soustraire la création artistique aux lois du marché.

Cet accord devait être finalisé lors de la réunion ministérielle de l'OCDE du mois d'avril 1998. Compte tenu du retard pris et des problèmes non résolus, les 29 pays de l'OCDE ont décidé de suspendre les négociations afin de procéder à de nouvelles consultations entre les parties à l'accord et à une évaluation des résultats des discussions déjà engagées. Ce report des négociations constitue un succès pour la France qui s'était opposée à la conclusion de l'accord en l'état. Une mission de réflexion et d'évaluation a été mise en place afin de procéder à une analyse approfondie des conséquences de l'AMI dans les différents secteurs qu'il concernerait, ses conclusions devant être publiées à la fin de l'année.

Les premiers résultats en ont été communiqués au Premier ministre au début du mois d'octobre. Au regard de ses conclusions, le gouvernement français a annoncé à ses partenaires sa décision de ne pas reprendre les négociations dans le cadre de l'OCDE. Néanmoins, le principe d'une négociation sur l'investissement n'a pas été abandonné : le gouvernement a exprimé sa volonté de l'inscrire dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce dont le caractère universel garantit la présence des pays en voie de développement et dont l'approche progressive de la libéralisation des échanges assure un examen plus équilibré des questions soulevées.

Votre rapporteur se félicite de la fermeté avec laquelle le gouvernement français a défendu le principe de l'exception culturelle, notion dont la pertinence est désormais unanimement reconnue. Il souligne que quelles que soient les modalités permettant d'en reconnaître l'existence, elles devront rendre possible une évolution des acquis nationaux et communautaires sans contrepartie.

2. Un débat à venir : le prochain cycle de négociation de l'Organisation mondiale du Commerce sur les services

Dans le cadre de l'Uruguay Round, la Communauté européenne et les Etats membres n'ont pas pris d'engagement concernant l'accès au marché et le traitement national dans le domaine des services audiovisuels. Par ailleurs, des exceptions à la clause de la nation la plus favorisée prévue par l'accord sur les services (GATS) ont été stipulées dans le souci de préserver les oeuvres d'origine européenne, de conserver des accords bilatéraux sur la coproduction d'oeuvres audiovisuelles et de faire bénéficier les oeuvres européennes de financements spécifiques.

La Communauté et les Etats membres ne sont donc pas liés par des obligations spécifiques d'accès au marché ou par une clause de traitement national dans le domaine des services audiovisuels.

La prochaine conférence ministérielle qui doit fixer les thèmes et les modalités de négociation du prochain cycle multilatéral se réunira dans le courant de l'année 1999. Il importe que la France et les pays européens réaffirment la nécessité de ne pas revenir sur les acquis obtenus dans le cadre de l'Uruguay Round.

Votre rapporteur veut voir dans les résultats des assises de l'audiovisuel de Birmingham, tenues en avril dernier, le signe d'une prise de conscience des Etats européens en faveur de l'élaboration d'une réglementation des nouveaux services audiovisuels et de programmes européens d'aide à la production et à la circulation des oeuvres. Cette position constitue sans nul doute une réaction face aux prises de position minimalistes qui laissaient craindre une remise en cause systématique des réglementations européennes de l'audiovisuel. L'échec du projet de création d'un " nouveau marché transatlantique " proposé par la Commission européenne qui visait notamment à l'établissement d'une zone de libre échange pour les services et à une libéralisation dans le domaine de la propriété intellectuelle et des investissements va également dans ce sens.

La position défendue dans le cadre de l'AMI par la France ne peut qu'être confortée par cette évolution de la position des Etats européens. En effet, l'adoption d'une démarche commune européenne apparaît comme la seule solution permettant de faire prévaloir à terme la notion d'exception culturelle.

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