III. LES ENJEUX DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN À L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE
A. LA POURSUITE DE L'ADAPTATION DU DISPOSITIF DE SOUTIEN AU CINÉMA
1. La modification de l'assiette de la taxe sur les services de communication audiovisuelle destinée au compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles
L'article 28 de la loi de finances rectificative pour 1997
n° 97-1239 a procédé à la modification,
longtemps attendue, de l'assiette de la taxe sur les services de communication
audiovisuelle destinée à alimenter le compte de soutien aux
industries cinématographiques et audiovisuelles.
L'objectif de cette réforme, entrée en vigueur le
1er janvier 1998, était double
.
Il s'agissait, en premier lieu, d'adapter le dispositif du compte de soutien au
développement des chaînes thématiques en intégrant
l'ensemble de ces dernières, qu'elles soient françaises ou
étrangères, au mécanisme de soutien à la production
nationale. En effet, depuis son instauration en 1984, la taxe sur les services
de communication audiovisuelle a permis de soutenir l'industrie
française de production en imposant aux chaînes une épargne
forcée qui les incite à investir dans la production
française. Il était donc important d'intégrer l'ensemble
des chaînes thématiques françaises et
étrangères à cette logique de façon à ce que
le développement des bouquets numériques profite pleinement
à la production nationale.
En second lieu, cette réforme devait éliminer les discriminations
existant jusqu'alors entre les chaînes thématiques selon leur mode
de diffusion et leur lieu d'émission. En effet, jusqu'alors, les
chaînes diffusées simultanément par câble et par
satellite n'étaient assujetties que pour les recettes tirées du
premier mode d'exploitation et les chaînes diffusées exclusivement
par satellite échappaient totalement à la taxe.
Afin d'assurer une égalité de traitement fiscal entre les deux
modes de distribution, le nouveau dispositif prévoit que les recettes
tirées de l'exploitation par satellite entrent dans le champ
d'application de la taxe. De même, les recettes des chaînes
thématiques étrangères diffusées par câble ou
par satellite, tirées de leur réception en France, sont
assujetties dès lors que ces chaînes programment des oeuvres
éligibles au compte de soutien, ce qui vise les chaînes
étrangères francophones.
Afin de tenir compte des caractères propres de l'activité des
chaînes thématiques et de leur équilibre d'exploitation
encore fragile ne sont assujetties à la taxe que les chaînes dont
le chiffre d'affaires est supérieur à 24 millions de francs.
Par ailleurs, la taxe ne s'applique qu'aux ressources d'abonnement des
chaînes, les recettes publicitaires étant exclues de l'assiette de
la taxe. Cette exclusion se justifiait pour deux raisons : d'une part, les
recettes de publicité de ces chaînes sont encore relativement
modestes, se limitant à environ 5 % de leur chiffre
d'affaires ; d'autre part, le calcul du montant des recettes à
prendre en compte aurait pu se révéler difficile dans le cas de
chaînes à diffusion multinationale.
Parallèlement à l'élargissement de l'assujettissement
à la taxe sur les services de télévision,
les
modalités d'accès aux mécanismes de soutien des programmes
commandés par les chaînes thématiques devaient être
aménagées afin de mieux prendre en compte leurs
spécificités
.
Rappelons, enfin, que le nouveau dispositif, répondant à un
souhait de la Cour des comptes, a clarifié la définition de
l'assiette de la taxe pour les télévisions hertziennes en
précisant qu'y étaient inclus les frais de
régie.
2. La poursuite du processus de modernisation des aides attribuées par le compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles
Les
évolutions qui affectent depuis une dizaine d'années le
cinéma français ont entraîné de profondes mutations
dans l'économie de ce secteur. Dans ce contexte, les dispositifs d'aides
versées par le compte de soutien à l'industrie
cinématographique et audiovisuelle, conçus pour certains dans les
années 60, se sont révélés inadaptés.
La prise en compte de ces évolutions exigeait donc une refonte des
mécanismes de soutien à la production, à la distribution
et à l'exploitation.
Ce processus est désormais engagé
. Les principaux
dispositifs de soutien à la production cinématographique ont
été refondus. Après la modification des mécanismes
de l'avance sur recettes réalisée en 1997, la réforme du
soutien automatique à l'exploitation et celle concernant
l'agrément ont été menées à bien en 1998. Au
cours de l'année 1999, les aides sélectives à
l'exploitation et à la distribution devraient être à leur
tour adaptées.
•
Le soutien à la production
La concentration progressive des principales entreprises de production,
l'évolution des modes de financement des productions
cinématographiques, comme le rôle croissant joué par les
chaînes de télévision ont profondément
transformé les conditions de production des films et impliquaient un
ajustement des mécanismes de soutien à la production.
La réforme de soutien sélectif
à la production a
été opérée par le décret n° 97-449
du 29 avril 1997. On rappellera qu'elle repose sur trois mesures :
- une modification du fonctionnement de la commission d'avance sur recettes,
dont les membres sont désormais nommés par décision du
directeur général du CNC ;
- une adaptation du système de remboursement des avances ;
- et la mise en place d'un système plus élaboré d'aide
à la réécriture sous forme de subventions accordées
aux auteurs ou aux producteurs après avis de la commission d'aide
sélective au sein de laquelle un quatrième collège a
été créé à cet effet.
Chaque année 40 à 50 films bénéficient de
l'avance sur recettes et que les deux tiers de ces films sont des premiers ou
des deuxièmes films.
S'il est encore trop tôt pour tirer un bilan de la réforme de
cette forme de soutien, on relèvera que la modification des conditions
de remboursement s'est traduite par une augmentation du montant des
remboursements.
En ce qui concerne le
soutien automatique
, une réflexion a
été engagée sur les conclusions du rapport
Bonnell-Mennegoz dès l'automne 1996 afin de réformer la
procédure de l'agrément.
L'agrément constitue la clé de voûte de l'ensemble du
système français d'aide au cinéma. Délivré
par le directeur du CNC, après avis d'une commission, il permet à
un film d'avoir accès aux aides automatiques et, partant à
l'ensemble des financements encadrés tels que les SOFICA, l'avance sur
recettes ou les obligations de production des chaînes de
télévision.
La réforme s'appuie sur les principes dégagés par le
rapport Bonnell-Mennegoz : simplifier et clarifier les procédures
administratives d'octroi du soutien financier, accroître le rôle du
producteur délégué, encourager le recours aux tournages en
France et aux industries techniques françaises et assouplir le
régime des coproductions.
Dans cette perspective, les textes réglementaires épars seront
mis à jour et les procédures simplifiées. Le rôle du
producteur délégué est revalorisé notamment en ce
qui concerne la répartition des droits au soutien financier. Un nouveau
barème déterminera l'importance de l'aide publique, en fonction
notamment des dépenses effectuées en France. Par ailleurs, afin
de favoriser les coproductions internationales, la part minimale de
coproduction donnant accès au soutien sera abaissée à
10 % du devis -au lieu de 20 % actuellement.
D'après les informations communiquées à votre rapporteur,
cette réforme, qui a obtenu l'accord de la Commission européenne,
devrait aboutir d'ici le début de l'année 1999.
•
Le soutien à l'exploitation
La réforme des mécanismes de
soutien automatique
qui
résulte du décret n° 98-750 du 24 août 1998 a pour
principal objectif de corriger les effets d'un dispositif qui avait
été conçu au début des années 60 avec le
souci d'aider à la transformation des salles uniques en complexes de
plusieurs salles.
Ce système qui a rempli son office en permettant la modernisation du
parc français des salles de cinéma avait désormais
tendance à défavoriser les établissements de petite taille
et à encourager le mouvement de concentration de la distribution. En
effet, le pourcentage des recettes de la taxe sur les places de cinéma
susceptible d'être mobilisé par les exploitants au titre du
soutien automatique (dit " taux de retour ") était
calculé écran par écran, ce pourcentage étant
d'autant plus élevé que le nombre d'entrées était
modeste. Ainsi, une salle enregistrant en moyenne 2 400 entrées par
semaine pouvait bénéficier d'une aide moins importante qu'un
complexe de deux salles qui réalisaient chacune 1 200
entrées.
Ce mode de calcul favorisait donc les établissements ayant un nombre
important d'écrans et avait abouti à ce que le " taux de
retour " des multiplexes soit en moyenne de 40 %.
Par ailleurs, la possibilité de mobiliser l'aide pour des
investissements dans l'ensemble des salles dépendant du même
circuit d'exploitation encourageait le mouvement de concentration.
La réforme, entrée en vigueur le 2 septembre 1998, a pour
objectif d'accroître l'effet redistributif du soutien automatique
à l'exploitation, tout en préservant les droits des exploitants
de taille intermédiaire.
Une des modifications les plus importantes consiste dans la substitution du
calcul par établissement au calcul par écran. Le principe du
barème progressif est maintenu : les droits à soutien sont,
en effet, fixés en fonction de la taille des établissements. Ils
représenteront jusqu'à 90 % de la TSA acquittée pour
les établissements de taille modeste, un taux de retour minimum de
28 % sur l'ensemble de la taxe acquittée étant garanti. Les
droits sont néanmoins modulés pour tenir compte des frais
supplémentaires qu'implique la gestion des établissements
comportant de 3 à 9 écrans.
Cette refonte du mode de calcul des droits à soutien ne s'accompagne pas
d'une modification des règles définissant les travaux
éligibles au titre du soutien automatique, celui-ci ne pouvant
excéder 90 % du coût total des travaux de rénovation
ou de création de salles.
Le succès de cette réforme devra être mesuré
à l'aune de ses effets sur l'investissement des exploitants
indépendants dont elle est censé favoriser les efforts de
création et de rénovation.
Les
aides sélectives à l'exploitation
instituées
pour compenser les rigidités du soutien automatique, telles le
mécanisme d'aide en faveur des salles dites d'" art et essai "
ou l'aide aux salles dans les zones insuffisamment équipées,
exigeaient également une clarification de leurs modalités
d'attribution dans le nouveau contexte du secteur de la distribution. En effet,
leur économie complexe révèle l'enchevêtrement
d'initiatives qui se sont juxtaposées pour répondre aux besoins
du moment. Dans le souci de les refondre dans une politique d'ensemble, la
ministre de la culture a confié à Mme Francine
Mariani-Ducray, inspecteur général de l'administration au
ministère de la culture et à M. Didier Motchane, conseiller
maître à la Cour des comptes une mission dont les conclusions
devraient être connues d'ici la fin de l'année.
•
Le soutien à la distribution
Le secteur de la distribution étant soumis à un fort mouvement de
concentration, l'objectif visé par le soutien public est de
préserver l'existence de distributeurs indépendants, afin de
garantir une offre cinématographique diversifiée mais
également d'améliorer la distribution des films français.
Une concertation est engagée avec les professionnels pour définir
les modalités d'une réforme du
soutien automatique
à la distribution. Cette réforme aurait pour objet de mieux
prendre en compte les risques pris par les professionnels et d'assurer une
meilleure distribution des films français.
En ce qui concerne les
aides sélectives
qui, à l'image des
aides au secteur de l'exploitation, ont donné lieu au fil du temps
à de multiples aménagements, elles devraient également
faire l'objet d'une réforme d'ensemble. La mission confiée
à Mme Francine Mariani-Ducray et à M. Didier Motchane, qui
concerne également ces aides, contribuera à en définir les
modalités.
Il faut souligner que la mesure prise à titre provisoire en 1998 afin
d'encourager la sortie des films français pendant la période
estivale sera reconduite en 1999.
B. ENCOURAGER LES INITIATIVES LOCALES EN FAVEUR DU CINÉMA
Bien qu'elles aient investi ce domaine de l'action culturelle plus tardivement que d'autres, les collectivités locales constituent des partenaires actifs de la politique du cinéma.
1. La politique de partenariat conduite par le CNC
L'action
conduite en ce domaine par le CNC vise à développer la
coopération entre les collectivités locales et l'Etat afin de
faire du secteur cinématographique un véritable pôle de
développement économique.
•
La politique contractuelle du CNC
Depuis 1989, 133 accords ont été signés avec 126
collectivités territoriales mobilisant un budget global de
38,5 millions de francs pour les interventions du CNC, qui peut prendre en
charge jusqu'à 50 % du financement des opérations
envisagées. Cette coopération qui s'est établie en premier
lieu avec les communes et les départements concerne désormais
également les régions qui sont aujourd'hui douze à avoir
signé une convention avec le CNC. Afin de se rapprocher des initiatives
locales, le CNC a, à partir de 1995, largement déconcentré
cette politique.
Ces conventions ont permis de développer des opérations de
promotion du cinéma et de soutien à l'exploitation
cinématographique mais également des actions d'initiation du
jeune public, objectif qui constitue une préoccupation constante des
collectivités territoriales. Ainsi, les programmes " Ecole et
cinéma ", " collège au cinéma " ou
" lycéens au cinéma " ont été mis en
oeuvre dans le cadre de ces conventions.
Depuis 1996, le CNC a élargi les domaines de cette politique
conventionnelle : actions de soutien à la production, programmes de
formation professionnelle, accueil de tournages en région ou encore mise
en valeur du patrimoine cinématographique.
•
L'action de l'Agence pour le développement
régional du cinéma
L'Agence pour le développement régional du cinéma
, par
sa mission de soutien à la diffusion et à l'exploitation,
concourt également à l'animation des politiques locales en faveur
du cinéma. Cette association a reçu en 1998 à ce titre une
subvention du CNC de 6,73 millions de francs.
La répartition des compétences entre cette association et le CNC
est en voie de clarification. L'ADRC était auparavant chargée
d'une double mission qui consistait, d'une part, à procéder
à l'instruction des demandes de subventions pour la création et
la rénovation des salles de cinéma et, d'autre part, à
soutenir, par la mise en circulation de copies de films et l'organisation
d'opérations d'animation, l'activité de diffusion des salles de
cinéma des zones rurales et des villes petites et moyennes.
Dorénavant, l'instruction des dossiers de demande de subventions
d'équipement destinées à la création ou à la
rénovation de salles de cinéma relève directement du CNC.
En revanche, l'ADRC centrera ses activités sur le soutien à la
diffusion des films qui s'appuiera sur l'action de deux aides à
l'édition de copies de films, l'une destinée aux salles des zones
rurales et des petites villes qui réalisent moins de 35 000
entrées par an, et l'autre bénéficiant aux
établissements des villes moyennes enregistrant entre 35 000 et
215 000 entrées par an. L'objectif poursuivi par ces aides est de
permettre aux petites salles de disposer plus rapidement des copies de films
récents afin qu'elles puissent attirer un public plus nombreux et
contribuer à une diffusion plus large des oeuvres
cinématographiques. Par ailleurs, l'ADRC devrait voir sa mission de
soutien à la diffusion élargie aux oeuvres du patrimoine
cinématographique.
2. Vers une décentralisation cinématographique ?
La mise
en oeuvre d'une politique décentralisée du cinéma se
heurte à deux types d'obstacles. Les premiers sont liés à
la concentration des industries du cinéma dans la région
parisienne et les seconds découlent des règles juridiques
régissant les interventions économiques des collectivités
locales.
•
Le soutien à la production
En ce qui concerne les interventions des collectivités locales en
matière de production cinématographique, leur régime
juridique dépend du caractère économique ou culturel de
l'intervention. En effet, si les lois de 1982 et de 1983 ont
opéré une décentralisation culturelle, elles n'ont
conféré aux collectivités locales qu'une compétence
limitée en matière économique, l'Etat restant
" responsable de la conduite de la politique économique et
sociale ". La difficulté tient donc dans la qualification des
actions conduites par les collectivités locales.
Jusqu'à présent, les aides financières à la
production cinématographique ont été
considérées comme des interventions économiques et ne
figurent pas au nombre des aides directes que les collectivités sont
autorisées à accorder.
Le cadre juridique existant permet donc difficilement aux collectivités
locales de trouver une forme comptable légale pour les aides qu'elles
seraient amenées à verser aux sociétés de
production, sauf à conclure une convention avec l'Etat.
Ainsi, c'est dans le cadre d'une convention avec l'Etat que la région
Rhône-Alpes a été autorisée par un décret en
Conseil d'Etat à verser une aide directe à la production au
Centre européen cinématographique dont l'activité est
orientée vers la coproduction, l'aide à l'écriture et la
participation à la distribution et à la promotion de films
coproduits en région Rhône-Alpes.
Ces contraintes seraient susceptibles d'être levées dans le cadre
des dispositions du projet de loi relatif aux interventions économiques
des collectivités territoriales qui doit être déposé
sur le bureau des assemblées en 1999.
•
Le soutien à la distribution
L'intervention des collectivités locales en faveur de la distribution de
films se développe également.
Si l'aide directe des collectivités territoriales à des
sociétés de distribution n'est pas explicitement prévue
par la loi, certaines collectivités mettent en oeuvre dans le cadre de
leur politique culturelle en faveur du cinéma des aides indirectes
à la distribution en favorisant la diffusion des films, par la prise en
charge du tirage de copies supplémentaires ou par des aides
apportées à la promotion, à la diffusion et à
l'animation des projections de films.
•
Le soutien à l'exploitation
Les collectivités locales ont, par ailleurs, pris une part croissante
dans le
soutien à l'exploitation
.
Bon nombre de collectivités locales exploitent des salles de
cinéma soit en régie directe, soit à travers une gestion
associative : ces salles municipales représentent, en effet, plus
de 20 % des salles actives.
Par ailleurs, les articles 7 et 8 de la loi n° 92-651 du 13 juillet
1992 relative à l'action des collectivités locales en faveur de
la lecture publique et des salles de spectacle cinématographique
permettent aux collectivités locales d'attribuer des subventions de
fonctionnement ou d'investissement à des entreprises d'exploitation
cinématographique constituées sous forme d'entreprise en nom
personnel ou de société. Ce dispositif, qui complète les
aides versées par l'Etat, concerne les établissements qui
réalisent moins de 2 200 entrées par semaine et permet
aux collectivités locales de soutenir le fonctionnement, voire la
rénovation d'une salle. A l'appui de sa demande, l'exploitant doit
fournir un projet précisant les actions qu'il envisage en matière
de programmation en direction de publics déterminés, d'initiation
à la culture cinématographique et de sensibilisation de nouveaux
publics.
Cette disposition, adoptée dans un contexte historique où la
baisse de la fréquentation cinématographique affectait
particulièrement les petites salles, devait permettre d'éviter la
fermeture de salles qui n'auraient pu continuer à fonctionner sans le
soutien des collectivités locales. Aujourd'hui le contexte a
évolué. Ne sont plus désormais menacées les seules
salles enregistrant moins de 2 200 entrées par semaine. Il
serait donc souhaitable d'étendre le champ d'intervention des
collectivités locales au delà du seuil fixé par la loi de
1992.
On soulignera qu'en outre ces interventions directes, certaines
collectivités locales apportent à leur salle de cinéma des
aides indirectes, qu'il s'agisse de politique d'incitation tarifaire en faveur
de publics spécifiques ou d'organisation de manifestations de
promotion.
C. DÉFENDRE LE DISPOSITIF FRANÇAIS DE SOUTIEN AU CINÉMA DANS LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES
1. Les négociations sur l'accord multilatéral sur les investissements et le principe de l'exception culturelle : une issue encore en suspens
L'insertion d'une clause d'exception culturelle dans les
accords du
GATT avait, grâce à la mobilisation du gouvernement, permis de
maintenir la spécificité de la politique culturelle
française. Or, cette dernière s'est trouvée à
nouveau menacée par la négociation au sein de l'OCDE sur l'Accord
multilatéral sur les investissements.
Cet accord avait pour objectif de favoriser les mouvements de capitaux et les
investissements directs en assurant dans ce domaine le respect des principes de
la clause de la nation la plus favorisée, du traitement national et de
la non-discrimination par une procédure de règlement des
différends contraignante. Les Etats parties au traité
s'engageraient à supprimer toutes les mesures de restriction à
l'investissement. Ils conserveraient toutefois à certaines conditions la
possibilité de déroger à l'accord.
Un tel accord représente un enjeu majeur pour la politique culturelle
française qui, sur plusieurs points, est en contradiction avec les
objectifs de la négociation. D'une part, il existe des restrictions
directes à l'investissement dans les domaines de la presse, de la radio
et de la télévision. D'autre part, des mécanismes tel que
le compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles
qui, financé pour partie par un prélèvement sur l'ensemble
des tickets de cinéma ne bénéficie qu'aux films
français constitue une restriction indirecte incompatible avec la clause
du traitement national.
La France a demandé, comme elle l'avait fait lors des
négociations du GATT, l'insertion d'une clause d'exception culturelle
dans l'accord.
La table ronde organisée par votre commission dans sa réunion du
1er avril dernier avec des représentants des professionnels
concernés a été l'occasion de réaffirmer la
légitimité de la position adoptée en ce domaine par les
gouvernements français successifs. En effet, les débats ont fait
apparaître que du sort réservé à cette question dans
ce cadre dépendrait le maintien de la faculté pour les Etats de
mener des politiques culturelles et de soustraire la création artistique
aux lois du marché.
Cet accord devait être finalisé lors de la réunion
ministérielle de l'OCDE du mois d'avril 1998. Compte tenu du retard pris
et des problèmes non résolus, les 29 pays de l'OCDE ont
décidé de suspendre les négociations afin de
procéder à de nouvelles consultations entre les parties à
l'accord et à une évaluation des résultats des discussions
déjà engagées. Ce report des négociations constitue
un succès pour la France qui s'était opposée à la
conclusion de l'accord en l'état. Une mission de réflexion et
d'évaluation a été mise en place afin de procéder
à une analyse approfondie des conséquences de l'AMI dans les
différents secteurs qu'il concernerait, ses conclusions devant
être publiées à la fin de l'année.
Les premiers résultats en ont été communiqués au
Premier ministre au début du mois d'octobre. Au regard de ses
conclusions, le gouvernement français a annoncé à ses
partenaires sa décision de ne pas reprendre les négociations dans
le cadre de l'OCDE. Néanmoins, le principe d'une négociation sur
l'investissement n'a pas été abandonné : le
gouvernement a exprimé sa volonté de l'inscrire dans le cadre de
l'Organisation mondiale du commerce dont le caractère universel garantit
la présence des pays en voie de développement et dont l'approche
progressive de la libéralisation des échanges assure un examen
plus équilibré des questions soulevées.
Votre rapporteur se félicite de la fermeté avec laquelle le
gouvernement français a défendu le principe de l'exception
culturelle, notion dont la pertinence est désormais unanimement
reconnue. Il souligne que quelles que soient les modalités permettant
d'en reconnaître l'existence, elles devront rendre possible une
évolution des acquis nationaux et communautaires sans
contrepartie.
2. Un débat à venir : le prochain cycle de négociation de l'Organisation mondiale du Commerce sur les services
Dans le
cadre de l'Uruguay Round, la Communauté européenne et les Etats
membres n'ont pas pris d'engagement concernant l'accès au marché
et le traitement national dans le domaine des services audiovisuels. Par
ailleurs, des exceptions à la clause de la nation la plus
favorisée prévue par l'accord sur les services (GATS) ont
été stipulées dans le souci de préserver les
oeuvres d'origine européenne, de conserver des accords bilatéraux
sur la coproduction d'oeuvres audiovisuelles et de faire
bénéficier les oeuvres européennes de financements
spécifiques.
La Communauté et les Etats membres ne sont donc pas liés par des
obligations spécifiques d'accès au marché ou par une
clause de traitement national dans le domaine des services audiovisuels.
La prochaine conférence ministérielle qui doit fixer les
thèmes et les modalités de négociation du prochain cycle
multilatéral se réunira dans le courant de l'année 1999.
Il importe que la France et les pays européens réaffirment la
nécessité de ne pas revenir sur les acquis obtenus dans le cadre
de l'Uruguay Round.
Votre rapporteur veut voir dans les résultats des assises de
l'audiovisuel de Birmingham, tenues en avril dernier, le signe d'une prise de
conscience des Etats européens en faveur de l'élaboration d'une
réglementation des nouveaux services audiovisuels et de programmes
européens d'aide à la production et à la circulation des
oeuvres. Cette position constitue sans nul doute une réaction face aux
prises de position minimalistes qui laissaient craindre une remise en cause
systématique des réglementations européennes de
l'audiovisuel. L'échec du projet de création d'un " nouveau
marché transatlantique " proposé par la Commission
européenne qui visait notamment à l'établissement d'une
zone de libre échange pour les services et à une
libéralisation dans le domaine de la propriété
intellectuelle et des investissements va également dans ce sens.
La position défendue dans le cadre de l'AMI par la France ne peut
qu'être confortée par cette évolution de la position des
Etats européens. En effet, l'adoption d'une démarche commune
européenne apparaît comme la seule solution permettant de faire
prévaloir à terme la notion d'exception culturelle.