2. Assurer la protection des collections nationales
a) Veiller à assurer dans de bonnes conditions le fonctionnement des musées.
L'année 1998 a été à nouveau
l'occasion
de démontrer que les collections publiques n'étaient pas à
l'abri des vols et des dégradations. Ainsi, après la disparition
d'une stèle grecque en janvier, le 3 mai dernier, a été
volé au musée du Louvre un tableau de Jean-Baptiste Camille
Corot : le chemin de Sèvres.
La protection des collections muséographiques exige de disposer, d'une
part, de personnels de surveillance en nombre suffisant, et d'autre part, de
dispositifs de protection efficaces. Ces deux exigences ne semblent pas
aujourd'hui satisfaites.
•
Les musées nationaux confrontés au déficit
endémique de personnels de surveillance
L'augmentation de la fréquentation des musées comme l'ouverture
de nouveaux espaces muséographiques exigent que les effectifs de la
surveillance des collections nationales soient renforcés.
Si les équipements de sécurité (système de
détection électronique, système de comptage de visiteurs,
contrôle d'accès...) font des progrès constants, il
convient néanmoins de garantir une densité minimale d'agents de
surveillance et veiller à ce que leurs qualifications correspondent
à la technicité des équipements installés et que
les agents vacataires ne représentent qu'une faible proportion de
l'effectif présent dans les salles.
Le Louvre est de loin le musée qui a connu au cours de la
dernière décennie les plus profondes évolutions qu'il
s'agisse des surfaces d'exposition ou des modalités de
présentation des collections.
Entre 1990 et 1998, les surfaces muséographiques ouvrables du Louvre ont
été multiplié environ par deux, passant de 38 070
m
2
à 70 000 m2. Durant la même période,
l'effectif total des personnels de surveillance n'a augmenté que de
50 %, passant de 602 à 952. Par ailleurs, il faut relever que la
proportion des vacataires n'a pas été modifiée ; elle
s'élevait en 1998 à 31,3 % contre 38,87 % en 1990.
En conséquence, le souci de garantir un niveau de sécurité
minimum, tant des oeuvres que du public conduit le musée à fermer
des salles lorsque les effectifs d'agents de surveillance sont insuffisants. En
1997, dernière année connue, 6,68 % des salles avaient
été fermées au public. A la suite des vols intervenus au
début de cette année, le programme des expositions temporaires
des mois à venir a été considérablement
allégé. Une seule des quatre expositions temporaires
programmées de juillet 1998 à février 1999 a
été maintenue, afin de réaliser des travaux de
renforcement des protections mécaniques. Par ailleurs, une vingtaine de
salles ont été fermées provisoirement au public afin
d'améliorer les dispositifs techniques de sécurité. Enfin,
une mission d'expertise relative à la sécurité des
oeuvres, dont les résultats devraient être connus d'ici la fin de
l'année, a été confiée à une
société extérieure
Si l'on peut se féliciter des mesures de stabilisation des effectifs de
vacataires décidées pour 1999 (création de 25 emplois
gagés sur les crédits de vacations de l'établissement), on
regrettera qu'un effort de création de postes n'ait pas
été consenti. En effet, le manque de personnels de surveillance
remet en cause la finalité même des opérations de
rénovation qui était de mieux présenter les collections au
public.
Le musée du Louvre n'est pas le seul à connaître des
difficultés de ce genre. Au musée d'Orsay, depuis 1990, les
effectifs de personnels d'accueil et de surveillance ont enregistré une
baisse non négligeable. A la fin de l'année 1997, un
cinquième des postes des effectifs en salle était vacant et
" compensé " par des recrutements ponctuels de vacataires,
solution qui n'est guère satisfaisante.
De même, l'établissement public de Versailles reste en
sous-effectif pour le personnel de surveillance qui, malgré une
augmentation significative, reste en-dessous de l'effectif nécessaire
pour permettre la réouverture complète du musée de
l'histoire de France.
•
Un effort d'équipement
Outre des effectifs suffisants, la protection des collections nationales exige
un effort d'équipement afin de doter les locaux de dispositifs de
surveillance performants mais également de réaliser les travaux
de sécurité nécessaires (dispositifs de lutte contre
l'incendie, installations électriques, ...).
Pour certains musées, cet impératif relève de
l'urgence. C'est le cas en particulier pour l'établissement public de
Versailles
. En effet, la vétusté des locaux, l'étendue
et la complexité des lieux conduisent à un constat alarmant:
insuffisance de la protection contre l'incendie et des installations techniques
relatives à la sûreté du château, des Trianon et de
l'ensemble du domaine ; personnels en nombre insuffisant ; conditions
précaires de conservation des collections. Si un certain nombre
d'actions visant notamment à développer la prévention et
à former les agents ont été menées à bien,
beaucoup reste encore à faire. Le budget d'investissement de
l'établissement public n'avait permis jusqu'ici que d'assurer les
investissements minimaux de sauvegarde du patrimoine qui ne comprenaient pas
les travaux de mise à niveau de la sécurité et de la
sûreté.
Compte tenu de la présentation du " bleu " et du fait que les
musées sont, pour les plus importants d'entre eux, érigés
en établissements publics dotés de ressources propres, il est
très difficile d'avoir une connaissance exacte du montant des
crédits affectés chaque année aux travaux de
sécurité et de sûreté dans les musées
nationaux. On estime qu'au cours des dix dernières années, 50% du
budget d'investissement de la DMF a été consacré à
des dépenses de sécurité et de sûreté.
Pour 1999, 50 millions de francs devraient être consacrés aux
travaux de sécurité et de sûreté pour les
musées nationaux : la moitié de ces crédits seront
prélevés sur le chapitre 56-91 (travaux dans les musées
nationaux) géré par la DMF et permettront de renforcer la
sécurité des musées-châteaux les plus touchés
par les vols (Ecouen, Compiègne, Fontainebleau) ; la seconde
moitié, qui représente environ 25 millions de francs, sera
consacrée par l'établissement public de Versailles à une
importante opération de travaux rendue possible notamment grâce
à un accroissement de 16 millions de francs de la subvention
d'investissement que lui accorde l'Etat.
Par ailleurs, il faut souligner qu'une part, difficilement chiffrable, des
autres dépenses d'investissements de la DMF contribuera également
à renforcer la sécurité et la sûreté des
musées nationaux, qu'il s'agisse par exemple de la restructuration du
musée d'Orsay ou du musée Guimet, ou encore des travaux
d'équipement du Louvre.
Votre rapporteur salue cet effort qui, compte tenu des besoins des
musées nationaux, devra être poursuivi dans des années
à venir. Il constitue une condition nécessaire à la mise
en valeur de nos collections nationales.
b) Vers une meilleure maîtrise de la gestion des collections
•
Un motif de satisfaction : la confirmation du redressement de la situation
financière de la Réunion des musées nationaux
La baisse de la fréquentation des musées nationaux,
conjuguée aux difficultés qu'éprouvait la Réunion
des musées nationaux à concilier une logique commerciale et sa
mission de service public, s'est traduite pour cet établissement par des
résultats déficitaires en 1995 et 1996 qui ont justifié
l'application à partir de 1997 d'un plan de redressement.
Ce plan de redressement, arrêté en novembre 1996, était
fondé sur deux objectifs :
- en premier lieu, reconstituer sur la période 1997-1999 les
réserves de l'établissement et son fonds de roulement à
leur niveau de 1993, ce qui supposait que la RMN dégage sur cette
période, toutes activités confondues, un bénéfice
après acquisitions d'environ 80 millions de francs ;
- et, en second lieu, parvenir à équilibrer, grâce à
des mesures de rationalisation, l'activité commerciale de
l'établissement.
Les résultats d'exploitation de l'année 1997, première
année d'application du plan, ont été
présentés au conseil d'administration le 25 juin dernier et font
apparaître un excédant de 62,2 millions de francs. Pour ce
qui concerne les seules activités commerciales, le déficit est de
17,7 millions de francs, soit une nette amélioration par rapport
aux deux exercices précédents. En effet, on rappellera que ce
déficit s'élevait en 1996 à 144,8 millions de francs.
Ce résultat d'exploitation, qui s'avère bien supérieur aux
estimations, est lié à une augmentation de la
fréquentation des musées nationaux et des expositions temporaires
et à une rationalisation des activités éditoriales et
commerciales ainsi qu'à une meilleure maîtrise des coûts.
Votre rapporteur se félicite du succès de ces mesures qui
constituaient un préalable à l'accroissement de la participation
de la RMN à l'acquisition d'oeuvres d'art. En 1998, la dotation de la
RMN s'est élevée à 50 millions de francs contre
26,51 millions de francs en 1997, ce qui représente 35 % des
crédits d'acquisition des musées nationaux.
•
Des lacunes dans la gestion des collections
Bien que l'essentiel du patrimoine artistique de l'Etat soit confié aux
musées nationaux, le mobilier national et le fonds national d'art
contemporain (FNAC), placés sous tutelle de la délégation
aux arts plastiques du ministère de la culture, ont également
pour mission d'acquérir, de conserver et de mettre en dépôt
des objets et des oeuvres d'art appartenant à l'Etat. Or, leur gestion
révèle de graves lacunes.
En dépit des interventions répétées de la Cour des
comptes qui ont abouti à trois reprises à des insertions au
rapport public,
les conditions dans lesquelles le Mobilier national exerce
ses missions
5(
*
)
n'ont pas
été significativement améliorées
.
Héritier du garde-meuble de la Couronne fondé par Colbert en
1663, le Mobilier national, désormais service dépendant du Centre
national des arts plastiques, continue à assurer ses missions dans la
plus grande précarité. L'état des réserves et des
inventaires est alarmant : locaux dispersés ; personnels
sous-encadrés ; non-respect des impératifs de
sécurité et de conservation.
Bien qu'une circulaire du Premier ministre en date du 24 juin 1996 ait
précisé et complété les règles applicables
en matière de dépôt de meubles et d'oeuvres d'art des
collections nationales dans les administrations, leur contrôle et leur
gestion n'ont guère pu encore être significativement
améliorés faute de moyens. En effet, la tâche est immense :
les bénéficiaires des dépôts sont désormais
plus de 500, ce qui correspond à plus de 1 000 lieux de
dépôt, et, dans bon nombre de cas, n'acceptent qu'avec
réticence les contrôles auxquels les soumet la
réglementation. Dans ces conditions, on ne peut guère
s'étonner qu'en 1997, à une question de la Cour des comptes,
l'administrateur général du Mobilier national répondait
que "
la réapparition en vente publique d'objets appartenant au
Mobilier national n'est pas exceptionnelle
"!
La gestion des collections du Fonds national d'art contemporain n'est
guère plus satisfaisante
.
Ce fonds, service du CNAP, assure, pour le compte de l'Etat, l'acquisition, la
conservation et la mise en dépôt d'oeuvres d'art dans les domaines
de la peinture, de la sculpture, des arts graphiques, de la photographie et des
arts décoratifs. Rappelons qu'il disposait en 1998 d'une dotation de 21
millions de francs pour l'achat d'oeuvres d'art, qui sera reconduite en 1999.
La gestion des collections du FNAC présente les mêmes lacunes que
celles du Mobilier national : absence de récolement systématique
des 44 000 oeuvres déposées auprès de plus de
2 500 dépositaires ; difficultés pour obtenir le
paiement des frais de restauration des oeuvres endommagées.
Là encore, le diagnostic est le même : le FNAC ne
bénéficie pas plus que le Mobilier national des moyens
adaptés à sa mission. Par ailleurs, il ne dispose pas des bases
réglementaires nécessaires pour fonder son action. En effet, en
dépit des observations réitérées de la Cour des
comptes, le décret d'application relatif au FNAC, prévu par le
décret du 15 octobre 1982 n'est toujours pas paru.
Votre rapporteur souligne donc la nécessité pour le
ministère de la culture d'une part, de dégager les moyens
nécessaires au fonctionnement de ces services dont la gestion lacunaire
met en péril l'intégrité des collections artistiques de
l'Etat et, d'autre part, de sensibiliser l'ensemble des administrations
dépositaires à leurs responsabilités à
l'égard des oeuvres qui leur sont confiées.