2. Pérenniser l'engagement de l'Etat
a) La nécessité de maintenir une politique dynamique d'investissement
L'analyse des crédits inscrits dans le projet de loi de
finances pour 1999 figure dans la première partie du rapport. On se
contentera de rappeler ici que ces crédits augmentent de 2,2 % en
autorisations de programme (soit 1 566,4 millions de francs),
évolution qui dépasse de peu le taux de progression annuel de
2 % prévu pour les années 1994 à 1998 par la loi de
programme.
Votre rapporteur avait souligné dans son précédent rapport
l'importance de maintenir le principe d'une programmation pluriannuelle des
dépenses consacrées au patrimoine, en dépit des limites
que constituent le principe de l'annualité budgétaire et les
mesures de régulation prises en cours d'exécution.
En effet, les lois de programme constituent un gage de la continuité de
l'engagement de l'Etat en faveur du patrimoine, particulièrement aux
yeux des entreprises du secteur de la restauration des monuments historiques.
Par ailleurs, elles accentuent l'effet multiplicateur de la dépense
consacrée au patrimoine, les collectivités locales et les
propriétaires privés, qui disposant de perspectives
chiffrées sur le niveau d'engagement de l'Etat peuvent plus
aisément décider d'opérations de restauration.
Or, Mme Catherine Trautmann, lors de son audition par votre commission le 20
octobre 1998, a indiqué que
la formule d'une nouvelle loi de
programme sur le patrimoine monumental ne serait pas retenue en 1999
, celle
de 1993 étant devenue caduque. En tout état de cause, ce constat
ne peut satisfaire votre rapporteur, cela d'autant plus que la ministre a
souligné que le maintien à un niveau satisfaisait de l'enveloppe
annuelle consacré au patrimoine résultera, d'une part, d'un
effort de progression continue des crédits inscrits au budget, et
d'autre part, d'une amélioration de leur conditions d'engagement
destinée à éviter des retards dans l'exécution des
crédits ouverts en loi de finances.
On peut certes imaginer des moyens d'améliorer la politique conduite en
ce domaine par l'Etat : rationalisation des procédures de travaux,
renforcement des outils de suivi de la consommation de crédits,
meilleure programmation des opérations de restauration.
Néanmoins, les efforts concernant la gestion des crédits avaient
d'ores et déjà imposé une meilleure mobilisation des
crédits qui s'était traduite par une progression des taux
d'engagement, progression qui a néanmoins des limites. Il est donc vain
de penser qu'ils suffiront à eux seuls à maintenir un niveau
satisfaisant d'engagements. Seule une progression continue des dotations
inscrites le permettra et la loi de programme était sans doute le
meilleur moyen pour le gouvernement d'afficher ses intentions sur ce point pour
les années à venir.
Enfin, votre rapporteur relève que le vote d'une loi de programme est
pour le Parlement l'occasion de se prononcer sur les orientations de la
politique du patrimoine, débat qui désormais ne pourra avoir lieu
qu'à l'occasion du vote de la loi de finances. Il prend acte de
l'engagement pris par la ministre devant votre commission de s'attacher
à ce que l'information du Parlement sur l'emploi des crédits
destinés au patrimoine continue à faire l'objet d'un rapport
annuel spécifique retraçant les actions menées dans ce
domaine et leur traduction budgétaire.
b) Encourager l'initiative privée
•
Une nécessité imposée par l'étroitesse de la
marge de manoeuvre budgétaire de l'Etat
Face à l'accroissement du nombre de biens protégés, il est
opportun de s'interroger sur la possibilité pour l'Etat d'assumer
l'ensemble de la responsabilité de la protection et de la mise en valeur
du patrimoine.
La réponse est à l'évidence négative. Un bilan de
l'état du parc immobilier classé dressé par la direction
du patrimoine en 1995 -et qui mériterait au demeurant d'être
actualisé- a souligné le caractère insuffisant des
crédits prévus par la loi de programme de 1993 au regard des
opérations considérées comme les plus urgentes. En effet,
pour faire face aux urgences, il faudrait plus que doubler les dépenses
consacrées au patrimoine. Les crédits consacrés au
patrimoine par l'Etat -même régulièrement augmentés-
ne peuvent donc suffire à l'ampleur de la tâche.
Or, les Français se révèlent de plus en plus
attachés à leur patrimoine et de plus en plus désireux de
le protéger et de le mettre en valeur. Il apparaît donc essentiel
d'encourager leur participation à la politique du patrimoine.
En ce qui concerne les monuments protégés au titre de la loi de
1913, le financement de leur conservation est assurée par l'Etat pour
les monuments qui lui appartiennent et à peu près par
moitié par l'Etat et par les collectivités locales ou les
personnes propriétaires pour le reste.
Il importe d'encourager les
efforts des collectivités locales et des propriétaires
privés pour assurer la protection de leurs monuments
.
A ce titre, votre rapporteur s'interroge sur la cohérence des
dispositifs fiscaux prévus pour les propriétaires privés
de monuments historiques. En contrepartie de leurs obligations, les
propriétaires privés peuvent bénéficier d'avantages
fiscaux concernant les dépenses engagées sur les monuments. Comme
le prévoient les article 41 E et S de l'annexe III du code
général des impôts, les charges foncières (travaux
non subventionnés, frais de gérance, rémunération
de gardien) sont déductibles du revenu imposable en totalité pour
les monuments ouverts au public et à 50 % pour les autres. Mais la
quote-part à la charge du propriétaire des travaux de
restauration ou d'entretien exécutés ou subventionnés par
l'Etat le sont en totalité dans les deux cas. Votre rapporteur
s'interroge sur la pertinence d'une réglementation liant le
bénéfice d'un avantage fiscal à la perception d'une
subvention, alors même que tous les travaux doivent faire l'objet d'une
autorisation.
•
Soutenir l'action de la Fondation du patrimoine
Face à l'accroissement du champ patrimonial et dans un contexte de
réduction des dépenses publiques, est apparue la
possibilité de développer l'initiative privée afin de
transformer l'intérêt nouveau des Français pour leur
patrimoine en engagement actif.
A cette fin, la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 a créé
la " Fondation du patrimoine ".
La " Fondation du patrimoine " est un organisme de droit privé
dont la mission est de " promouvoir la connaissance, la conservation et la
mise en valeur du patrimoine national " afin de combler les lacunes du
dispositif étatique de protection du patrimoine. Elle s'attache en
particulier à " l'identification, à la préservation
et à la mise en valeur du patrimoine non protégé " et
devait avoir pour principale mission de concourir à la sauvegarde du
patrimoine de proximité non protégé.
Depuis la publication du décret du 18 avril 1997 qui a fixé ses
statuts, la Fondation a entamé la mise en place de son organisation
territoriale. Appuyée sur des délégués
régionaux eux-mêmes assistés de
délégués départementaux, elle repose sur un
partenariat actif avec le monde économique et une collaboration
étroite avec les associations. Au niveau local, le rôle de la
Fondation est d'élaborer des programmes d'opérations et
d'apporter aux maîtres d'ouvrage une assistance technique, notamment par
le montage des plans de financement, et d'instruire conjointement avec les
architectes des bâtiments de France les demandes d'octroi de label.
Les capacités d'intervention de la Fondation sont pour l'heure
très modestes. L'objectif final est de pouvoir en rythme de
croisière dégager 2 millions de francs par an et par
département qui permettraient de financer à hauteur de 20 %
des projets qui feraient l'objet de cofinancement entre la Fondation et divers
partenaires : propriétaires, industriels, collectivités
locales.
Par ailleurs, la Fondation se heurte à des difficultés tenant
à l'application de la disposition introduite dans le code
général des impôts, à l'initiative du Sénat
lors du vote de la loi de finances pour 1997, qui prévoit que sont
déductibles du revenu imposable les charges foncières
afférentes aux immeubles labellisés par la Fondation du
patrimoine, si ce label est délivré sur avis favorable du service
départemental de l'architecture. L'application de cette disposition
essentielle pour encourager les initiatives des propriétaires, exige un
décret qui pour l'instant n'a pas été pris. La Fondation
se trouve donc privée de cet instrument d'action déterminant.
Votre rapporteur ne peut que regretter que la non-application de la loi sur ce
point, qui risque de condamner à l'échec l'action de la Fondation.
Compte tenu des faibles moyens d'intervention dont dispose la Fondation du
patrimoine,
votre rapporteur ne peut que regretter une nouvelle fois cette
année que les crédits destinés au patrimoine non
protégé
(chapitre 66-20 article 20, édifices ruraux et
jardins non protégés)
soient maintenus
à
un niveau très faible
. Le projet de loi de finances
prévoit pour 1999 leur reconduction en francs courants en autorisations
de programme (35 millions de francs) et une réduction de
0,55 % en crédits de paiement (34,1 millions de francs).
Cette évolution ne répond pas aux efforts accomplis par les
communes pour protéger, restaurer et mettre en valeur leur patrimoine.
En outre, elle ne permet pas de venir en aide aux communes les plus petites qui
possèdent souvent des monuments remarquables mais dont le coût
d'entretien et de protection est disproportionné à la modestie de
leurs budgets.